La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.
La séance est reprise.
Madame la présidente, lors du scrutin n° 94 portant sur l’article 25 de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sécurité globale, Claude Malhuret a été noté comme ayant voté pour alors qu’il souhaitait s’abstenir.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires européennes, le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 mars 2021.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Madame la présidente, monsieur le président Rapin, monsieur le président Cambon, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter ce soir les sujets qui seront à l’ordre du jour du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains. Celui-ci, pour des raisons sanitaires, se tiendra en visioconférence, et c’est le Président de la République qui représentera notre pays.
Le premier sujet qui sera abordé, sans doute le plus longuement, est celui de la situation sanitaire liée à la crise de la covid, dans toutes ses dimensions. Nous étudierons en particulier comment mieux coordonner les mesures de gestion que peut prendre l’Europe et les réponses qu’elle peut apporter.
Pour être très clair, la priorité est simple : il faut accélérer la campagne de vaccination en Europe, augmenter l’approvisionnement en doses de vaccin. À cette fin, je suis convaincu qu’il est essentiel de maintenir le cadre européen d’acquisition de ces doses, cadre qui, à ce jour, est non pas un problème mais la solution. Néanmoins, il faut renforcer la pression sur les laboratoires, s’assurer de la bonne exécution des contrats et ne négliger aucun outil, aucun mécanisme, pour garantir le plus rapidement possible, de manière complète et équitable, l’approvisionnement de l’Union européenne et de ses États membres en doses de vaccin.
Vous le savez, un débat s’est fait jour voilà quelques semaines sur le contrôle des exportations de vaccin. Un tel mécanisme a été mis en place, notamment à la demande de la France, par les institutions européennes au début du mois de février. La France défend le principe de réciprocité et d’équité qu’a proposé la Commission européenne. C’est ce à quoi veille celle-ci au travers des contrôles systématiques qui sont exercés sur les livraisons effectuées depuis l’Union européenne. Je précise que le but n’est pas de les interdire, car tel ne serait pas notre intérêt dans la mesure où, ayant aussi besoin d’importer des doses, nous devons en permettre, dans certains cas, l’exportation.
C’est donc dans ce cadre européen que nous assurerons au mieux la défense de ces intérêts. Nous en discuterons donc jeudi et vendredi.
Vous le savez, afin de tirer les leçons de ce qui n’a pas été suffisamment anticipé et de ce qui s’est révélé insuffisamment efficace dans cette crise sanitaire, la Commission européenne a également proposé – là aussi, c’était une demande qu’avait formulée la France voilà plusieurs mois – de mettre en place une forme d’agence européenne s’inspirant du modèle de l’agence fédérale américaine, la Biomedical Advanced Research and Development Authority (Barda), dans le but de financer davantage, plus en amont et en prenant plus de risques, la recherche de solutions technologiques et médicales.
Si l’on veut être tout à fait honnête et transparent, il faut bien dire que c’est grâce à cela que les États-Unis d’Amérique ont pu obtenir un avantage décisif dans cette campagne de vaccination. C’est pourquoi nous devons en tirer les leçons pour l’Union européenne.
De fait, au mois de février, la Commission européenne a proposé de créer une autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire, appelée HERA (Health Emergency Response Authority). De premiers financements ont été proposés en préfiguration de cette agence.
Sur ce front sanitaire et vaccinal, ce point sera donc également à l’ordre du jour du Conseil de la fin de semaine.
Dans cette crise, il est important aussi que les Européens continuent à faire preuve de fermeté, d’unité et de solidarité. Vous avez constaté les tensions qui sont parfois apparues entre États européens face aux difficultés sanitaires et vaccinales que nous rencontrons tous. Je note d’ailleurs qu’à deux exceptions près, aucun État européen, malgré les tentations, n’est sorti de ce cadre, car il n’existe pas de solution miracle pour trouver des doses « cachées ». Chaque pays a donc fait l’expérience qu’il était dans notre intérêt de demeurer dans le cadre européen, pour une plus grande sûreté sur les plans tant scientifique qu’industriel.
Quand un pays membre est confronté, ponctuellement, à d’importantes difficultés, notre intérêt à la fois sanitaire et géopolitique doit nous conduire à faire jouer la solidarité européenne. C’est ce que nous avons fait collectivement à l’égard de deux pays européens particulièrement touchés ces dernières semaines, la République tchèque et la Slovaquie.
Et puisque cette entraide européenne fait parfois moins de bruit dans les médias que d’autres gestes géopolitiques, je tiens donc à le souligner : c’est d’abord d’un soutien européen dont ont bénéficié ces deux pays et d’autres, comme l’Autriche, plutôt que de solutions externes à l’Union européenne.
Cette approche de solidarité doit aussi se penser à l’échelle internationale. C’est la raison pour laquelle la France défend depuis plusieurs mois, par la voix du Président de la République, l’idée que le vaccin doit être considéré comme un bien public mondial et que l’accès à celui-ci doit être progressivement généralisé, indépendamment des moyens financiers, des capacités industrielles ou sanitaires de telle ou telle région du monde.
Non seulement cela correspond à nos valeurs, mais c’est aussi notre intérêt pour que la pandémie ne continue pas de frapper l’ensemble de la population mondiale et donc, in fine, l’Europe et la France.
C’est notamment l’initiative Covax qui porte cette ambition de solidarité internationale. Financée à plus de 40 % par l’Union européenne, elle a déjà permis d’ailleurs d’assurer de premiers approvisionnements à destination de pays en développement, en particulier en Afrique.
Il faut également accélérer la campagne vaccinale et préparer l’avenir. C’est pourquoi le Conseil européen se penchera sur l’après-crise sanitaire, qui devra être gérée de manière coordonnée. C’est notre devoir d’Européens d’anticiper et de coordonner ensemble, notamment – rêvons un peu – la levée progressive des mesures restrictives de circulation, mieux que nous ne l’avons fait après la première vague de la pandémie, l’été dernier.
C’est dans cet esprit que, le 17 mars dernier, la Commission européenne a proposé de créer un « certificat vert numérique », qu’on appelle parfois « pass sanitaire ». Selon nous, cette proposition va dans la bonne direction.
Cette solution de pass sanitaire n’est certes pas pour aujourd’hui. Nous avons dit à plusieurs reprises qu’elle était prématurée, ce qu’a répété le Président de la République lors du dernier sommet européen. Mais nous devons l’anticiper.
Deux critères principaux doivent être retenus.
D’une part, cette solution doit être européenne pour nous préserver de solutions nationales non coordonnées, voire incohérentes ou contradictoires, ce qui ne serait dans l’intérêt d’aucun pays. C’est ce vers quoi tend la proposition qu’a formulée le commissaire Thierry Breton voilà quelques jours.
D’autre part, cette solution ne doit pas reposer sur le seul vaccin car, même si nous nous employons à ce que la campagne de vaccination s’accélère partout en Europe, il est évident qu’à l’été, elle n’aura pas encore été généralisée à l’ensemble de la population, en particulier aux jeunes. Et donc opérer une discrimination entre générations et entre catégories d’âge serait une approche injuste. C’est aussi pour cette raison que la proposition de la Commission européenne intègre comme preuve sanitaire non seulement le vaccin, mais aussi d’autres éléments, comme un test négatif ou une infection préalable à la covid, laquelle apporte une protection au moins pour quelques mois.
Autre enjeu de ce Conseil européen, au-delà de l’après-crise sanitaire : renforcer notre économie, faire face aux conséquences de cette crise en poursuivant la construction d’une autonomie stratégique de l’Europe, redonner aux secteurs économiques les plus touchés une ambition européenne plus forte. Seront donc évoquées les questions de politique industrielle et le marché unique.
La France défend en l’espèce, depuis plusieurs années, un certain nombre de priorités, notamment le renforcement de notre politique commerciale qui, tout en restant ouverte vers le monde extérieur, doit être capable de garantir une meilleure lutte antidumping, une meilleure autonomie stratégique, l’équité dans l’accès aux marchés publics.
Nous demanderons une nouvelle fois, à l’occasion de ce Conseil européen, que soit relancé le travail législatif au niveau de l’Union européenne.
Nous défendrons aussi, dans cet esprit de reconstruction économique, l’accélération des plans de relance, du plan de relance européen en particulier. Voilà maintenant six semaines, votre assemblée a voté les ressources propres permettant de financer ce plan ; cependant, il reste encore quatorze pays européens qui doivent faire de même. C’est aussi ce message d’urgence et d’accélération que nous ferons passer.
Dans ce débat sur le marché unique et sur le renforcement de notre économie, un point spécifique sera consacré à la question du numérique.
Vous le savez, depuis maintenant plus de trois ans, la France porte l’ambition d’une taxation juste des entreprises du numérique, qui, souvent, échappent à quasiment toute imposition. Il y a un peu plus de deux ans, les pays européens ont collectivement pris la décision de renvoyer ces travaux à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La nouvelle administration américaine a adressé des signaux positifs en faveur de leur reprise dans un tel cadre international.
Néanmoins, il faut être très clair : si ces travaux n’aboutissent pas ou, dans le cas où ils aboutiraient, s’ils doivent faire l’objet de précisions, nous devrons reprendre le fil des discussions européennes dès la fin du premier semestre 2021. Nous attendons d’ailleurs de la Commission européenne une proposition législative sur de nouvelles ressources propres budgétaires, notamment une taxe numérique au niveau européen. Ce sera là sans doute un point de débat difficile de ce sommet européen, mais nous devrons à nouveau porter cette initiative.
Le Conseil européen sera l’occasion de discuter de l’agenda international. Plusieurs points ont été renvoyés à ce sommet, cependant qu’un nouveau – je le signale à votre assemblée – vient de s’ajouter à cet agenda : le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé cet après-midi que le président américain Joe Biden serait, en fin de journée jeudi, connecté à la visioconférence des chefs d’État et de gouvernement pour un échange sur la nouvelle relation transatlantique.
Plusieurs points étaient déjà à l’ordre du jour de ces échanges, notamment une question relative à la Turquie. Nous avons demandé, au mois de décembre, au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, de faire un point complet de la relation entre l’Union européenne et la Turquie pour étudier les signaux adressés par celle-ci après la pression que les Vingt-Sept, la France en tête, avaient exercée sur elle à la suite du Conseil européen qui s’est tenu à la fin de l’année 2020.
Vous le savez, ces signaux sont ambigus et parfois contradictoires. Certains, il faut le reconnaître, sont positifs.
Ainsi, en Méditerranée orientale, les forages illégaux ont, à ce stade, cessé et des bateaux qui menaçaient de porter atteinte à la souveraineté de la Grèce ou de Chypre ont été retirés des eaux concernées. A contrario, dans d’autres domaines, qui touchent à son paysage politique et partisan, la Turquie a adressé ces derniers jours encore des signaux préoccupants. Ce week-end, dans un registre différent mais tout aussi préoccupant, elle a annoncé se retirer de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, une décision que, avec Jean-Yves Le Drian et Elisabeth Moreno, nous avons profondément regrettée.
Par conséquent, Josep Borrell fera donc un point aussi transparent et complet que possible. Si besoin était, nous avons préparé des mesures restrictives, mais nous donnerons sans doute jusqu’au mois de juin à la Turquie pour clarifier sa position, pour marquer sa volonté de dialogue ou d’escalade. Nous restons ouverts au dialogue, mais l’Europe se prépare à faire preuve de fermeté, si nécessaire, dans la continuité de celle qu’a fait prévaloir la France ces derniers mois.
Une même approche de dialogue et de fermeté sera poursuivie à l’égard de la Russie. Un point sur cette question est également inscrit à l’ordre du jour de ce Conseil européen.
J’ajoute un dernier élément.
Un sommet entre l’Union européenne et l’Inde étant prévu au mois de mai, sous la présidence portugaise, la France souhaite ajouter à la discussion de l’agenda international un point sur la région indo-pacifique, dans le but de construire une stratégie européenne à destination de cette zone. Ces derniers jours, les États-Unis et le Royaume-Uni, en manifestant une volonté d’implication plus forte, ont signifié que cet espace géopolitique était pour eux une priorité. Le souhait de la France est que l’Europe manifeste une pareille ambition.
Pour conclure, je veux indiquer que, voilà quelques jours, un accord a enfin été trouvé pour le lancement de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Même s’il ne fera pas l’objet d’une discussion entre les chefs d’État et de gouvernement, il s’agit là d’un point d’actualité important. Il devrait trouver dans les prochaines semaines une traduction concrète puisque le 9 mai seront lancés les premiers débats entre les trois institutions européennes. Seront sollicitées les contributions de l’ensemble des parlements nationaux, de l’ensemble des gouvernements des États membres et de toute autre instance – association, fédération, etc. – qui souhaiterait, pour une année, participer à ce débat sur les orientations à long terme de l’Union européenne.
Puisque nous parlions de l’après-crise, nous devrons aussi réfléchir aux réformes importantes qui pourront être mises œuvre au sein de l’Union européenne, et dont la présidence française aura à connaître à partir de 2022.
Madame la présidente, monsieur le président Rapin, monsieur le président Cambon, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter ce soir les sujets qui seront à l’ordre du jour du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains. Celui-ci, pour des raisons sanitaires, se tiendra en visioconférence, et c’est le Président de la République qui représentera notre pays.
Le premier sujet qui sera abordé, sans doute le plus longuement, est celui de la situation sanitaire liée à la crise de la covid, dans toutes ses dimensions. Nous étudierons en particulier comment mieux coordonner les mesures de gestion que peut prendre l’Europe et les réponses qu’elle peut apporter.
Pour être très clair, la priorité est simple : il faut accélérer la campagne de vaccination en Europe, augmenter l’approvisionnement en doses de vaccin. À cette fin, je suis convaincu qu’il est essentiel de maintenir le cadre européen d’acquisition de ces doses, cadre qui, à ce jour, est non pas un problème mais la solution. Néanmoins, il faut renforcer la pression sur les laboratoires, s’assurer de la bonne exécution des contrats et ne négliger aucun outil, aucun mécanisme, pour garantir le plus rapidement possible, de manière complète et équitable, l’approvisionnement de l’Union européenne et de ses États membres en doses de vaccin.
Vous le savez, un débat s’est fait jour voilà quelques semaines sur le contrôle des exportations de vaccin. Un tel mécanisme a été mis en place, notamment à la demande de la France, par les institutions européennes au début du mois de février. La France défend le principe de réciprocité et d’équité qu’a proposé la Commission européenne. C’est ce à quoi veille celle-ci au travers des contrôles systématiques qui sont exercés sur les livraisons effectuées depuis l’Union européenne. Je précise que le but n’est pas de les interdire, car tel ne serait pas notre intérêt dans la mesure où, ayant aussi besoin d’importer des doses, nous devons en permettre, dans certains cas, l’exportation.
C’est donc dans ce cadre européen que nous assurerons au mieux la défense de ces intérêts. Nous en discuterons donc jeudi et vendredi.
Vous le savez, afin de tirer les leçons de ce qui n’a pas été suffisamment anticipé et de ce qui s’est révélé insuffisamment efficace dans cette crise sanitaire, la Commission européenne a également proposé – là aussi, c’était une demande qu’avait formulée la France voilà plusieurs mois – de mettre en place une forme d’agence européenne s’inspirant du modèle de l’agence fédérale américaine, la Biomedical Advanced Research and Development Authority (Barda), dans le but de financer davantage, plus en amont et en prenant plus de risques, la recherche de solutions technologiques et médicales.
Si l’on veut être tout à fait honnête et transparent, il faut bien dire que c’est grâce à cela que les États-Unis d’Amérique ont pu obtenir un avantage décisif dans cette campagne de vaccination. C’est pourquoi nous devons en tirer les leçons pour l’Union européenne.
De fait, au mois de février, la Commission européenne a proposé de créer une autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire, appelée HERA
M. André Gattolin applaudit.
Health Emergency Response Authority
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des formes armées.
Sur ce front sanitaire et vaccinal, ce point sera donc également à l’ordre du jour du Conseil de la fin de semaine.
Dans cette crise, il est important aussi que les Européens continuent à faire preuve de fermeté, d’unité et de solidarité. Vous avez constaté les tensions qui sont parfois apparues entre États européens face aux difficultés sanitaires et vaccinales que nous rencontrons tous. Je note d’ailleurs qu’à deux exceptions près, aucun État européen, malgré les tentations, n’est sorti de ce cadre, car il n’existe pas de solution miracle pour trouver des doses « cachées ». Chaque pays a donc fait l’expérience qu’il était dans notre intérêt de demeurer dans le cadre européen, pour une plus grande sûreté sur les plans tant scientifique qu’industriel.
Quand un pays membre est confronté, ponctuellement, à d’importantes difficultés, notre intérêt à la fois sanitaire et géopolitique doit nous conduire à faire jouer la solidarité européenne. C’est ce que nous avons fait collectivement à l’égard de deux pays européens particulièrement touchés ces dernières semaines, la République tchèque et la Slovaquie.
Et puisque cette entraide européenne fait parfois moins de bruit dans les médias que d’autres gestes géopolitiques, je tiens donc à le souligner : c’est d’abord d’un soutien européen dont ont bénéficié ces deux pays et d’autres, comme l’Autriche, plutôt que de solutions externes à l’Union européenne.
Cette approche de solidarité doit aussi se penser à l’échelle internationale. C’est la raison pour laquelle la France défend depuis plusieurs mois, par la voix du Président de la République, l’idée que le vaccin doit être considéré comme un bien public mondial et que l’accès à celui-ci doit être progressivement généralisé, indépendamment des moyens financiers, des capacités industrielles ou sanitaires de telle ou telle région du monde.
Non seulement cela correspond à nos valeurs, mais c’est aussi notre intérêt pour que la pandémie ne continue pas de frapper l’ensemble de la population mondiale et donc, in fine, l’Europe et la France.
C’est notamment l’initiative Covax qui porte cette ambition de solidarité internationale. Financée à plus de 40 % par l’Union européenne, elle a déjà permis d’ailleurs d’assurer de premiers approvisionnements à destination de pays en développement, en particulier en Afrique.
Il faut également accélérer la campagne vaccinale et préparer l’avenir. C’est pourquoi le Conseil européen se penchera sur l’après-crise sanitaire, qui devra être gérée de manière coordonnée. C’est notre devoir d’Européens d’anticiper et de coordonner ensemble, notamment – rêvons un peu – la levée progressive des mesures restrictives de circulation, mieux que nous ne l’avons fait après la première vague de la pandémie, l’été dernier.
C’est dans cet esprit que, le 17 mars dernier, la Commission européenne a proposé de créer un « certificat vert numérique », qu’on appelle parfois « pass sanitaire ». Selon nous, cette proposition va dans la bonne direction.
Cette solution de pass sanitaire n’est certes pas pour aujourd’hui. Nous avons dit à plusieurs reprises qu’elle était prématurée, ce qu’a répété le Président de la République lors du dernier sommet européen. Mais nous devons l’anticiper.
Deux critères principaux doivent être retenus.
D’une part, cette solution doit être européenne pour nous préserver de solutions nationales non coordonnées, voire incohérentes ou contradictoires, ce qui ne serait dans l’intérêt d’aucun pays. C’est ce vers quoi tend la proposition qu’a formulée le commissaire Thierry Breton voilà quelques jours.
D’autre part, cette solution ne doit pas reposer sur le seul vaccin car, même si nous nous employons à ce que la campagne de vaccination s’accélère partout en Europe, il est évident qu’à l’été, elle n’aura pas encore été généralisée à l’ensemble de la population, en particulier aux jeunes. Et donc opérer une discrimination entre générations et entre catégories d’âge serait une approche injuste. C’est aussi pour cette raison que la proposition de la Commission européenne intègre comme preuve sanitaire non seulement le vaccin, mais aussi d’autres éléments, comme un test négatif ou une infection préalable à la covid, laquelle apporte une protection au moins pour quelques mois.
Autre enjeu de ce Conseil européen, au-delà de l’après-crise sanitaire : renforcer notre économie, faire face aux conséquences de cette crise en poursuivant la construction d’une autonomie stratégique de l’Europe, redonner aux secteurs économiques les plus touchés une ambition européenne plus forte. Seront donc évoquées les questions de politique industrielle et le marché unique.
La France défend en l’espèce, depuis plusieurs années, un certain nombre de priorités, notamment le renforcement de notre politique commerciale qui, tout en restant ouverte vers le monde extérieur, doit être capable de garantir une meilleure lutte antidumping, une meilleure autonomie stratégique, l’équité dans l’accès aux marchés publics.
Nous demanderons une nouvelle fois, à l’occasion de ce Conseil européen, que soit relancé le travail législatif au niveau de l’Union européenne.
Nous défendrons aussi, dans cet esprit de reconstruction économique, l’accélération des plans de relance, du plan de relance européen en particulier. Voilà maintenant six semaines, votre assemblée a voté les ressources propres permettant de financer ce plan ; cependant, il reste encore quatorze pays européens qui doivent faire de même. C’est aussi ce message d’urgence et d’accélération que nous ferons passer.
Dans ce débat sur le marché unique et sur le renforcement de notre économie, un point spécifique sera consacré à la question du numérique.
Vous le savez, depuis maintenant plus de trois ans, la France porte l’ambition d’une taxation juste des entreprises du numérique, qui, souvent, échappent à quasiment toute imposition. Il y a un peu plus de deux ans, les pays européens ont collectivement pris la décision de renvoyer ces travaux à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La nouvelle administration américaine a adressé des signaux positifs en faveur de leur reprise dans un tel cadre international.
Néanmoins, il faut être très clair : si ces travaux n’aboutissent pas ou, dans le cas où ils aboutiraient, s’ils doivent faire l’objet de précisions, nous devrons reprendre le fil des discussions européennes dès la fin du premier semestre 2021. Nous attendons d’ailleurs de la Commission européenne une proposition législative sur de nouvelles ressources propres budgétaires, notamment une taxe numérique au niveau européen. Ce sera là sans doute un point de débat difficile de ce sommet européen, mais nous devrons à nouveau porter cette initiative.
Le Conseil européen sera l’occasion de discuter de l’agenda international. Plusieurs points ont été renvoyés à ce sommet, cependant qu’un nouveau – je le signale à votre assemblée – vient de s’ajouter à cet agenda : le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé cet après-midi que le président américain Joe Biden serait, en fin de journée jeudi, connecté à la visioconférence des chefs d’État et de gouvernement pour un échange sur la nouvelle relation transatlantique.
Plusieurs points étaient déjà à l’ordre du jour de ces échanges, notamment une question relative à la Turquie. Nous avons demandé, au mois de décembre, au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, de faire un point complet de la relation entre l’Union européenne et la Turquie pour étudier les signaux adressés par celle-ci après la pression que les Vingt-Sept, la France en tête, avaient exercée sur elle à la suite du Conseil européen qui s’est tenu à la fin de l’année 2020.
Vous le savez, ces signaux sont ambigus et parfois contradictoires. Certains, il faut le reconnaître, sont positifs.
Ainsi, en Méditerranée orientale, les forages illégaux ont, à ce stade, cessé et des bateaux qui menaçaient de porter atteinte à la souveraineté de la Grèce ou de Chypre ont été retirés des eaux concernées. A contrario, dans d’autres domaines, qui touchent à son paysage politique et partisan, la Turquie a adressé ces derniers jours encore des signaux préoccupants. Ce week-end, dans un registre différent mais tout aussi préoccupant, elle a annoncé se retirer de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, une décision que, avec Jean-Yves Le Drian et Elisabeth Moreno, nous avons profondément regrettée.
Par conséquent, Josep Borrell fera donc un point aussi transparent et complet que possible. Si besoin était, nous avons préparé des mesures restrictives, mais nous donnerons sans doute jusqu’au mois de juin à la Turquie pour clarifier sa position, pour marquer sa volonté de dialogue ou d’escalade. Nous restons ouverts au dialogue, mais l’Europe se prépare à faire preuve de fermeté, si nécessaire, dans la continuité de celle qu’a fait prévaloir la France ces derniers mois.
Une même approche de dialogue et de fermeté sera poursuivie à l’égard de la Russie. Un point sur cette question est également inscrit à l’ordre du jour de ce Conseil européen.
J’ajoute un dernier élément.
Un sommet entre l’Union européenne et l’Inde étant prévu au mois de mai, sous la présidence portugaise, la France souhaite ajouter à la discussion de l’agenda international un point sur la région indo-pacifique, dans le but de construire une stratégie européenne à destination de cette zone. Ces derniers jours, les États-Unis et le Royaume-Uni, en manifestant une volonté d’implication plus forte, ont signifié que cet espace géopolitique était pour eux une priorité. Le souhait de la France est que l’Europe manifeste une pareille ambition.
Pour conclure, je veux indiquer que, voilà quelques jours, un accord a enfin été trouvé pour le lancement de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Même s’il ne fera pas l’objet d’une discussion entre les chefs d’État et de gouvernement, il s’agit là d’un point d’actualité important. Il devrait trouver dans les prochaines semaines une traduction concrète puisque le 9 mai seront lancés les premiers débats entre les trois institutions européennes. Seront sollicitées les contributions de l’ensemble des parlements nationaux, de l’ensemble des gouvernements des États membres et de toute autre instance – association, fédération, etc. – qui souhaiterait, pour une année, participer à ce débat sur les orientations à long terme de l’Union européenne.
Puisque nous parlions de l’après-crise, nous devrons aussi réfléchir aux réformes importantes qui pourront être mises œuvre au sein de l’Union européenne, et dont la présidence française aura à connaître à partir de 2022.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.
M. André Gattolin applaudit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen abordera évidemment la nouvelle relation euro-britannique, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle connaît en ce moment une phase critique.
Il va falloir empêcher la dérive politique et symbolique du Royaume-Uni, loin de notre continent. L’année dernière, Boris Johnson avait remis en cause le protocole irlandais au mépris de la signature britannique. Certes, il s’est ravisé in extremis pour arracher un accord commercial, mais on sait que les partis unionistes d’Irlande du Nord n’en contestent pas moins les contrôles en mer d’Irlande qu’implique le marché unique.
Et voilà maintenant que le Royaume-Uni revient à nouveau sur ses engagements, en prolongeant de six mois la dispense provisoire de contrôle sanitaire des produits agroalimentaires passant de la Grande-Bretagne à l’Irlande du Nord !
L’Union européenne vient certes de mettre en demeure le Royaume-Uni de renoncer à cette décision illégale, mais la question très sensible de la frontière irlandaise s’est déjà envenimée avec la tentative avortée des autorités européennes d’y contrôler les livraisons de vaccins au Royaume-Uni.
Et c’est à juste titre que l’Union européenne exige maintenant que les livraisons de vaccins prévues aux contrats soient honorées : la Commission devrait adresser une mise en demeure au groupe AstraZeneca, afin que ses usines britanniques livrent enfin les Vingt-Sept.
L’Europe a passé les contrats nécessaires ; elle ne peut accepter de plus grands retards dans la vaccination. Monsieur le secrétaire d’État, il y va de la crédibilité des institutions européennes ; elles ont là l’occasion de montrer le visage d’une Europe qui protège et non d’une Europe qui échoue.
Au-delà de la dimension sanitaire, il y a évidemment un enjeu politique considérable dans ce dossier.
Dans cette perspective, il faut souligner à nouveau l’importance du Royaume-Uni dans la défense européenne, au moment où les Vingt-Sept élaborent leur « boussole stratégique » et où ce pays, de son côté, publie sa Revue stratégique.
Désormais, les membres de l’Union européenne ne représentent plus que 20 % des dépenses militaires des pays membres de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), comme se plaît à le rappeler son secrétaire général, Jens Stoltenberg.
Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, la question de la défense européenne mobilise notre assemblée de manière constante. Sur ce sujet, il est naturellement indispensable de préciser la relation de l’Union européenne avec l’OTAN. Le Président de la République, je n’en doute pas, aura à cœur de le faire.
L’Union européenne peut et doit améliorer sa résilience et sa capacité de défense pour conquérir son autonomie. Que les États-Unis réinvestissent l’OTAN, tant mieux ! Qu’ils aient un regain de considération pour l’Europe, tant mieux ! Que l’Organisation se préoccupe du flanc sud de l’Europe, tant mieux !
Mais prenons garde que les Européens, trop heureux d’éprouver à nouveau la solidité du parapluie de l’OTAN, se laissent entraîner dans cette dangereuse confrontation qui se profile entre les États-Unis et la Chine : l’amitié et la solidarité ne sont pas l’alignement.
Enfin, l’Union européenne est, par exemple, bien mieux placée que l’OTAN pour sanctionner les actes hostiles d’une Turquie membre de l’Alliance.
Les travaux sur la « boussole stratégique » offrent peut-être une fenêtre pour nous entendre afin d’organiser notre sécurité et notre défense conformément à nos valeurs et à nos intérêts. Du reste, cela n’est pas contradictoire avec le rôle dévolu à l’OTAN.
Je sais pouvoir compter sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que la France s’investisse pleinement dans cette démarche de la « boussole stratégique », que nous suivons pas à pas.
Cette démarche pourra s’enrichir d’une étude bienvenue, à savoir la vision pour la transformation numérique de l’Europe d’ici à 2030, que le Conseil des ministres va examiner.
Qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de stockage des données ou de cybersécurité, l’enjeu du numérique est fondamental pour l’autonomie stratégique de l’Union. Il irrigue tous les domaines de la défense et de la sécurité, mais aussi notre tissu industriel et de recherche. L’Union européenne peut encore rester dans la course si elle a la volonté d’avancer.
Concernant la cybersécurité, les dernières attaques dont les États-Unis ont été victimes montrent la prégnance de la menace cyber.
Je l’observe avec soulagement : l’Europe est de plus en plus lucide sur le mélange de menaces et d’opportunités que représente le numérique.
Autre sujet majeur abordé au Conseil : la Turquie.
Monsieur le secrétaire d’État, gardons-nous de lui envoyer des signaux trop positifs ! Certes, elle a retiré son navire de forage Oruç Reis de la zone de recherche en mer Égée, et fait de l’adhésion à l’Union européenne une « priorité stratégique » ; certes, elle a entamé des concertations exploratoires avec la Grèce. Mais ses refus d’inspection dans le cadre de l’opération Irini, son attitude en Libye, sa réaffirmation de l’illégitimité du droit de la mer et une tension qui reste palpable en Méditerranée orientale doivent nous laisser sur nos gardes.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, le retrait de la Turquie, annoncé samedi, de la convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes montre que, derrière les paroles apaisantes, les désaccords de fond sont profonds. Puissent les discussions sur le rapport que le Haut Représentant de l’Union européenne doit présenter sur la Turquie être à la hauteur de ces enjeux !
L’Union européenne doit aussi affiner sa doctrine quant à l’approche du dossier russe. Vous connaissez la position du Sénat : nécessaire fermeté, mais ouverture permanente au dialogue avec ce grand voisin et défense de nos intérêts économiques.
Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, vous avez notre confiance, mais le chemin est encore bien long et nécessite du courage pour faire advenir une Europe plus forte, plus unie et plus autonome.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des formes armées.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen abordera évidemment la nouvelle relation euro-britannique, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle connaît en ce moment une phase critique.
Il va falloir empêcher la dérive politique et symbolique du Royaume-Uni, loin de notre continent. L’année dernière, Boris Johnson avait remis en cause le protocole irlandais au mépris de la signature britannique. Certes, il s’est ravisé in extremis pour arracher un accord commercial, mais on sait que les partis unionistes d’Irlande du Nord n’en contestent pas moins les contrôles en mer d’Irlande qu’implique le marché unique.
Et voilà maintenant que le Royaume-Uni revient à nouveau sur ses engagements, en prolongeant de six mois la dispense provisoire de contrôle sanitaire des produits agroalimentaires passant de la Grande-Bretagne à l’Irlande du Nord !
L’Union européenne vient certes de mettre en demeure le Royaume-Uni de renoncer à cette décision illégale, mais la question très sensible de la frontière irlandaise s’est déjà envenimée avec la tentative avortée des autorités européennes d’y contrôler les livraisons de vaccins au Royaume-Uni.
Et c’est à juste titre que l’Union européenne exige maintenant que les livraisons de vaccins prévues aux contrats soient honorées : la Commission devrait adresser une mise en demeure au groupe AstraZeneca, afin que ses usines britanniques livrent enfin les Vingt-Sept.
L’Europe a passé les contrats nécessaires ; elle ne peut accepter de plus grands retards dans la vaccination. Monsieur le secrétaire d’État, il y va de la crédibilité des institutions européennes ; elles ont là l’occasion de montrer le visage d’une Europe qui protège et non d’une Europe qui échoue.
Au-delà de la dimension sanitaire, il y a évidemment un enjeu politique considérable dans ce dossier.
Dans cette perspective, il faut souligner à nouveau l’importance du Royaume-Uni dans la défense européenne, au moment où les Vingt-Sept élaborent leur « boussole stratégique » et où ce pays, de son côté, publie sa Revue stratégique.
Désormais, les membres de l’Union européenne ne représentent plus que 20 % des dépenses militaires des pays membres de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), comme se plaît à le rappeler son secrétaire général, Jens Stoltenberg.
Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, la question de la défense européenne mobilise notre assemblée de manière constante. Sur ce sujet, il est naturellement indispensable de préciser la relation de l’Union européenne avec l’OTAN. Le Président de la République, je n’en doute pas, aura à cœur de le faire.
L’Union européenne peut et doit améliorer sa résilience et sa capacité de défense pour conquérir son autonomie. Que les États-Unis réinvestissent l’OTAN, tant mieux ! Qu’ils aient un regain de considération pour l’Europe, tant mieux ! Que l’Organisation se préoccupe du flanc sud de l’Europe, tant mieux !
Mais prenons garde que les Européens, trop heureux d’éprouver à nouveau la solidité du parapluie de l’OTAN, se laissent entraîner dans cette dangereuse confrontation qui se profile entre les États-Unis et la Chine : l’amitié et la solidarité ne sont pas l’alignement.
Enfin, l’Union européenne est, par exemple, bien mieux placée que l’OTAN pour sanctionner les actes hostiles d’une Turquie membre de l’Alliance.
Les travaux sur la « boussole stratégique » offrent peut-être une fenêtre pour nous entendre afin d’organiser notre sécurité et notre défense conformément à nos valeurs et à nos intérêts. Du reste, cela n’est pas contradictoire avec le rôle dévolu à l’OTAN.
Je sais pouvoir compter sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que la France s’investisse pleinement dans cette démarche de la « boussole stratégique », que nous suivons pas à pas.
Cette démarche pourra s’enrichir d’une étude bienvenue, à savoir la vision pour la transformation numérique de l’Europe d’ici à 2030, que le Conseil des ministres va examiner.
Qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de stockage des données ou de cybersécurité, l’enjeu du numérique est fondamental pour l’autonomie stratégique de l’Union. Il irrigue tous les domaines de la défense et de la sécurité, mais aussi notre tissu industriel et de recherche. L’Union européenne peut encore rester dans la course si elle a la volonté d’avancer.
Concernant la cybersécurité, les dernières attaques dont les États-Unis ont été victimes montrent la prégnance de la menace cyber.
Je l’observe avec soulagement : l’Europe est de plus en plus lucide sur le mélange de menaces et d’opportunités que représente le numérique.
Autre sujet majeur abordé au Conseil : la Turquie.
Monsieur le secrétaire d’État, gardons-nous de lui envoyer des signaux trop positifs ! Certes, elle a retiré son navire de forage Oruç Reis de la zone de recherche en mer Égée, et fait de l’adhésion à l’Union européenne une « priorité stratégique » ; certes, elle a entamé des concertations exploratoires avec la Grèce. Mais ses refus d’inspection dans le cadre de l’opération Irini, son attitude en Libye, sa réaffirmation de l’illégitimité du droit de la mer et une tension qui reste palpable en Méditerranée orientale doivent nous laisser sur nos gardes.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, le retrait de la Turquie, annoncé samedi, de la convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes montre que, derrière les paroles apaisantes, les désaccords de fond sont profonds. Puissent les discussions sur le rapport que le Haut Représentant de l’Union européenne doit présenter sur la Turquie être à la hauteur de ces enjeux !
L’Union européenne doit aussi affiner sa doctrine quant à l’approche du dossier russe. Vous connaissez la position du Sénat : nécessaire fermeté, mais ouverture permanente au dialogue avec ce grand voisin et défense de nos intérêts économiques.
Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, vous avez notre confiance, mais le chemin est encore bien long et nécessite du courage pour faire advenir une Europe plus forte, plus unie et plus autonome.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il ne fait pas de doute que les difficultés liées à la campagne de vaccination à travers l’Europe occuperont une part considérable des échanges du Conseil européen de cette semaine, plusieurs points de son ordre du jour intéressent plus directement notre commission des finances.
Alors que le Conseil européen examinera les priorités pour le second semestre 2021, je mentionnerai ce soir deux principaux points d’attention.
Tout d’abord, la commission des finances suit avec grande attention la mise en œuvre de la réponse budgétaire de l’Union européenne à la crise sanitaire, au regard des perspectives de reprise économique de l’Union.
En juillet dernier, tous les États membres se sont accordés sur la mise en œuvre d’un plan de relance. Où en sommes-nous huit mois plus tard ? Si la France a rapidement approuvé la décision « ressources propres », indispensable pour permettre à la Commission européenne de lever les ressources nécessaires au plan de relance sur les marchés, à ce jour, seuls neuf autres États membres ont suivi la même dynamique.
Or, au travers de la ratification de cette décision, se joue une véritable course contre la montre pour la reprise économique. En effet, tant que le plan de relance européen n’est pas mis en œuvre, les budgets nationaux restent en première ligne pour soutenir l’économie, au risque d’accentuer davantage les déséquilibres macroéconomiques entre les États membres.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous faire un point d’étape sur la ratification de la décision « ressources propres » et ses blocages ? Le Gouvernement espère-t-il toujours une entrée en application de celle-ci d’ici avant l’été ?
En outre, s’il n’est pas encore mis en œuvre, le plan de relance européen semble, selon certains, déjà insuffisant. La semaine dernière, son dimensionnement a même alimenté les divergences entre les membres du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), comparé notamment aux 1 900 milliards de dollars du plan de relance américain.
Il faut donc, à tout le moins, engager les fonds rapidement pour que la relance budgétaire européenne ne soit pas reléguée en deuxième division.
En outre, pour bénéficier des subventions du plan de relance européen, encore faut-il que les États membres fassent valider leur plan national pour la reprise et la résilience. Les discussions entre le Gouvernement et la Commission européenne sur son contenu ont déjà commencé il y a plusieurs mois.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous établir devant nous un état des lieux de ces échanges et nous confirmer le calendrier de transmission au Parlement du plan national pour la reprise et la résilience ? Cette transmission aura-t-elle lieu à la fin du mois d’avril, en même temps que le programme de stabilité ? Le plan français est-il à la hauteur des objectifs devant être satisfaits pour solliciter les fonds ?
Le second point à l’ordre du jour du Conseil européen qui intéresse tout particulièrement la commission des finances est le bilan des travaux sur la fiscalité de l’économie numérique, lequel devrait être discuté entre les États membres.
Prenant acte de l’échec des discussions entre les États membres sur les propositions de la Commission européenne datant de 2018, la France a introduit en 2019 une taxe sur les services numériques. Toutefois, cette solution ne peut qu’être temporaire, en attendant que les négociations au niveau de l’OCDE aboutissent.
Si les contraintes de l’unanimité en matière fiscale restent entières, l’année 2021 pourrait offrir un contexte renouvelé à ces discussions entre les États membres.
Premièrement, la Commission européenne est tenue de présenter une nouvelle proposition de ressource fondée sur une redevance numérique, et ce avant le mois de juin. Dans cette perspective, l’introduction de nouvelles ressources propres de l’Union européenne pour soulager les États membres du remboursement du plan de relance constitue assurément une incitation sans précédent à progresser sur ce dossier.
Deuxièmement, plusieurs États membres ont désormais mis en place une taxation proche de la « taxe GAFA à la française », tels que l’Autriche, l’Italie, l’Espagne ou encore la République tchèque.
Toutefois, la prudence reste de mise, compte tenu de la persistance d’opinions divergentes entre les États membres.
Surtout, l’articulation avec les négociations à l’OCDE reste, semble-t-il, incertaine à ce stade : envisageons-nous une solution européenne subsidiaire ou complémentaire ? Il s’agit d’une question centrale, alors qu’un accord semble de nouveau possible à la faveur des positions prises par la nouvelle administration américaine.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous faire le point sur le message que la France entend porter sur ce dossier au Conseil européen de cette semaine ? Des progrès par rapport au Conseil européen de novembre dernier peuvent-ils être attendus ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il ne fait pas de doute que les difficultés liées à la campagne de vaccination à travers l’Europe occuperont une part considérable des échanges du Conseil européen de cette semaine, plusieurs points de son ordre du jour intéressent plus directement notre commission des finances.
Alors que le Conseil européen examinera les priorités pour le second semestre 2021, je mentionnerai ce soir deux principaux points d’attention.
Tout d’abord, la commission des finances suit avec grande attention la mise en œuvre de la réponse budgétaire de l’Union européenne à la crise sanitaire, au regard des perspectives de reprise économique de l’Union.
En juillet dernier, tous les États membres se sont accordés sur la mise en œuvre d’un plan de relance. Où en sommes-nous huit mois plus tard ? Si la France a rapidement approuvé la décision « ressources propres », indispensable pour permettre à la Commission européenne de lever les ressources nécessaires au plan de relance sur les marchés, à ce jour, seuls neuf autres États membres ont suivi la même dynamique.
Or, au travers de la ratification de cette décision, se joue une véritable course contre la montre pour la reprise économique. En effet, tant que le plan de relance européen n’est pas mis en œuvre, les budgets nationaux restent en première ligne pour soutenir l’économie, au risque d’accentuer davantage les déséquilibres macroéconomiques entre les États membres.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous faire un point d’étape sur la ratification de la décision « ressources propres » et ses blocages ? Le Gouvernement espère-t-il toujours une entrée en application de celle-ci d’ici avant l’été ?
En outre, s’il n’est pas encore mis en œuvre, le plan de relance européen semble, selon certains, déjà insuffisant. La semaine dernière, son dimensionnement a même alimenté les divergences entre les membres du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), comparé notamment aux 1 900 milliards de dollars du plan de relance américain.
Il faut donc, à tout le moins, engager les fonds rapidement pour que la relance budgétaire européenne ne soit pas reléguée en deuxième division.
En outre, pour bénéficier des subventions du plan de relance européen, encore faut-il que les États membres fassent valider leur plan national pour la reprise et la résilience. Les discussions entre le Gouvernement et la Commission européenne sur son contenu ont déjà commencé il y a plusieurs mois.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous établir devant nous un état des lieux de ces échanges et nous confirmer le calendrier de transmission au Parlement du plan national pour la reprise et la résilience ? Cette transmission aura-t-elle lieu à la fin du mois d’avril, en même temps que le programme de stabilité ? Le plan français est-il à la hauteur des objectifs devant être satisfaits pour solliciter les fonds ?
Le second point à l’ordre du jour du Conseil européen qui intéresse tout particulièrement la commission des finances est le bilan des travaux sur la fiscalité de l’économie numérique, lequel devrait être discuté entre les États membres.
Prenant acte de l’échec des discussions entre les États membres sur les propositions de la Commission européenne datant de 2018, la France a introduit en 2019 une taxe sur les services numériques. Toutefois, cette solution ne peut qu’être temporaire, en attendant que les négociations au niveau de l’OCDE aboutissent.
Si les contraintes de l’unanimité en matière fiscale restent entières, l’année 2021 pourrait offrir un contexte renouvelé à ces discussions entre les États membres.
Premièrement, la Commission européenne est tenue de présenter une nouvelle proposition de ressource fondée sur une redevance numérique, et ce avant le mois de juin. Dans cette perspective, l’introduction de nouvelles ressources propres de l’Union européenne pour soulager les États membres du remboursement du plan de relance constitue assurément une incitation sans précédent à progresser sur ce dossier.
Deuxièmement, plusieurs États membres ont désormais mis en place une taxation proche de la « taxe GAFA à la française », tels que l’Autriche, l’Italie, l’Espagne ou encore la République tchèque.
Toutefois, la prudence reste de mise, compte tenu de la persistance d’opinions divergentes entre les États membres.
Surtout, l’articulation avec les négociations à l’OCDE reste, semble-t-il, incertaine à ce stade : envisageons-nous une solution européenne subsidiaire ou complémentaire ? Il s’agit d’une question centrale, alors qu’un accord semble de nouveau possible à la faveur des positions prises par la nouvelle administration américaine.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous faire le point sur le message que la France entend porter sur ce dossier au Conseil européen de cette semaine ? Des progrès par rapport au Conseil européen de novembre dernier peuvent-ils être attendus ?
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis deux ans, nous débattons dans cet hémicycle à l’issue des réunions du Conseil européen. L’expérience a montré que la formule n’était pas satisfaisante.
De fait, le moment politique où les parlements nationaux peuvent mobiliser l’exécutif se situe plutôt en amont qu’en aval du Conseil européen.
Aussi, dès le renouvellement de la commission des affaires européennes, en octobre dernier, son bureau a proposé à l’unanimité de rétablir en séance plénière le débat préalable au Conseil européen, comme c’était le cas auparavant.
Cette proposition a été acceptée par le groupe de travail sur la modernisation de nos méthodes de travail, présidé par Mme Pascale Gruny, vice-présidente du Sénat. Nous nous en félicitons. La nouvelle formule retenue par le groupe de travail prévoit une discussion générale plus longue permettant aux groupes politiques d’exposer leurs positions avant chaque réunion trimestrielle des chefs d’État ou de gouvernement européens.
Après le Conseil européen, la commission des affaires européennes entendra désormais le ministre chargé des affaires européennes pour qu’il lui en rende compte. Nous espérons que cette nouvelle formule satisfera chacun d’entre vous. Souhaitons aussi que, au vu des enjeux, les sujets européens retiennent l’intérêt d’un nombre toujours croissant de nos collègues.
Nous voici donc à l’avant-veille d’un prochain sommet européen, qui se déroulera une nouvelle fois par visioconférence. La situation sanitaire de l’Europe, comme celle de la France, reste la préoccupation première. Elle se dégrade nettement depuis un mois à l’échelle européenne et cette dégradation va s’accélérant à mesure que les variants du virus prennent le dessus.
Notre priorité absolue doit être de maximiser l’approvisionnement en vaccins des États. Nous appuyons donc l’action menée par la Commission dans deux directions.
Première direction : augmenter le plus possible notre capacité de production industrielle de vaccins. À cet égard, je veux saluer ici la détermination du commissaire Thierry Breton à identifier les goulots d’étranglement dans les chaînes de production ; il a ainsi encouragé les entreprises européennes à développer des synergies.
Il sera auditionné la semaine prochaine par la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes réunies, et nous ne manquerons pas de l’interroger à ce sujet.
Seconde direction : maîtriser les exportations européennes de vaccins.
Depuis deux mois, la Commission a les moyens juridiques de bloquer l’exportation des vaccins pour lesquels elle a conclu des contrats d’achats anticipés. Elle ne l’a fait qu’une seule fois, la semaine dernière ; est-ce suffisant ? La France doit faire valoir auprès du Conseil européen que, sans perdre de vue l’objectif d’un accès mondial aux vaccins, nous devons à nos concitoyens les vaccins dont ils ont besoin.
Il n’est pas envisageable de laisser des vaccins produits sur le sol européen quitter l’Union européenne alors que celle-ci ne reçoit même pas les doses promises dans le cadre des contrats. Il ne s’agit pas de fermer nos frontières mais d’appliquer un principe de réciprocité, afin que l’Union ne soit pas seule à supporter l’inconséquence de fabricants incapables d’honorer les contrats. Sans vaccination, en effet, nos libertés restent confinées et la relance de l’économie européenne demeure une chimère.
Enfin, notre pays doit rappeler au Conseil européen l’importance d’un travail approfondi sur le projet de certificat vert numérique pour restaurer la liberté de circulation dans le respect des droits fondamentaux. J’indique d’ailleurs que notre commission des affaires européennes proposera sur ce sujet une résolution européenne dès la semaine prochaine.
Je ne m’étendrai pas sur les autres questions à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, à savoir le marché unique et la politique industrielle numérique, ainsi que les relations extérieures en Méditerranée orientale et avec la Russie – je sais que d’autres collègues y reviendront.
Je veux seulement partager un motif de satisfaction profonde : le projet de conclusions du Conseil européen pointe du doigt nos dépendances stratégiques. Cette évolution fondamentale atteste d’une réelle prise de conscience, parmi les Vingt-Sept, de l’enjeu que représente l’autonomie stratégique européenne. Ces mots prêtent toujours à un débat sémantique : chaque État membre leur donne un sens différent selon sa propre situation.
Mais les faits sont là : la Commission entreprend d’analyser nos dépendances stratégiques, et pas seulement dans le domaine pharmaceutique. Terres rares, batteries électriques, microprocesseurs… L’Union européenne ne sera jamais autosuffisante. Elle doit donc construire des stratégies, en s’appuyant notamment sur les pays de son voisinage et en veillant à s’assurer la maîtrise du volet logistique ; les ports et autres infrastructures sont eux aussi d’importance stratégique.
Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), qui permettent de déroger doublement aux règles européennes de concurrence, constituent une opportunité que l’Europe doit exploiter si elle veut exister dans ce nouveau monde qui prend forme autour du cloud, de l’ordinateur quantique, du supercalculateur et des constellations spatiales.
Je relève aussi que le sommet de la zone euro qui suivra la réunion du Conseil européen se penchera sur les moyens de renforcer le rôle international de l’euro, autre clé de l’autonomie européenne. Ne faut-il pas envisager la mise en place d’une banque européenne du commerce extérieur pour sécuriser nos entreprises à l’international contre les sanctions extraterritoriales ?
Monsieur le secrétaire d’État, quel espoir avons-nous de faire partager toutes ces ambitions à nos partenaires européens ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule à mon propos, je voudrais vous faire part d’une petite mésaventure qui m’est arrivée hier à l’occasion de la préparation de mon intervention.
À la recherche de quelques précisions sur l’ordre du jour du Conseil européen à venir, j’ai eu, en cliquant sur certains liens concernant les documents préparatoires afférents à cette réunion, l’heur de voir s’afficher le désormais traditionnel message : « Cette ressource n’est actuellement disponible que dans la ou les langues suivantes : English. » L’anglais, rien que l’anglais !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis deux ans, nous débattons dans cet hémicycle à l’issue des réunions du Conseil européen. L’expérience a montré que la formule n’était pas satisfaisante.
De fait, le moment politique où les parlements nationaux peuvent mobiliser l’exécutif se situe plutôt en amont qu’en aval du Conseil européen.
Aussi, dès le renouvellement de la commission des affaires européennes, en octobre dernier, son bureau a proposé à l’unanimité de rétablir en séance plénière le débat préalable au Conseil européen, comme c’était le cas auparavant.
Cette proposition a été acceptée par le groupe de travail sur la modernisation de nos méthodes de travail, présidé par Mme Pascale Gruny, vice-présidente du Sénat. Nous nous en félicitons. La nouvelle formule retenue par le groupe de travail prévoit une discussion générale plus longue permettant aux groupes politiques d’exposer leurs positions avant chaque réunion trimestrielle des chefs d’État ou de gouvernement européens.
Après le Conseil européen, la commission des affaires européennes entendra désormais le ministre chargé des affaires européennes pour qu’il lui en rende compte. Nous espérons que cette nouvelle formule satisfera chacun d’entre vous. Souhaitons aussi que, au vu des enjeux, les sujets européens retiennent l’intérêt d’un nombre toujours croissant de nos collègues.
Nous voici donc à l’avant-veille d’un prochain sommet européen, qui se déroulera une nouvelle fois par visioconférence. La situation sanitaire de l’Europe, comme celle de la France, reste la préoccupation première. Elle se dégrade nettement depuis un mois à l’échelle européenne et cette dégradation va s’accélérant à mesure que les variants du virus prennent le dessus.
Notre priorité absolue doit être de maximiser l’approvisionnement en vaccins des États. Nous appuyons donc l’action menée par la Commission dans deux directions.
Première direction : augmenter le plus possible notre capacité de production industrielle de vaccins. À cet égard, je veux saluer ici la détermination du commissaire Thierry Breton à identifier les goulots d’étranglement dans les chaînes de production ; il a ainsi encouragé les entreprises européennes à développer des synergies.
Il sera auditionné la semaine prochaine par la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes réunies, et nous ne manquerons pas de l’interroger à ce sujet.
Seconde direction : maîtriser les exportations européennes de vaccins.
Depuis deux mois, la Commission a les moyens juridiques de bloquer l’exportation des vaccins pour lesquels elle a conclu des contrats d’achats anticipés. Elle ne l’a fait qu’une seule fois, la semaine dernière ; est-ce suffisant ? La France doit faire valoir auprès du Conseil européen que, sans perdre de vue l’objectif d’un accès mondial aux vaccins, nous devons à nos concitoyens les vaccins dont ils ont besoin.
Il n’est pas envisageable de laisser des vaccins produits sur le sol européen quitter l’Union européenne alors que celle-ci ne reçoit même pas les doses promises dans le cadre des contrats. Il ne s’agit pas de fermer nos frontières mais d’appliquer un principe de réciprocité, afin que l’Union ne soit pas seule à supporter l’inconséquence de fabricants incapables d’honorer les contrats. Sans vaccination, en effet, nos libertés restent confinées et la relance de l’économie européenne demeure une chimère.
Enfin, notre pays doit rappeler au Conseil européen l’importance d’un travail approfondi sur le projet de certificat vert numérique pour restaurer la liberté de circulation dans le respect des droits fondamentaux. J’indique d’ailleurs que notre commission des affaires européennes proposera sur ce sujet une résolution européenne dès la semaine prochaine.
Je ne m’étendrai pas sur les autres questions à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, à savoir le marché unique et la politique industrielle numérique, ainsi que les relations extérieures en Méditerranée orientale et avec la Russie – je sais que d’autres collègues y reviendront.
Je veux seulement partager un motif de satisfaction profonde : le projet de conclusions du Conseil européen pointe du doigt nos dépendances stratégiques. Cette évolution fondamentale atteste d’une réelle prise de conscience, parmi les Vingt-Sept, de l’enjeu que représente l’autonomie stratégique européenne. Ces mots prêtent toujours à un débat sémantique : chaque État membre leur donne un sens différent selon sa propre situation.
Mais les faits sont là : la Commission entreprend d’analyser nos dépendances stratégiques, et pas seulement dans le domaine pharmaceutique. Terres rares, batteries électriques, microprocesseurs… L’Union européenne ne sera jamais autosuffisante. Elle doit donc construire des stratégies, en s’appuyant notamment sur les pays de son voisinage et en veillant à s’assurer la maîtrise du volet logistique ; les ports et autres infrastructures sont eux aussi d’importance stratégique.
Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), qui permettent de déroger doublement aux règles européennes de concurrence, constituent une opportunité que l’Europe doit exploiter si elle veut exister dans ce nouveau monde qui prend forme autour du cloud, de l’ordinateur quantique, du supercalculateur et des constellations spatiales.
Je relève aussi que le sommet de la zone euro qui suivra la réunion du Conseil européen se penchera sur les moyens de renforcer le rôle international de l’euro, autre clé de l’autonomie européenne. Ne faut-il pas envisager la mise en place d’une banque européenne du commerce extérieur pour sécuriser nos entreprises à l’international contre les sanctions extraterritoriales ?
Monsieur le secrétaire d’État, quel espoir avons-nous de faire partager toutes ces ambitions à nos partenaires européens ?
Mme Catherine Morin-Desailly et M. Bruno Sido s ’ en offusquent.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule à mon propos, je voudrais vous faire part d’une petite mésaventure qui m’est arrivée hier à l’occasion de la préparation de mon intervention.
À la recherche de quelques précisions sur l’ordre du jour du Conseil européen à venir, j’ai eu, en cliquant sur certains liens concernant les documents préparatoires afférents à cette réunion, l’heur de voir s’afficher le désormais traditionnel message : « Cette ressource n’est actuellement disponible que dans la ou les langues suivantes : English. » L’anglais, rien que l’anglais !
Je m’intéresse aux questions européennes et les suis depuis près de quarante ans ; je devrais être habitué, d’autant que cette prédominance toujours croissante de la langue de Shakespeare dans les enceintes institutionnelles de l’Union paraît une tendance irrésistible au fil du temps.
Lorsque nous procédons à des auditions de représentants de la Commission, il est en effet de plus en plus fréquent que nos interlocuteurs ne soient plus en mesure de s’exprimer, outre dans leur langue native, qu’en anglais.
Je n’ai rien contre le multilinguisme, tout au contraire. C’est pourquoi je suis résolument opposé à ce monolinguisme de fait, assorti d’ailleurs d’une dérive techniciste de l’anglais vers une version dénuée de toute richesse syntaxique et sémantique, qui s’impose plus que jamais en dépit du retrait du Royaume-Uni.
Mme Catherine Morin-Desailly et M. Bruno Sido s ’ en offusquent.
Je m’intéresse aux questions européennes et les suis depuis près de quarante ans ; je devrais être habitué, d’autant que cette prédominance toujours croissante de la langue de Shakespeare dans les enceintes institutionnelles de l’Union paraît une tendance irrésistible au fil du temps.
Lorsque nous procédons à des auditions de représentants de la Commission, il est en effet de plus en plus fréquent que nos interlocuteurs ne soient plus en mesure de s’exprimer, outre dans leur langue native, qu’en anglais.
Je n’ai rien contre le multilinguisme, tout au contraire. C’est pourquoi je suis résolument opposé à ce monolinguisme de fait, assorti d’ailleurs d’une dérive techniciste de l’anglais vers une version dénuée de toute richesse syntaxique et sémantique, qui s’impose plus que jamais en dépit du retrait du Royaume-Uni.
Je rappelle que l’Union compte vingt-quatre langues officielles et que le français et l’allemand figurent logiquement, à équité avec l’anglais, parmi les trois langues de travail de la Commission et du Conseil !
M. André Gattolin. Au sortir d’une semaine consacrée à la promotion de la langue française et de la francophonie, admettez, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a de quoi être choqué par ce non-respect quasi systématique des obligations des principales institutions de l’Union en matière de plurilinguisme.
Je sais que, dans un contexte européen fait de tensions larvées déjà nombreuses entre les États membres, il peut sembler un peu inconvenant de vouloir ouvrir un tel front. Mais, monsieur le secrétaire d’État, quand notre pays va-t-il enfin faire valoir ses droits linguistiques, rien que ses droits et cependant tous ses droits, en la matière ?
Mme Catherine Morin-Desailly acquiesce.
Je rappelle que l’Union compte vingt-quatre langues officielles et que le français et l’allemand figurent logiquement, à équité avec l’anglais, parmi les trois langues de travail de la Commission et du Conseil !
Il ne s’agit pas ici de contester à l’anglais son statut partagé de langue de travail, mais de ne lui accorder que la part qui lui revient, et pas davantage, dans une Europe à vingt-sept qui ne compte désormais plus que deux États membres, l’Irlande et Malte, pour qui cet idiome est la langue officielle.
Monsieur le secrétaire d’État, le 1er mars dernier, lors de la première réunion du comité d’échanges et de suivi de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, vous nous avez dit vouloir mettre en avant la question de la francophonie et du multilinguisme tout au long de la présidence française.
Précisément, n’y aurait-il pas là l’occasion d’affirmer un changement de cap en faisant en sorte que, lors de toutes les réunions se rapportant à la présidence française, l’ensemble de nos dirigeants et de nos représentants choisissent de ne s’exprimer qu’en français ou, à défaut, en allemand ?
L’usage de la langue, notamment dans les domaines politique et diplomatique, est loin d’être symbolique : il traduit dans les actes une certaine idée de l’appartenance européenne.
Au-delà de cette question d’usage, cette réunion du Conseil européen programmée de longue date tombe particulièrement à point, grâce à une concordance de plusieurs calendriers.
En effet, deux mois après l’investiture de Joe Biden, trois mois après la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union, quatre mois après le pré-accord d’investissement entre l’Union européenne et la Chine et, bien sûr, un an après l’explosion de la pandémie de covid-19 sur notre continent, cette réunion pourrait être une occasion forte de s’interroger sur l’état de l’Union et sur ses perspectives d’avenir dans un contexte géopolitique et stratégique extrêmement évolutif, et parfois même inquiétant.
Certes, ce questionnement global n’est pas inscrit à l’ordre du jour de la réunion. Cependant, à regarder l’ensemble des thèmes qui devraient y être discutés, on constate que jamais l’agenda d’un Conseil européen n’aura été – à ma connaissance, tout au moins – doté d’une tonalité aussi géostratégique !
On y parlera bien évidemment de la stratégie vaccinale au sein de l’Union et des pressions exercées par certains États tiers, tantôt pour limiter notre approvisionnement par rapport à ce qui est prévu, tantôt pour introduire un ou plusieurs vaccins non certifiés par l’Agence européenne des médicaments (AEM).
La réunion traitera également des priorités à donner aujourd’hui au marché unique et à la stratégie industrielle de l’Union, ainsi que de la nouvelle stratégie numérique – on parle de « nouvelle boussole numérique » –, qui a déjà fait l’objet d’un Conseil européen extraordinaire en octobre dernier.
Stratégie, souveraineté, protection, objectifs, cibles, boussole… Jamais le vocabulaire usité par l’Union, notamment dans le domaine économique, n’aura été autant empreint de connotations tactiques et géopolitiques.
Et ce n’est pas tout ! La réunion consacrera une part importante de son agenda à la situation en Méditerranée orientale, avec la présentation du rapport du Haut Représentant sur les relations – de plus en plus tendues – avec la Turquie, ou plutôt, faudrait-il dire, avec le régime toujours plus autoritaire et plus agressif de M. Recep Tayyip Erdogan.
À l’ordre du jour, encore : la tenue d’un débat stratégique sur les relations avec la Russie, ou plutôt, faudrait-il dire, avec le régime toujours plus autoritaire et plus répressif de M. Vladimir Poutine.
À cette liste de points épineux, qui renvoient à la définition d’une politique étrangère commune aux pays de l’Union, viendront certainement s’ajouter les tensions récentes, et d’un niveau sans précédent depuis Tiananmen, avec la Chine, ou plutôt, faudrait-il dire, avec le régime toujours plus autoritaire, plus répressif et plus agressif du président Xi Jinping !
À travers ses débats, son vocabulaire et certaines de ses orientations politiques et stratégiques, l’Union européenne, aujourd’hui placée au pied du mur, semble sortir enfin de la béatitude et de la naïveté géopolitiques dans lesquelles elle baignait depuis la chute du Mur et l’effondrement de l’URSS.
Certes oui, il y a, si l’on veut voir le verre à moitié plein, des raisons de se réjouir de certaines initiatives européennes, comme la mise en œuvre de la réglementation Magnitski adoptée en décembre dernier, avec, d’ores et déjà, une salve de sanctions ciblées à l’endroit de plusieurs dirigeants russes, chinois et birmans. Je citerai également l’ouverture des fonds destinés à la Facilité européenne pour la paix, ou encore l’avancée de l’initiative franco-allemande, reprise par l’Union, en faveur de la réforme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Mais il est malheureusement impossible aussi de ne pas voir le verre à moitié vide, notamment à propos de certaines attitudes relativement ambiguës de notre grand partenaire, l’Allemagne, concernant la mise sur pied d’une Europe de l’armement, la politique spatiale européenne à mener, la construction du gazoduc Nord Stream 2 ou le préaccord d’investissement Europe-Chine, Berlin tentant de tordre le bras de ses partenaires au nom de ses seuls intérêts industriels et commerciaux.
C’est là, j’en ai peur, l’un des dégâts collatéraux du Brexit, encore peu mesuré, car la France a peut-être perdu un précieux allié en Europe à un moment où les enjeux géopolitiques et militaires semblent prendre une dimension sans précédent pour le futur de notre continent.
Si nous sommes d’accord pour penser que le multilatéralisme est en danger aujourd’hui, conclurai-je, nous ne devons cependant pas oublier que ce qui menace l’Europe en tant que véritable acteur dans le jeu mondial est aussi la tentation, chez certains de nos partenaires, d’un équilatéralisme concernant de tierces grandes puissances susceptibles d’entrer demain dans une conflictualité accrue les unes avec les autres.
Je sais que, dans un contexte européen fait de tensions larvées déjà nombreuses entre les États membres, il peut sembler un peu inconvenant de vouloir ouvrir un tel front. Mais, monsieur le secrétaire d’État, quand notre pays va-t-il enfin faire valoir ses droits linguistiques, rien que ses droits et cependant tous ses droits, en la matière ?
Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.
Il ne s’agit pas ici de contester à l’anglais son statut partagé de langue de travail, mais de ne lui accorder que la part qui lui revient, et pas davantage, dans une Europe à vingt-sept qui ne compte désormais plus que deux États membres, l’Irlande et Malte, pour qui cet idiome est la langue officielle.
Monsieur le secrétaire d’État, le 1er mars dernier, lors de la première réunion du comité d’échanges et de suivi de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, vous nous avez dit vouloir mettre en avant la question de la francophonie et du multilinguisme tout au long de la présidence française.
Précisément, n’y aurait-il pas là l’occasion d’affirmer un changement de cap en faisant en sorte que, lors de toutes les réunions se rapportant à la présidence française, l’ensemble de nos dirigeants et de nos représentants choisissent de ne s’exprimer qu’en français ou, à défaut, en allemand ?
L’usage de la langue, notamment dans les domaines politique et diplomatique, est loin d’être symbolique : il traduit dans les actes une certaine idée de l’appartenance européenne.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’après les statistiques du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, 10, 4 % des habitants de l’Union et de l’Espace économique européen avaient reçu une première dose de vaccin contre la covid-19 au 22 mars 2021. C’est bien en deçà des États-Unis, où un tiers de la population a désormais reçu une première injection.
C’est également moins que chez notre voisin le Royaume-Uni, où ce ratio atteint plus de 40 %, ou qu’en Israël, où il dépasse les 60 %. Les habitants de ces pays y redécouvrent la vie d’avant tandis que notre gouvernement est contraint, un an après le premier confinement, de resserrer la vis.
Au regard de ces chiffres, une évaluation du déploiement de la stratégie vaccinale européenne s’impose ; c’est l’un des points principaux de l’ordre du jour du Conseil européen des 25 et 26 mars prochains – vous l’avez longuement évoqué.
L’Europe de la santé n’existe pas encore, hélas. L’Union dispose néanmoins d’une compétence de santé lui permettant de mener des actions afin d’appuyer, de coordonner ou de compléter l’action des États membres. On peut donc se réjouir qu’elle ait mis en œuvre une approche centralisée pour répondre à la crise sanitaire, et en particulier pour garantir l’approvisionnement du continent en vaccins.
L’Union fait la force, dit-on : l’adage a en partie porté ses fruits, puisque les négociations menées en groupe nous ont permis de conclure des contrats à des prix avantageux. Ainsi le vaccin de Pfizer nous a-t-il coûté moins cher qu’au Royaume-Uni et qu’aux États-Unis.
Il ne faudrait toutefois pas que nous payions le prix fort de ces économies réalisées, celui d’un pays qui tourne au ralenti faute de livraisons dans les temps ! Sans vaccination massive, l’immunité collective – nous le savons bien – est impossible et une véritable reprise économique ne peut donc être envisagée à court terme.
Or, aujourd’hui, que constate-t-on ? Si la Commission européenne a commandé plus de 2 milliards de doses, les retards s’accumulent. Au 16 mars, seulement 69, 5 millions de doses avaient été livrées.
C’est autour du contrat conclu avec AstraZeneca que les difficultés se cristallisent. Clairement, l’entreprise ne tiendra pas ses engagements. Vous le savez, mes chers collègues, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a exhorté le laboratoire à honorer les contrats de commande conclus avec l’Union avant de livrer d’autres pays, comme il le fait actuellement avec le Royaume-Uni. Le contrat entre l’Union et AstraZeneca prévoit la livraison de doses produites à la fois sur le territoire européen et sur le territoire britannique ; or les doses produites au Royaume-Uni ne sont pas livrées sur le continent.
Comme vous l’avez dit lors d’une intervention télévisée, monsieur le secrétaire d’État, l’Union européenne ne doit pas servir de « variable d’ajustement » pour les laboratoires pharmaceutiques.
Faudra-t-il donc, comme le suggère la présidente de la Commission, empêcher les doses de sortir du territoire européen si le fabricant anglo-suédois ne remplit pas ses obligations contractuelles ? Alors que nous avons adopté, en décembre dernier, un accord sur la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, une escalade des tensions sur la question des vaccins serait un mauvais signe pour ladite relation.
En outre, si cette escalade aboutissait à des rétorsions sur nos importations, l’Union européenne pourrait être privée de composants que nous ne fabriquons pas. L’heure n’est donc pas à l’isolement, car il est vital que les chaînes d’approvisionnement demeurent ouvertes.
Ce problème nous renvoie d’ailleurs à celui, plus général, de la relocalisation de certaines industries en Europe. Le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, y travaille. Mon groupe est en tout cas favorable à une forte ambition européenne de réindustrialisation, gage de notre autonomie stratégique dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé.
Au-delà de cette question d’usage, cette réunion du Conseil européen programmée de longue date tombe particulièrement à point, grâce à une concordance de plusieurs calendriers.
En effet, deux mois après l’investiture de Joe Biden, trois mois après la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union, quatre mois après le pré-accord d’investissement entre l’Union européenne et la Chine et, bien sûr, un an après l’explosion de la pandémie de covid-19 sur notre continent, cette réunion pourrait être une occasion forte de s’interroger sur l’état de l’Union et sur ses perspectives d’avenir dans un contexte géopolitique et stratégique extrêmement évolutif, et parfois même inquiétant.
Certes, ce questionnement global n’est pas inscrit à l’ordre du jour de la réunion. Cependant, à regarder l’ensemble des thèmes qui devraient y être discutés, on constate que jamais l’agenda d’un Conseil européen n’aura été – à ma connaissance, tout au moins – doté d’une tonalité aussi géostratégique !
On y parlera bien évidemment de la stratégie vaccinale au sein de l’Union et des pressions exercées par certains États tiers, tantôt pour limiter notre approvisionnement par rapport à ce qui est prévu, tantôt pour introduire un ou plusieurs vaccins non certifiés par l’Agence européenne des médicaments (AEM).
La réunion traitera également des priorités à donner aujourd’hui au marché unique et à la stratégie industrielle de l’Union, ainsi que de la nouvelle stratégie numérique – on parle de « nouvelle boussole numérique » –, qui a déjà fait l’objet d’un Conseil européen extraordinaire en octobre dernier.
Stratégie, souveraineté, protection, objectifs, cibles, boussole… Jamais le vocabulaire usité par l’Union, notamment dans le domaine économique, n’aura été autant empreint de connotations tactiques et géopolitiques.
Et ce n’est pas tout ! La réunion consacrera une part importante de son agenda à la situation en Méditerranée orientale, avec la présentation du rapport du Haut Représentant sur les relations – de plus en plus tendues – avec la Turquie, ou plutôt, faudrait-il dire, avec le régime toujours plus autoritaire et plus agressif de M. Recep Tayyip Erdogan.
À l’ordre du jour, encore : la tenue d’un débat stratégique sur les relations avec la Russie, ou plutôt, faudrait-il dire, avec le régime toujours plus autoritaire et plus répressif de M. Vladimir Poutine.
À cette liste de points épineux, qui renvoient à la définition d’une politique étrangère commune aux pays de l’Union, viendront certainement s’ajouter les tensions récentes, et d’un niveau sans précédent depuis Tiananmen, avec la Chine, ou plutôt, faudrait-il dire, avec le régime toujours plus autoritaire, plus répressif et plus agressif du président Xi Jinping !
À travers ses débats, son vocabulaire et certaines de ses orientations politiques et stratégiques, l’Union européenne, aujourd’hui placée au pied du mur, semble sortir enfin de la béatitude et de la naïveté géopolitiques dans lesquelles elle baignait depuis la chute du Mur et l’effondrement de l’URSS.
Certes oui, il y a, si l’on veut voir le verre à moitié plein, des raisons de se réjouir de certaines initiatives européennes, comme la mise en œuvre de la réglementation Magnitski adoptée en décembre dernier, avec, d’ores et déjà, une salve de sanctions ciblées à l’endroit de plusieurs dirigeants russes, chinois et birmans. Je citerai également l’ouverture des fonds destinés à la Facilité européenne pour la paix, ou encore l’avancée de l’initiative franco-allemande, reprise par l’Union, en faveur de la réforme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Mais il est malheureusement impossible aussi de ne pas voir le verre à moitié vide, notamment à propos de certaines attitudes relativement ambiguës de notre grand partenaire, l’Allemagne, concernant la mise sur pied d’une Europe de l’armement, la politique spatiale européenne à mener, la construction du gazoduc Nord Stream 2 ou le préaccord d’investissement Europe-Chine, Berlin tentant de tordre le bras de ses partenaires au nom de ses seuls intérêts industriels et commerciaux.
C’est là, j’en ai peur, l’un des dégâts collatéraux du Brexit, encore peu mesuré, car la France a peut-être perdu un précieux allié en Europe à un moment où les enjeux géopolitiques et militaires semblent prendre une dimension sans précédent pour le futur de notre continent.
Si nous sommes d’accord pour penser que le multilatéralisme est en danger aujourd’hui, conclurai-je, nous ne devons cependant pas oublier que ce qui menace l’Europe en tant que véritable acteur dans le jeu mondial est aussi la tentation, chez certains de nos partenaires, d’un équilatéralisme concernant de tierces grandes puissances susceptibles d’entrer demain dans une conflictualité accrue les unes avec les autres.
Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.
En attendant, il est regrettable que, face au manque de doses de vaccins autorisés par l’Agence européenne des médicaments, certains États fassent le choix de conclure des contrats de commande parallèlement au dispositif de l’Union : la Hongrie, la Slovaquie, la Tchéquie ou encore la Pologne.
Je ferai deux observations.
Tout d’abord, ces choix sont préjudiciables à la valeur de solidarité qui est théoriquement au cœur du projet européen. Nous avons fait un grand pas, en juillet dernier, avec le plan de relance européen, en consacrant la solidarité financière entre États membres. Il ne faudrait pas que, dans cette course aux vaccins, les choix nationaux faits à l’est de l’Europe nous ramènent en arrière en posant une nouvelle fracture.
Viktor Orban n’en est pas à son premier bras de fer avec Bruxelles. Aussi, s’il assure que ce choix de faire cavalier seul est uniquement motivé par des nécessités sanitaires, il semble s’engouffrer dans la « diplomatie du vaccin » déployée par la Chine et par la Russie pour élargir leurs sphères d’influence respectives.
Ensuite, ces attitudes risquent de poser des difficultés si l’Union met bien en place son passeport vaccinal : pourra-t-on octroyer les mêmes libertés à tous sans discrimination ? Cela semble difficile, et cette situation pourrait peser sur la circulation des Européens au sein du continent.
S’agissant de libre circulation, j’en profite pour aborder celle des travailleurs transfrontaliers. Dans sa déclaration du 26 février dernier, le Conseil européen a affirmé : « Il faut assurer la circulation sans entrave des biens et des services au sein du marché unique, y compris en recourant à des voies réservées aux points de passage frontaliers. »
L’Union affirme un principe, mais sa mise en œuvre demeure bel et bien du ressort des États membres. Depuis le classement, le 2 mars dernier, de la Moselle en zone à forte circulation des variants du virus, les transfrontaliers sont contraints de présenter un test PCR négatif toutes les quarante-huit heures afin de pénétrer sur le territoire allemand. Dans le même temps, les frontaliers allemands peuvent rejoindre le territoire français sans observer les mêmes contraintes. Je mesure bien, sur le terrain, la lassitude des 16 000 travailleurs frontaliers concernés.
Monsieur le secrétaire d’État, reconnaissons que l’Union est ici dans une posture difficile : la Commission a voulu jouer un rôle ambitieux dans la gestion de la crise, mais elle semble rattrapée par la réalité de pouvoirs très limités en la matière.
Cette situation soulève une question de fond : les États membres doivent-ils se ressaisir des compétences déléguées à l’Union à l’occasion de cette crise, ou doit-on au contraire confier à l’Union des prérogatives plus importantes en matière de santé ?
Il nous faut en tout cas aujourd’hui apprendre des erreurs passées afin de continuer à gérer cette crise le mieux possible, et continuer à penser une Europe solidaire, au service de tous ses citoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’après les statistiques du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, 10, 4 % des habitants de l’Union et de l’Espace économique européen avaient reçu une première dose de vaccin contre la covid-19 au 22 mars 2021. C’est bien en deçà des États-Unis, où un tiers de la population a désormais reçu une première injection.
C’est également moins que chez notre voisin le Royaume-Uni, où ce ratio atteint plus de 40 %, ou qu’en Israël, où il dépasse les 60 %. Les habitants de ces pays y redécouvrent la vie d’avant tandis que notre gouvernement est contraint, un an après le premier confinement, de resserrer la vis.
Au regard de ces chiffres, une évaluation du déploiement de la stratégie vaccinale européenne s’impose ; c’est l’un des points principaux de l’ordre du jour du Conseil européen des 25 et 26 mars prochain – vous l’avez longuement évoqué.
L’Europe de la santé n’existe pas encore, hélas. L’Union dispose néanmoins d’une compétence de santé lui permettant de mener des actions afin d’appuyer, de coordonner ou de compléter l’action des États membres. On peut donc se réjouir qu’elle ait mis en œuvre une approche centralisée pour répondre à la crise sanitaire, et en particulier pour garantir l’approvisionnement du continent en vaccins.
L’Union fait la force, dit-on : l’adage a en partie porté ses fruits, puisque les négociations menées en groupe nous ont permis de conclure des contrats à des prix avantageux. Ainsi le vaccin de Pfizer nous a-t-il coûté moins cher qu’au Royaume-Uni et qu’aux États-Unis.
Il ne faudrait toutefois pas que nous payions le prix fort de ces économies réalisées, celui d’un pays qui tourne au ralenti faute de livraisons dans les temps ! Sans vaccination massive, l’immunité collective – nous le savons bien – est impossible et une véritable reprise économique ne peut donc être envisagée à court terme.
Or, aujourd’hui, que constate-t-on ? Si la Commission européenne a commandé plus de 2 milliards de doses, les retards s’accumulent. Au 16 mars, seulement 69, 5 millions de doses avaient été livrées.
C’est autour du contrat conclu avec AstraZeneca que les difficultés se cristallisent. Clairement, l’entreprise ne tiendra pas ses engagements. Vous le savez, mes chers collègues, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a exhorté le laboratoire à honorer les contrats de commande conclus avec l’Union avant de livrer d’autres pays, comme il le fait actuellement avec le Royaume-Uni. Le contrat entre l’Union et AstraZeneca prévoit la livraison de doses produites à la fois sur le territoire européen et sur le territoire britannique ; or les doses produites au Royaume-Uni ne sont pas livrées sur le continent.
Comme vous l’avez dit lors d’une intervention télévisée, monsieur le secrétaire d’État, l’Union européenne ne doit pas servir de « variable d’ajustement » pour les laboratoires pharmaceutiques.
Faudra-t-il donc, comme le suggère la présidente de la Commission, empêcher les doses de sortir du territoire européen si le fabricant anglo-suédois ne remplit pas ses obligations contractuelles ? Alors que nous avons adopté, en décembre dernier, un accord sur la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, une escalade des tensions sur la question des vaccins serait un mauvais signe pour ladite relation.
En outre, si cette escalade aboutissait à des rétorsions sur nos importations, l’Union européenne pourrait être privée de composants que nous ne fabriquons pas. L’heure n’est donc pas à l’isolement, car il est vital que les chaînes d’approvisionnement demeurent ouvertes.
Ce problème nous renvoie d’ailleurs à celui, plus général, de la relocalisation de certaines industries en Europe. Le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, y travaille. Mon groupe est en tout cas favorable à une forte ambition européenne de réindustrialisation, gage de notre autonomie stratégique dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Balzac écrivait qu’« il ne croyait à aucune vertu, mais à des circonstances où l’homme est vertueux ». Probablement sommes-nous face à de telles circonstances. Alors que le covid-19 continue ses ravages, que le pays est partiellement reconfiné, que la population commence à se désespérer des mesures de privation de libertés, la stratégie vaccinale européenne et nationale doit être considérée avec gravité. C’est sur ce point que je souhaite intervenir.
En de pareilles circonstances, nous ne pouvons plus tolérer que les logiques du marché prévalent sur la santé physique et mentale des citoyennes et des citoyens européens. Des solutions existent et pourraient s’imposer autour d’un principe : la libération des brevets.
Les investissements des laboratoires pharmaceutiques étant financés massivement par de l’argent public, l’argument selon lequel les brevets servent à couvrir ces investissements ne tient pas. Selon la fondation kENUP, les gouvernements des grandes puissances ont mobilisé a minima 93 milliards d’euros d’argent public pour soutenir la recherche et la production d’un vaccin.
La Commission européenne a choisi la méthode des contrats d’achats anticipés. Elle a déboursé 2, 1 milliards d’euros, grâce aux fonds de l’instrument d’aide d’urgence de l’Union européenne, pour garantir un stock de 2, 5 milliards de doses destiné aux citoyens européens. Or nous savons aujourd’hui qu’aucun stock n’est véritablement garanti, que les États membres sont lésés, que les concurrences demeurent et que l’ambition d’une Europe protectrice relève à ce jour d’une chimère.
Les pertes sociales et humaines pour le plus grand nombre, d’un côté, et les profits pour les grands groupes, de l’autre, cela n’est plus acceptable ! C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs de mon groupe sont partie prenante de la campagne de signatures lancée au niveau européen sur le thème : « Pas de profit sur la pandémie ».
Le Président de la République avait pourtant déclaré, le 4 juin dernier, lors du sommet mondial sur la vaccination : « L’enjeu c’est de faire en sorte dès maintenant qu’un vaccin contre le covid-19, lorsqu’il sera découvert, bénéficie à tous, parce qu’il sera un bien public mondial. »
Ces mots dont nous voulions espérer la mise en œuvre se sont révélés n’être que posture. La France a voté contre l’initiative portée par l’Afrique du Sud et par l’Inde, meneurs d’une coalition d’une centaine de pays militant au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour une dérogation temporaire permettant que chaque pays puisse produire des vaccins.
Le 4 mars dernier, le secrétaire général de l’OMS apportait son soutien à cette volonté de lutter contre la captation des vaccins par les pays riches : 75 % des 200 millions de doses inoculées l’ont été dans 10 pays, quand 130 pays où vivent 2, 5 milliards de personnes n’en ont pas reçu une seule.
Les laboratoires pharmaceutiques ne respectent pas leurs engagements contractuels. Malgré leur opacité, certains manquements sont établis. Tout d’abord, les retards d’approvisionnement : je pense évidemment à AstraZeneca, qui ne livrera qu’un tiers des doses promises d’ici à juin. Ensuite, les atermoiements autour du nombre de doses par flacon de vaccin : Pfizer et BioNTech en profitent pour livrer 20 % de doses en moins pour le même prix.
L’objectif doit bien rester que le vaccin devienne véritablement un bien public mondial. Comme le déclarait la présidente de la Commission, en effet, « l’Union européenne ne sera à l’abri que si le reste du monde est à l’abri ».
Pour prendre toute sa part de l’effort réalisé en vue de cet objectif, l’Europe a besoin de reconstruire au plus vite des capacités de recherche et de production souveraines, afin de sortir de la dépendance aux grands laboratoires mondiaux et de faire prévaloir la coopération contre les logiques de la concurrence et des « égoïsmes nationaux » qui en sont le pendant naturel.
La concurrence de tous contre tous crée une inflation des prix et la rareté des flacons. Si l’Europe paie ses doses, aujourd’hui, autour de 2 euros l’unité, l’Afrique du Sud, qui a revendu les siennes, avait déboursé 4, 5 euros quand l’Ouganda se ruinait en payant plus de trois fois le prix.
L’initiative Covax était censée permettre de vacciner 20 % de la population de 142 pays ; or ce chiffre devrait n’être que de 3, 3 % au premier semestre 2021, et la majorité de la population africaine n’aura pas accès aux vaccins avant 2022. L’Afrique du Sud a déclaré récemment, lors de la réunion du conseil général de l’OMC : « Le problème de la philanthropie est qu’elle ne peut pas acheter l’égalité. […] S’il n’y a pas de vaccins à acheter, l’argent n’a pas d’importance. » En vérité, les pays pauvres constituent donc la variable d’ajustement de l’approvisionnement des vaccins.
Si les pays développés se sont accaparés la quasi-totalité des doses de vaccin, cela ne signifie même pas que les populations européennes sont pour autant bien protégées. Là aussi, en effet, les logiques de marché font des ravages.
Quand 8, 9 % seulement de la population européenne a reçu au moins une dose, l’exportation récente de 34 millions de doses interroge. Depuis le début de l’année, 249 demandes d’exportations ont déjà été autorisées vers 31 pays. Parmi ces pays, le Royaume-Uni a bénéficié de 8 millions de doses de vaccin produites aux Pays-Bas, mais aucune dose n’a fait le chemin inverse.
Symboliquement, la Commission européenne a mis en place un « mécanisme de transparence » forçant les entreprises qui produisent des vaccins contre le covid-19 dans l’Union européenne à notifier toute exportation de leurs produits vers des pays tiers, mécanisme utilisé aussitôt par l’Italie pour bloquer 250 000 doses en partance pour l’Australie.
Les stratégies nationales de contournement avaient en réalité débuté, semble-t-il, avec l’Allemagne d’Angela Merkel, qui aurait passé commande à Pfizer et BioNTech de 30 millions de doses supplémentaires de leur vaccin. Plus récemment, le Danemark et l’Autriche ont mis en scène la signature de leur partenariat avec Israël pour la production du vaccin Moderna, via son sous-traitant Teva qui dispose d’usines dans ces pays.
Pendant ce temps, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne se tournent vers le vaccin chinois Sinopharm et le vaccin russe Spoutnik V, sans attendre l’avis des autorités sanitaires européennes. L’Union européenne, au lieu d’organiser la coopération entre tous les vaccins, ferme la porte à ces deux vaccins au nom d’un interdit géopolitique et non d’arguments sanitaires.
Le 9 septembre dernier, Ursula von der Leyen avertissait : « Le nationalisme vaccinal met des vies en danger, la coopération en matière de vaccins les sauve. » Force est de constater que la coopération et la solidarité européennes restent à construire. La pandémie révèle au grand jour, en effet, que c’est la matrice même de l’actuelle Union européenne qui est en cause.
L’enjeu sanitaire nous donne l’occasion de changer de logiciel. Allons-nous une nouvelle fois rater la marche ? Cette fois, les Européens ne nous le pardonneront pas.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Jacques Fernique et Didier Marie applaudissent également.
En attendant, il est regrettable que, face au manque de doses de vaccins autorisés par l’Agence européenne des médicaments, certains États fassent le choix de conclure des contrats de commande parallèlement au dispositif de l’Union : la Hongrie, la Slovaquie, la Tchéquie ou encore la Pologne.
Je ferai deux observations.
Tout d’abord, ces choix sont préjudiciables à la valeur de solidarité qui est théoriquement au cœur du projet européen. Nous avons fait un grand pas, en juillet dernier, avec le plan de relance européen, en consacrant la solidarité financière entre États membres. Il ne faudrait pas que, dans cette course aux vaccins, les choix nationaux faits à l’est de l’Europe nous ramènent en arrière en posant une nouvelle fracture.
Viktor Orban n’en est pas à son premier bras de fer avec Bruxelles. Aussi, s’il assure que ce choix de faire cavalier seul est uniquement motivé par des nécessités sanitaires, il semble s’engouffrer dans la « diplomatie du vaccin » déployée par la Chine et par la Russie pour élargir leurs sphères d’influence respectives.
Ensuite, ces attitudes risquent de poser des difficultés si l’Union met bien en place son passeport vaccinal : pourra-t-on octroyer les mêmes libertés à tous sans discrimination ? Cela semble difficile, et cette situation pourrait peser sur la circulation des Européens au sein du continent.
S’agissant de libre circulation, j’en profite pour aborder celle des travailleurs transfrontaliers. Dans sa déclaration du 26 février dernier, le Conseil européen a affirmé : « Il faut assurer la circulation sans entrave des biens et des services au sein du marché unique, y compris en recourant à des voies réservées aux points de passage frontaliers. »
L’Union affirme un principe, mais sa mise en œuvre demeure bel et bien du ressort des États membres. Depuis le classement, le 2 mars dernier, de la Moselle en zone à forte circulation des variants du virus, les transfrontaliers sont contraints de présenter un test PCR négatif toutes les quarante-huit heures afin de pénétrer sur le territoire allemand. Dans le même temps, les frontaliers allemands peuvent rejoindre le territoire français sans observer les mêmes contraintes. Je mesure bien, sur le terrain, la lassitude des 16 000 travailleurs frontaliers concernés.
Monsieur le secrétaire d’État, reconnaissons que l’Union est ici dans une posture difficile : la Commission a voulu jouer un rôle ambitieux dans la gestion de la crise, mais elle semble rattrapée par la réalité de pouvoirs très limités en la matière.
Cette situation soulève une question de fond : les États membres doivent-ils se ressaisir des compétences déléguées à l’Union à l’occasion de cette crise, ou doit-on au contraire confier à l’Union des prérogatives plus importantes en matière de santé ?
Il nous faut en tout cas aujourd’hui apprendre des erreurs passées afin de continuer à gérer cette crise le mieux possible, et continuer à penser une Europe solidaire, au service de tous ses citoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Didier Marie applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le montre l’ordre du jour du prochain Conseil européen, les enjeux du numérique semblent enfin prendre toute leur place dans les discussions intraeuropéennes.
Si je dis « enfin », c’est qu’il aura fallu attendre l’affaire Cambridge Analytica et les révélations de l’ingérence possible d’une puissance étrangère dans un processus électoral pour réaliser combien les modèles de fonctionnement et de financement des plateformes en ligne pouvaient constituer de réelles menaces, non seulement pour les fondements de nos économies et de nos modèles sociaux et culturels, mais aussi pour nos systèmes politiques et nos démocraties.
La crise sanitaire, de son côté, a mis en évidence l’importance de la maîtrise du numérique dans toute une série de domaines clés, qu’il s’agisse de la logistique et des transports, de la cybersécurité ou des données de santé, ainsi que la nécessité de développer une autonomie stratégique européenne en la matière.
Je me réjouis donc du virage qui a été pris sous l’impulsion de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, lequel affirme que l’Union doit en finir avec la naïveté ayant marqué jusqu’à présent son action dans le domaine des technologies. En effet, nous devons être lucides, monsieur le secrétaire d’État, sur les mesures et les nouvelles réglementations qu’il faut prendre. En matière de souveraineté, il est temps de passer du discours aux actes et d’adopter une stratégie cohérente, à commencer par chez nous – pardonnez-moi de le dire.
D’un côté, nous avons un ministre de l’économie qui a fait de l’harmonisation fiscale son cheval de bataille – et il a eu bien raison ; de l’autre, on note une sorte de résignation et des abandons permanents de souveraineté. La gestion du Health Data Hub, confiée sans états d’âme à Microsoft au prétexte fallacieux qu’il n’existait aucune entreprise française à la hauteur, est le dernier et inquiétant symbole de notre incapacité à faire face pour l’heure aux défis politiques, industriels et juridiques soulevés par les Gafam.
Si l’harmonisation fiscale post-Brexit doit être une priorité, il nous faut avant tout une stratégie de développement industriel, défensive mais surtout offensive, de ces technologies. Nous devons aider les entreprises de ces secteurs à se développer en Europe, et en particulier aider les PME à devenir des acteurs internationaux.
Ce n’est bien entendu pas à l’État de créer de telles technologies, mais il doit en accompagner les acteurs en orientant ses marchés vers les PME innovantes dans les secteurs éminemment stratégiques que sont la santé connectée, l’énergie, la maîtrise de l’environnement, les transports. Avec l’internet des objets – des milliards d’objets connectés –, ces secteurs représentent les filières de demain !
Monsieur le secrétaire d’État, la France est-elle prête à pousser à la création desdites technologies et des réglementions qui permettront de développer un internet des objets en accord avec nos principes fondamentaux de protection de l’État de droit ? Êtes-vous favorable à ce que l’on aide les entreprises européennes à développer les outils cryptographiques, en particulier les crypto-monnaies, fers de lance des nouvelles vagues d’ubérisation dans la banque et l’assurance ?
Rappelons que toutes les nations qui ont développé des écosystèmes technologiques puissants l’ont fait grâce à des politiques volontaristes. Le Small Business Act de 1953 a permis aux PME américaines innovantes d’obtenir d’emblée des contrats fédéraux ou locaux. Ces mécanismes d’achats et d’aides publiques intelligentes sont à l’origine des plus grandes réussites américaines, comme celle d’Elon Musk avec Tesla.
Bien entendu, des projets communs doivent être identifiés au niveau européen, notamment en matière d’infrastructures et de capacités numériques critiques. La France soutient-elle activement cette démarche et est-elle prête à jouer un rôle important dans sa mise en œuvre ? Qu’en est-il de la possibilité de mettre en place des capacités de stockage et de traitement des données sur le territoire européen sans risque d’intervention extraterritoriale ni d’ingérence dans les données à caractère privé, personnelles ou de nos entreprises, toutes devenues un actif stratégique majeur ?
Certes, le règlement général sur la protection des données (RGPD) a constitué une avancée considérable, mais son articulation avec le Digital Services Act (DSA), le Digital Market Act (DMA)et la proposition de règlement sur la gouvernance européenne des données visant à faciliter leur accès, leur partage et leur réutilisation au sein du marché unique doit absolument être précisée.
Le développement particulièrement rapide et inventif de la cybercriminalité est également extrêmement préoccupant. La Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) ont présenté une nouvelle stratégie de cybersécurité destinée à protéger les réseaux et les systèmes d’information ainsi que les utilisateurs de ces systèmes et les personnes exposées à la cybermenace.
Aucune vulnérabilité n’est permise pour la 5G, nous dit Thierry Breton. Cette dimension doit être pleinement intégrée dans le programme numérique que prépare la Commission. Le sujet sera-t-il effectivement abordé lors du prochain Conseil ?
La commission des affaires européennes m’a chargée de suivre, avec notre collègue Florence Blatrix Contat, la définition d’un cadre européen de responsabilité des grandes plateformes du numérique. Propagation des contenus illicites ou préjudiciables, vente de produits contrefaits : aujourd’hui omnipotentes, ces plateformes nous imposent leurs règles et disent n’être responsables de rien !
Enfin, les propositions de règlement DSA et DMA, présentées en décembre, introduisent une régulation et un principe de redevabilité que j’appelle de mes vœux depuis des années ! Des normes comportementales ex ante devraient par ailleurs être enfin imposées aux grands services numériques, qui sont toujours en position d’évincer leurs concurrents, d’empêcher le développement de nouveaux services et de nouveaux acteurs, nuisant de fait à l’innovation et à la qualité de l’offre de biens et services. Ces normes devraient prendre en compte les caractéristiques techniques et les modèles économiques des plateformes ainsi que leurs évolutions, car la régulation, elle aussi, doit être agile et s’adapter.
En l’état, leur modèle basé sur le « capitalisme de surveillance » est pervers. C’est pourquoi, à l’issue de nos travaux, nous devrions proposer au Sénat de compléter et de renforcer ces deux textes sur un certain nombre de points, pour que les objectifs de protection de la concurrence, de l’innovation et des consommateurs soient assurés au sein du marché intérieur.
Fort de ce que nous venons de dire, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement soutiendra activement au sein du Conseil la démarche de régulation esquissée et proposera d’en renforcer la portée et les moyens ? Veillera-t-il à ce qu’elle débouche sur un cadre effectif début 2022 et qu’elle s’accompagne d’une politique industrielle enfin digne de ce nom ? Tel serait le bon cap pour une boussole numérique.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Balzac écrivait qu’« il ne croyait à aucune vertu, mais à des circonstances où l’homme est vertueux ». Probablement sommes-nous face à de telles circonstances. Alors que le covid-19 continue ses ravages, que le pays est partiellement reconfiné, que la population commence à se désespérer des mesures de privation de libertés, la stratégie vaccinale européenne et nationale doit être considérée avec gravité. C’est sur ce point que je souhaite intervenir.
En de pareilles circonstances, nous ne pouvons plus tolérer que les logiques du marché prévalent sur la santé physique et mentale des citoyennes et des citoyens européens. Des solutions existent et pourraient s’imposer autour d’un principe : la libération des brevets.
Les investissements des laboratoires pharmaceutiques étant financés massivement par de l’argent public, l’argument selon lequel les brevets servent à couvrir ces investissements ne tient pas. Selon la fondation kENUP, les gouvernements des grandes puissances ont mobilisé a minima 93 milliards d’euros d’argent public pour soutenir la recherche et la production d’un vaccin.
La Commission européenne a choisi la méthode des contrats d’achats anticipés. Elle a déboursé 2, 1 milliards d’euros, grâce aux fonds de l’instrument d’aide d’urgence de l’Union européenne, pour garantir un stock de 2, 5 milliards de doses destiné aux citoyens européens. Or nous savons aujourd’hui qu’aucun stock n’est véritablement garanti, que les États membres sont lésés, que les concurrences demeurent et que l’ambition d’une Europe protectrice relève à ce jour d’une chimère.
Les pertes sociales et humaines pour le plus grand nombre, d’un côté, et les profits pour les grands groupes, de l’autre, cela n’est plus acceptable ! C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs de mon groupe sont partie prenante de la campagne de signatures lancée au niveau européen sur le thème : « Pas de profit sur la pandémie ».
Le Président de la République avait pourtant déclaré, le 4 juin dernier, lors du sommet mondial sur la vaccination : « L’enjeu c’est de faire en sorte dès maintenant qu’un vaccin contre le covid-19, lorsqu’il sera découvert, bénéficie à tous, parce qu’il sera un bien public mondial. »
Ces mots dont nous voulions espérer la mise en œuvre se sont révélés n’être que posture. La France a voté contre l’initiative portée par l’Afrique du Sud et par l’Inde, meneurs d’une coalition d’une centaine de pays militant au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour une dérogation temporaire permettant que chaque pays puisse produire des vaccins.
Le 4 mars dernier, le secrétaire général de l’OMS apportait son soutien à cette volonté de lutter contre la captation des vaccins par les pays riches : 75 % des 200 millions de doses inoculées l’ont été dans 10 pays, quand 130 pays où vivent 2, 5 milliards de personnes n’en ont pas reçu une seule.
Les laboratoires pharmaceutiques ne respectent pas leurs engagements contractuels. Malgré leur opacité, certains manquements sont établis. Tout d’abord, les retards d’approvisionnement : je pense évidemment à AstraZeneca, qui ne livrera qu’un tiers des doses promises d’ici à juin. Ensuite, les atermoiements autour du nombre de doses par flacon de vaccin : Pfizer et BioNTech en profitent pour livrer 20 % de doses en moins pour le même prix.
L’objectif doit bien rester que le vaccin devienne véritablement un bien public mondial. Comme le déclarait la présidente de la Commission, en effet, « l’Union européenne ne sera à l’abri que si le reste du monde est à l’abri ».
Pour prendre toute sa part de l’effort réalisé en vue de cet objectif, l’Europe a besoin de reconstruire au plus vite des capacités de recherche et de production souveraines, afin de sortir de la dépendance aux grands laboratoires mondiaux et de faire prévaloir la coopération contre les logiques de la concurrence et des « égoïsmes nationaux » qui en sont le pendant naturel.
La concurrence de tous contre tous crée une inflation des prix et la rareté des flacons. Si l’Europe paie ses doses, aujourd’hui, autour de 2 euros l’unité, l’Afrique du Sud, qui a revendu les siennes, avait déboursé 4, 5 euros quand l’Ouganda se ruinait en payant plus de trois fois le prix.
L’initiative Covax était censée permettre de vacciner 20 % de la population de 142 pays ; or ce chiffre devrait n’être que de 3, 3 % au premier semestre 2021, et la majorité de la population africaine n’aura pas accès aux vaccins avant 2022. L’Afrique du Sud a déclaré récemment, lors de la réunion du conseil général de l’OMC : « Le problème de la philanthropie est qu’elle ne peut pas acheter l’égalité. […] S’il n’y a pas de vaccins à acheter, l’argent n’a pas d’importance. » En vérité, les pays pauvres constituent donc la variable d’ajustement de l’approvisionnement des vaccins.
Si les pays développés se sont accaparés la quasi-totalité des doses de vaccin, cela ne signifie même pas que les populations européennes sont pour autant bien protégées. Là aussi, en effet, les logiques de marché font des ravages.
Quand 8, 9 % seulement de la population européenne a reçu au moins une dose, l’exportation récente de 34 millions de doses interroge. Depuis le début de l’année, 249 demandes d’exportations ont déjà été autorisées vers 31 pays. Parmi ces pays, le Royaume-Uni a bénéficié de 8 millions de doses de vaccin produites aux Pays-Bas, mais aucune dose n’a fait le chemin inverse.
Symboliquement, la Commission européenne a mis en place un « mécanisme de transparence » forçant les entreprises qui produisent des vaccins contre le covid-19 dans l’Union européenne à notifier toute exportation de leurs produits vers des pays tiers, mécanisme utilisé aussitôt par l’Italie pour bloquer 250 000 doses en partance pour l’Australie.
Les stratégies nationales de contournement avaient en réalité débuté, semble-t-il, avec l’Allemagne d’Angela Merkel, qui aurait passé commande à Pfizer et BioNTech de 30 millions de doses supplémentaires de leur vaccin. Plus récemment, le Danemark et l’Autriche ont mis en scène la signature de leur partenariat avec Israël pour la production du vaccin Moderna, via son sous-traitant Teva qui dispose d’usines dans ces pays.
Pendant ce temps, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne se tournent vers le vaccin chinois Sinopharm et le vaccin russe Spoutnik V, sans attendre l’avis des autorités sanitaires européennes. L’Union européenne, au lieu d’organiser la coopération entre tous les vaccins, ferme la porte à ces deux vaccins au nom d’un interdit géopolitique et non d’arguments sanitaires.
Le 9 septembre dernier, Ursula von der Leyen avertissait : « Le nationalisme vaccinal met des vies en danger, la coopération en matière de vaccins les sauve. » Force est de constater que la coopération et la solidarité européennes restent à construire. La pandémie révèle au grand jour, en effet, que c’est la matrice même de l’actuelle Union européenne qui est en cause.
L’enjeu sanitaire nous donne l’occasion de changer de logiciel. Allons-nous une nouvelle fois rater la marche ? Cette fois, les Européens ne nous le pardonneront pas.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Jacques Fernique et Didier Marie applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, dans mon département de la Seine-Maritime, 18 hommes, 5 femmes et 10 enfants ont été secourus à Dieppe alors qu’ils tentaient de rejoindre la Grande-Bretagne en traversant la Manche sur une embarcation pneumatique instable et extrêmement dangereuse.
Heureusement, tous s’en sont sortis sains et saufs. Mais, sur ces cinq derniers mois, ces situations se sont multipliées tout le long de nos côtes, des Hauts-de-France à la Normandie, interrogeant sur les conséquences du Brexit, la fin de l’application des accords de Dublin et la collaboration entre l’Union européenne, la France et la Grande-Bretagne en matière de migrations.
Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de définir un nouveau cadre de partenariat pour éviter les drames, et nous serions intéressés d’en connaître les modalités.
En Méditerranée, ces drames humains n’ont jamais cessé depuis 2014. Ils tendent à se multiplier depuis un an en raison de la situation sanitaire et vont s’accroître avec l’amélioration des conditions climatiques.
En novembre dernier, un navire a maintenu 1 195 migrants en quarantaine au large de la Sicile. D’autres bateaux ont vu leurs délais de débarquement allongés, quand les ports n’étaient pas tout simplement rendus inaccessibles, résultat des égoïsmes nationaux. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) compte plus de 20 000 décès recensés depuis 2014, auxquels s’ajoutent tous ceux qui se sont noyés dans l’anonymat. La Méditerranée est devenue un cimetière, et les Européens regardent ailleurs.
Il n’est plus possible de gérer les migrations sans un partenariat renforcé avec les pays d’origine, et il est inadmissible de les presser à collaborer avec l’Union en fonction d’objectifs excessivement focalisés sur le contrôle migratoire et la réduction du nombre de tentatives de traversées, au détriment de la protection des droits humains. C’est particulièrement vrai à l’égard de la Libye, où plus personne n’ignore que de graves violations de ces droits sont commises, où les femmes deviennent esclaves sexuelles et les hommes sont vendus pour 400 dollars, quand ils ne sont pas torturés jusqu’à ce que leurs familles payent une rançon.
L’Europe, depuis des années, s’est engagée dans une course vers l’abîme pour maintenir hors de nos frontières les personnes ayant besoin de notre protection, usant de manière croissante du refoulement des migrants sous l’œil passif, sinon complice, de Frontex.
Une autre voie est possible, celle de la tenue des engagements de réinstallation, de la généralisation des visas humanitaires, de l’assouplissement du regroupement familial, de la facilitation à poursuivre des études en Europe. Bref, il s’agirait de développer des voies de migration sûres et légales. L’Europe doit prendre ses responsabilités et signer des accords durables avec des pays tiers respectueux des droits de l’homme. Elle doit réorienter et renforcer son partenariat avec notre voisinage sud.
Nous attendons de la France qu’elle pèse au Conseil européen pour que celui-ci trace une voie vers plus de solidarité et d’humanité.
À ce titre, l’expérience de l’accord Union européenne-Turquie, signé voilà maintenant cinq ans, doit être source d’enseignements.
Certes, cet accord a permis de réguler l’arrivée de migrants sur les îles et les côtes grecques, et d’aider légitimement Ankara à gérer l’afflux de plus de 3 millions de réfugiés syriens. Mais il a aussi offert à M. Erdogan la formidable opportunité de devenir notre maître chanteur et de se départir du respect de ses engagements quand bon lui semblait – comme en mars 2020, lorsqu’il ouvrait les frontières de son pays pour faire pression sur l’Europe et la Grèce –, ou de manière plus générale en battant en brèche le droit international et les principes démocratiques, sans réaction sérieuse de l’Union européenne.
Nous saluons à cet égard la position de la France, qui a soutenu la Grèce face aux violations de ses frontières maritimes et aériennes, en signant un contrat de vente de 18 avions Rafale, considéré par Florence Parly comme un choix résolument européen, ou encore en menant la semaine dernière un exercice de contre-terrorisme sans précédent au large de la Crète, destiné à envoyer un message à M. Erdogan.
Celui-ci souffle depuis quelques semaines le chaud et le froid. Le chaud, en retirant les bateaux prospectant dans les eaux territoriales grecques aux abords de Kastellorizo ou de Chypre, pays avec lequel il est, d’autre part, convenu de reprendre les discussions fin avril sur le devenir de la partie nord, occupée par la Turquie. Le froid, en menaçant de dissolution le parti démocratique du peuple, en emprisonnant M. Gergerlioglu, déchu de son mandat de député de l’opposition et condamné à deux ans et demi de prison, ou en arrêtant M. Turkdogan, coprésident de l’association des droits de l’homme.
La Commission veut l’apaisement, la reconduction de l’accord migratoire, un agenda positif. D’accord, mais la réponse de M. Erdogan sur ces propositions, c’est le retrait de son pays de la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, premier traité fixant des normes juridiques contraignantes pour prévenir les violences sexistes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes dit « préoccupé par ce recul des droits », et nous partageons fortement ce sentiment.
Au regard de la montée actuelle des tensions en mer Égée et en Méditerranée, comment la France compte-t-elle peser, lors du Conseil européen, pour que l’Union avance en faveur d’une politique migratoire respectueuse des droits humains, sans être l’otage d’un régime comme celui de M. Erdogan, qui bafoue l’État de droit et la démocratie ?
De même, alors que le nouveau président américain Joe Biden a exprimé très franchement son opinion sur Vladimir Poutine, le reconnaissant coupable de museler son opposition par la violence, le Conseil de cette semaine doit de nouveau s’interroger sur la nature de nos relations avec la Russie.
Il y a un mois, de nouvelles sanctions ciblées avaient été décidées par les Vingt-Sept en réponse à l’emprisonnement d’Alexeï Navalny. Elles n’ont pas eu d’effets. La France va-t-elle emboîter le pas à l’administration américaine et plaider pour plus de fermeté, pour un renforcement de l’aide à la société civile, pour lutter plus efficacement contre la désinformation ou les attaques des hackers russes ? Va-t-elle au contraire se ranger derrière ceux qui ne veulent pas froisser ce pays, dont dépendent un tiers des fournitures de gaz de l’Union européenne, ce qui pose par ailleurs la question de notre autonomie stratégique et de la diversification de nos approvisionnements ?
Je dirai enfin un dernier mot sur la politique extérieure de l’Union à l’égard de la Chine. Nous saluons les premières sanctions prises par les Européens à l’encontre de plusieurs responsables de la province du Xinjiang, coupables de persécutions contre la minorité musulmane des Ouïghours. La réponse de la Chine n’a pas tardé, symbolique car frappant des parlementaires européens dont la liberté d’expression dérange Pékin.
Monsieur le secrétaire d’État, l’Union est en pleine négociation d’un accord sur les investissements. Peut-on croire aux promesses de la Chine, ou celles-ci n’engagent-elles que ceux qui les reçoivent, notamment sur le sujet du travail forcé des Ouïghours, qu’elle nie, ou le respect des règles de l’Organisation internationale du travail (OIT) ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’aurez compris, mon intervention vise à obtenir des éclaircissements sur la politique extérieure de l’Union et la position de la France. L’Europe doit à nos yeux se réaffirmer comme puissance économique, mais aussi politique, et promouvoir ses valeurs.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le montre l’ordre du jour du prochain Conseil européen, les enjeux du numérique semblent enfin prendre toute leur place dans les discussions intraeuropéennes.
Si je dis « enfin », c’est qu’il aura fallu attendre l’affaire Cambridge Analytica et les révélations de l’ingérence possible d’une puissance étrangère dans un processus électoral pour réaliser combien les modèles de fonctionnement et de financement des plateformes en ligne pouvaient constituer de réelles menaces, non seulement pour les fondements de nos économies et de nos modèles sociaux et culturels, mais aussi pour nos systèmes politiques et nos démocraties.
La crise sanitaire, de son côté, a mis en évidence l’importance de la maîtrise du numérique dans toute une série de domaines clés, qu’il s’agisse de la logistique et des transports, de la cybersécurité ou des données de santé, ainsi que la nécessité de développer une autonomie stratégique européenne en la matière.
Je me réjouis donc du virage qui a été pris sous l’impulsion de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, lequel affirme que l’Union doit en finir avec la naïveté ayant marqué jusqu’à présent son action dans le domaine des technologies. En effet, nous devons être lucides, monsieur le secrétaire d’État, sur les mesures et les nouvelles réglementations qu’il faut prendre. En matière de souveraineté, il est temps de passer du discours aux actes et d’adopter une stratégie cohérente, à commencer par chez nous – pardonnez-moi de le dire.
D’un côté, nous avons un ministre de l’économie qui a fait de l’harmonisation fiscale son cheval de bataille – et il a eu bien raison ; de l’autre, on note une sorte de résignation et des abandons permanents de souveraineté. La gestion du Health Data Hub, confiée sans états d’âme à Microsoft au prétexte fallacieux qu’il n’existait aucune entreprise française à la hauteur, est le dernier et inquiétant symbole de notre incapacité à faire face pour l’heure aux défis politiques, industriels et juridiques soulevés par les Gafam.
Si l’harmonisation fiscale post-Brexit doit être une priorité, il nous faut avant tout une stratégie de développement industriel, défensive mais surtout offensive, de ces technologies. Nous devons aider les entreprises de ces secteurs à se développer en Europe, et en particulier aider les PME à devenir des acteurs internationaux.
Ce n’est bien entendu pas à l’État de créer de telles technologies, mais il doit en accompagner les acteurs en orientant ses marchés vers les PME innovantes dans les secteurs éminemment stratégiques que sont la santé connectée, l’énergie, la maîtrise de l’environnement, les transports. Avec l’internet des objets – des milliards d’objets connectés –, ces secteurs représentent les filières de demain !
Monsieur le secrétaire d’État, la France est-elle prête à pousser à la création desdites technologies et des réglementions qui permettront de développer un internet des objets en accord avec nos principes fondamentaux de protection de l’État de droit ? Êtes-vous favorable à ce que l’on aide les entreprises européennes à développer les outils cryptographiques, en particulier les crypto-monnaies, fers de lance des nouvelles vagues d’ubérisation dans la banque et l’assurance ?
Rappelons que toutes les nations qui ont développé des écosystèmes technologiques puissants l’ont fait grâce à des politiques volontaristes. Le Small Business Act de 1953 a permis aux PME américaines innovantes d’obtenir d’emblée des contrats fédéraux ou locaux. Ces mécanismes d’achats et d’aides publiques intelligentes sont à l’origine des plus grandes réussites américaines, comme celle d’Elon Musk avec Tesla.
Bien entendu, des projets communs doivent être identifiés au niveau européen, notamment en matière d’infrastructures et de capacités numériques critiques. La France soutient-elle activement cette démarche et est-elle prête à jouer un rôle important dans sa mise en œuvre ? Qu’en est-il de la possibilité de mettre en place des capacités de stockage et de traitement des données sur le territoire européen sans risque d’intervention extraterritoriale ni d’ingérence dans les données à caractère privé, personnelles ou de nos entreprises, toutes devenues un actif stratégique majeur ?
Certes, le règlement général sur la protection des données (RGPD) a constitué une avancée considérable, mais son articulation avec le Digital Services Act (DSA), le Digital Market Act (DMA)et la proposition de règlement sur la gouvernance européenne des données visant à faciliter leur accès, leur partage et leur réutilisation au sein du marché unique doit absolument être précisée.
Le développement particulièrement rapide et inventif de la cybercriminalité est également extrêmement préoccupant. La Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) ont présenté une nouvelle stratégie de cybersécurité destinée à protéger les réseaux et les systèmes d’information ainsi que les utilisateurs de ces systèmes et les personnes exposées à la cybermenace.
Aucune vulnérabilité n’est permise pour la 5G, nous dit Thierry Breton. Cette dimension doit être pleinement intégrée dans le programme numérique que prépare la Commission. Le sujet sera-t-il effectivement abordé lors du prochain Conseil ?
La commission des affaires européennes m’a chargée de suivre, avec notre collègue Florence Blatrix Contat, la définition d’un cadre européen de responsabilité des grandes plateformes du numérique. Propagation des contenus illicites ou préjudiciables, vente de produits contrefaits : aujourd’hui omnipotentes, ces plateformes nous imposent leurs règles et disent n’être responsables de rien !
Enfin, les propositions de règlement DSA et DMA, présentées en décembre, introduisent une régulation et un principe de redevabilité que j’appelle de mes vœux depuis des années ! Des normes comportementales ex ante devraient par ailleurs être enfin imposées aux grands services numériques, qui sont toujours en position d’évincer leurs concurrents, d’empêcher le développement de nouveaux services et de nouveaux acteurs, nuisant de fait à l’innovation et à la qualité de l’offre de biens et services. Ces normes devraient prendre en compte les caractéristiques techniques et les modèles économiques des plateformes ainsi que leurs évolutions, car la régulation, elle aussi, doit être agile et s’adapter.
En l’état, leur modèle basé sur le « capitalisme de surveillance » est pervers. C’est pourquoi, à l’issue de nos travaux, nous devrions proposer au Sénat de compléter et de renforcer ces deux textes sur un certain nombre de points, pour que les objectifs de protection de la concurrence, de l’innovation et des consommateurs soient assurés au sein du marché intérieur.
Fort de ce que nous venons de dire, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement soutiendra activement au sein du Conseil la démarche de régulation esquissée et proposera d’en renforcer la portée et les moyens ? Veillera-t-il à ce qu’elle débouche sur un cadre effectif début 2022 et qu’elle s’accompagne d’une politique industrielle enfin digne de ce nom ? Tel serait le bon cap pour une boussole numérique.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Gattolin applaudit également.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agenda de ce Conseil européen suscite de très nombreuses interrogations. Loin d’un inventaire à la Prévert, je m’efforcerai de soulever les questions que se posent nos concitoyens.
La pandémie de covid-19 demeure le principal point à l’agenda. Les derniers jours ont été mouvementés autour de la politique vaccinale européenne et des doutes sanitaires concernant le vaccin AstraZeneca. Jeudi dernier, nous apprenions la rédaction d’une lettre de mise en demeure de la Commission européenne à l’endroit de l’entreprise anglo-suédoise concernant les retards de livraison. Quelques jours avant, l’Italie bloquait 250 000 doses à destination de l’Australie.
La Commission européenne souhaite aujourd’hui renforcer le mécanisme européen d’autorisation des exportations de vaccins contre la covid-19. Quelle est la position de la France, monsieur le secrétaire d’État ?
La politique vaccinale européenne stagne, et cela nous préoccupe. Des problèmes de répartition des vaccins entre pays membres de l’Union européenne ont été soulevés, obligeant la Commission à se justifier, encore une fois.
Monsieur le secrétaire d’État, ne devrions-nous pas nous doter d’un outil européen de gestion de crise adapté ? La Commission européenne n’est évidemment pas faite pour cela.
Le vaccin n’en représente pas moins une lueur d’espoir pour une Europe qui vient de passer douze mois dans l’incertitude, et qui doit faire face à une crise économique violente et profonde. L’Agence européenne des médicaments a renouvelé sa confiance dans le vaccin AstraZeneca, en le qualifiant de sûr et d’efficace. Quelles sont les perspectives de la stratégie vaccinale européenne pour ces prochaines semaines ?
La Commission européenne a également mis sur la table une proposition de règlement pour un certificat numérique vert destiné à faciliter la libre circulation durant la pandémie. Le calendrier prévoit sa mise en œuvre directe dès la fin du mois de mai, un horizon très proche. La France a-t-elle identifié des lignes rouges ? Je pense notamment au stockage des données, les États membres ayant fait à ce sujet des choix différents lors du développement de leur application anti-covid.
Quelles sont les pistes en ce qui concerne les déplacements extraeuropéens, en particulier au niveau de la reconnaissance des différents vaccins dans ce passeport vaccinal ?
Le sujet de la pandémie est aussi celui de la crise, et surtout celui de la relance économique, qui doit être au rendez-vous. Bien que cela ne soit pas inscrit formellement à l’ordre du jour, pourriez-vous nous dresser un état des lieux de son avancée ?
Ce point conduit directement à la question de la fiscalité numérique, indispensable pour rembourser notre emprunt commun. Ce dossier complexe a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. En parallèle, il est indispensable que nous développions nos propres outils numériques : c’est là un enjeu de souveraineté majeur pour l’avenir, comme l’a précisé Christian Cambon dans son propos introductif.
Autre sujet inquiétant, notre souveraineté alimentaire. Nous avons constaté, lors de la première vague de covid-19, que la sécurité et l’indépendance dans ce domaine étaient cruciales. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la tournure que prennent les discussions sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), notamment le risque de renationalisation rampante que représente l’émergence de vingt-sept plans stratégiques nationaux, ouvrant la voie à des distorsions de concurrence et à un delta de répartition entre le premier et le deuxième pilier.
Il est aussi question d’indépendance dans la gestion de nos relations extérieures, un sujet sur lequel les Européens sont mis à l’épreuve depuis des mois.
Concernant la Russie, tout d’abord, le début de l’année a été marqué par un coup dur pour la diplomatie européenne, qui oscillait entre faiblesse et désunion manifeste. Notre réponse ne peut pas être guidée par des intérêts nationaux contradictoires, notamment en termes d’indépendance énergétique. Notre force diplomatique doit donc s’affirmer. Monsieur le secrétaire d’État, quel sera le discours de la France sur les dernières évolutions du dossier russe ?
La question est la même pour la Méditerranée orientale, où la position de la Turquie, qui s’éloigne de plus en plus de nos valeurs, est préoccupante. Sa place au sein de l’OTAN questionne. En atteste sa décision récente de se retirer de la convention d’Istanbul de 2011, dont l’objectif est de prévenir et combattre la violence faite aux femmes.
Pour finir sur une note plus positive, j’ai noté que le Royaume-Uni, pour la première fois depuis son départ, avait évoqué des relations constructives et positives avec l’Union européenne dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune, même si ses représentants ont bien évidemment précisé qu’ils choisiraient le cadre de l’OTAN.
En conclusion, nous le voyons, l’Europe dans cette crise est face à son destin. Aurons-nous la force de rebondir collectivement ? L’Européen convaincu que je suis l’imagine encore, à condition de réactualiser notre logiciel commun. Les grands défis industriels et technologiques ne peuvent être portés qu’au niveau européen. Il y va de la place de l’Europe dans le monde de demain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, dans mon département de la Seine-Maritime, 18 hommes, 5 femmes et 10 enfants ont été secourus à Dieppe alors qu’ils tentaient de rejoindre la Grande-Bretagne en traversant la Manche sur une embarcation pneumatique instable et extrêmement dangereuse.
Heureusement, tous s’en sont sortis sains et saufs. Mais, sur ces cinq derniers mois, ces situations se sont multipliées tout le long de nos côtes, des Hauts-de-France à la Normandie, interrogeant sur les conséquences du Brexit, la fin de l’application des accords de Dublin et la collaboration entre l’Union européenne, la France et la Grande-Bretagne en matière de migrations.
Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de définir un nouveau cadre de partenariat pour éviter les drames, et nous serions intéressés d’en connaître les modalités.
En Méditerranée, ces drames humains n’ont jamais cessé depuis 2014. Ils tendent à se multiplier depuis un an en raison de la situation sanitaire et vont s’accroître avec l’amélioration des conditions climatiques.
En novembre dernier, un navire a maintenu 1 195 migrants en quarantaine au large de la Sicile. D’autres bateaux ont vu leurs délais de débarquement allongés, quand les ports n’étaient pas tout simplement rendus inaccessibles, résultat des égoïsmes nationaux. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) compte plus de 20 000 décès recensés depuis 2014, auxquels s’ajoutent tous ceux qui se sont noyés dans l’anonymat. La Méditerranée est devenue un cimetière, et les Européens regardent ailleurs.
Il n’est plus possible de gérer les migrations sans un partenariat renforcé avec les pays d’origine, et il est inadmissible de les presser à collaborer avec l’Union en fonction d’objectifs excessivement focalisés sur le contrôle migratoire et la réduction du nombre de tentatives de traversées, au détriment de la protection des droits humains. C’est particulièrement vrai à l’égard de la Libye, où plus personne n’ignore que de graves violations de ces droits sont commises, où les femmes deviennent esclaves sexuelles et les hommes sont vendus pour 400 dollars, quand ils ne sont pas torturés jusqu’à ce que leurs familles payent une rançon.
L’Europe, depuis des années, s’est engagée dans une course vers l’abîme pour maintenir hors de nos frontières les personnes ayant besoin de notre protection, usant de manière croissante du refoulement des migrants sous l’œil passif, sinon complice, de Frontex.
Une autre voie est possible, celle de la tenue des engagements de réinstallation, de la généralisation des visas humanitaires, de l’assouplissement du regroupement familial, de la facilitation à poursuivre des études en Europe. Bref, il s’agirait de développer des voies de migration sûres et légales. L’Europe doit prendre ses responsabilités et signer des accords durables avec des pays tiers respectueux des droits de l’homme. Elle doit réorienter et renforcer son partenariat avec notre voisinage sud.
Nous attendons de la France qu’elle pèse au Conseil européen pour que celui-ci trace une voie vers plus de solidarité et d’humanité.
À ce titre, l’expérience de l’accord Union européenne-Turquie, signé voilà maintenant cinq ans, doit être source d’enseignements.
Certes, cet accord a permis de réguler l’arrivée de migrants sur les îles et les côtes grecques, et d’aider légitimement Ankara à gérer l’afflux de plus de 3 millions de réfugiés syriens. Mais il a aussi offert à M. Erdogan la formidable opportunité de devenir notre maître chanteur et de se départir du respect de ses engagements quand bon lui semblait – comme en mars 2020, lorsqu’il ouvrait les frontières de son pays pour faire pression sur l’Europe et la Grèce –, ou de manière plus générale en battant en brèche le droit international et les principes démocratiques, sans réaction sérieuse de l’Union européenne.
Nous saluons à cet égard la position de la France, qui a soutenu la Grèce face aux violations de ses frontières maritimes et aériennes, en signant un contrat de vente de 18 avions Rafale, considéré par Florence Parly comme un choix résolument européen, ou encore en menant la semaine dernière un exercice de contre-terrorisme sans précédent au large de la Crète, destiné à envoyer un message à M. Erdogan.
Celui-ci souffle depuis quelques semaines le chaud et le froid. Le chaud, en retirant les bateaux prospectant dans les eaux territoriales grecques aux abords de Kastellorizo ou de Chypre, pays avec lequel il est, d’autre part, convenu de reprendre les discussions fin avril sur le devenir de la partie nord, occupée par la Turquie. Le froid, en menaçant de dissolution le parti démocratique du peuple, en emprisonnant M. Gergerlioglu, déchu de son mandat de député de l’opposition et condamné à deux ans et demi de prison, ou en arrêtant M. Turkdogan, coprésident de l’association des droits de l’homme.
La Commission veut l’apaisement, la reconduction de l’accord migratoire, un agenda positif. D’accord, mais la réponse de M. Erdogan sur ces propositions, c’est le retrait de son pays de la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, premier traité fixant des normes juridiques contraignantes pour prévenir les violences sexistes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes dit « préoccupé par ce recul des droits », et nous partageons fortement ce sentiment.
Au regard de la montée actuelle des tensions en mer Égée et en Méditerranée, comment la France compte-t-elle peser, lors du Conseil européen, pour que l’Union avance en faveur d’une politique migratoire respectueuse des droits humains, sans être l’otage d’un régime comme celui de M. Erdogan, qui bafoue l’État de droit et la démocratie ?
De même, alors que le nouveau président américain Joe Biden a exprimé très franchement son opinion sur Vladimir Poutine, le reconnaissant coupable de museler son opposition par la violence, le Conseil de cette semaine doit de nouveau s’interroger sur la nature de nos relations avec la Russie.
Il y a un mois, de nouvelles sanctions ciblées avaient été décidées par les Vingt-Sept en réponse à l’emprisonnement d’Alexeï Navalny. Elles n’ont pas eu d’effets. La France va-t-elle emboîter le pas à l’administration américaine et plaider pour plus de fermeté, pour un renforcement de l’aide à la société civile, pour lutter plus efficacement contre la désinformation ou les attaques des hackers russes ? Va-t-elle au contraire se ranger derrière ceux qui ne veulent pas froisser ce pays, dont dépendent un tiers des fournitures de gaz de l’Union européenne, ce qui pose par ailleurs la question de notre autonomie stratégique et de la diversification de nos approvisionnements ?
Je dirai enfin un dernier mot sur la politique extérieure de l’Union à l’égard de la Chine. Nous saluons les premières sanctions prises par les Européens à l’encontre de plusieurs responsables de la province du Xinjiang, coupables de persécutions contre la minorité musulmane des Ouïghours. La réponse de la Chine n’a pas tardé, symbolique car frappant des parlementaires européens dont la liberté d’expression dérange Pékin.
Monsieur le secrétaire d’État, l’Union est en pleine négociation d’un accord sur les investissements. Peut-on croire aux promesses de la Chine, ou celles-ci n’engagent-elles que ceux qui les reçoivent, notamment sur le sujet du travail forcé des Ouïghours, qu’elle nie, ou le respect des règles de l’Organisation internationale du travail (OIT) ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’aurez compris, mon intervention vise à obtenir des éclaircissements sur la politique extérieure de l’Union et la position de la France. L’Europe doit à nos yeux se réaffirmer comme puissance économique, mais aussi politique, et promouvoir ses valeurs.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et au banc de la commission. – MM. Claude Kern et Cyril Pellevat applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Gattolin applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous serons particulièrement attentifs à ce que feront ou ne feront pas les dirigeants européens à la fin de cette semaine. Cette attention va sans doute dépasser le cercle des initiés, car je crois que nos attentes précises, nos exigences d’avancées concrètes, sont partagées par bon nombre de nos concitoyens.
C’est d’abord évidemment face à la pandémie que l’Europe est attendue. Le choix de jouer collectif pour le groupement des commandes et l’approvisionnement en vaccins était le bon. Il ne produit cependant pas les résultats escomptés : les engagements de livraison ne sont pas tenus, les taux de vaccination sont toujours inférieurs à 10 % et la nette différence avec le Royaume-Uni, le Chili, les États-Unis ou Israël, par exemple – et l’incompréhension des opinions publiques qui en découle –, incite les uns et les autres à la tentation de rompre cette cohésion européenne et de faire cavalier seul pour leur fourniture en vaccins.
Cette évolution est délétère. Comment pourrait-on, avec ce retour du « chacun pour soi », imposer un rapport de force aux laboratoires pharmaceutiques ? Comment pourrait-on mettre en œuvre, dans une telle désorganisation, la mobilisation industrielle qui s’impose pour la production massive de vaccins ? Comment, si ce repli généralisé se confirmait, pourrait-on conduire l’indispensable soutien à la vaccination des populations les plus précaires de la planète ?
Aujourd’hui, à peine dix pays concentrent les trois quarts des personnes vaccinées dans le monde. Qui peut croire que l’on viendra à bout d’une pandémie mondiale en poursuivant de cette façon ?
Nous attendons donc de l’Europe qu’elle écarte ces dérives néfastes, qu’elle assume complètement lors de ce Conseil son choix d’agir collectivement face à la pandémie, qu’elle manifeste clairement sa détermination à ne pas rester au milieu du gué. La communication récente du commissaire Thierry Breton n’y suffira pas, même s’il est déterminé. Nous attendons des actes forts pour engager la production sur l’ensemble des sites qui le peuvent, pour mettre les laboratoires pharmaceutiques dans la logique de transparence, de mobilisation et, disons-le, de discipline collective qui est nécessaire.
Des sommes considérables d’argent public soutiennent la recherche et l’innovation technologique des laboratoires pour la riposte à la pandémie ; on ne peut pas gaspiller cet argent dans l’opacité, la désorganisation, le cynisme et la cupidité. Pour optimiser la disponibilité et le caractère abordable des vaccins, il faut une dérogation temporaire aux obligations prévues par l’OMC sur la propriété intellectuelle.
Les dirigeants européens sont attendus par l’Afrique du Sud, l’Inde, par plus de cent gouvernements, des organisations non gouvernementales, des syndicats et par le directeur général de l’OMS, pour peser afin que le vaccin devienne « bien public mondial ». Vous avez utilisé cette expression, monsieur le secrétaire d’État, encore faudrait-il lui donner corps !
Une autre attente forte vis-à-vis de nos dirigeants européens, c’est le renforcement de la transparence fiscale. Au moment où les dépenses publiques sont mises à forte contribution face à la pandémie, l’évasion fiscale pratiquée par de nombreuses multinationales apparaît totalement intolérable pour l’immense majorité des Européens. C’est là-dessus qu’il faut agir, par des dispositifs volontaristes et efficaces, plutôt que d’envisager d’énièmes réformes structurelles qui saccageraient le bien commun que constituent les services publics.
La directive en faveur d’un reporting public et obligatoire s’avérerait extrêmement efficace, puisqu’elle permettrait de vérifier que les impôts sont bien payés là où ils doivent l’être. Elle permettrait d’identifier les lacunes du système et d’avoir les données pour agir afin de garantir la justice fiscale et mettre fin à la concurrence déloyale fondée sur l’abus du système.
Nous ne voulons pas que les négociations interinstitutionnelles réduisent cette ambition. Aussi, nous n’acceptons pas le principe de la clause de sauvegarde que porte apparemment le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État. Permettre aux multinationales de garder secrètes pendant six ans des informations comptables basiques, sous prétexte d’un possible préjudice à leur position commerciale, affaiblirait considérablement l’exigence de transparence fiscale. Nous attendons des dirigeants européens qu’ils assurent un dispositif robuste.
Dans l’ordre du jour dense de ce Conseil européen, il y a aussi la politique industrielle. Notre conviction à cet égard est que la réindustrialisation en Europe et la création des emplois qualifiés de demain passeront par l’innovation industrielle bas-carbone. Cette ligne responsable, rationnelle et lucide n’a pas encore gagné face aux tenants d’un ancien monde qui minimisent toujours l’urgence climatique.
Le débat sur le futur ajustement carbone aux frontières montre crûment combien ces deux lignes s’affrontent. À quinze voix près, les plus conservateurs des parlementaires européens viennent d’emporter un vote qui voudrait maintenir les droits à polluer octroyés gratuitement aux industries hautement polluantes.
Ce traitement spécial temporaire entendait soutenir la compétitivité de ces industries considérées comme exposées à un risque de délocalisation. Il ne peut se perpétuer, car il deviendrait caduc avec l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone. L’ambition doit en être maintenue : ne laissons pas certains lobbies vouloir le beurre et l’argent du beurre sans même faire les efforts requis pour le climat. Ces quotas gratuits ont fait leur temps, ils sont incompatibles avec l’ajustement carbone aux frontières, pour des raisons environnementales, d’abord, mais aussi de compatibilité avec le droit de l’OMC.
Nous attendons donc de ce Conseil européen qu’il fixe clairement la ligne de la stratégie industrielle pour que l’opportunité de la conversion vers l’économie décarbonée soit pleinement saisie et que nos industries ne soient pas fragilisées par des logiques à courte vue.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
M. André Gattolin applaudit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agenda de ce Conseil européen suscite de très nombreuses interrogations. Loin d’un inventaire à la Prévert, je m’efforcerai de soulever les questions que se posent nos concitoyens.
La pandémie de covid-19 demeure le principal point à l’agenda. Les derniers jours ont été mouvementés autour de la politique vaccinale européenne et des doutes sanitaires concernant le vaccin AstraZeneca. Jeudi dernier, nous apprenions la rédaction d’une lettre de mise en demeure de la Commission européenne à l’endroit de l’entreprise anglo-suédoise concernant les retards de livraison. Quelques jours avant, l’Italie bloquait 250 000 doses à destination de l’Australie.
La Commission européenne souhaite aujourd’hui renforcer le mécanisme européen d’autorisation des exportations de vaccins contre la covid-19. Quelle est la position de la France, monsieur le secrétaire d’État ?
La politique vaccinale européenne stagne, et cela nous préoccupe. Des problèmes de répartition des vaccins entre pays membres de l’Union européenne ont été soulevés, obligeant la Commission à se justifier, encore une fois.
Monsieur le secrétaire d’État, ne devrions-nous pas nous doter d’un outil européen de gestion de crise adapté ? La Commission européenne n’est évidemment pas faite pour cela.
Le vaccin n’en représente pas moins une lueur d’espoir pour une Europe qui vient de passer douze mois dans l’incertitude, et qui doit faire face à une crise économique violente et profonde. L’Agence européenne des médicaments a renouvelé sa confiance dans le vaccin AstraZeneca, en le qualifiant de sûr et d’efficace. Quelles sont les perspectives de la stratégie vaccinale européenne pour ces prochaines semaines ?
La Commission européenne a également mis sur la table une proposition de règlement pour un certificat numérique vert destiné à faciliter la libre circulation durant la pandémie. Le calendrier prévoit sa mise en œuvre directe dès la fin du mois de mai, un horizon très proche. La France a-t-elle identifié des lignes rouges ? Je pense notamment au stockage des données, les États membres ayant fait à ce sujet des choix différents lors du développement de leur application anti-covid.
Quelles sont les pistes en ce qui concerne les déplacements extraeuropéens, en particulier au niveau de la reconnaissance des différents vaccins dans ce passeport vaccinal ?
Le sujet de la pandémie est aussi celui de la crise, et surtout celui de la relance économique, qui doit être au rendez-vous. Bien que cela ne soit pas inscrit formellement à l’ordre du jour, pourriez-vous nous dresser un état des lieux de son avancée ?
Ce point conduit directement à la question de la fiscalité numérique, indispensable pour rembourser notre emprunt commun. Ce dossier complexe a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. En parallèle, il est indispensable que nous développions nos propres outils numériques : c’est là un enjeu de souveraineté majeur pour l’avenir, comme l’a précisé Christian Cambon dans son propos introductif.
Autre sujet inquiétant, notre souveraineté alimentaire. Nous avons constaté, lors de la première vague de covid-19, que la sécurité et l’indépendance dans ce domaine étaient cruciales. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la tournure que prennent les discussions sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), notamment le risque de renationalisation rampante que représente l’émergence de vingt-sept plans stratégiques nationaux, ouvrant la voie à des distorsions de concurrence et à un delta de répartition entre le premier et le deuxième pilier.
Il est aussi question d’indépendance dans la gestion de nos relations extérieures, un sujet sur lequel les Européens sont mis à l’épreuve depuis des mois.
Concernant la Russie, tout d’abord, le début de l’année a été marqué par un coup dur pour la diplomatie européenne, qui oscillait entre faiblesse et désunion manifeste. Notre réponse ne peut pas être guidée par des intérêts nationaux contradictoires, notamment en termes d’indépendance énergétique. Notre force diplomatique doit donc s’affirmer. Monsieur le secrétaire d’État, quel sera le discours de la France sur les dernières évolutions du dossier russe ?
La question est la même pour la Méditerranée orientale, où la position de la Turquie, qui s’éloigne de plus en plus de nos valeurs, est préoccupante. Sa place au sein de l’OTAN questionne. En atteste sa décision récente de se retirer de la convention d’Istanbul de 2011, dont l’objectif est de prévenir et combattre la violence faite aux femmes.
Pour finir sur une note plus positive, j’ai noté que le Royaume-Uni, pour la première fois depuis son départ, avait évoqué des relations constructives et positives avec l’Union européenne dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune, même si ses représentants ont bien évidemment précisé qu’ils choisiraient le cadre de l’OTAN.
En conclusion, nous le voyons, l’Europe dans cette crise est face à son destin. Aurons-nous la force de rebondir collectivement ? L’Européen convaincu que je suis l’imagine encore, à condition de réactualiser notre logiciel commun. Les grands défis industriels et technologiques ne peuvent être portés qu’au niveau européen. Il y va de la place de l’Europe dans le monde de demain.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et au banc de la commission. – MM. Claude Kern et Cyril Pellevat applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen reviendra, comme il le fait désormais chaque mois, sur la gestion de la crise sanitaire, et se concentrera plus particulièrement sur la question du déploiement des vaccins sur le continent.
Les retards accumulés en la matière par rapport à d’autres pays bien plus performants comme Israël, le Royaume-Uni ou les États-Unis ont suscité de nombreuses critiques, qu’il s’agisse d’une certaine naïveté européenne dans la passation de ces contrats, ou de la lourdeur de ses procédures au regard de la gravité et de l’urgence de la situation sanitaire et économique.
L’exaspération face à ces lenteurs a d’ailleurs conduit certains États membres – l’Autriche, le Danemark, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque – à sortir des rangs de la stratégie vaccinale commune, voire à s’affranchir des avis de l’Agence européenne des médicaments, pour se tourner sans attendre vers la Russie ou la Chine, leur offrant au passage une victoire symbolique indéniable sur l’Union européenne.
Après les cacophonies désastreuses observées lors de la première vague, ce nouvel accès de désunion montre que pour l’Europe, le risque n’est pas seulement sanitaire et économique mais aussi politique. Pour maintenir l’unité de ses membres, elle doit faire la preuve de sa plus-value, c’est-à-dire de sa capacité à obtenir des résultats que les États n’auraient pu atteindre en agissant seuls.
Force est de constater que nous n’y sommes pas encore en matière vaccinale, et que la spirale de la défiance envers l’Union européenne s’est réenclenchée.
Naturellement, les failles dans l’approvisionnement ne sont sans doute pas toutes imputables à la seule stratégie mise en place et exécutée par la Commission. Il conviendra de dresser dans les semaines et les mois à venir un bilan exhaustif et objectif pour tirer les leçons de ce qu’il faut bien qualifier, malheureusement, d’échec.
Mais, pour l’heure, permettez-moi tout de même de m’interroger sur un élément en particulier. La semaine dernière, Mme von der Leyen précisait en effet qu’avec 41 millions de doses exportées vers 33 pays, dont près de 10 millions vers le Royaume-Uni et plus de 1 million vers les États-Unis, l’Europe était le principal fournisseur de vaccins dans le monde.
Or, dans le même temps, nous apprenions que les nouveaux retards de livraison annoncés par AstraZeneca n’étaient pas seulement liés à des difficultés de production, mais aussi à des restrictions d’exportation en Inde, aux États-Unis et, selon le président du Conseil, Charles Michel, au Royaume-Uni.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré en évoquant ces retards d’AstraZeneca que l’Europe devait « défendre ses intérêts par tous les moyens possibles, judiciaires en dernier recours, car les contrats doivent être respectés ».
Je souscris bien évidemment à ces propos, mais le décalage entre le rythme de la vaccination en Europe, le volume des exportations de vaccins depuis son territoire et l’attitude que nous découvrons de la part de certains pays est trop grand. Il impose d’aller plus loin. Je pense notamment au mécanisme d’autorisation des exportations, prorogé le 11 mars, et qui n’a été activé à ce jour qu’une seule fois, par l’Italie.
Les chefs d’État et de gouvernement devraient s’employer à le renforcer, non pour singer le « nationalisme vaccinal » pratiqué par certains États, mais par exemple pour lui adjoindre une clause de réciprocité qui interdirait l’exportation de vaccins vers les pays qui font le choix de restreindre l’approvisionnement de l’Europe.
En tout état de cause, le Conseil européen devra trouver des solutions rapides et efficaces pour accélérer la cadence et ne pas donner aux citoyens européens le sentiment d’être abandonnés par l’Union au moment où leur besoin de protection est plus fort que jamais.
Un mot enfin sur le semestre européen 2021, qui sera également au menu du prochain Conseil. La Commission a proposé au début du mois de proroger jusqu’à la fin 2022 la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux États membres de déroger aux règles budgétaires et à celles qui encadrent les aides d’État.
Face aux conséquences économiques de la pandémie, qui se feront encore sentir durant de longs mois, le maintien à ce stade d’une orientation budgétaire expansionniste apparaît en effet inévitable.
Cependant, il est tout aussi inévitable, une fois l’urgence sanitaire et économique surmontée, que les finances publiques nationales retrouvent une trajectoire soutenable, en particulier dans les pays très lourdement endettés comme la France.
Le pacte de stabilité et de croissance devra donc à terme trouver à s’appliquer de nouveau, mais peut-être de manière différente, puisque la Commission a fait part de sa volonté de relancer au deuxième semestre de cette année le débat sur la réforme et la simplification du cadre européen de gouvernance économique et budgétaire.
Certaines pistes commencent à se dessiner, que ce soit au Parlement européen ou au sein même de la Commission, notamment au travers des prises de parole de M. Gentiloni. À n’en pas douter, de très nombreuses propositions seront faites d’ici à la clôture de cet ample débat.
Celui-ci ne devra toutefois pas perdre de vue un certain nombre de fondamentaux, essentiels pour préserver tant la solidité que la compétitivité de la zone euro. Ainsi, si le cadre révisé pourra éventuellement faire preuve de davantage de souplesse et de réactivité, il n’en devra pas moins rester suffisamment strict pour assurer dans chaque État membre le retour à des niveaux soutenables de dépense et de dette, et promouvoir les réformes structurelles propices à la croissance.
Monsieur le secrétaire d’État, bien qu’il n’en soit qu’à ses balbutiements, pouvez-vous nous préciser sur quelle ligne la France compte entrer dans ce débat et quelles grandes propositions elle compte défendre à cette occasion ?
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous serons particulièrement attentifs à ce que feront ou ne feront pas les dirigeants européens à la fin de cette semaine. Cette attention va sans doute dépasser le cercle des initiés, car je crois que nos attentes précises, nos exigences d’avancées concrètes, sont partagées par bon nombre de nos concitoyens.
C’est d’abord évidemment face à la pandémie que l’Europe est attendue. Le choix de jouer collectif pour le groupement des commandes et l’approvisionnement en vaccins était le bon. Il ne produit cependant pas les résultats escomptés : les engagements de livraison ne sont pas tenus, les taux de vaccination sont toujours inférieurs à 10 % et la nette différence avec le Royaume-Uni, le Chili, les États-Unis ou Israël, par exemple – et l’incompréhension des opinions publiques qui en découle –, incite les uns et les autres à la tentation de rompre cette cohésion européenne et de faire cavalier seul pour leur fourniture en vaccins.
Cette évolution est délétère. Comment pourrait-on, avec ce retour du « chacun pour soi », imposer un rapport de force aux laboratoires pharmaceutiques ? Comment pourrait-on mettre en œuvre, dans une telle désorganisation, la mobilisation industrielle qui s’impose pour la production massive de vaccins ? Comment, si ce repli généralisé se confirmait, pourrait-on conduire l’indispensable soutien à la vaccination des populations les plus précaires de la planète ?
Aujourd’hui, à peine dix pays concentrent les trois quarts des personnes vaccinées dans le monde. Qui peut croire que l’on viendra à bout d’une pandémie mondiale en poursuivant de cette façon ?
Nous attendons donc de l’Europe qu’elle écarte ces dérives néfastes, qu’elle assume complètement lors de ce Conseil son choix d’agir collectivement face à la pandémie, qu’elle manifeste clairement sa détermination à ne pas rester au milieu du gué. La communication récente du commissaire Thierry Breton n’y suffira pas, même s’il est déterminé. Nous attendons des actes forts pour engager la production sur l’ensemble des sites qui le peuvent, pour mettre les laboratoires pharmaceutiques dans la logique de transparence, de mobilisation et, disons-le, de discipline collective qui est nécessaire.
Des sommes considérables d’argent public soutiennent la recherche et l’innovation technologique des laboratoires pour la riposte à la pandémie ; on ne peut pas gaspiller cet argent dans l’opacité, la désorganisation, le cynisme et la cupidité. Pour optimiser la disponibilité et le caractère abordable des vaccins, il faut une dérogation temporaire aux obligations prévues par l’OMC sur la propriété intellectuelle.
Les dirigeants européens sont attendus par l’Afrique du Sud, l’Inde, par plus de cent gouvernements, des organisations non gouvernementales, des syndicats et par le directeur général de l’OMS, pour peser afin que le vaccin devienne « bien public mondial ». Vous avez utilisé cette expression, monsieur le secrétaire d’État, encore faudrait-il lui donner corps !
Une autre attente forte vis-à-vis de nos dirigeants européens, c’est le renforcement de la transparence fiscale. Au moment où les dépenses publiques sont mises à forte contribution face à la pandémie, l’évasion fiscale pratiquée par de nombreuses multinationales apparaît totalement intolérable pour l’immense majorité des Européens. C’est là-dessus qu’il faut agir, par des dispositifs volontaristes et efficaces, plutôt que d’envisager d’énièmes réformes structurelles qui saccageraient le bien commun que constituent les services publics.
La directive en faveur d’un reporting public et obligatoire s’avérerait extrêmement efficace, puisqu’elle permettrait de vérifier que les impôts sont bien payés là où ils doivent l’être. Elle permettrait d’identifier les lacunes du système et d’avoir les données pour agir afin de garantir la justice fiscale et mettre fin à la concurrence déloyale fondée sur l’abus du système.
Nous ne voulons pas que les négociations interinstitutionnelles réduisent cette ambition. Aussi, nous n’acceptons pas le principe de la clause de sauvegarde que porte apparemment le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État. Permettre aux multinationales de garder secrètes pendant six ans des informations comptables basiques, sous prétexte d’un possible préjudice à leur position commerciale, affaiblirait considérablement l’exigence de transparence fiscale. Nous attendons des dirigeants européens qu’ils assurent un dispositif robuste.
Dans l’ordre du jour dense de ce Conseil européen, il y a aussi la politique industrielle. Notre conviction à cet égard est que la réindustrialisation en Europe et la création des emplois qualifiés de demain passeront par l’innovation industrielle bas-carbone. Cette ligne responsable, rationnelle et lucide n’a pas encore gagné face aux tenants d’un ancien monde qui minimisent toujours l’urgence climatique.
Le débat sur le futur ajustement carbone aux frontières montre crûment combien ces deux lignes s’affrontent. À quinze voix près, les plus conservateurs des parlementaires européens viennent d’emporter un vote qui voudrait maintenir les droits à polluer octroyés gratuitement aux industries hautement polluantes.
Ce traitement spécial temporaire entendait soutenir la compétitivité de ces industries considérées comme exposées à un risque de délocalisation. Il ne peut se perpétuer, car il deviendrait caduc avec l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone. L’ambition doit en être maintenue : ne laissons pas certains lobbies vouloir le beurre et l’argent du beurre sans même faire les efforts requis pour le climat. Ces quotas gratuits ont fait leur temps, ils sont incompatibles avec l’ajustement carbone aux frontières, pour des raisons environnementales, d’abord, mais aussi de compatibilité avec le droit de l’OMC.
Nous attendons donc de ce Conseil européen qu’il fixe clairement la ligne de la stratégie industrielle pour que l’opportunité de la conversion vers l’économie décarbonée soit pleinement saisie et que nos industries ne soient pas fragilisées par des logiques à courte vue.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. André Gattolin applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 mars 2021 a marqué le triste anniversaire du début du premier confinement en France. La crise sanitaire que nous vivons a permis à l’Europe de montrer qu’elle était capable d’apporter une réponse forte et coordonnée sur plusieurs sujets, par exemple le plan de relance voté par le Parlement européen le 11 février dernier. Ce dernier permettra de réinjecter 672, 5 milliards d’euros dans l’économie européenne.
Si cet effort de coordination doit être salué, force est de constater que nous ne retrouvons pas cette même coordination dans la vaccination des populations des différents pays de l’Union européenne.
La Commission européenne a autorisé la mise sur le marché conditionnelle de quatre vaccins, permettant aux États membres d’entamer leurs campagnes de vaccination dès le 27 décembre. Celles-ci ont été ralenties par les problèmes de production rencontrés par les laboratoires.
Au 15 mars, 7, 8 % de la population française avait reçu au moins une première injection de vaccin, une proportion inférieure à la moyenne observée dans l’Union européenne, qui était alors de 8, 2 %.
La progression de la vaccination sur le territoire de l’Union européenne semble bien plus lente qu’au Royaume-Uni, aux États-Unis ou encore en Israël, ce qui nous conduit à nous interroger sur la stratégie vaccinale européenne.
Malgré les problèmes d’approvisionnement, la Commission européenne tente de coordonner la distribution des doses et les campagnes de vaccination dans l’ensemble des États membres. Elle a ainsi garanti l’égal accès des Vingt-Sept aux doses de vaccin. C’est un objectif important, que nous saluons, mais, au vu des importants flux de population qui traversent l’espace européen, nos pays sont particulièrement interdépendants. En d’autres termes, parvenir à l’immunité collective en France sans l’atteindre en Espagne n’aurait que peu d’utilité.
Or, pour l’instant, la proportion des personnes vaccinées au sein des populations des États membres varie de un à quatre. En témoigne la carte actualisée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui permet de suivre l’évolution des campagnes de vaccination de chaque pays. Comment expliquer ces différences avec nos voisins ?
Cet engagement montre ses limites, à en croire notre ministre de la santé, Olivier Véran. Alors que Paris avait annoncé qu’il disposerait de 1 million de doses du vaccin au 31 décembre, ce dernier a affirmé, le 5 janvier, que la Commission européenne avait décidé de plafonner les livraisons par pays à 520 000 doses par semaine afin de faciliter la logistique et d’assurer un traitement équitable entre tous les pays.
Les premières livraisons de doses du vaccin de Moderna, à hauteur de 500 000 par semaine en ce qui concerne la France, devaient permettre de dissiper les craintes quant à une potentielle pénurie. Il n’en a rien été.
Conséquence de ce manque de doses, l’Allemagne, pays traditionnellement partisan d’une approche coordonnée au niveau européen, a signé des contrats bilatéraux avec Pfizer-BioNTech, Moderna et CureVac, a-t-on appris par voie de presse. Si Berlin a rappelé que ces contrats avaient été signés après les négociations au niveau européen, permettez-nous de nous étonner de cette démarche.
En parallèle, le Danemark et l’Autriche ont lancé un projet de production de vaccin de deuxième génération avec Israël, tandis que la Pologne se tourne pour sa part vers le vaccin chinois Sinopharm et la Slovaquie vers Spoutnik V. Autant d’initiatives bilatérales qui témoignent des inquiétudes des États membres face aux lenteurs de la stratégie vaccinale européenne.
Le manque de coordination entre nos pays ne semble pas se limiter à la stratégie vaccinale. Comme ma collègue Véronique Guillotin, je pense au cas des travailleurs transfrontaliers de la Moselle. Ainsi, 16 000 travailleurs doivent, depuis le 2 mars, pratiquer un test antigénique toutes les quarante-huit heures pour être autorisés à entrer dans le Land de la Sarre.
Étant donné le niveau de contrainte que cela représente pour nos concitoyens concernés, ces décisions sont d’autant moins comprises que nos voisins allemands sont, eux, autorisés à venir faire leurs courses dans un rayon de 30 kilomètres et sans test. Comment expliquer ces mesures à deux vitesses ?
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen reviendra, comme il le fait désormais chaque mois, sur la gestion de la crise sanitaire, et se concentrera plus particulièrement sur la question du déploiement des vaccins sur le continent.
Les retards accumulés en la matière par rapport à d’autres pays bien plus performants comme Israël, le Royaume-Uni ou les États-Unis ont suscité de nombreuses critiques, qu’il s’agisse d’une certaine naïveté européenne dans la passation de ces contrats, ou de la lourdeur de ses procédures au regard de la gravité et de l’urgence de la situation sanitaire et économique.
L’exaspération face à ces lenteurs a d’ailleurs conduit certains États membres – l’Autriche, le Danemark, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque – à sortir des rangs de la stratégie vaccinale commune, voire à s’affranchir des avis de l’Agence européenne des médicaments, pour se tourner sans attendre vers la Russie ou la Chine, leur offrant au passage une victoire symbolique indéniable sur l’Union européenne.
Après les cacophonies désastreuses observées lors de la première vague, ce nouvel accès de désunion montre que pour l’Europe, le risque n’est pas seulement sanitaire et économique mais aussi politique. Pour maintenir l’unité de ses membres, elle doit faire la preuve de sa plus-value, c’est-à-dire de sa capacité à obtenir des résultats que les États n’auraient pu atteindre en agissant seuls.
Force est de constater que nous n’y sommes pas encore en matière vaccinale, et que la spirale de la défiance envers l’Union européenne s’est réenclenchée.
Naturellement, les failles dans l’approvisionnement ne sont sans doute pas toutes imputables à la seule stratégie mise en place et exécutée par la Commission. Il conviendra de dresser dans les semaines et les mois à venir un bilan exhaustif et objectif pour tirer les leçons de ce qu’il faut bien qualifier, malheureusement, d’échec.
Mais, pour l’heure, permettez-moi tout de même de m’interroger sur un élément en particulier. La semaine dernière, Mme von der Leyen précisait en effet qu’avec 41 millions de doses exportées vers 33 pays, dont près de 10 millions vers le Royaume-Uni et plus de 1 million vers les États-Unis, l’Europe était le principal fournisseur de vaccins dans le monde.
Or, dans le même temps, nous apprenions que les nouveaux retards de livraison annoncés par AstraZeneca n’étaient pas seulement liés à des difficultés de production, mais aussi à des restrictions d’exportation en Inde, aux États-Unis et, selon le président du Conseil, Charles Michel, au Royaume-Uni.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré en évoquant ces retards d’AstraZeneca que l’Europe devait « défendre ses intérêts par tous les moyens possibles, judiciaires en dernier recours, car les contrats doivent être respectés ».
Je souscris bien évidemment à ces propos, mais le décalage entre le rythme de la vaccination en Europe, le volume des exportations de vaccins depuis son territoire et l’attitude que nous découvrons de la part de certains pays est trop grand. Il impose d’aller plus loin. Je pense notamment au mécanisme d’autorisation des exportations, prorogé le 11 mars, et qui n’a été activé à ce jour qu’une seule fois, par l’Italie.
Les chefs d’État et de gouvernement devraient s’employer à le renforcer, non pour singer le « nationalisme vaccinal » pratiqué par certains États, mais par exemple pour lui adjoindre une clause de réciprocité qui interdirait l’exportation de vaccins vers les pays qui font le choix de restreindre l’approvisionnement de l’Europe.
En tout état de cause, le Conseil européen devra trouver des solutions rapides et efficaces pour accélérer la cadence et ne pas donner aux citoyens européens le sentiment d’être abandonnés par l’Union au moment où leur besoin de protection est plus fort que jamais.
Un mot enfin sur le semestre européen 2021, qui sera également au menu du prochain Conseil. La Commission a proposé au début du mois de proroger jusqu’à la fin 2022 la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux États membres de déroger aux règles budgétaires et à celles qui encadrent les aides d’État.
Face aux conséquences économiques de la pandémie, qui se feront encore sentir durant de longs mois, le maintien à ce stade d’une orientation budgétaire expansionniste apparaît en effet inévitable.
Cependant, il est tout aussi inévitable, une fois l’urgence sanitaire et économique surmontée, que les finances publiques nationales retrouvent une trajectoire soutenable, en particulier dans les pays très lourdement endettés comme la France.
Le pacte de stabilité et de croissance devra donc à terme trouver à s’appliquer de nouveau, mais peut-être de manière différente, puisque la Commission a fait part de sa volonté de relancer au deuxième semestre de cette année le débat sur la réforme et la simplification du cadre européen de gouvernance économique et budgétaire.
Certaines pistes commencent à se dessiner, que ce soit au Parlement européen ou au sein même de la Commission, notamment au travers des prises de parole de M. Gentiloni. À n’en pas douter, de très nombreuses propositions seront faites d’ici à la clôture de cet ample débat.
Celui-ci ne devra toutefois pas perdre de vue un certain nombre de fondamentaux, essentiels pour préserver tant la solidité que la compétitivité de la zone euro. Ainsi, si le cadre révisé pourra éventuellement faire preuve de davantage de souplesse et de réactivité, il n’en devra pas moins rester suffisamment strict pour assurer dans chaque État membre le retour à des niveaux soutenables de dépense et de dette, et promouvoir les réformes structurelles propices à la croissance.
Monsieur le secrétaire d’État, bien qu’il n’en soit qu’à ses balbutiements, pouvez-vous nous préciser sur quelle ligne la France compte entrer dans ce débat et quelles grandes propositions elle compte défendre à cette occasion ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Sur une note un peu plus optimiste, je souhaiterais évoquer le projet de règlement de la Commission européenne, publié le 17 mars dernier, concernant l’émission d’un passeport digital vert permettant, notamment, la reprise du trafic des voyageurs entre les pays européens.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, les arbitrages arrêtés quant à l’utilisation d’un tel certificat ? Faudra-t-il être vacciné pour pouvoir se déplacer librement au sein de l’Union européenne ou un simple test négatif enregistré dans ce certificat pourra-t-il suffire ? Qu’en est-il des ressortissants européens vivant en dehors de l’Union ? Pourront-ils se faire vacciner avec un vaccin autre que ceux qui sont autorisés par l’Union européenne et circuler dans nos vingt-sept pays ?
Enfin, seront abordées mercredi les relations entre l’Union européenne et la Turquie.
Les dirigeants des institutions européennes se sont entretenus vendredi dernier avec le président Erdogan, plaidant pour un apaisement des relations entre l’Union européenne et son pays. La Turquie a pourtant acté, samedi, son retrait de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et ce quelques heures après la tenue, par la commission permanente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, d’un débat déplorant les attaques majeures des autorités turques contre les droits de l’homme et la démocratie.
La première victime de cette politique populiste et réactionnaire sera de nouveau le peuple turc. Comment interpréter ce signe inquiétant ? Quelles seront les réactions de nos dirigeants européens face à cette décision ?
Telles sont les quelques questions que je souhaitais vous poser, monsieur le secrétaire d’État.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 mars 2021 a marqué le triste anniversaire du début du premier confinement en France. La crise sanitaire que nous vivons a permis à l’Europe de montrer qu’elle était capable d’apporter une réponse forte et coordonnée sur plusieurs sujets, par exemple le plan de relance voté par le Parlement européen le 11 février dernier. Ce dernier permettra de réinjecter 672, 5 milliards d’euros dans l’économie européenne.
Si cet effort de coordination doit être salué, force est de constater que nous ne retrouvons pas cette même coordination dans la vaccination des populations des différents pays de l’Union européenne.
La Commission européenne a autorisé la mise sur le marché conditionnelle de quatre vaccins, permettant aux États membres d’entamer leurs campagnes de vaccination dès le 27 décembre. Celles-ci ont été ralenties par les problèmes de production rencontrés par les laboratoires.
Au 15 mars, 7, 8 % de la population française avait reçu au moins une première injection de vaccin, une proportion inférieure à la moyenne observée dans l’Union européenne, qui était alors de 8, 2 %.
La progression de la vaccination sur le territoire de l’Union européenne semble bien plus lente qu’au Royaume-Uni, aux États-Unis ou encore en Israël, ce qui nous conduit à nous interroger sur la stratégie vaccinale européenne.
Malgré les problèmes d’approvisionnement, la Commission européenne tente de coordonner la distribution des doses et les campagnes de vaccination dans l’ensemble des États membres. Elle a ainsi garanti l’égal accès des Vingt-Sept aux doses de vaccin. C’est un objectif important, que nous saluons, mais, au vu des importants flux de population qui traversent l’espace européen, nos pays sont particulièrement interdépendants. En d’autres termes, parvenir à l’immunité collective en France sans l’atteindre en Espagne n’aurait que peu d’utilité.
Or, pour l’instant, la proportion des personnes vaccinées au sein des populations des États membres varie de un à quatre. En témoigne la carte actualisée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui permet de suivre l’évolution des campagnes de vaccination de chaque pays. Comment expliquer ces différences avec nos voisins ?
Cet engagement montre ses limites, à en croire notre ministre de la santé, Olivier Véran. Alors que Paris avait annoncé qu’il disposerait de 1 million de doses du vaccin au 31 décembre, ce dernier a affirmé, le 5 janvier, que la Commission européenne avait décidé de plafonner les livraisons par pays à 520 000 doses par semaine afin de faciliter la logistique et d’assurer un traitement équitable entre tous les pays.
Les premières livraisons de doses du vaccin de Moderna, à hauteur de 500 000 par semaine en ce qui concerne la France, devaient permettre de dissiper les craintes quant à une potentielle pénurie. Il n’en a rien été.
Conséquence de ce manque de doses, l’Allemagne, pays traditionnellement partisan d’une approche coordonnée au niveau européen, a signé des contrats bilatéraux avec Pfizer-BioNTech, Moderna et CureVac, a-t-on appris par voie de presse. Si Berlin a rappelé que ces contrats avaient été signés après les négociations au niveau européen, permettez-nous de nous étonner de cette démarche.
En parallèle, le Danemark et l’Autriche ont lancé un projet de production de vaccin de deuxième génération avec Israël, tandis que la Pologne se tourne pour sa part vers le vaccin chinois Sinopharm et la Slovaquie vers Spoutnik V. Autant d’initiatives bilatérales qui témoignent des inquiétudes des États membres face aux lenteurs de la stratégie vaccinale européenne.
Le manque de coordination entre nos pays ne semble pas se limiter à la stratégie vaccinale. Comme ma collègue Véronique Guillotin, je pense au cas des travailleurs transfrontaliers de la Moselle. Ainsi, 16 000 travailleurs doivent, depuis le 2 mars, pratiquer un test antigénique toutes les quarante-huit heures pour être autorisés à entrer dans le Land de la Sarre.
Étant donné le niveau de contrainte que cela représente pour nos concitoyens concernés, ces décisions sont d’autant moins comprises que nos voisins allemands sont, eux, autorisés à venir faire leurs courses dans un rayon de 30 kilomètres et sans test. Comment expliquer ces mesures à deux vitesses ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Le prochain Conseil européen, au-delà de la stratégie vaccinale, traitera particulièrement des grandes priorités pour le marché unique, des grands axes de la politique industrielle et de la transformation numérique. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, vous faire part de quelques remarques et vous poser des questions sur ces points de l’agenda.
La pandémie de covid-19 impacte profondément l’Union européenne et nous incite à préciser ses priorités, dans la fidélité à ses valeurs fondamentales de démocratie et de solidarité.
On dit souvent que nos concitoyens tendent à prendre leurs distances avec le projet européen. En réalité, ils souhaitent de l’efficacité. Ils nous demandent surtout d’axer les politiques européennes dans les domaines qui leur semblent les plus pertinents, qui leur apparaissent les plus structurants. Comme hier pour la sidérurgie, le charbon ou l’énergie, il nous faut aujourd’hui déterminer les secteurs d’activité qui assureront, demain, à nos concitoyens et à leurs enfants emplois et revenus décents. Pour cela, ils réclament des engagements clairs, lisibles et démocratiquement débattus.
Une Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne a officiellement lancé, le 10 mars 2021, la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Comme assemblée parlementaire, comme groupes politiques, nous y prendrons toute notre part.
Nous devons conduire une stratégie industrielle offensive pour l’Union européenne En la matière, nous n’oublions pas que, pour l’heure, l’Union ne dispose, selon les traités, que de compétences limitées, « de soutien et de coordination » essentiellement. Néanmoins, dans ce contexte étroit, l’Union est parvenue à faire beaucoup ces dernières années. Ainsi, le plan Juncker a été un moment clé pour la prise de conscience de la nécessité de développer une stratégie économique et industrielle ambitieuse. Cela a été poursuivi par la présidente von der Leyen.
La Communication de la Commission européenne du 10 mars 2020 intitulée « Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe » a été une autre étape cohérente. Les cinq grands axes alors définis demeurent très largement valides dans la période. Néanmoins, le contexte que nous connaissons avec la crise sanitaire nous incite à les adapter sans doute plus rapidement et fortement.
L’accord du 10 novembre 2020 entre les institutions européennes sur le budget à long terme de l’Union et sur le plan de relance donne des moyens nouveaux. Cependant, avec la crise qui s’installe dans la durée, ne devrait-on pas envisager avec pragmatisme un renforcement ?
Ce qui nous semble essentiel, monsieur le secrétaire d’État, c’est l’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine industriel. De ce point de vue, nous souhaitons pouvoir disposer du document d’actualisation de la stratégie industrielle pour l’Europe, qui devait être publié depuis plusieurs semaines déjà.
Par ailleurs, au-delà des retards dans sa campagne vaccinale, la France, berceau historique de la recherche médicale en Europe et dans le monde, a reçu un terrible camouflet en se révélant incapable de produire un vaccin. Comment le Gouvernement et les pouvoirs publics entendent-ils aujourd’hui redresser cette situation et faire de nos laboratoires, de nouveau, des leaders européens ?
En France, lorsque l’on évoque une réussite industrielle emblématique de l’Europe, on se tourne souvent vers le secteur aéronautique et la réussite d’Airbus face à ceux que l’on appelait, à l’époque, les « géants » américains.
On réduit cette réussite aux vingt ou vingt-cinq dernières années et à l’accord capitalistique ayant donné naissance à EADS puis au groupe Airbus. Or il y a eu en amont, avec le concours d’industriels, mais aussi de responsables administratifs et politiques de différents pays, tout un travail de développement de projets communs, de petites et grandes coopérations. C’est cette dynamique vertueuse qu’il s’agit de recréer pour de nouveaux secteurs qui, demain, permettront à l’Union européenne de compter et de s’imposer face aux géants mondiaux.
Le développement méthodique d’écosystèmes industriels, grâce à la coopération entre grandes entreprises, PME innovantes, à la recherche et à une main-d’œuvre qualifiée, est une des clés de la réussite de demain. C’est particulièrement évident pour des secteurs d’activité récents, comme la transition énergétique ou numérique. Sur ce point, nous souhaiterions des éclaircissements sur vos orientations.
Catherine Morin-Desailly a évoqué l’indispensable action française pour l’industrie du numérique, qui sera décisive pour notre avenir. J’ai travaillé avec elle, au sein de cette assemblée, sur les propositions législatives européennes relatives aux marchés et services numériques. Nous avons finalisé un travail sur la désinformation en ligne et les atteintes aux processus électoraux, et nous prolongerons ces travaux au cours des mois prochains.
Je salue la publication par la Commission européenne, voilà quelques jours, de son plan d’action « Boussole numérique 2030 ». La crise sanitaire met en évidence une accélération des besoins dans le domaine du numérique. C’est une opportunité qu’il convient de saisir pour en faire un pilier de la relance européenne et un axe de l’autonomie stratégique européenne dans le futur.
Pour cela, l’Union européenne doit améliorer fortement sa capacité d’acheminement, de stockage et de traitement des données, pour la recherche comme pour les entreprises, afin de ne pas avoir à les traiter hors d’Europe, comme l’a souligné ma collègue.
Les besoins en investissements publics et privés, notamment en France, sont considérables, en particulier dans la réalisation d’infrastructures. Il convient d’augmenter la connectivité partout, de produire davantage de composants et de semi-conducteurs en Europe, de développer les technologies quantiques : autant de défis stimulants pour nos chercheurs, nos entreprises, nos travailleurs, français et européens.
Monsieur le secrétaire d’État, comment porterez-vous ces enjeux de souveraineté numérique, fondamentaux d’un point de vue tant économique que démocratique ?
Sur une note un peu plus optimiste, je souhaiterais évoquer le projet de règlement de la Commission européenne, publié le 17 mars dernier, concernant l’émission d’un passeport digital vert permettant, notamment, la reprise du trafic des voyageurs entre les pays européens.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, les arbitrages arrêtés quant à l’utilisation d’un tel certificat ? Faudra-t-il être vacciné pour pouvoir se déplacer librement au sein de l’Union européenne ou un simple test négatif enregistré dans ce certificat pourra-t-il suffire ? Qu’en est-il des ressortissants européens vivant en dehors de l’Union ? Pourront-ils se faire vacciner avec un vaccin autre que ceux qui sont autorisés par l’Union européenne et circuler dans nos vingt-sept pays ?
Enfin, seront abordées mercredi les relations entre l’Union européenne et la Turquie.
Les dirigeants des institutions européennes se sont entretenus vendredi dernier avec le président Erdogan, plaidant pour un apaisement des relations entre l’Union européenne et son pays. La Turquie a pourtant acté, samedi, son retrait de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et ce quelques heures après la tenue, par la commission permanente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, d’un débat déplorant les attaques majeures des autorités turques contre les droits de l’homme et la démocratie.
La première victime de cette politique populiste et réactionnaire sera de nouveau le peuple turc. Comment interpréter ce signe inquiétant ? Quelles seront les réactions de nos dirigeants européens face à cette décision ?
Telles sont les quelques questions que je souhaitais vous poser, monsieur le secrétaire d’État.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen se réunira donc ces deux prochains jours. Une fois n’est pas coutume, son ordre du jour n’est pas des plus chargés, mais il se penchera tout de même sur des sujets d’importance pour l’Union européenne, comme la lutte contre la covid-19, et plus spécifiquement le déploiement des vaccins, mais aussi les relations avec la Turquie et la Russie, ou encore le marché unique et la transformation numérique. C’est sur ce dernier point que je souhaite m’attarder, et notamment sur la « boussole numérique » que la Commission a récemment présentée, et qui sera examinée par les chefs d’État et de gouvernement.
Cette boussole vient fixer des objectifs en matière de numérique pour l’Union européenne à l’horizon 2030. J’ai plusieurs fois plaidé pour que l’Union ait des ambitions plus grandes en la matière. Je ne peux donc que me réjouir de ces orientations et de cette planification en amont, qui permettra de compléter la stratégie de l’Union européenne en matière de nouvelles technologies. La politique actuelle reste en effet largement insuffisante face aux mastodontes que sont la Chine et les États-Unis. L’Europe est toujours fortement dépendante de ces pays, malgré ses efforts.
À ce sujet, la Commission européenne a très justement indiqué que l’Union devait renforcer l’investissement dans le numérique. Elle prévoit un objectif de 20 % de dépenses dans ce domaine, par le biais de la facilité pour la reprise et la résilience, et ce en complément du budget européen déjà dédié à ce secteur.
Ces financements devraient alors permettre une véritable transformation digitale et un plus grand développement en Europe des nouvelles technologies, telles que les voitures connectées, les intelligences artificielles ou encore les supercalculateurs. Concernant ces derniers, le Sénat avait adopté une résolution, que nous avions déposée avec mes collègues André Gattolin, Claude Kern et Pierre Ouzoulias. Celle-ci rappelait l’importance stratégique du calcul à haute performance et encourageait les efforts faits par l’Union européenne en ce sens.
Néanmoins, si l’Europe veut devenir un véritable leader en matière de calcul à haute performance, il est nécessaire que des progrès soient faits pour asseoir la souveraineté de l’Union sur toute la chaîne de valeur scientifique et industrielle. Implanter des supercalculateurs en Europe est une bonne chose, mais cela ne suffira pas si ceux-ci sont fabriqués par des entreprises étrangères.
À ce jour, une grande partie des appels d’offres lancés en Europe pour de tels équipements sont remportés par des entreprises américaines et chinoises, faute d’une compétitivité suffisante des entreprises européennes. Utiliser des pièces étrangères pose pourtant des problèmes de sécurité, car cela rend difficile la détection de logiciels espions qui pourraient être implantés par les pays tiers fabriquant ces pièces. Il est donc extrêmement important que l’Union européenne ait une vision ambitieuse et qu’elle s’impose sur toute la chaîne de valeur.
Monsieur le secrétaire d’État, quels leviers seront-ils mobilisés pour atteindre ces objectifs ?
En outre, la question des intelligences artificielles sera abordée. La boussole numérique devrait également permettre d’investir plus massivement dans ce secteur d’avenir. L’Europe accuse pour le moment du retard, et il est important qu’elle s’attache à le rattraper si elle ne souhaite pas devenir dépendante de l’Amérique du Nord et de la Chine, comme elle l’est aujourd’hui en matière de numérique.
L’Union européenne a déjà mis en place de nombreux mécanismes pour investir dans l’intelligence artificielle, mais cela ne suffit pas. Le Conseil européen avait d’ailleurs invité la Commission, en octobre, à se pencher sur les moyens d’accroître les investissements publics et privés dans la recherche, l’innovation et le déploiement des intelligences artificielles.
Le Sénat avait, quant à lui, dès 2019, invité l’Union à faire de l’intelligence artificielle un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC), par le biais d’une résolution européenne. Pourtant, cette recommandation n’a pas été suivie d’effet, la mise en place d’un tel projet n’ayant été reprise ni dans le Livre blanc de la Commission sur l’intelligence artificielle ni dans la boussole numérique.
Faire de l’intelligence artificielle un PIIEC serait pourtant l’un des moyens de renforcer les investissements dans ce domaine, les règles relatives à la concurrence au sein de l’Union empêchant de faire émerger des champions européens dans des domaines stratégiques.
Les PIIEC sont l’une des seules façons de contourner ces règles et de permettre aux États d’aider certaines entreprises en menant une véritable politique industrielle. L’intelligence artificielle remplit la totalité des critères fixés pour en bénéficier, et des garanties sont prévues pour maintenir les exigences de transparence et éviter de trop grandes distorsions de concurrence. Alors, pourquoi refuser de mobiliser ce mécanisme, alors même qu’il est l’outil idéal pour aller dans le sens des orientations fixées par la Commission ?
Il ne suffit pas de conclure qu’il faut investir davantage, si les moyens dont l’Europe dispose pour ce faire ne sont pas mis en œuvre… Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer si la France compte soutenir la mise en place d’un PIIEC pour l’intelligence artificielle ? Savez-vous pourquoi la Commission n’a pas prévu de le proposer pour l’instant ?
Le prochain Conseil européen, au-delà de la stratégie vaccinale, traitera particulièrement des grandes priorités pour le marché unique, des grands axes de la politique industrielle et de la transformation numérique. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, vous faire part de quelques remarques et vous poser des questions sur ces points de l’agenda.
La pandémie de covid-19 impacte profondément l’Union européenne et nous incite à préciser ses priorités, dans la fidélité à ses valeurs fondamentales de démocratie et de solidarité.
On dit souvent que nos concitoyens tendent à prendre leurs distances avec le projet européen. En réalité, ils souhaitent de l’efficacité. Ils nous demandent surtout d’axer les politiques européennes dans les domaines qui leur semblent les plus pertinents, qui leur apparaissent les plus structurants. Comme hier pour la sidérurgie, le charbon ou l’énergie, il nous faut aujourd’hui déterminer les secteurs d’activité qui assureront, demain, à nos concitoyens et à leurs enfants emplois et revenus décents. Pour cela, ils réclament des engagements clairs, lisibles et démocratiquement débattus.
Une Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne a officiellement lancé, le 10 mars 2021, la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Comme assemblée parlementaire, comme groupes politiques, nous y prendrons toute notre part.
Nous devons conduire une stratégie industrielle offensive pour l’Union européenne En la matière, nous n’oublions pas que, pour l’heure, l’Union ne dispose, selon les traités, que de compétences limitées, « de soutien et de coordination » essentiellement. Néanmoins, dans ce contexte étroit, l’Union est parvenue à faire beaucoup ces dernières années. Ainsi, le plan Juncker a été un moment clé pour la prise de conscience de la nécessité de développer une stratégie économique et industrielle ambitieuse. Cela a été poursuivi par la présidente von der Leyen.
La Communication de la Commission européenne du 10 mars 2020 intitulée « Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe » a été une autre étape cohérente. Les cinq grands axes alors définis demeurent très largement valides dans la période. Néanmoins, le contexte que nous connaissons avec la crise sanitaire nous incite à les adapter sans doute plus rapidement et fortement.
L’accord du 10 novembre 2020 entre les institutions européennes sur le budget à long terme de l’Union et sur le plan de relance donne des moyens nouveaux. Cependant, avec la crise qui s’installe dans la durée, ne devrait-on pas envisager avec pragmatisme un renforcement ?
Ce qui nous semble essentiel, monsieur le secrétaire d’État, c’est l’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine industriel. De ce point de vue, nous souhaitons pouvoir disposer du document d’actualisation de la stratégie industrielle pour l’Europe, qui devait être publié depuis plusieurs semaines déjà.
Par ailleurs, au-delà des retards dans sa campagne vaccinale, la France, berceau historique de la recherche médicale en Europe et dans le monde, a reçu un terrible camouflet en se révélant incapable de produire un vaccin. Comment le Gouvernement et les pouvoirs publics entendent-ils aujourd’hui redresser cette situation et faire de nos laboratoires, de nouveau, des leaders européens ?
En France, lorsque l’on évoque une réussite industrielle emblématique de l’Europe, on se tourne souvent vers le secteur aéronautique et la réussite d’Airbus face à ceux que l’on appelait, à l’époque, les « géants » américains.
On réduit cette réussite aux vingt ou vingt-cinq dernières années et à l’accord capitalistique ayant donné naissance à EADS puis au groupe Airbus. Or il y a eu en amont, avec le concours d’industriels, mais aussi de responsables administratifs et politiques de différents pays, tout un travail de développement de projets communs, de petites et grandes coopérations. C’est cette dynamique vertueuse qu’il s’agit de recréer pour de nouveaux secteurs qui, demain, permettront à l’Union européenne de compter et de s’imposer face aux géants mondiaux.
Le développement méthodique d’écosystèmes industriels, grâce à la coopération entre grandes entreprises, PME innovantes, à la recherche et à une main-d’œuvre qualifiée, est une des clés de la réussite de demain. C’est particulièrement évident pour des secteurs d’activité récents, comme la transition énergétique ou numérique. Sur ce point, nous souhaiterions des éclaircissements sur vos orientations.
Catherine Morin-Desailly a évoqué l’indispensable action française pour l’industrie du numérique, qui sera décisive pour notre avenir. J’ai travaillé avec elle, au sein de cette assemblée, sur les propositions législatives européennes relatives aux marchés et services numériques. Nous avons finalisé un travail sur la désinformation en ligne et les atteintes aux processus électoraux, et nous prolongerons ces travaux au cours des mois prochains.
Je salue la publication par la Commission européenne, voilà quelques jours, de son plan d’action « Boussole numérique 2030 ». La crise sanitaire met en évidence une accélération des besoins dans le domaine du numérique. C’est une opportunité qu’il convient de saisir pour en faire un pilier de la relance européenne et un axe de l’autonomie stratégique européenne dans le futur.
Pour cela, l’Union européenne doit améliorer fortement sa capacité d’acheminement, de stockage et de traitement des données, pour la recherche comme pour les entreprises, afin de ne pas avoir à les traiter hors d’Europe, comme l’a souligné ma collègue.
Les besoins en investissements publics et privés, notamment en France, sont considérables, en particulier dans la réalisation d’infrastructures. Il convient d’augmenter la connectivité partout, de produire davantage de composants et de semi-conducteurs en Europe, de développer les technologies quantiques : autant de défis stimulants pour nos chercheurs, nos entreprises, nos travailleurs, français et européens.
Monsieur le secrétaire d’État, comment porterez-vous ces enjeux de souveraineté numérique, fondamentaux d’un point de vue tant économique que démocratique ?
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. André Gattolin applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen de jeudi et vendredi prochains traitera pour partie de la transition numérique de l’Union européenne. Outre la fiscalité du secteur, les chefs d’État et de gouvernement aborderont plus globalement la stratégie européenne en matière de numérique à l’horizon 2030.
Cette stratégie, la boussole numérique de la décennie pour l’Union européenne, a été récemment présentée par la Commission et se décompose en quatre axes : transformation numérique des entreprises ; numérisation des services publics ; compétences ; infrastructures numériques sûres et durables.
L’actualité devrait me pousser à évoquer la sûreté des infrastructures numériques, après l’incendie de l’entreprise OVH à Strasbourg, qui renforce nos interrogations sur les centres de données européens et leur sécurité. Alors que les Gafam pénètrent l’Europe avec une force concurrentielle immense depuis plusieurs années, l’une des seules entreprises françaises et européennes du marché risque d’éprouver des difficultés à la suite de cet incident, ce qui doit pousser l’Union européenne à accélérer le mouvement sur ce sujet d’importance.
Néanmoins, je souhaite plutôt m’attarder ce soir sur les effets du numérique sur le climat et l’environnement.
L’empreinte environnementale du secteur est une source de préoccupations pour les années à venir. Le numérique représente, au niveau mondial, plus de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que l’ensemble du trafic aérien. Sans action particulière, il pourrait représenter 14 % des émissions mondiales d’ici à 2040. L’enjeu est donc bel et bien devant nous si nous souhaitons atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
La Commission européenne, dans sa Communication pour façonner l’avenir numérique de l’Europe, s’est saisie de ce défi. Deux grandes mesures sont développées dans ce document.
En premier lieu sont préconisés l’adoption de mesures en matière d’efficacité énergétique et d’économie circulaire pour les réseaux et les équipements, ainsi qu’un travail sur les marchés publics durables. L’écoconception des appareils et leur cycle de vie sont d’ailleurs évoqués dans le plan d’action pour l’économie circulaire présenté récemment, et qui nécessitera des ajustements législatifs.
Ces questions touchant à la vie quotidienne des Européens, il faut que ces propositions se concrétisent dans les années à venir. L’engagement des États membres sur cette question est crucial.
En second lieu, la Commission européenne prône des mesures d’efficacité énergétique pour les centres de données, avec un objectif de neutralité sur le plan climatique d’ici à 2030.
Les centres de données sont par ailleurs de véritables leviers de flexibilité énergétique, puisqu’ils permettent de stocker l’électricité des installations d’énergies renouvelables intermittentes. De telles solutions sont déjà développées dans plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni, l’Irlande ou la Suède. Ce sont principalement des initiatives issues des échelons locaux. Il est donc important que les collectivités territoriales soient associées à cette initiative européenne.
Le Sénat s’est saisi du sujet de l’empreinte environnementale du numérique, d’abord à travers une mission d’information conduite par mes collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, puis avec une proposition de loi, adoptée à la quasi-unanimité de notre assemblée. L’objectif de ce travail parlementaire était bel et bien d’aller au-delà de la feuille de route présentée par le Gouvernement.
Comme le préconise le Haut Conseil pour le climat, le Sénat s’est intéressé à l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur afin de traiter l’enjeu de manière globale. Infrastructures, terminaux, usages, réseaux : les mesures à envisager sont nombreuses, mais ce travail de mes collègues soulignait aussi l’importance de les articuler à l’action européenne.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est un premier levier pour intégrer les émissions pour la production et l’importation des terminaux dans le prix d’achat. Cette mesure rendra de facto les appareils issus du reconditionnement et de la réparation beaucoup plus attractifs qu’actuellement. La question des usages vidéo doit également se régler à l’échelle européenne, puisqu’elle nécessite une discussion avec les géants du numérique.
Transitions écologique et numérique doivent être menées de front à l’échelle européenne.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle position la France portera-t-elle sur la réduction de l’empreinte environnementale du numérique ? Quelles mesures l’Union européenne pourrait-elle adopter sur cette question ?
Cette réflexion est d’autant plus importante à l’aune de la pandémie que nous subissons depuis maintenant plus d’un an. Celle-ci a en effet conduit le numérique à prendre une place encore plus importante dans nos vies quotidiennes, et notamment nos vies professionnelles avec le développement du télétravail.
La seule porte de sortie identifiée de cette pandémie à l’heure actuelle est la vaccination. Les commandes de vaccins ont été opérées à l’échelle européenne, mais – l’ensemble des dirigeants européens s’accordent à le dire –, l’approvisionnement en vaccins du continent doit s’accélérer.
Il est donc impératif que l’ensemble des commandes soient assurées par les laboratoires et que le rythme de vaccination augmente significativement. La reprise de l’ensemble des activités en dépend, notamment en France.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que cette montée en puissance sera effective aux échelons européen et français ?
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen se réunira donc ces deux prochains jours. Une fois n’est pas coutume, son ordre du jour n’est pas des plus chargés, mais il se penchera tout de même sur des sujets d’importance pour l’Union européenne, comme la lutte contre la covid-19, et plus spécifiquement le déploiement des vaccins, mais aussi les relations avec la Turquie et la Russie, ou encore le marché unique et la transformation numérique. C’est sur ce dernier point que je souhaite m’attarder, et notamment sur la « boussole numérique » que la Commission a récemment présentée, et qui sera examinée par les chefs d’État et de gouvernement.
Cette boussole vient fixer des objectifs en matière de numérique pour l’Union européenne à l’horizon 2030. J’ai plusieurs fois plaidé pour que l’Union ait des ambitions plus grandes en la matière. Je ne peux donc que me réjouir de ces orientations et de cette planification en amont, qui permettra de compléter la stratégie de l’Union européenne en matière de nouvelles technologies. La politique actuelle reste en effet largement insuffisante face aux mastodontes que sont la Chine et les États-Unis. L’Europe est toujours fortement dépendante de ces pays, malgré ses efforts.
À ce sujet, la Commission européenne a très justement indiqué que l’Union devait renforcer l’investissement dans le numérique. Elle prévoit un objectif de 20 % de dépenses dans ce domaine, par le biais de la facilité pour la reprise et la résilience, et ce en complément du budget européen déjà dédié à ce secteur.
Ces financements devraient alors permettre une véritable transformation digitale et un plus grand développement en Europe des nouvelles technologies, telles que les voitures connectées, les intelligences artificielles ou encore les supercalculateurs. Concernant ces derniers, le Sénat avait adopté une résolution, que nous avions déposée avec mes collègues André Gattolin, Claude Kern et Pierre Ouzoulias. Celle-ci rappelait l’importance stratégique du calcul à haute performance et encourageait les efforts faits par l’Union européenne en ce sens.
Néanmoins, si l’Europe veut devenir un véritable leader en matière de calcul à haute performance, il est nécessaire que des progrès soient faits pour asseoir la souveraineté de l’Union sur toute la chaîne de valeur scientifique et industrielle. Implanter des supercalculateurs en Europe est une bonne chose, mais cela ne suffira pas si ceux-ci sont fabriqués par des entreprises étrangères.
À ce jour, une grande partie des appels d’offres lancés en Europe pour de tels équipements sont remportés par des entreprises américaines et chinoises, faute d’une compétitivité suffisante des entreprises européennes. Utiliser des pièces étrangères pose pourtant des problèmes de sécurité, car cela rend difficile la détection de logiciels espions qui pourraient être implantés par les pays tiers fabriquant ces pièces. Il est donc extrêmement important que l’Union européenne ait une vision ambitieuse et qu’elle s’impose sur toute la chaîne de valeur.
Monsieur le secrétaire d’État, quels leviers seront-ils mobilisés pour atteindre ces objectifs ?
En outre, la question des intelligences artificielles sera abordée. La boussole numérique devrait également permettre d’investir plus massivement dans ce secteur d’avenir. L’Europe accuse pour le moment du retard, et il est important qu’elle s’attache à le rattraper si elle ne souhaite pas devenir dépendante de l’Amérique du Nord et de la Chine, comme elle l’est aujourd’hui en matière de numérique.
L’Union européenne a déjà mis en place de nombreux mécanismes pour investir dans l’intelligence artificielle, mais cela ne suffit pas. Le Conseil européen avait d’ailleurs invité la Commission, en octobre, à se pencher sur les moyens d’accroître les investissements publics et privés dans la recherche, l’innovation et le déploiement des intelligences artificielles.
Le Sénat avait, quant à lui, dès 2019, invité l’Union à faire de l’intelligence artificielle un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC), par le biais d’une résolution européenne. Pourtant, cette recommandation n’a pas été suivie d’effet, la mise en place d’un tel projet n’ayant été reprise ni dans le Livre blanc de la Commission sur l’intelligence artificielle ni dans la boussole numérique.
Faire de l’intelligence artificielle un PIIEC serait pourtant l’un des moyens de renforcer les investissements dans ce domaine, les règles relatives à la concurrence au sein de l’Union empêchant de faire émerger des champions européens dans des domaines stratégiques.
Les PIIEC sont l’une des seules façons de contourner ces règles et de permettre aux États d’aider certaines entreprises en menant une véritable politique industrielle. L’intelligence artificielle remplit la totalité des critères fixés pour en bénéficier, et des garanties sont prévues pour maintenir les exigences de transparence et éviter de trop grandes distorsions de concurrence. Alors, pourquoi refuser de mobiliser ce mécanisme, alors même qu’il est l’outil idéal pour aller dans le sens des orientations fixées par la Commission ?
Il ne suffit pas de conclure qu’il faut investir davantage, si les moyens dont l’Europe dispose pour ce faire ne sont pas mis en œuvre… Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer si la France compte soutenir la mise en place d’un PIIEC pour l’intelligence artificielle ? Savez-vous pourquoi la Commission n’a pas prévu de le proposer pour l’instant ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. André Gattolin applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les dirigeants de l’Union européenne se retrouvent jeudi et vendredi à Bruxelles pour discuter, entre autres sujets, de la riposte à la pandémie de covid-19 et dresser un nouveau bilan de la stratégie vaccinale européenne.
Cette stratégie repose sur deux piliers : la solidarité et l’équité. On ne peut que s’en réjouir, car, compte tenu de l’interdépendance des économies européennes, il est indispensable que les Vingt-Sept puissent avoir accès au vaccin au même moment et aux mêmes conditions de prix.
L’accord conclu entre les États membres et la Commission en juin 2020 répartit clairement les rôles de chacun : à la Commission de négocier avec les entreprises pharmaceutiques pour l’achat anticipé de vaccins ; aux États membres de commander, acquérir et régler les doses de vaccin auprès des producteurs, selon leurs demandes et leur responsabilité.
La politique de vaccination reste donc bien de la compétence des États membres. C’est ce qui explique, d’ailleurs, le retard pris par la France sur ses voisins en matière de vaccination.
En privilégiant le vaccin AstraZeneca, moins cher que ses concurrents, notre pays subit les retards de production et de livraison de l’entreprise pharmaceutique, qui ne pourra fournir que 70 millions de doses sur les 300 millions prévues d’ici au mois de juin.
Au-delà de nos problèmes franco-français, nous aurons, le moment venu, à tirer les conséquences de cette gestion de la crise sanitaire par l’Union européenne.
Les statistiques de vaccination restent peu flatteuses en Europe lorsqu’on les compare au reste du monde : 9 % de primo-vaccinés contre 33 % au Royaume-Uni et même 55 % en Israël. Et que dire des start-up biotech ou des géants pharmaceutiques, qui n’ont pas eu l’écoute nécessaire au sein de l’Union européenne ?
La pénurie de masques, de composants et de matières premières pour les vaccins rend également indispensable une réindustrialisation de l’Europe dans ces secteurs stratégiques. Se posera aussi la question de la juste répartition des compétences entre États membres et Union européenne en matière de santé.
Si les Français réclament une plus grande coordination sanitaire au niveau européen, les traités excluent toute idée d’harmonisation afin de tenir compte des spécificités de chaque État membre. Le Sénat l’a rappelé à la Commission dans une résolution pour non-respect du principe de subsidiarité. Les États membres doivent pouvoir garder la main sur leur politique de santé.
Le Conseil européen doit également se pencher sur la question de la taxation du numérique. Les négociations internationales sur le sujet reprennent sous des auspices plus favorables avec l’élection de Joe Biden. Cela retarde la proposition législative qu’est censée faire la Commission sur le sujet d’ici au 1er juin. Pouvez-vous nous garantir, monsieur le secrétaire d’État, que le calendrier prévu sera respecté ?
Je voudrais enfin mentionner la nouvelle réforme de la PAC, en voie d’adoption, laquelle ne correspondra manifestement pas aux demandes du Sénat exprimées dans les quatre résolutions européennes que nous avons adoptées depuis 2017. Nos principales sources d’inquiétudes portent sur sa mise en œuvre, qui va aboutir à une renationalisation, autrement dit à un remplacement d’une politique commune par vingt-sept politiques agricoles nationales, sur fond de distorsions de concurrence supplémentaires et de dumping social et environnemental.
Nous avons également des réserves sur la stratégie biodiversité de la Commission européenne, qui prévoit, à l’horizon 2030, soit dans neuf ans seulement, de renoncer à 10 % de la surface agricole utile européenne, tout en diminuant de 50 % l’utilisation des pesticides et en quadruplant les terres converties au bio.
Nous sommes tous d’accord pour verdir les activités agricoles, et les agriculteurs y ont pris toute leur part en faisant beaucoup d’efforts depuis déjà quarante ans. Mais il faut pouvoir disposer de produits de substitution efficaces et assurer un revenu décent à nos agriculteurs.
Espérons que le Conseil et la Commission sauront reprendre les apports positifs du Parlement européen pour la nouvelle PAC.
L’enjeu est crucial, car l’Europe est aujourd’hui à la croisée des chemins. Les États-Unis ont récemment tablé sur une diminution de 12 % de la production agricole européenne à l’horizon 2030. Si ces prédictions se révélaient exactes, c’est que nous aurions collectivement accepté de renoncer à notre ADN : nourrir le reste du monde et assurer la souveraineté alimentaire de notre continent. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen de jeudi et vendredi prochains traitera pour partie de la transition numérique de l’Union européenne. Outre la fiscalité du secteur, les chefs d’État et de gouvernement aborderont plus globalement la stratégie européenne en matière de numérique à l’horizon 2030.
Cette stratégie, la boussole numérique de la décennie pour l’Union européenne, a été récemment présentée par la Commission et se décompose en quatre axes : transformation numérique des entreprises ; numérisation des services publics ; compétences ; infrastructures numériques sûres et durables.
L’actualité devrait me pousser à évoquer la sûreté des infrastructures numériques, après l’incendie de l’entreprise OVH à Strasbourg, qui renforce nos interrogations sur les centres de données européens et leur sécurité. Alors que les Gafam pénètrent l’Europe avec une force concurrentielle immense depuis plusieurs années, l’une des seules entreprises françaises et européennes du marché risque d’éprouver des difficultés à la suite de cet incident, ce qui doit pousser l’Union européenne à accélérer le mouvement sur ce sujet d’importance.
Néanmoins, je souhaite plutôt m’attarder ce soir sur les effets du numérique sur le climat et l’environnement.
L’empreinte environnementale du secteur est une source de préoccupations pour les années à venir. Le numérique représente, au niveau mondial, plus de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que l’ensemble du trafic aérien. Sans action particulière, il pourrait représenter 14 % des émissions mondiales d’ici à 2040. L’enjeu est donc bel et bien devant nous si nous souhaitons atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
La Commission européenne, dans sa Communication pour façonner l’avenir numérique de l’Europe, s’est saisie de ce défi. Deux grandes mesures sont développées dans ce document.
En premier lieu sont préconisés l’adoption de mesures en matière d’efficacité énergétique et d’économie circulaire pour les réseaux et les équipements, ainsi qu’un travail sur les marchés publics durables. L’écoconception des appareils et leur cycle de vie sont d’ailleurs évoqués dans le plan d’action pour l’économie circulaire présenté récemment, et qui nécessitera des ajustements législatifs.
Ces questions touchant à la vie quotidienne des Européens, il faut que ces propositions se concrétisent dans les années à venir. L’engagement des États membres sur cette question est crucial.
En second lieu, la Commission européenne prône des mesures d’efficacité énergétique pour les centres de données, avec un objectif de neutralité sur le plan climatique d’ici à 2030.
Les centres de données sont par ailleurs de véritables leviers de flexibilité énergétique, puisqu’ils permettent de stocker l’électricité des installations d’énergies renouvelables intermittentes. De telles solutions sont déjà développées dans plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni, l’Irlande ou la Suède. Ce sont principalement des initiatives issues des échelons locaux. Il est donc important que les collectivités territoriales soient associées à cette initiative européenne.
Le Sénat s’est saisi du sujet de l’empreinte environnementale du numérique, d’abord à travers une mission d’information conduite par mes collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, puis avec une proposition de loi, adoptée à la quasi-unanimité de notre assemblée. L’objectif de ce travail parlementaire était bel et bien d’aller au-delà de la feuille de route présentée par le Gouvernement.
Comme le préconise le Haut Conseil pour le climat, le Sénat s’est intéressé à l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur afin de traiter l’enjeu de manière globale. Infrastructures, terminaux, usages, réseaux : les mesures à envisager sont nombreuses, mais ce travail de mes collègues soulignait aussi l’importance de les articuler à l’action européenne.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est un premier levier pour intégrer les émissions pour la production et l’importation des terminaux dans le prix d’achat. Cette mesure rendra de facto les appareils issus du reconditionnement et de la réparation beaucoup plus attractifs qu’actuellement. La question des usages vidéo doit également se régler à l’échelle européenne, puisqu’elle nécessite une discussion avec les géants du numérique.
Transitions écologique et numérique doivent être menées de front à l’échelle européenne.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle position la France portera-t-elle sur la réduction de l’empreinte environnementale du numérique ? Quelles mesures l’Union européenne pourrait-elle adopter sur cette question ?
Cette réflexion est d’autant plus importante à l’aune de la pandémie que nous subissons depuis maintenant plus d’un an. Celle-ci a en effet conduit le numérique à prendre une place encore plus importante dans nos vies quotidiennes, et notamment nos vies professionnelles avec le développement du télétravail.
La seule porte de sortie identifiée de cette pandémie à l’heure actuelle est la vaccination. Les commandes de vaccins ont été opérées à l’échelle européenne, mais – l’ensemble des dirigeants européens s’accordent à le dire –, l’approvisionnement en vaccins du continent doit s’accélérer.
Il est donc impératif que l’ensemble des commandes soient assurées par les laboratoires et que le rythme de vaccination augmente significativement. La reprise de l’ensemble des activités en dépend, notamment en France.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que cette montée en puissance sera effective aux échelons européen et français ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 21 septembre 2020, l’Union européenne appelait à une reprise forte et à une Europe compétitive et durable, via la suppression des obstacles au commerce au sein de l’UE, la simplification des procédures administratives et l’empêchement des obstacles de nature réglementaire.
Les 1er et 2 octobre 2020, les dirigeants de l’Union européenne soulignaient la nécessité de revenir, dès que possible, à un marché unique pleinement opérationnel. Ils demandaient plus particulièrement la suppression des obstacles injustifiés, en particulier dans le domaine des services, le façonnement d’un nouveau système de gouvernance économique mondiale ou encore des investissements dans l’utilisation efficace des compétences.
Six mois plus tard, les obstacles administratifs, les obstacles de gestion et les obstacles du « en même temps » nous hantent toujours ; ils hantent toujours la France, avec l’exemple contagieux et ô combien alarmant de la vaccination chez nous.
« On est prêts », disiez-vous, monsieur le secrétaire d’État, avec tous les autres membres du Gouvernement. Malheureusement, la réalité nous montre le contraire : l’avenir est loin d’être serein. La France est la tortue de la vaccination, mais le lièvre de la communication
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les dirigeants de l’Union européenne se retrouvent jeudi et vendredi à Bruxelles pour discuter, entre autres sujets, de la riposte à la pandémie de covid-19 et dresser un nouveau bilan de la stratégie vaccinale européenne.
Cette stratégie repose sur deux piliers : la solidarité et l’équité. On ne peut que s’en réjouir, car, compte tenu de l’interdépendance des économies européennes, il est indispensable que les Vingt-Sept puissent avoir accès au vaccin au même moment et aux mêmes conditions de prix.
L’accord conclu entre les États membres et la Commission en juin 2020 répartit clairement les rôles de chacun : à la Commission de négocier avec les entreprises pharmaceutiques pour l’achat anticipé de vaccins ; aux États membres de commander, acquérir et régler les doses de vaccin auprès des producteurs, selon leurs demandes et leur responsabilité.
La politique de vaccination reste donc bien de la compétence des États membres. C’est ce qui explique, d’ailleurs, le retard pris par la France sur ses voisins en matière de vaccination.
En privilégiant le vaccin AstraZeneca, moins cher que ses concurrents, notre pays subit les retards de production et de livraison de l’entreprise pharmaceutique, qui ne pourra fournir que 70 millions de doses sur les 300 millions prévues d’ici au mois de juin.
Au-delà de nos problèmes franco-français, nous aurons, le moment venu, à tirer les conséquences de cette gestion de la crise sanitaire par l’Union européenne.
Les statistiques de vaccination restent peu flatteuses en Europe lorsqu’on les compare au reste du monde : 9 % de primo-vaccinés contre 33 % au Royaume-Uni et même 55 % en Israël. Et que dire des start-up biotech ou des géants pharmaceutiques, qui n’ont pas eu l’écoute nécessaire au sein de l’Union européenne ?
La pénurie de masques, de composants et de matières premières pour les vaccins rend également indispensable une réindustrialisation de l’Europe dans ces secteurs stratégiques. Se posera aussi la question de la juste répartition des compétences entre États membres et Union européenne en matière de santé.
Si les Français réclament une plus grande coordination sanitaire au niveau européen, les traités excluent toute idée d’harmonisation afin de tenir compte des spécificités de chaque État membre. Le Sénat l’a rappelé à la Commission dans une résolution pour non-respect du principe de subsidiarité. Les États membres doivent pouvoir garder la main sur leur politique de santé.
Le Conseil européen doit également se pencher sur la question de la taxation du numérique. Les négociations internationales sur le sujet reprennent sous des auspices plus favorables avec l’élection de Joe Biden. Cela retarde la proposition législative qu’est censée faire la Commission sur le sujet d’ici au 1er juin. Pouvez-vous nous garantir, monsieur le secrétaire d’État, que le calendrier prévu sera respecté ?
Je voudrais enfin mentionner la nouvelle réforme de la PAC, en voie d’adoption, laquelle ne correspondra manifestement pas aux demandes du Sénat exprimées dans les quatre résolutions européennes que nous avons adoptées depuis 2017. Nos principales sources d’inquiétudes portent sur sa mise en œuvre, qui va aboutir à une renationalisation, autrement dit à un remplacement d’une politique commune par vingt-sept politiques agricoles nationales, sur fond de distorsions de concurrence supplémentaires et de dumping social et environnemental.
Nous avons également des réserves sur la stratégie biodiversité de la Commission européenne, qui prévoit, à l’horizon 2030, soit dans neuf ans seulement, de renoncer à 10 % de la surface agricole utile européenne, tout en diminuant de 50 % l’utilisation des pesticides et en quadruplant les terres converties au bio.
Nous sommes tous d’accord pour verdir les activités agricoles, et les agriculteurs y ont pris toute leur part en faisant beaucoup d’efforts depuis déjà quarante ans. Mais il faut pouvoir disposer de produits de substitution efficaces et assurer un revenu décent à nos agriculteurs.
Espérons que le Conseil et la Commission sauront reprendre les apports positifs du Parlement européen pour la nouvelle PAC.
L’enjeu est crucial, car l’Europe est aujourd’hui à la croisée des chemins. Les États-Unis ont récemment tablé sur une diminution de 12 % de la production agricole européenne à l’horizon 2030. Si ces prédictions se révélaient exactes, c’est que nous aurions collectivement accepté de renoncer à notre ADN : nourrir le reste du monde et assurer la souveraineté alimentaire de notre continent. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État !
Sourires.
Applaudissements sur les travées des g roupes Les Républicains et UC.
Des vaccinodromes, certes, mais avec quoi, et pour quoi ? Notre maillage médical territorial n’est-il pas suffisant ? Alors que les Français ont confiance en leur médecin, nos personnes âgées vont devoir se confronter à ces lieux ; un déplacement de leur médecin ou de leur infirmier serait pourtant plus rassurant, dans un contexte fortement anxiogène.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que nous avons en France 100 000 docteurs médecins généralistes et 50 000 pharmaciens. Si chacun d’entre eux recevait 10 personnes par jour, il y aurait quotidiennement 1, 5 million de vaccinés, ou du moins d’injections : plus de 45 millions de personnes seraient vaccinées au bout d’un mois. Encore faudrait-il bien sûr avoir un nombre suffisant de vaccins !
Or à quel niveau de vaccination sommes-nous aujourd’hui ? Au plus bas, en comparaison avec nos voisins européens. L’heure est grave ; après un an de crise sanitaire, le constat est sans appel : les Français en ont assez, ils sont angoissés, ils sont anxieux ! Nous sommes donc loin des conditions humaines de la reprise forte que souhaite l’Union européenne et que nous souhaitons tous.
Économiquement, le constat est aussi alarmant. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils montrent une fois de plus que la France est en bas du classement.
Les chiffres de la balance commerciale française sont parus : le déficit atteint 82 milliards d’euros pour la France, alors que son voisin allemand connaît 180 milliards d’euros d’excédent – oui, d’excédent, et non de déficit ! – et que l’Italie, dont on se moque parfois, connaît elle aussi un excédent, de 63 milliards d’euros.
Et la sonnette d’alarme continue de retentir ! La part de marché de la France dans le commerce international a chuté en vingt ans de près de 35 %, passant de 5, 1 % à 3, 5 %, soit une chute bien supérieure à la moyenne de l’Union européenne, alors même que la part de marché de l’Allemagne augmentait, pour s’établir à 7, 2 %, soit plus du double du niveau français.
Mon exemple suivant portera sur un fleuron français : l’industrie automobile. Selon les chiffres de l’Insee, alors que la France produisait 13, 1 % des automobiles européennes en 2000, cette proportion n’est plus que de 6, 7 % aujourd’hui, alors que la part de l’Allemagne est passée dans le même temps de 40, 6 % à 44, 5 %.
Quant à l’industrie agroalimentaire, la France assurait en 2000, en valeur, 7 % des exportations mondiales dans ce secteur, contre environ 4, 5 % aujourd’hui. La part de l’Allemagne, dans le même temps, est passée de 5, 1 % à 5, 4 %.
Je pourrais continuer cette liste : ainsi, pour l’industrie pharmaceutique, la part de la France est de 6, 3 % des exportations dans le monde, alors que l’Allemagne détient 15 % de ces parts de marché.
Nous n’avons plus de top sector, comme on dit en bon français ! Je me pose donc clairement la question suivante : la France va-t-elle devenir une colonie allemande ? Au-delà de ces comparaisons, nous devenons, faute de force suffisante, une caisse de résonance de l’Allemagne : ces chiffres révèlent que la situation française est dégradée, voire désastreuse !
En revanche, la France aime sa démocratie ; elle n’est pas une colonie de la Macronie !
Sourires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
On entend parler d’un éventuel report des élections départementales et régionales, alors que tous les autres pays votent, notamment nos voisins européens !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 21 septembre 2020, l’Union européenne appelait à une reprise forte et à une Europe compétitive et durable, via la suppression des obstacles au commerce au sein de l’UE, la simplification des procédures administratives et l’empêchement des obstacles de nature réglementaire.
Les 1er et 2 octobre 2020, les dirigeants de l’Union européenne soulignaient la nécessité de revenir, dès que possible, à un marché unique pleinement opérationnel. Ils demandaient plus particulièrement la suppression des obstacles injustifiés, en particulier dans le domaine des services, le façonnement d’un nouveau système de gouvernance économique mondiale ou encore des investissements dans l’utilisation efficace des compétences.
Six mois plus tard, les obstacles administratifs, les obstacles de gestion et les obstacles du « en même temps » nous hantent toujours ; ils hantent toujours la France, avec l’exemple contagieux et ô combien alarmant de la vaccination chez nous.
« On est prêts », disiez-vous, monsieur le secrétaire d’État, avec tous les autres membres du Gouvernement. Malheureusement, la réalité nous montre le contraire : l’avenir est loin d’être serein. La France est la tortue de la vaccination, mais le lièvre de la communication
Sourires.
Je vous rappelle, monsieur Gattolin, que douze pays de l’Union européenne ont tenu des élections depuis mars 2020, sans compter la Suisse, qui a organisé des élections cantonales et trois referendums, dont le dernier s’est tenu récemment, le 7 mars dernier.
Des vaccinodromes, certes, mais avec quoi, et pour quoi ? Notre maillage médical territorial n’est-il pas suffisant ? Alors que les Français ont confiance en leur médecin, nos personnes âgées vont devoir se confronter à ces lieux ; un déplacement de leur médecin ou de leur infirmier serait pourtant plus rassurant, dans un contexte fortement anxiogène.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que nous avons en France 100 000 docteurs médecins généralistes et 50 000 pharmaciens. Si chacun d’entre eux recevait 10 personnes par jour, il y aurait quotidiennement 1, 5 million de vaccinés, ou du moins d’injections : plus de 45 millions de personnes seraient vaccinées au bout d’un mois. Encore faudrait-il bien sûr avoir un nombre suffisant de vaccins !
Or à quel niveau de vaccination sommes-nous aujourd’hui ? Au plus bas, en comparaison avec nos voisins européens. L’heure est grave ; après un an de crise sanitaire, le constat est sans appel : les Français en ont assez, ils sont angoissés, ils sont anxieux ! Nous sommes donc loin des conditions humaines de la reprise forte que souhaite l’Union européenne et que nous souhaitons tous.
Économiquement, le constat est aussi alarmant. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils montrent une fois de plus que la France est en bas du classement.
Les chiffres de la balance commerciale française sont parus : le déficit atteint 82 milliards d’euros pour la France, alors que son voisin allemand connaît 180 milliards d’euros d’excédent – oui, d’excédent, et non de déficit ! – et que l’Italie, dont on se moque parfois, connaît elle aussi un excédent, de 63 milliards d’euros.
Et la sonnette d’alarme continue de retentir ! La part de marché de la France dans le commerce international a chuté en vingt ans de près de 35 %, passant de 5, 1 % à 3, 5 %, soit une chute bien supérieure à la moyenne de l’Union européenne, alors même que la part de marché de l’Allemagne augmentait, pour s’établir à 7, 2 %, soit plus du double du niveau français.
Mon exemple suivant portera sur un fleuron français : l’industrie automobile. Selon les chiffres de l’Insee, alors que la France produisait 13, 1 % des automobiles européennes en 2000, cette proportion n’est plus que de 6, 7 % aujourd’hui, alors que la part de l’Allemagne est passée dans le même temps de 40, 6 % à 44, 5 %.
Quant à l’industrie agroalimentaire, la France assurait en 2000, en valeur, 7 % des exportations mondiales dans ce secteur, contre environ 4, 5 % aujourd’hui. La part de l’Allemagne, dans le même temps, est passée de 5, 1 % à 5, 4 %.
Je pourrais continuer cette liste : ainsi, pour l’industrie pharmaceutique, la part de la France est de 6, 3 % des exportations dans le monde, alors que l’Allemagne détient 15 % de ces parts de marché.
Nous n’avons plus de top sector, comme on dit en bon français ! Je me pose donc clairement la question suivante : la France va-t-elle devenir une colonie allemande ? Au-delà de ces comparaisons, nous devenons, faute de force suffisante, une caisse de résonance de l’Allemagne : ces chiffres révèlent que la situation française est dégradée, voire désastreuse !
En revanche, la France aime sa démocratie ; elle n’est pas une colonie de la Macronie !
Sourires.
Outre les Pays-Bas, dont les élections législatives viennent d’avoir lieu, deux pays de l’Union européenne prévoient de tenir des élections d’ici à la fin du mois de juin : des élections législatives se tiendront en Bulgarie le 4 avril et des élections régionales dans le Land de Saxe-Anhalt le 6 juin 2021.
Par ailleurs, le Royaume-Uni organise ses élections locales et des élections législatives en Écosse et au Pays de Galles le 6 mai 2021.
Comment pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, envisager un report de ces élections ? Ce serait dangereux pour notre démocratie et démontrerait, une fois de plus, que vous employez des moyens détournés pour parvenir à vos fins !
Monsieur le secrétaire d’État, plutôt que de communiquer, vous devriez agir : agir pour redresser notre économie, agir pour la vaccination, agir pour l’avenir de la France et non pour reporter les élections ! Confucius disait : « L’homme de bien préfère être lent à parler, mais prompt à agir. »
On entend parler d’un éventuel report des élections départementales et régionales, alors que tous les autres pays votent, notamment nos voisins européens !
M. Clément Beaune, secrétaire d ’ État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après les propos pleins d’optimisme et de légèreté de M. Duplomb, je vais m’efforcer, une fois n’est pas coutume, d’être le lièvre de la réponse !
Je vous rappelle, monsieur Gattolin, que douze pays de l’Union européenne ont tenu des élections depuis mars 2020, sans compter la Suisse, qui a organisé des élections cantonales et trois referendums, dont le dernier s’est tenu récemment, le 7 mars dernier.
Sourires.
Si vous m’y autorisez, je veux vous offrir quelques éléments de réponse qui soient les plus complets possible, en regroupant par grands thèmes les remarques et interpellations qui ont été formulées.
J’aborderai en premier lieu la question de la vaccination, car c’est, à juste titre, celle qui préoccupe le plus et sera donc en tête de l’ordre du jour du Conseil européen. Je veux notamment rétablir certains faits et apporter plusieurs précisions au sujet du cadre européen de vaccination.
On voit bien – je l’ai dit très honnêtement – que ce cadre n’est pas parfait aujourd’hui. C’est un fait qu’il y a dans le monde des pays qui vont plus vite en la matière que les États membres de l’Union européenne. Il faut savoir pourquoi et essayer d’y remédier, sans pour autant noircir un tableau qui n’en a pas besoin.
Si l’on procède à des comparaisons internationales, on peut constater qu’il y a essentiellement trois pays qui vont plus vite que les pays de l’UE.
Deux grandes économies importent particulièrement, du fait de leur taille : les États-Unis et le Royaume-Uni. Quant au troisième, Israël, qui est souvent cité en exemple, il s’agit d’un cas assez particulier : cet État a accepté de conclure avec un laboratoire pharmaceutique un accord permettant de lui fournir des données médicales, en échange d’une livraison plus rapide de doses de vaccination. Je ne crois pas que nous aurions fait un tel choix.
Il faut aussi relever – je ne m’en félicite pas ! – que certains pays dont on nous dit qu’ils ont trouvé la solution miraculeuse pour procéder à une campagne de vaccination n’ont pas, de fait, réalisé de miracles. On nous avait vanté les prétendus mérites de la Chine dans la gestion globale de la crise sanitaire ; on nous promet le vaccin libérateur de la Russie. Pourtant, ces deux puissances vaccinent, en proportion, deux fois moins vite que les pays de l’Union européenne.
Précisons enfin, puisque des comparaisons imprécises, voire fausses, sont parfois faites, que la France n’est pas la lanterne rouge de la vaccination au sein de l’Union européenne, très loin de là. En proportion de la population adulte, même si nous devons collectivement aller plus vite, nous sommes devant l’Allemagne, devant l’Italie et devant l’Espagne.
Outre les Pays-Bas, dont les élections législatives viennent d’avoir lieu, deux pays de l’Union européenne prévoient de tenir des élections d’ici à la fin du mois de juin : des élections législatives se tiendront en Bulgarie le 4 avril et des élections régionales dans le Land de Saxe-Anhalt le 6 juin 2021.
Par ailleurs, le Royaume-Uni organise ses élections locales et des élections législatives en Écosse et au Pays de Galles le 6 mai 2021.
Comment pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, envisager un report de ces élections ? Ce serait dangereux pour notre démocratie et démontrerait, une fois de plus, que vous employez des moyens détournés pour parvenir à vos fins !
Monsieur le secrétaire d’État, plutôt que de communiquer, vous devriez agir : agir pour redresser notre économie, agir pour la vaccination, agir pour l’avenir de la France et non pour reporter les élections ! Confucius disait : « L’homme de bien préfère être lent à parler, mais prompt à agir. »
Certes, monsieur le sénateur, nous ne sommes pas les premiers du classement de l’Union européenne, mais les différences sont très faibles entre les différents pays, hormis quelques exceptions assez atypiques, comme Malte, qui a pu aller très vite du fait de sa petite taille.
Toujours est-il que nous ne sommes pas la lanterne rouge de l’UE : nous sommes plus rapides que les Allemands, que les Espagnols ou que les Italiens, pour prendre des pays comparables au nôtre par leur taille. Je ne dis pas que tout va bien, mais il faut tout de même remettre les choses dans leur contexte et à leur juste place.
On sait que le sujet, pour l’Union européenne, c’est l’accélération de la production et de la livraison de vaccins. Cela se fera, non par des stratagèmes ou des tensions, mais en éprouvant toutes les solutions, jusqu’aux plus innovantes, pour que nous soyons livrés plus vite.
Cela implique tout d’abord de passer des contrats supplémentaires ; c’est ce que nous avons fait, notamment, avec le laboratoire Pfizer, qui nous a déjà livré au premier trimestre plus de doses que prévu et qui nous livrera encore au deuxième trimestre 10 millions de doses supplémentaires par rapport aux prévisions. Cela fait partie des bonnes nouvelles !
Il faut ensuite mettre la pression sur les laboratoires qui connaissent des retards ; on sait bien qu’il est question ici d’un laboratoire en particulier, à savoir AstraZeneca.
Dans de tels cas, il faut utiliser tous les leviers qui sont à notre disposition. Cela peut aller, comme je l’ai dit, jusqu’à des recours juridiques, mais soyons honnêtes : à court terme, ce n’est pas un recours en justice qui va nous apporter des flacons de vaccin !
On essaie donc de régler les problèmes industriels et de trouver des solutions créatives, innovantes, voire exceptionnelles – la période l’exige ! –, comme des accords croisés de production. C’est ce que nous avons incité le laboratoire Sanofi à faire, afin de produire, dès cet été, des vaccins Johnson & Johnson et Pfizer dans ses sites français et allemands. Nous mobilisons toutes ces solutions.
Ensuite, nous défendons nos intérêts. Je défends le cadre européen, parce qu’aucun de ces vrais problèmes de production ne serait mieux réglé dans un cadre national, me semble-t-il ; si vous voulez connaître ma conviction, je pense même que ce serait exactement le contraire, parce qu’on ajouterait aux problèmes actuels une guerre entre pays européens pour les doses de vaccin.
Beaucoup d’entre vous ont fait l’éloge de la coopération européenne et réaffirmé sa nécessité. Je partage volontiers cette position, d’autant que je ne suis pas sûr que, si l’on était en train de se faire la guerre entre Français, Allemands, Espagnols ou Italiens pour acheter des doses de vaccin, nous en sortirions gagnants ; je suis même persuadé que nous sortirions tous perdants d’un tel conflit, parce que la campagne de vaccination en Europe serait bien plus décalée d’un pays à l’autre, alors que c’est aussi notre intérêt que de voir les vaccinations aller au même rythme dans des pays voisins.
La défense de nos intérêts implique la mise en place de mécanismes tels que des contrôles des exportations. De nombreux orateurs ont souligné leur pertinence ; je le prends comme un encouragement pour cette réunion du Conseil européen. Vous avez notamment évoqué, monsieur Rapin, l’idée d’un principe simple de réciprocité.
On peut comprendre les problèmes industriels d’un laboratoire comme AstraZeneca, parce qu’il s’agit d’une campagne exceptionnelle et, somme toute, d’une prouesse industrielle.
Pour autant, on ne peut pas comprendre que, quand on a signé un contrat, on soit moins bien traité que d’autres signataires de contrats ; je pense au Royaume-Uni, qui a signé son contrat avec AstraZeneca en même temps que nous, et même un jour plus tard ! Une fois de plus, ne nous concentrons pas sur les faux problèmes : ce n’est pas une affaire de signature ou de délai administratif dans la signature des contrats.
Vous avez également justement rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous devrons tirer de la crise des leçons en matière de compétence sanitaire européenne. Celle-ci n’existait pas auparavant ; on l’a construite au cours de la crise. Le problème que nous avons rencontré à l’échelle européenne est que nombre de pays européens, dont la France, ont subi un retard industriel par rapport à d’autres puissances pharmaceutiques ou d’innovation.
C’est notamment le cas vis-à-vis des États-Unis d’Amérique, qui ont plus investi que nous, plus vite, et sur plus de vaccins et de technologies risquées. En outre, ils avaient dès l’origine une capacité de production plus grande, même si nous la rattrapons à un rythme rapide.
Plusieurs d’entre vous ont cité à cet égard les efforts déployés par le commissaire français Thierry Breton pour accélérer nos capacités de production. Nous sommes en voie de tenir notre objectif : d’ici à la fin de l’année, la capacité annuelle de production de vaccins sur le territoire de l’Union européenne atteindra 2 à 3 milliards de doses. Cela fera de nous, avec les États-Unis, le premier producteur mondial de vaccins, et de loin !
M. Clément Beaune, secrétaire d ’ État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après les propos pleins d’optimisme et de légèreté de M. Duplomb, je vais m’efforcer, une fois n’est pas coutume, d’être le lièvre de la réponse !
Sourires.
Il convient de replacer les choses dans ce contexte et de relever les améliorations que l’on est en train d’apporter, au fur et à mesure et le plus vite possible. Je le répète : le seul sujet sur lequel nous allons nous concentrer est la production et la livraison de vaccins ; quant au reste, il ne s’agit pas de vraies réponses à une situation qu’il faut, objectivement, améliorer.
Je veux à présent vous apporter quelques éléments de réponse au sujet de la relance et de la stratégie économique, qui ont été évoquées par nombre d’entre vous et, en particulier, par M. le rapporteur général de la commission des finances.
Pour être précis et apporter une note positive en cette heure tardive, je ferai remarquer que plus de neuf États membres, de fait, sont arrivés au bout de la procédure d’autorisation du plan de relance européen : la procédure parlementaire est en effet achevée dans quatre États supplémentaires, auxquels il ne reste plus qu’à notifier la ratification aux autorités européennes ; on peut donc considérer que treize États ont aujourd’hui ratifié ce plan de relance, soit près de la moitié des membres de l’Union. Il faut encore accélérer !
Une dernière phase doit, elle aussi, être accélérée, à savoir la discussion avec la Commission européenne de chacun des plans de relance nationaux. Pour répondre à la question qui m’a été posée sur le calendrier, je préciserai que c’est à la fin du mois d’avril que le programme national de relance et de résilience sera communiqué, en même temps que le programme de stabilité ; il fera sans doute alors également l’objet d’un débat devant votre assemblée.
Je veux brièvement revenir sur les comparaisons, parfois imprécises, qui sont établies entre le plan européen et le fameux « plan Biden » de relance de l’économie américaine. Il ne convient pas de comparer celui-ci aux 750 milliards d’euros du plan de l’Union européenne, parce qu’il ne s’agit pas d’un plan de relance, mais principalement de mesures d’urgence portant sur le pouvoir d’achat ou le chômage partiel.
De telles mesures sont mises en place dans les États membres de l’UE en dehors du plan de relance : quand vous additionnez l’ensemble des mesures d’urgence et des plans de relance nationaux et européens qui ont été mis en place, même si le total est encore imprécis, on avoisine sans doute les 2 000 milliards d’euros, soit une somme très voisine de celle du plan américain.
Rappelons également qu’une partie des mesures du « plan Biden », notamment les mesures sociales de soutien au pouvoir d’achat des ménages, sont liées au fait que l’économie américaine a vingt points de dépense publique de moins que la France, ce qui a des inconvénients en temps de crise.
Il y a dans ces dispositifs un effet de rattrapage qui empêche une comparaison directe avec nos mesures, en particulier de chômage partiel. Je ferai remarquer à ce propos que la Commission européenne a relevé la semaine dernière que la France avait été le pays de l’Union européenne qui avait décaissé le plus de moyens pour aider les entreprises, les salariés et le pouvoir d’achat durant cette crise.
Je veux maintenant faire un point sur les questions numériques, qui sont également à l’ordre du jour de cette réunion du Conseil européen et que plusieurs d’entre vous ont évoquées.
La taxation du numérique sera évoquée, de même que la souveraineté numérique au sens large, dont M. Pellevat a parlé. La boussole numérique pour 2030 est un concept important ; concrètement, il s’agit de chantiers que l’on doit faire avancer d’ici à la présidence française et au cours de celle-ci.
Des propositions législatives seront faites en ce sens, autour de la cryptomonnaie ou de cryptoactifs, mais aussi de la souveraineté de nos centres de stockage de données, un sujet très important. Vous savez d’ailleurs que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne nous incite à relocaliser ces centres.
Nous avons subi le dramatique incendie du centre de stockage de l’entreprise OVH, à Strasbourg, mais il existe des acteurs européens qui peuvent être nos champions du stockage de données. Parfois, on n’a pas le réflexe d’imposer le recours à des solutions européennes pour le cloud ou, en meilleur français, les centres de données ; parfois, on ne dispose pas des règles nécessaires pour le faire.
J’en avais pris un exemple très concret lors de notre précédent échange, parce que la souveraineté numérique passe d’abord par ce genre de choix : nous avons refusé une solution de stockage sur des serveurs non européens pour les données de la présidence française, au profit d’une solution européenne, à savoir OVH.
C’est possible, et il faut renforcer cet avantage : cela fera partie des discussions relatives à la souveraineté numérique. Ce concept figure d’ailleurs pour la première fois dans le projet de conclusions de ce Conseil, qu’il conviendra de préciser.
J’en viens aux questions relatives à la francophonie, confus que je suis d’avoir utilisé le terme de cloud. §M. Gattolin a souligné à juste titre l’importance de ces questions.
Je pourrai en faire un long exposé, quelques jours après la Semaine de la francophonie et sa Journée internationale, mais je puis d’ores et déjà vous annoncer que Jean-Baptiste Lemoyne et moi-même serons accompagnés de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, le 8 avril prochain, à Bruxelles, pour rencontrer la présidente de la Commission, le président du Conseil européen et beaucoup d’autres acteurs des institutions européennes et souligner auprès d’eux la nécessité, pendant la présidence française et au-delà, de recourir davantage au français.
En effet, il s’agit non pas seulement de francophonie, mais plus largement de multilinguisme, et il ne faut pas tomber dans un réflexe anglophone qui est d’autant moins justifié après le Brexit.
Si vous m’y autorisez, je veux vous offrir quelques éléments de réponse qui soient les plus complets possible, en regroupant par grands thèmes les remarques et interpellations qui ont été formulées.
J’aborderai en premier lieu la question de la vaccination, car c’est, à juste titre, celle qui préoccupe le plus et sera donc en tête de l’ordre du jour du Conseil européen. Je veux notamment rétablir certains faits et apporter plusieurs précisions au sujet du cadre européen de vaccination.
On voit bien – je l’ai dit très honnêtement – que ce cadre n’est pas parfait aujourd’hui. C’est un fait qu’il y a dans le monde des pays qui vont plus vite en la matière que les États membres de l’Union européenne. Il faut savoir pourquoi et essayer d’y remédier, sans pour autant noircir un tableau qui n’en a pas besoin.
Si l’on procède à des comparaisons internationales, on peut constater qu’il y a essentiellement trois pays qui vont plus vite que les pays de l’UE.
Deux grandes économies importent particulièrement, du fait de leur taille : les États-Unis et le Royaume-Uni. Quant au troisième, Israël, qui est souvent cité en exemple, il s’agit d’un cas assez particulier : cet État a accepté de conclure avec un laboratoire pharmaceutique un accord permettant de lui fournir des données médicales, en échange d’une livraison plus rapide de doses de vaccination. Je ne crois pas que nous aurions fait un tel choix.
Il faut aussi relever – je ne m’en félicite pas ! – que certains pays dont on nous dit qu’ils ont trouvé la solution miraculeuse pour procéder à une campagne de vaccination n’ont pas, de fait, réalisé de miracles. On nous avait vanté les prétendus mérites de la Chine dans la gestion globale de la crise sanitaire ; on nous promet le vaccin libérateur de la Russie. Pourtant, ces deux puissances vaccinent, en proportion, deux fois moins vite que les pays de l’Union européenne.
Précisons enfin, puisque des comparaisons imprécises, voire fausses, sont parfois faites, que la France n’est pas la lanterne rouge de la vaccination au sein de l’Union européenne, très loin de là. En proportion de la population adulte, même si nous devons collectivement aller plus vite, nous sommes devant l’Allemagne, devant l’Italie et devant l’Espagne.
Cette approche est justifiée d’un point de vue défensif : nous devons être extrêmement fermes pour que tous les documents et les interventions soient traduits et disponibles en français et dans d’autres langues ; la présidence française sera l’occasion de s’en assurer.
Toutefois, il nous faut aussi une approche plus offensive, en renforçant à l’occasion de notre présidence nos actions de formation et nos démarches en faveur de l’attractivité de la langue française, notamment dans la pratique quotidienne des institutions européennes. Vous avez raison, monsieur Gattolin, ce sujet est extrêmement important.
Permettez-moi, madame la présidente, de revenir brièvement sur un autre point tout aussi important que j’ai omis de mentionner au sujet de la vaccination : on a affirmé de beaucoup de pays qu’ils étaient sortis du cadre européen, mais tel n’est pas le cas, même s’ils en ont eu la tentation. Il y a parfois eu en la matière, si vous me permettez l’expression, un peu d’« intox » ou de communication politique.
Ainsi, le Danemark et l’Autriche n’ont pu trouver en dehors du cadre européen, des millions de doses de vaccin : il n’y a pas de solution miracle ! De fait, ils n’en ont même trouvé aucune et n’ont procédé à aucun achat en dehors du cadre européen. On avait un moment évoqué un contrat complémentaire conclu par l’Allemagne avec Pfizer et BioNTech : ce contrat n’a pas été signé, et l’Allemagne a intégré de nouveau le cadre européen, pour une nouvelle commande de 300 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech.
Pour être tout à fait précis, deux pays ont passé des commandes complémentaires : la Hongrie et la Slovaquie. Vous avez d’ailleurs pu constater que cette commande va entraîner la chute du gouvernement slovaque, parce que les formations minoritaires de la coalition au pouvoir n’ont pas accepté ce choix de sortir du cadre européen.
Or les doses promises par la Russie n’arrivent qu’au compte-gouttes ; les Slovaques se sont en outre aperçus qu’il était assez risqué de recourir à un vaccin qui n’était pas autorisé, à ce stade, par l’Agence européenne des médicaments : ces doses russes, en nombre limité, ne sont donc même pas utilisées à ce jour en Slovaquie !
Je le répète, il n’y a pas de solution miracle en Europe, avec des vaccins russes ou chinois qui nous sauveraient. À ce propos, la Pologne a eu des contacts avec la Chine, mais elle n’a finalement pas commandé de vaccins chinois.
Monsieur Laurent, vous avez évoqué la question de la propriété intellectuelle et des brevets, en citant le Président de la République quant à l’idée d’un accès généralisé aux vaccins, considérés comme un bien public mondial.
C’est exactement ce que nous faisons, mais la levée des brevets n’est pas la bonne réponse, car elle créerait un doute sur la rémunération de l’innovation dans un domaine où – cela a d’ailleurs constitué une difficulté – des start-up, parfois européennes, ont investi massivement et ont besoin de cette rémunération. Certains laboratoires, dont AstraZeneca, il faut le reconnaître, vendent déjà leur vaccin à prix coûtant. Ce n’est pas le cas d’autres laboratoires, qui ont besoin d’amortir leur investissement dans une certaine mesure.
En revanche, ce n’est pas aux pays qui n’ont pas les moyens d’accéder aux vaccins, notamment en Afrique, d’assurer cette rémunération du secteur privé.
C’est exactement pour cette raison que la France a, la première, proposé l’initiative européenne et le mécanisme Covax. Nous avons commencé à livrer un certain nombre de doses, même si nous sommes tous confrontés à un problème de rareté. Malgré ces difficultés, nous avons déjà envoyé près de 30 millions de doses dans 33 pays.
C’est le Président de la République qui, lors du dernier sommet européen, a proposé que nous vaccinions en priorité, malgré nos propres difficultés d’approvisionnement, tous les soignants africains d’ici à l’été prochain. Il le redira jeudi, car c’est la priorité absolue si l’on veut que leurs systèmes de santé tiennent dans une période extrêmement difficile.
Nous sommes à la manœuvre sur ce point. Aussi, dépassons les postures : la bonne solution est de passer par ce système où nous achetons des doses pour les donner à des pays qui n’en ont pas les moyens. C’est d’ailleurs pourquoi l’Union européenne est la zone qui, dans le monde, a commandé le plus de doses – 2, 6 milliards, soit bien plus que nos propres besoins –, de manière à en donner un certain nombre et à assurer une vaccination mondiale.
Au vu de l’heure qui avance, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être plus rapide dans ma réponse à vos autres questions, voire à pratiquer une forme d’oubli plus ou moins délibéré !
Certes, monsieur le sénateur, nous ne sommes pas les premiers du classement de l’Union européenne, mais les différences sont très faibles entre les différents pays, hormis quelques exceptions assez atypiques, comme Malte, qui a pu aller très vite du fait de sa petite taille.
Toujours est-il que nous ne sommes pas la lanterne rouge de l’UE : nous sommes plus rapides que les Allemands, que les Espagnols ou que les Italiens, pour prendre des pays comparables au nôtre par leur taille. Je ne dis pas que tout va bien, mais il faut tout de même remettre les choses dans leur contexte et à leur juste place.
On sait que le sujet, pour l’Union européenne, c’est l’accélération de la production et de la livraison de vaccins. Cela se fera, non par des stratagèmes ou des tensions, mais en éprouvant toutes les solutions, jusqu’aux plus innovantes, pour que nous soyons livrés plus vite.
Cela implique tout d’abord de passer des contrats supplémentaires ; c’est ce que nous avons fait, notamment, avec le laboratoire Pfizer, qui nous a déjà livré au premier trimestre plus de doses que prévu et qui nous livrera encore au deuxième trimestre 10 millions de doses supplémentaires par rapport aux prévisions. Cela fait partie des bonnes nouvelles !
Il faut ensuite mettre la pression sur les laboratoires qui connaissent des retards ; on sait bien qu’il est question ici d’un laboratoire en particulier, à savoir AstraZeneca.
Dans de tels cas, il faut utiliser tous les leviers qui sont à notre disposition. Cela peut aller, comme je l’ai dit, jusqu’à des recours juridiques, mais soyons honnêtes : à court terme, ce n’est pas un recours en justice qui va nous apporter des flacons de vaccin !
On essaie donc de régler les problèmes industriels et de trouver des solutions créatives, innovantes, voire exceptionnelles – la période l’exige ! –, comme des accords croisés de production. C’est ce que nous avons incité le laboratoire Sanofi à faire, afin de produire, dès cet été, des vaccins Johnson & Johnson et Pfizer dans ses sites français et allemands. Nous mobilisons toutes ces solutions.
Ensuite, nous défendons nos intérêts. Je défends le cadre européen, parce qu’aucun de ces vrais problèmes de production ne serait mieux réglé dans un cadre national, me semble-t-il ; si vous voulez connaître ma conviction, je pense même que ce serait exactement le contraire, parce qu’on ajouterait aux problèmes actuels une guerre entre pays européens pour les doses de vaccin.
Beaucoup d’entre vous ont fait l’éloge de la coopération européenne et réaffirmé sa nécessité. Je partage volontiers cette position, d’autant que je ne suis pas sûr que, si l’on était en train de se faire la guerre entre Français, Allemands, Espagnols ou Italiens pour acheter des doses de vaccin, nous en sortirions gagnants ; je suis même persuadé que nous sortirions tous perdants d’un tel conflit, parce que la campagne de vaccination en Europe serait bien plus décalée d’un pays à l’autre, alors que c’est aussi notre intérêt que de voir les vaccinations aller au même rythme dans des pays voisins.
La défense de nos intérêts implique la mise en place de mécanismes tels que des contrôles des exportations. De nombreux orateurs ont souligné leur pertinence ; je le prends comme un encouragement pour cette réunion du Conseil européen. Vous avez notamment évoqué, monsieur Rapin, l’idée d’un principe simple de réciprocité.
On peut comprendre les problèmes industriels d’un laboratoire comme AstraZeneca, parce qu’il s’agit d’une campagne exceptionnelle et, somme toute, d’une prouesse industrielle.
Pour autant, on ne peut pas comprendre que, quand on a signé un contrat, on soit moins bien traité que d’autres signataires de contrats ; je pense au Royaume-Uni, qui a signé son contrat avec AstraZeneca en même temps que nous, et même un jour plus tard ! Une fois de plus, ne nous concentrons pas sur les faux problèmes : ce n’est pas une affaire de signature ou de délai administratif dans la signature des contrats.
Vous avez également justement rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous devrons tirer de la crise des leçons en matière de compétence sanitaire européenne. Celle-ci n’existait pas auparavant ; on l’a construite au cours de la crise. Le problème que nous avons rencontré à l’échelle européenne est que nombre de pays européens, dont la France, ont subi un retard industriel par rapport à d’autres puissances pharmaceutiques ou d’innovation.
C’est notamment le cas vis-à-vis des États-Unis d’Amérique, qui ont plus investi que nous, plus vite, et sur plus de vaccins et de technologies risquées. En outre, ils avaient dès l’origine une capacité de production plus grande, même si nous la rattrapons à un rythme rapide.
Plusieurs d’entre vous ont cité à cet égard les efforts déployés par le commissaire français Thierry Breton pour accélérer nos capacités de production. Nous sommes en voie de tenir notre objectif : d’ici à la fin de l’année, la capacité annuelle de production de vaccins sur le territoire de l’Union européenne atteindra 2 à 3 milliards de doses. Cela fera de nous, avec les États-Unis, le premier producteur mondial de vaccins, et de loin !
Sourires.
Il convient de replacer les choses dans ce contexte et de relever les améliorations que l’on est en train d’apporter, au fur et à mesure et le plus vite possible. Je le répète : le seul sujet sur lequel nous allons nous concentrer est la production et la livraison de vaccins ; quant au reste, il ne s’agit pas de vraies réponses à une situation qu’il faut, objectivement, améliorer.
Je veux à présent vous apporter quelques éléments de réponse au sujet de la relance et de la stratégie économique, qui ont été évoquées par nombre d’entre vous et, en particulier, par M. le rapporteur général de la commission des finances.
Pour être précis et apporter une note positive en cette heure tardive, je ferai remarquer que plus de neuf États membres, de fait, sont arrivés au bout de la procédure d’autorisation du plan de relance européen : la procédure parlementaire est en effet achevée dans quatre États supplémentaires, auxquels il ne reste plus qu’à notifier la ratification aux autorités européennes ; on peut donc considérer que treize États ont aujourd’hui ratifié ce plan de relance, soit près de la moitié des membres de l’Union. Il faut encore accélérer !
Une dernière phase doit, elle aussi, être accélérée, à savoir la discussion avec la Commission européenne de chacun des plans de relance nationaux. Pour répondre à la question qui m’a été posée sur le calendrier, je préciserai que c’est à la fin du mois d’avril que le programme national de relance et de résilience sera communiqué, en même temps que le programme de stabilité ; il fera sans doute alors également l’objet d’un débat devant votre assemblée.
Je veux brièvement revenir sur les comparaisons, parfois imprécises, qui sont établies entre le plan européen et le fameux « plan Biden » de relance de l’économie américaine. Il ne convient pas de comparer celui-ci aux 750 milliards d’euros du plan de l’Union européenne, parce qu’il ne s’agit pas d’un plan de relance, mais principalement de mesures d’urgence portant sur le pouvoir d’achat ou le chômage partiel.
De telles mesures sont mises en place dans les États membres de l’UE en dehors du plan de relance : quand vous additionnez l’ensemble des mesures d’urgence et des plans de relance nationaux et européens qui ont été mis en place, même si le total est encore imprécis, on avoisine sans doute les 2 000 milliards d’euros, soit une somme très voisine de celle du plan américain.
Rappelons également qu’une partie des mesures du « plan Biden », notamment les mesures sociales de soutien au pouvoir d’achat des ménages, sont liées au fait que l’économie américaine a vingt points de dépense publique de moins que la France, ce qui a des inconvénients en temps de crise.
Il y a dans ces dispositifs un effet de rattrapage qui empêche une comparaison directe avec nos mesures, en particulier de chômage partiel. Je ferai remarquer à ce propos que la Commission européenne a relevé la semaine dernière que la France avait été le pays de l’Union européenne qui avait décaissé le plus de moyens pour aider les entreprises, les salariés et le pouvoir d’achat durant cette crise.
Je veux maintenant faire un point sur les questions numériques, qui sont également à l’ordre du jour de cette réunion du Conseil européen et que plusieurs d’entre vous ont évoquées.
La taxation du numérique sera évoquée, de même que la souveraineté numérique au sens large, dont M. Pellevat a parlé. La boussole numérique pour 2030 est un concept important ; concrètement, il s’agit de chantiers que l’on doit faire avancer d’ici à la présidence française et au cours de celle-ci.
Des propositions législatives seront faites en ce sens, autour de la cryptomonnaie ou de cryptoactifs, mais aussi de la souveraineté de nos centres de stockage de données, un sujet très important. Vous savez d’ailleurs que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne nous incite à relocaliser ces centres.
Nous avons subi le dramatique incendie du centre de stockage de l’entreprise OVH, à Strasbourg, mais il existe des acteurs européens qui peuvent être nos champions du stockage de données. Parfois, on n’a pas le réflexe d’imposer le recours à des solutions européennes pour le cloud ou, en meilleur français, les centres de données ; parfois, on ne dispose pas des règles nécessaires pour le faire.
J’en avais pris un exemple très concret lors de notre précédent échange, parce que la souveraineté numérique passe d’abord par ce genre de choix : nous avons refusé une solution de stockage sur des serveurs non européens pour les données de la présidence française, au profit d’une solution européenne, à savoir OVH.
C’est possible, et il faut renforcer cet avantage : cela fera partie des discussions relatives à la souveraineté numérique. Ce concept figure d’ailleurs pour la première fois dans le projet de conclusions de ce Conseil, qu’il conviendra de préciser.
J’en viens aux questions relatives à la francophonie, confus que je suis d’avoir utilisé le terme de cloud. §M. Gattolin a souligné à juste titre l’importance de ces questions.
Je pourrai en faire un long exposé, quelques jours après la Semaine de la francophonie et sa Journée internationale, mais je puis d’ores et déjà vous annoncer que Jean-Baptiste Lemoyne et moi-même serons accompagnés de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, le 8 avril prochain, à Bruxelles, pour rencontrer la présidente de la Commission, le président du Conseil européen et beaucoup d’autres acteurs des institutions européennes et souligner auprès d’eux la nécessité, pendant la présidence française et au-delà, de recourir davantage au français.
En effet, il s’agit non pas seulement de francophonie, mais plus largement de multilinguisme, et il ne faut pas tomber dans un réflexe anglophone qui est d’autant moins justifié après le Brexit.
Bien volontiers ; je serai ravi de poursuivre ces échanges devant votre commission des affaires européennes.
Je veux cependant répondre en un mot à M. Fernique, qui a fait allusion au mécanisme dit « CBCR », pour Country by Country Reporting, si vous me pardonnez cet affreux anglicisme. C’est grâce à la France que l’on a trouvé un accord au Conseil européen. Certains points, relatifs notamment à la phase de transition, doivent encore être réglés. Il est normal qu’une telle phase soit ouverte.
Pour vous répondre précisément quant aux informations comptables que les entreprises pourraient garder pour elles, nous avons demandé que la clause de sauvegarde s’applique à un nombre très restreint d’informations. La discussion se poursuivra avec le Parlement dans les prochaines semaines ; le rapporteur de ce projet de directive sera un député français de la délégation Renaissance. Ce débat va continuer, mais je tiens à répéter que c’est grâce à la France que ce projet a été débloqué après plusieurs années.
Je reviendrai, si vous le voulez bien, pour un débat plus large sur les droits à polluer et l’articulation avec le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Quant aux certificats sanitaires, il ne s’agit certainement pas d’instaurer un passeport, ou un passe, vaccinal. Quoi qu’il arrive, et même quand la campagne de vaccination aura porté ses fruits pour la population adulte, d’ici à l’été, on ne peut pas exclure toute une partie de la population, en particulier les jeunes, de la possibilité de circuler en Europe.
Si passe il y a, il doit être sanitaire, et non pas seulement vaccinal : il faut donc, monsieur Kern, qu’il intègre d’autres modalités, comme le test PCR ou la preuve d’immunité consécutive au fait d’avoir contracté la covid-19.
Je ne reviendrai pas sur la question des supercalculateurs, mais je pense que mes éléments de réponse sur la souveraineté numérique pourront être pertinents face aux interrogations de Mme de Cidrac.
Quant à la PAC, madame Gruny, je vous propose de revenir plus en détail sur cette question dans le prolongement de notre précédent échange. Sachez en tout cas que je partage vos préoccupations !
Cette approche est justifiée d’un point de vue défensif : nous devons être extrêmement fermes pour que tous les documents et les interventions soient traduits et disponibles en français et dans d’autres langues ; la présidence française sera l’occasion de s’en assurer.
Toutefois, il nous faut aussi une approche plus offensive, en renforçant à l’occasion de notre présidence nos actions de formation et nos démarches en faveur de l’attractivité de la langue française, notamment dans la pratique quotidienne des institutions européennes. Vous avez raison, monsieur Gattolin, ce sujet est extrêmement important.
Permettez-moi, madame la présidente, de revenir brièvement sur un autre point tout aussi important que j’ai omis de mentionner au sujet de la vaccination : on a affirmé de beaucoup de pays qu’ils étaient sortis du cadre européen, mais tel n’est pas le cas, même s’ils en ont eu la tentation. Il y a parfois eu en la matière, si vous me permettez l’expression, un peu d’« intox » ou de communication politique.
Ainsi, le Danemark et l’Autriche n’ont pu trouver en dehors du cadre européen, des millions de doses de vaccin : il n’y a pas de solution miracle ! De fait, ils n’en ont même trouvé aucune et n’ont procédé à aucun achat en dehors du cadre européen. On avait un moment évoqué un contrat complémentaire conclu par l’Allemagne avec Pfizer et BioNTech : ce contrat n’a pas été signé, et l’Allemagne a intégré de nouveau le cadre européen, pour une nouvelle commande de 300 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech.
Pour être tout à fait précis, deux pays ont passé des commandes complémentaires : la Hongrie et la Slovaquie. Vous avez d’ailleurs pu constater que cette commande va entraîner la chute du gouvernement slovaque, parce que les formations minoritaires de la coalition au pouvoir n’ont pas accepté ce choix de sortir du cadre européen.
Or les doses promises par la Russie n’arrivent qu’au compte-gouttes ; les Slovaques se sont en outre aperçus qu’il était assez risqué de recourir à un vaccin qui n’était pas autorisé, à ce stade, par l’Agence européenne des médicaments : ces doses russes, en nombre limité, ne sont donc même pas utilisées à ce jour en Slovaquie !
Je le répète, il n’y a pas de solution miracle en Europe, avec des vaccins russes ou chinois qui nous sauveraient. À ce propos, la Pologne a eu des contacts avec la Chine, mais elle n’a finalement pas commandé de vaccins chinois.
Monsieur Laurent, vous avez évoqué la question de la propriété intellectuelle et des brevets, en citant le Président de la République quant à l’idée d’un accès généralisé aux vaccins, considérés comme un bien public mondial.
C’est exactement ce que nous faisons, mais la levée des brevets n’est pas la bonne réponse, car elle créerait un doute sur la rémunération de l’innovation dans un domaine où – cela a d’ailleurs constitué une difficulté – des start-up, parfois européennes, ont investi massivement et ont besoin de cette rémunération. Certains laboratoires, dont AstraZeneca, il faut le reconnaître, vendent déjà leur vaccin à prix coûtant. Ce n’est pas le cas d’autres laboratoires, qui ont besoin d’amortir leur investissement dans une certaine mesure.
En revanche, ce n’est pas aux pays qui n’ont pas les moyens d’accéder aux vaccins, notamment en Afrique, d’assurer cette rémunération du secteur privé.
C’est exactement pour cette raison que la France a, la première, proposé l’initiative européenne et le mécanisme Covax. Nous avons commencé à livrer un certain nombre de doses, même si nous sommes tous confrontés à un problème de rareté. Malgré ces difficultés, nous avons déjà envoyé près de 30 millions de doses dans 33 pays.
C’est le Président de la République qui, lors du dernier sommet européen, a proposé que nous vaccinions en priorité, malgré nos propres difficultés d’approvisionnement, tous les soignants africains d’ici à l’été prochain. Il le redira jeudi, car c’est la priorité absolue si l’on veut que leurs systèmes de santé tiennent dans une période extrêmement difficile.
Nous sommes à la manœuvre sur ce point. Aussi, dépassons les postures : la bonne solution est de passer par ce système où nous achetons des doses pour les donner à des pays qui n’en ont pas les moyens. C’est d’ailleurs pourquoi l’Union européenne est la zone qui, dans le monde, a commandé le plus de doses – 2, 6 milliards, soit bien plus que nos propres besoins –, de manière à en donner un certain nombre et à assurer une vaccination mondiale.
Au vu de l’heure qui avance, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être plus rapide dans ma réponse à vos autres questions, voire à pratiquer une forme d’oubli plus ou moins délibéré !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous remercie tout d’abord d’avoir été si studieux, en dépit de l’heure tardive de ce débat.
Je le conclurai très brièvement, en trois points.
Premièrement, en écho à André Gattolin et à l’idée d’une « refrancisation » de l’Europe en matière linguistique, je veux à mon tour faire mon mea culpa pour avoir utilisé le terme cloud dans mon exposé. Voyez-vous, monsieur le secrétaire d’État, j’ai un peu de mal à le traduire : il serait difficile d’employer « nuage » dans un tel discours…
Bien volontiers ; je serai ravi de poursuivre ces échanges devant votre commission des affaires européennes.
Je veux cependant répondre en un mot à M. Fernique, qui a fait allusion au mécanisme dit « CBCR », pour Country by Country Reporting, si vous me pardonnez cet affreux anglicisme. C’est grâce à la France que l’on a trouvé un accord au Conseil européen. Certains points, relatifs notamment à la phase de transition, doivent encore être réglés. Il est normal qu’une telle phase soit ouverte.
Pour vous répondre précisément quant aux informations comptables que les entreprises pourraient garder pour elles, nous avons demandé que la clause de sauvegarde s’applique à un nombre très restreint d’informations. La discussion se poursuivra avec le Parlement dans les prochaines semaines ; le rapporteur de ce projet de directive sera un député français de la délégation Renaissance. Ce débat va continuer, mais je tiens à répéter que c’est grâce à la France que ce projet a été débloqué après plusieurs années.
Je reviendrai, si vous le voulez bien, pour un débat plus large sur les droits à polluer et l’articulation avec le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Quant aux certificats sanitaires, il ne s’agit certainement pas d’instaurer un passeport, ou un passe, vaccinal. Quoi qu’il arrive, et même quand la campagne de vaccination aura porté ses fruits pour la population adulte, d’ici à l’été, on ne peut pas exclure toute une partie de la population, en particulier les jeunes, de la possibilité de circuler en Europe.
Si passe il y a, il doit être sanitaire, et non pas seulement vaccinal : il faut donc, monsieur Kern, qu’il intègre d’autres modalités, comme le test PCR ou la preuve d’immunité consécutive au fait d’avoir contracté la covid-19.
Je ne reviendrai pas sur la question des supercalculateurs, mais je pense que mes éléments de réponse sur la souveraineté numérique pourront être pertinents face aux interrogations de Mme de Cidrac.
Quant à la PAC, madame Gruny, je vous propose de revenir plus en détail sur cette question dans le prolongement de notre précédent échange. Sachez en tout cas que je partage vos préoccupations !
Je veux faire un parallèle immédiat avec l’un des sujets qui va être étudié par le Conseil européen : celui de l’autonomie stratégique. Le terme « autonomie » n’a pas la même compréhension dans ses différentes traductions ; nous pouvons le ressentir différemment que certains de nos voisins ; se pose donc ici un véritable enjeu.
Vous avez évoqué le deuxième enjeu de notre débat dans votre discours préliminaire, monsieur le secrétaire d’État, même s’il n’a pas de lien direct avec ce qui va être étudié par le Conseil européen : il est bon que la Conférence sur l’avenir de l’Europe puisse commencer.
Vous avez évoqué un délai d’un an pour ses travaux ; j’espère qu’il pourra être tenu, mais cela me paraît difficile si l’on veut lui donner l’ambition requise, car il faudra y être studieux et déterminer les échelles de consultation. En tout cas, cette conférence est essentielle pour la continuité européenne.
Pour mon troisième point, j’ai été sensible au discours d’André Reichardt et, en particulier, à ses propos sur le pacte de stabilité.
Un sujet commence d’émerger et nous tombera dessus dans peu de temps, d’ici à la fin de 2022. On commence à entendre des discours sur une reprise éventuellement plus rapide de ce pacte de la part des autres États, notamment de manière à écourter cette période, dès lors que l’on considérera être revenu à la normale.
Toutefois, qu’est-ce qu’un retour à la normale ? Est-ce la reprise de la croissance à un taux de 6 % ou 7 %, après une chute de 12 % ? Est-ce, plus modestement, retrouver le taux de croissance d’avant la crise ? Toutes ces questions sont ouvertes ; elles n’ont pas encore trouvé de réponses. Nous aimons bien, ici, fixer des critères : ils seront essentiels en la matière et il faudra les harmoniser à l’échelle européenne. Vous avez là un sacré travail, monsieur le secrétaire d’État !
Enfin, concernant la vaccination, en santé publique, on a un devoir de moyens. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je vais vous mettre la pression : vous avez à la fois un devoir de moyens et une obligation de résultats.
Conclusion du débat
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.
En conclusion de ce débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 mars 2021.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous remercie tout d’abord d’avoir été si studieux, en dépit de l’heure tardive de ce débat.
Je le conclurai très brièvement, en trois points.
Premièrement, en écho à André Gattolin et à l’idée d’une « refrancisation » de l’Europe en matière linguistique, je veux à mon tour faire mon mea culpa pour avoir utilisé le terme cloud dans mon exposé. Voyez-vous, monsieur le secrétaire d’État, j’ai un peu de mal à le traduire : il serait difficile d’employer « nuage » dans un tel discours…
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 24 mars 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quarante-cinq :
Débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;
Débat sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? » ;
Débat sur le thème : « Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
Je veux faire un parallèle immédiat avec l’un des sujets qui va être étudié par le Conseil européen : celui de l’autonomie stratégique. Le terme « autonomie » n’a pas la même compréhension dans ses différentes traductions ; nous pouvons le ressentir différemment que certains de nos voisins ; se pose donc ici un véritable enjeu.
Vous avez évoqué le deuxième enjeu de notre débat dans votre discours préliminaire, monsieur le secrétaire d’État, même s’il n’a pas de lien direct avec ce qui va être étudié par le Conseil européen : il est bon que la Conférence sur l’avenir de l’Europe puisse commencer.
Vous avez évoqué un délai d’un an pour ses travaux ; j’espère qu’il pourra être tenu, mais cela me paraît difficile si l’on veut lui donner l’ambition requise, car il faudra y être studieux et déterminer les échelles de consultation. En tout cas, cette conférence est essentielle pour la continuité européenne.
Pour mon troisième point, j’ai été sensible au discours d’André Reichardt et, en particulier, à ses propos sur le pacte de stabilité.
Un sujet commence d’émerger et nous tombera dessus dans peu de temps, d’ici à la fin de 2022. On commence à entendre des discours sur une reprise éventuellement plus rapide de ce pacte de la part des autres États, notamment de manière à écourter cette période, dès lors que l’on considérera être revenu à la normale.
Toutefois, qu’est-ce qu’un retour à la normale ? Est-ce la reprise de la croissance à un taux de 6 % ou 7 %, après une chute de 12 % ? Est-ce, plus modestement, retrouver le taux de croissance d’avant la crise ? Toutes ces questions sont ouvertes ; elles n’ont pas encore trouvé de réponses. Nous aimons bien, ici, fixer des critères : ils seront essentiels en la matière et il faudra les harmoniser à l’échelle européenne. Vous avez là un sacré travail, monsieur le secrétaire d’État !
Enfin, concernant la vaccination, en santé publique, on a un devoir de moyens. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je vais vous mettre la pression : vous avez à la fois un devoir de moyens et une obligation de résultats.
Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 mars 2021.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 24 mars 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quarante-cinq :
Débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;
Débat sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? » ;
Débat sur le thème : « Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.