Un autre axe de notre rapport porte sur l'indispensable territorialisation des politiques de santé environnementale.
La plupart des leviers d'actions en faveur d'un cadre de vie sain se situent en effet au niveau territorial, que ce soit à travers les politiques d'urbanisme, de mobilité, d'aménagement de l'espace ou encore de petite enfance. C'est également à cet échelon de proximité que ces enjeux transversaux peuvent apparaître les plus tangibles, ce qui facilite leur nécessaire appropriation par la population.
Nos auditions d'acteurs locaux - de Nouvelle-Aquitaine, Paris et Strasbourg - ou d'associations nous montrent que de nombreuses initiatives se mettent en place, souvent sur une base volontariste.
Le sujet est cependant investi de manière très hétérogène.
La mobilisation des acteurs locaux est ainsi pénalisée par une approche essentiellement descendante et encore trop cloisonnée de la politique de santé environnementale.
Les plans régionaux santé-environnement (PRSE), chargés de décliner en région le plan national, ont contribué à structurer des actions, fédérer les acteurs et engager le débat public au niveau régional sur ces thématiques.
Mais ces outils, peu intégrés aux autres politiques locales, peinent à insuffler une véritable dynamique. Les moyens consacrés à leur mise en oeuvre et à leur animation sont modestes, avec souvent moins d'un équivalent temps plein (ETP) mobilisé dans les agences régionales de santé (ARS). En outre, si certaines régions ont développé des outils de diagnostic territorial pour cibler les actions sur les préoccupations les plus saillantes pour la région, les plans régionaux ressemblent trop souvent au plan national. Les dispositifs de remontée de bonnes pratiques, de partage d'expériences ou de mutualisation sont perçus comme très insuffisants.
Pour les acteurs locaux, la superposition de plans sectoriels ou autres schémas nationaux comme régionaux constitue un ensemble complexe, lourd, contraignant et peu opérationnel : « c'est la jungle quand les plans arrivent dans les territoires », pour reprendre les propos de la vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg.
Il n'est pas étonnant, dès lors, que l'appropriation de ces enjeux dans les territoires reste aléatoire, tant les sujets sont complexes, souvent techniques, et protéiformes.
Il faut selon nous changer d'approche. Pour ancrer les actions en santé environnementale dans les différentes politiques locales, les élus locaux doivent être outillés et accompagnés, en les sensibilisant sur les leviers d'action dont ils disposent. Il est également essentiel de fédérer le réseau d'experts et de partenaires en région en leur permettant de s'autosaisir de thématiques et de mutualiser les ressources et expériences, en appui aux décideurs locaux.
Nous proposons la mise en place d'un portail d'information et centre de ressources dans chaque région et la généralisation d'observatoires régionaux en santé environnementale, pour affiner la connaissance des réalités du terrain et des enjeux prioritaires. Des actions concrètes et ciblées permettent en effet d'agir plus efficacement sur les déterminants sociaux et environnementaux qui constituent une part prédominante des inégalités de santé.
Le portage politique de ces actions appelle, en outre, une clarification du pilotage territorial.
La santé est d'abord une compétence de l'État, même si les collectivités concourent au développement sanitaire des territoires : elles sont investies de prérogatives historiques en matière de salubrité ou d'hygiène pour les communes ou leurs groupements, ou encore d'un rôle de chef de file pour l'aménagement durable du territoire s'agissant des régions. Ces compétences sont un point d'entrée, depuis longtemps, dans la politique de santé environnementale.
Mais les collectivités ne sont pas formellement investies d'une responsabilité sur ce champ. Celle-ci mériterait selon nous d'être plus clairement affirmée.
Bien évidemment, les régions, déjà co-pilotes du PRSE avec les ARS et les préfets, ont un rôle stratégique à jouer, en particulier dans le cadre du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Toutefois, les enjeux transverses de la santé environnementale impliquent également de mobiliser les différents échelons territoriaux pour gagner en efficacité.
Les outils de contractualisation souples que sont les contrats de plan État-région ou les contrats locaux de santé sont à cet égard des leviers intéressants, car ils répondent à une logique plus horizontale que descendante. Des financements pérennes pourraient y être adossés pour accompagner les collectivités dans la conduite de projets.
Nous proposons enfin de généraliser les démarches d'évaluation d'impact sur la santé pour des projets d'aménagement locaux. Suivant le concept d'urbanisme favorable à la santé, cela permet de promouvoir une approche positive et intégrée de la santé environnementale, qui ne se réduit pas à des actions techniques de réduction des risques. En ancrant ces enjeux dans le quotidien, nous sensibiliserons plus largement élus et citoyens.