Intervention de Clément Beaune

Réunion du 23 mars 2021 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 25 et 26 mars 2021

Clément Beaune  :

Cette approche est justifiée d’un point de vue défensif : nous devons être extrêmement fermes pour que tous les documents et les interventions soient traduits et disponibles en français et dans d’autres langues ; la présidence française sera l’occasion de s’en assurer.

Toutefois, il nous faut aussi une approche plus offensive, en renforçant à l’occasion de notre présidence nos actions de formation et nos démarches en faveur de l’attractivité de la langue française, notamment dans la pratique quotidienne des institutions européennes. Vous avez raison, monsieur Gattolin, ce sujet est extrêmement important.

Permettez-moi, madame la présidente, de revenir brièvement sur un autre point tout aussi important que j’ai omis de mentionner au sujet de la vaccination : on a affirmé de beaucoup de pays qu’ils étaient sortis du cadre européen, mais tel n’est pas le cas, même s’ils en ont eu la tentation. Il y a parfois eu en la matière, si vous me permettez l’expression, un peu d’« intox » ou de communication politique.

Ainsi, le Danemark et l’Autriche n’ont pu trouver en dehors du cadre européen, des millions de doses de vaccin : il n’y a pas de solution miracle ! De fait, ils n’en ont même trouvé aucune et n’ont procédé à aucun achat en dehors du cadre européen. On avait un moment évoqué un contrat complémentaire conclu par l’Allemagne avec Pfizer et BioNTech : ce contrat n’a pas été signé, et l’Allemagne a intégré de nouveau le cadre européen, pour une nouvelle commande de 300 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech.

Pour être tout à fait précis, deux pays ont passé des commandes complémentaires : la Hongrie et la Slovaquie. Vous avez d’ailleurs pu constater que cette commande va entraîner la chute du gouvernement slovaque, parce que les formations minoritaires de la coalition au pouvoir n’ont pas accepté ce choix de sortir du cadre européen.

Or les doses promises par la Russie n’arrivent qu’au compte-gouttes ; les Slovaques se sont en outre aperçus qu’il était assez risqué de recourir à un vaccin qui n’était pas autorisé, à ce stade, par l’Agence européenne des médicaments : ces doses russes, en nombre limité, ne sont donc même pas utilisées à ce jour en Slovaquie !

Je le répète, il n’y a pas de solution miracle en Europe, avec des vaccins russes ou chinois qui nous sauveraient. À ce propos, la Pologne a eu des contacts avec la Chine, mais elle n’a finalement pas commandé de vaccins chinois.

Monsieur Laurent, vous avez évoqué la question de la propriété intellectuelle et des brevets, en citant le Président de la République quant à l’idée d’un accès généralisé aux vaccins, considérés comme un bien public mondial.

C’est exactement ce que nous faisons, mais la levée des brevets n’est pas la bonne réponse, car elle créerait un doute sur la rémunération de l’innovation dans un domaine où – cela a d’ailleurs constitué une difficulté – des start-up, parfois européennes, ont investi massivement et ont besoin de cette rémunération. Certains laboratoires, dont AstraZeneca, il faut le reconnaître, vendent déjà leur vaccin à prix coûtant. Ce n’est pas le cas d’autres laboratoires, qui ont besoin d’amortir leur investissement dans une certaine mesure.

En revanche, ce n’est pas aux pays qui n’ont pas les moyens d’accéder aux vaccins, notamment en Afrique, d’assurer cette rémunération du secteur privé.

C’est exactement pour cette raison que la France a, la première, proposé l’initiative européenne et le mécanisme Covax. Nous avons commencé à livrer un certain nombre de doses, même si nous sommes tous confrontés à un problème de rareté. Malgré ces difficultés, nous avons déjà envoyé près de 30 millions de doses dans 33 pays.

C’est le Président de la République qui, lors du dernier sommet européen, a proposé que nous vaccinions en priorité, malgré nos propres difficultés d’approvisionnement, tous les soignants africains d’ici à l’été prochain. Il le redira jeudi, car c’est la priorité absolue si l’on veut que leurs systèmes de santé tiennent dans une période extrêmement difficile.

Nous sommes à la manœuvre sur ce point. Aussi, dépassons les postures : la bonne solution est de passer par ce système où nous achetons des doses pour les donner à des pays qui n’en ont pas les moyens. C’est d’ailleurs pourquoi l’Union européenne est la zone qui, dans le monde, a commandé le plus de doses – 2, 6 milliards, soit bien plus que nos propres besoins –, de manière à en donner un certain nombre et à assurer une vaccination mondiale.

Au vu de l’heure qui avance, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être plus rapide dans ma réponse à vos autres questions, voire à pratiquer une forme d’oubli plus ou moins délibéré !

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