Intervention de Françoise Férat

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 mars 2021 à 8h35
Moyens mis en oeuvre par l'état en matière de prévention d'identification et d'accompagnement des agriculteurs en situation de détresse — Présentation du rapport d'information

Photo de Françoise FératFrançoise Férat, rapporteur :

Ce que je ressens à vous écouter les uns et les autres à travers vos questions, c'est que vous avez parfaitement appréhendé l'esprit de nos travaux avec Henri Cabanel. Je dois dire que c'est tout à fait important et rassurant.

Je m'arrêterai sur le sujet de l'agribashing, dont ma vision a évolué à la faveur des déplacements sur le terrain, des auditions et de l'attention portée à cette problématique dans mon département. Je me suis rendu compte que c'était quelque chose d'extravagant et de tellement fort que j'en suis tout à fait touchée. Je n'avais peut-être pas pris cette précaution d'écouter suffisamment les témoignages des personnes victimes de menaces et d'insultes. J'ai le cas d'un viticulteur en bio installé dans ma commune, qui s'est fait insulter parce qu'il avait traité ses vignes alors qu'on sait que le traitement des vignes en bio ne mérite pas du tout cette réaction excessive. L'agribashing a donc une place très importante et je crois qu'il ne faut pas l'oublier.

Joël Labbé a parfaitement raison lorsqu'il parle de formation et je m'exprime là sous couvert du président de la mission sur l'enseignement agricole, Jean-Marc Boyer. Nous avons pour notre première audition entendu la directrice générale de l'enseignement et de la recherche. Malgré ses propos tout à fait rassurants, nous avons insisté sur ce qui se passe réellement dans les établissements et je veux croire que cette mission aussi aura des résultats tout à fait satisfaisants, nous permettant de bousculer ce qui doit l'être, c'est le sens du travail parlementaire.

Jean-Claude Tissot a évoqué le sujet des normes. Cela peut devenir totalement injuste quand elles reviennent les unes après les autres. Avant même qu'on ait fini d'évacuer le premier prêt, voilà un autre qui doit arriver sous peine que le contrat avec la laiterie ou le marchand ne soit rompu. Les causes sont certes multiples, mais lorsqu'elles s'additionnent, on arrive au moment où la goutte d'eau fait déborder le vase.

Micheline Jacques s'est émue à juste titre que les acheteurs décident et que cela ne soit pas l'inverse. C'est le consommateur qui décide du prix : lorsqu'on se rend dans une grande surface, où on se vante d'avoir les prix les plus bas de France et de Navarre, c'est le prix le plus bas qui est déterminant et ensuite se répercute sur toute la chaîne. On se retrouve avec le prix le plus serré en bas et c'est l'agriculteur qui l'assume, alors que c'est bien l'inverse qu'il faudrait mettre en oeuvre. La loi Egalim, dont parlait la présidente, doit nous aider à régler ce problème.

Pierre Louault a parlé de la suradministration, nous avons bien ressenti ce phénomène et il fait l'objet d'une préconisation dans le rapport qui doit nous aider à faire bouger les choses.

Bernard Buis se demandait comment allait se poursuivre notre rapport. Nous allons dès la semaine prochaine le remettre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. À cet instant, je dois vous dire que nous avons apprécié que le ministre ait attendu la fin de nos travaux pour pouvoir s'appuyer sur le rapport du député Olivier Damaisin et sur le nôtre. C'était tout à fait élégant de sa part et je crois beaucoup à la sincérité du ministre dans l'approche de ces travaux. Si nous sentions ensuite - mais laissons-lui d'abord le temps de travailler et de mettre en place un certain nombre d'actions - des absences sur tel ou tel point, le rôle du Parlement sera de d'assurer du bon suivi de nos travaux et de leur avancée.

Marie-Christine Chauvin a souligné des difficultés liées à repérer et mieux prévenir ces situations. La lecture du rapport apportera des réponses précises sur ce point, car cela constitue l'un de nos axes de travail majeur.

Je rejoins tout à fait les remarques de Jean-Marc Boyer sur l'enseignement agricole et l'importance d'anticiper. On a conscience de ce qui va bien et de ce qui va moins bien, mais il faut anticiper sur la suite.

J'apprécie également le mot fort de « confiance » prononcé par Laurent Somon, cette notion doit revenir dans la réflexion et dans le jeu de ce qui se passe entre les agriculteurs et nous. Quant au fait de combattre l'ignorance, l'axe de notre rapport qui propose de faire de l'agriculture une grande cause nationale rappelle que la culture pourrait aider l'agriculture. Il importe de favoriser l'échange, l'écoute et la proposition, en tout cas de communiquer - ce qui pour l'instant manque énormément.

Olivier Rietmann parlait du fait de subir, nous l'avons également dit à maintes reprises à travers nos propos. Le revenu constitue bien le socle de toutes les dispositions et de toutes les discussions qui doivent venir après.

Je partage une partie du propos de Daniel Salmon et la tentation qui a été la nôtre à certains moments de dévier vers une étude du modèle agricole parce que les deux sont étroitement liés. Cependant, pour mener à bien le travail que nous avions imaginé, il nous était nécessaire de rester sur le sujet de la détresse des agriculteurs, même si nous savons bien que l'un est évidemment lié à l'autre.

Patricia Schillinger m'a posé des questions précises qui concernent la détresse et le suicide chez les femmes, qui sont évidemment touchées à double titre : elles peuvent être elles-mêmes des victimes et elles sont souvent les conjointes des victimes. Des statistiques figurent dans le rapport sur ce sujet.

La question a été posée par Sylviane Noël sur les classes d'âge : la plus touchée pour les chiffres que nous connaissons est celle des personnes de 45 à 55 ans, qui apparaît la période la plus difficile. En ce qui concerne les filières, ce sont souvent les bovins, mais pas uniquement, il y a tellement de causes au suicide, qu'elles soient professionnelles ou non-professionnelles.

Martine Berthet a prononcé le mot fort de pudeur, il est vrai que le déclic de la proposition de loi d'Henri Cabanel nous a vraiment permis de nous engager sur ce sujet.

J'apprécie l'analyse de Fabien Gay, qui a pointé le manque de dialogue. On essaiera d'y répondre à travers la proposition de création d'une grande cause nationale. Je le remercie pour les mots qu'il a eus, voter avec le coeur prend tout son sens dans cette affaire.

Pour répondre à Évelyne Renaud-Garabedian, la plateforme de consultation a été extrêmement intéressante. Je ne vous cache pas avoir eu des doutes au départ, mais nous avons reçu plus de 150 réponses. Le fait de demander un témoignage anonyme a beaucoup aidé pour que les gens s'expriment, mais a permis aussi de montrer que l'on se penchait vraiment sur ce problème. Tous les participants n'ayant pas répondu d'une manière anonyme, nous avons pris le temps avec Henri Cabanel de rappeler ceux qui avaient laissé leurs coordonnées. Des relations se sont parfois même nouées avec certains interlocuteurs.

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