En attendant, il est regrettable que, face au manque de doses de vaccins autorisés par l’Agence européenne des médicaments, certains États fassent le choix de conclure des contrats de commande parallèlement au dispositif de l’Union : la Hongrie, la Slovaquie, la Tchéquie ou encore la Pologne.
Je ferai deux observations.
Tout d’abord, ces choix sont préjudiciables à la valeur de solidarité qui est théoriquement au cœur du projet européen. Nous avons fait un grand pas, en juillet dernier, avec le plan de relance européen, en consacrant la solidarité financière entre États membres. Il ne faudrait pas que, dans cette course aux vaccins, les choix nationaux faits à l’est de l’Europe nous ramènent en arrière en posant une nouvelle fracture.
Viktor Orban n’en est pas à son premier bras de fer avec Bruxelles. Aussi, s’il assure que ce choix de faire cavalier seul est uniquement motivé par des nécessités sanitaires, il semble s’engouffrer dans la « diplomatie du vaccin » déployée par la Chine et par la Russie pour élargir leurs sphères d’influence respectives.
Ensuite, ces attitudes risquent de poser des difficultés si l’Union met bien en place son passeport vaccinal : pourra-t-on octroyer les mêmes libertés à tous sans discrimination ? Cela semble difficile, et cette situation pourrait peser sur la circulation des Européens au sein du continent.
S’agissant de libre circulation, j’en profite pour aborder celle des travailleurs transfrontaliers. Dans sa déclaration du 26 février dernier, le Conseil européen a affirmé : « Il faut assurer la circulation sans entrave des biens et des services au sein du marché unique, y compris en recourant à des voies réservées aux points de passage frontaliers. »
L’Union affirme un principe, mais sa mise en œuvre demeure bel et bien du ressort des États membres. Depuis le classement, le 2 mars dernier, de la Moselle en zone à forte circulation des variants du virus, les transfrontaliers sont contraints de présenter un test PCR négatif toutes les quarante-huit heures afin de pénétrer sur le territoire allemand. Dans le même temps, les frontaliers allemands peuvent rejoindre le territoire français sans observer les mêmes contraintes. Je mesure bien, sur le terrain, la lassitude des 16 000 travailleurs frontaliers concernés.
Monsieur le secrétaire d’État, reconnaissons que l’Union est ici dans une posture difficile : la Commission a voulu jouer un rôle ambitieux dans la gestion de la crise, mais elle semble rattrapée par la réalité de pouvoirs très limités en la matière.
Cette situation soulève une question de fond : les États membres doivent-ils se ressaisir des compétences déléguées à l’Union à l’occasion de cette crise, ou doit-on au contraire confier à l’Union des prérogatives plus importantes en matière de santé ?
Il nous faut en tout cas aujourd’hui apprendre des erreurs passées afin de continuer à gérer cette crise le mieux possible, et continuer à penser une Europe solidaire, au service de tous ses citoyens.