Intervention de Franck Menonville

Réunion du 23 mars 2021 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 25 et 26 mars 2021

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agenda de ce Conseil européen suscite de très nombreuses interrogations. Loin d’un inventaire à la Prévert, je m’efforcerai de soulever les questions que se posent nos concitoyens.

La pandémie de covid-19 demeure le principal point à l’agenda. Les derniers jours ont été mouvementés autour de la politique vaccinale européenne et des doutes sanitaires concernant le vaccin AstraZeneca. Jeudi dernier, nous apprenions la rédaction d’une lettre de mise en demeure de la Commission européenne à l’endroit de l’entreprise anglo-suédoise concernant les retards de livraison. Quelques jours avant, l’Italie bloquait 250 000 doses à destination de l’Australie.

La Commission européenne souhaite aujourd’hui renforcer le mécanisme européen d’autorisation des exportations de vaccins contre la covid-19. Quelle est la position de la France, monsieur le secrétaire d’État ?

La politique vaccinale européenne stagne, et cela nous préoccupe. Des problèmes de répartition des vaccins entre pays membres de l’Union européenne ont été soulevés, obligeant la Commission à se justifier, encore une fois.

Monsieur le secrétaire d’État, ne devrions-nous pas nous doter d’un outil européen de gestion de crise adapté ? La Commission européenne n’est évidemment pas faite pour cela.

Le vaccin n’en représente pas moins une lueur d’espoir pour une Europe qui vient de passer douze mois dans l’incertitude, et qui doit faire face à une crise économique violente et profonde. L’Agence européenne des médicaments a renouvelé sa confiance dans le vaccin AstraZeneca, en le qualifiant de sûr et d’efficace. Quelles sont les perspectives de la stratégie vaccinale européenne pour ces prochaines semaines ?

La Commission européenne a également mis sur la table une proposition de règlement pour un certificat numérique vert destiné à faciliter la libre circulation durant la pandémie. Le calendrier prévoit sa mise en œuvre directe dès la fin du mois de mai, un horizon très proche. La France a-t-elle identifié des lignes rouges ? Je pense notamment au stockage des données, les États membres ayant fait à ce sujet des choix différents lors du développement de leur application anti-covid.

Quelles sont les pistes en ce qui concerne les déplacements extraeuropéens, en particulier au niveau de la reconnaissance des différents vaccins dans ce passeport vaccinal ?

Le sujet de la pandémie est aussi celui de la crise, et surtout celui de la relance économique, qui doit être au rendez-vous. Bien que cela ne soit pas inscrit formellement à l’ordre du jour, pourriez-vous nous dresser un état des lieux de son avancée ?

Ce point conduit directement à la question de la fiscalité numérique, indispensable pour rembourser notre emprunt commun. Ce dossier complexe a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. En parallèle, il est indispensable que nous développions nos propres outils numériques : c’est là un enjeu de souveraineté majeur pour l’avenir, comme l’a précisé Christian Cambon dans son propos introductif.

Autre sujet inquiétant, notre souveraineté alimentaire. Nous avons constaté, lors de la première vague de covid-19, que la sécurité et l’indépendance dans ce domaine étaient cruciales. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la tournure que prennent les discussions sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), notamment le risque de renationalisation rampante que représente l’émergence de vingt-sept plans stratégiques nationaux, ouvrant la voie à des distorsions de concurrence et à un delta de répartition entre le premier et le deuxième pilier.

Il est aussi question d’indépendance dans la gestion de nos relations extérieures, un sujet sur lequel les Européens sont mis à l’épreuve depuis des mois.

Concernant la Russie, tout d’abord, le début de l’année a été marqué par un coup dur pour la diplomatie européenne, qui oscillait entre faiblesse et désunion manifeste. Notre réponse ne peut pas être guidée par des intérêts nationaux contradictoires, notamment en termes d’indépendance énergétique. Notre force diplomatique doit donc s’affirmer. Monsieur le secrétaire d’État, quel sera le discours de la France sur les dernières évolutions du dossier russe ?

La question est la même pour la Méditerranée orientale, où la position de la Turquie, qui s’éloigne de plus en plus de nos valeurs, est préoccupante. Sa place au sein de l’OTAN questionne. En atteste sa décision récente de se retirer de la convention d’Istanbul de 2011, dont l’objectif est de prévenir et combattre la violence faite aux femmes.

Pour finir sur une note plus positive, j’ai noté que le Royaume-Uni, pour la première fois depuis son départ, avait évoqué des relations constructives et positives avec l’Union européenne dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune, même si ses représentants ont bien évidemment précisé qu’ils choisiraient le cadre de l’OTAN.

En conclusion, nous le voyons, l’Europe dans cette crise est face à son destin. Aurons-nous la force de rebondir collectivement ? L’Européen convaincu que je suis l’imagine encore, à condition de réactualiser notre logiciel commun. Les grands défis industriels et technologiques ne peuvent être portés qu’au niveau européen. Il y va de la place de l’Europe dans le monde de demain.

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