Sur le plan économique, tout d’abord, cette fermeture coûte 5 milliards d’euros.
Sur le plan social, ensuite, 150 salariés ont déjà quitté le site et seuls 60 resteront à terme.
Sur le plan énergétique, enfin, le parc nucléaire a perdu 1, 8 gigawatt de puissance.
Face aux difficultés liées à la sécurité d’approvisionnement, la ministre Barbara Pompili et la secrétaire d’État Bérangère Abba se sont contentées d’appeler, ici même, « à diversifier notre mix énergétique ».
C’est une erreur majeure, car les énergies renouvelables, intermittentes, ne permettent pas de surmonter « la pointe de consommation » hivernale.
En clair, si nous délaissons nos centrales nucléaires nationales, nous ferons tourner à plein régime les centrales à charbon étrangères.
Loin de veiller à notre souveraineté énergétique, le Gouvernement n’offre pas de solutions pour le retour des turbines nucléaires, fabriquées par Arabelle, ou l’avenir des services nucléaires, assurés par Endel.
Nous manquons cruellement d’un État stratège dans le domaine, stratégique, de l’énergie nucléaire !
Pour ce qui concerne nos capacités d’investissement, le Gouvernement ne propose aucune réponse à ce jour.
La réforme de l’Arenh est conditionnée au projet « Hercule », la construction de nouveaux EPR à la mise en service de celui de Flamanville, les investissements mobilisables aux négociations sur la « taxonomie verte ».
Dans le domaine du nucléaire, tout est en chantier, tout est en suspens. Aucune décision n’est prise, aucune information n’est donnée. Les réformes sont tantôt imminentes, tantôt encalminées. Or il devient urgent que le Gouvernement s’exprime, qu’il affirme un cap nucléaire, clairement établi et vraiment appliqué.
À quelques semaines de l’examen par le Sénat du projet de loi Climat et résilience, cela devient une nécessité. Aucune disposition de ce texte n’évoque le nucléaire. C’est tout à fait paradoxal, mais peut-être aussi très révélateur !
Au-delà de ce constat, très inquiétant, que faire ?
J’ai la conviction que le moment est venu de réaffirmer notre confiance en la filière nucléaire : un cap, des projets, des financements.
Nous devons, tout d’abord, fixer un cap ambitieux. Dès l’examen de la loi Énergie-climat, j’avais alerté sur l’insuffisante évaluation préalable de la fermeture des quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035.
Nous en mesurons aujourd’hui les conséquences pour les territoires et les salariés concernés, a fortiori dans le contexte de crise de la covid-19.
Preuve de son manque d’anticipation, le Gouvernement a voulu supprimer la commission chargée du démantèlement des centrales nucléaires dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) : le Sénat s’y est fermement opposé.
Face à un exécutif hésitant, le Parlement doit jouer tout son rôle : je plaide pour que la prochaine « loi quinquennale » soit celle d’une politique nucléaire ambitieuse.
Nous devons, de plus, promouvoir des projets.
Cela suppose de redoubler d’efforts pour sortir des difficultés du chantier de l’EPR de Flamanville, que Jean-Martin Folz, dans son rapport, a imputées à une « perte de compétences généralisée ».
Les difficultés de la filière nucléaire sont à l’image de celles de l’industrie : notre pays s’est trop longtemps résigné à une perte d’emplois, de compétences ou de technologies, sous l’effet de la mondialisation des échanges.
Cette période est révolue, et il nous faut renouer avec le volontarisme : la réindustrialisation de la France commence par la renaissance de la filière nucléaire.
À cette fin, un effort de recherche et d’innovation suffisant doit être consenti, en direction notamment des petits réacteurs modulaires, des réacteurs à neutrons rapides et des électrolyseurs à hydrogène bas-carbone.
Par ailleurs, des choix clairs doivent être faits : le projet de construction de trois nouvelles paires d’EPR, proposé par EDF, mérite d’être étudié avec attention.
Enfin, nous devons mobiliser des financements suffisants.
Cela implique de rehausser les ressources nécessaires dans le cadre du plan de relance, de défendre l’énergie nucléaire dans les négociations sur la « taxonomie verte » et de préparer l’évolution de l’Arenh après 2025.
Au total, nous attendons du Gouvernement un changement de politique, pour redonner à l’énergie nucléaire la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre. La France a besoin d’une colonne vertébrale énergétique.
Je souhaite que l’examen de cette proposition de résolution soit l’occasion de rappeler l’attachement du Sénat à l’énergie nucléaire, car notre assemblée, celle du temps long, est très attentive à la science et à l’écologie.
Or c’est avec l’énergie nucléaire que nous pouvons atteindre nos objectifs énergétiques et climatiques, fixés par la loi Énergie-climat, reconquérir la production industrielle de notre pays et garantir l’accessibilité à tous nos concitoyens.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter la proposition de résolution qui vous est soumise aujourd’hui.