Madame la ministre, il y a trois semaines, vous nous annonciez une bien mauvaise nouvelle.
La reprise du sport amateur au sens large n’aura pas lieu avant plusieurs semaines, certainement pas à Pâques, compte tenu du presque reconfinement, peut-être à la Trinité, voire aux calendes grecques – ironie du sport à la veille des jeux Olympiques, dont il n’est certes pas question ici, quoique…
Pas plus tard que ce week-end, plusieurs fédérations ont en effet déjà annoncé l’arrêt du sport amateur pour cette saison. Or c’est bien une pratique sportive, populaire et accessible à tous, en d’autres termes la reprise d’une activité essentielle en termes de santé physique, d’hygiène mentale, de bien-être individuel du corps, mais aussi d’équilibre collectif, qui doit guider notre responsabilité politique.
Nous devons préserver nos infrastructures sportives et nos pratiques si essentielles, du point de vue économique, certes, mais surtout des points de vue sanitaire et social.
Il est heureux que le plan de relance décidé à l’automne dernier ouvre des perspectives, là où le sport figurait dans l’angle mort du déconfinement et du retour vers une vie en société.
Nous ne sommes pas seulement dans l’insuffisance moribonde, nous sommes dans la suffisance d’une majorité gargarisée par de belles paroles qui n’engagent à rien quand elles ne sont pas confrontées à la réalité.
Certes, de nombreux efforts ont été accomplis en complément des aides de droit commun déjà mises en place par le Gouvernement : Fonds d’urgence pour les fédérations sportives, Pass’Sport, Fonds de compensation de pertes de billetterie, etc.
En l’espèce, dans un souci d’exigence et c’est désormais une préoccupation d’urgence, ce sont plus que jamais les plus jeunes citoyens qui doivent être la priorité. C’est vers ces jeunes en quête d’identité, d’ouverture et d’équilibre, que l’on doit déployer appui, solidarité et facilitation, parce qu’il est attesté qu’ils subissent ces restrictions plus que d’autres.
Aussi, alors qu’un pan entier du socle de nos valeurs communes est en train de s’effondrer, qu’en est-il concrètement de votre projet à leur endroit ?
« Le réel, c’est quand on se cogne », n’est-ce pas ? Madame la ministre, quelles nouvelles alarmes de santé publique faudra-t-il attendre pour que votre gouvernement se projette réellement dans une approche prospective, cesse le stop and go insupportable, accélère la mise en œuvre de ses projets et leur inscription dans une société si violemment heurtée ? L’heure n’est plus aux pansements sur des jambes de bois – ce que les jeunes ne sont d’ailleurs pas !
On le sait, la sédentarité et l’inactivité prolongée ne sont pas qu’un spectre fantasmé aux contrecoups hypothétiques : c’est une entaille profonde et attestée dans l’idée même de santé publique, dont les conséquences sont trop bien déterminées. Les plus jeunes sont en première ligne de cette démoralisation de masse, quand la vie sociale n’est plus possible à l’âge des possibles.
On parle de « génération sacrifiée »… J’aimerais tant que l’on puisse ici se permettre de dire que cette expression est galvaudée, mais qu’en est-il en réalité ?
Nous devons nous projeter dans une nouvelle donne de reconstruction et de rééquilibrage, et non dans une simple reprise. En effet – faut-il le préciser ? –, dans la vie d’un jeune, une année compte bien plus qu’une seule année !
Madame la ministre, au-delà des mesures au coup par coup, que nous saluons, qu’en est-il réellement de votre projet sur l’activité sportive des jeunes, qu’il s’agisse de sport à l’école ou à l’université, dans un cadre public ou privé, à l’échelle d’un petit d’homme ou d’un jeune citoyen à l’esprit sain dans un corps sain ?
Quid de votre volonté, de votre agenda, des moyens, et pas seulement pour les trois prochaines semaines ?
Qu’en sera-t-il de la mise en œuvre du plan 2020 et de ses belles idées, « véritable enjeu de santé, d’épanouissement, d’égalité et de réussite pour les élèves », selon vos propres mots ? Madame la ministre, comment comptez-vous dépasser l’horizon funeste et pénible de la sédentarité et de la perspective d’anomie.
Quel est votre projet au-delà d’un sport pour la jeunesse enfin ressuscitée ? Y a-t-il au plus haut niveau l’idée et les moyens d’en faire une priorité crédible ?
C’est en effet à se demander si le sport trouve encore une place dans la politique de ce gouvernement !
Enfin, je remercie Jérémy Bacchi et le groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat.