Intervention de Claire Hédon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 mars 2021 à 16h45
Audition de Mme Claire Hédon défenseure des droits pour la présentation de son rapport annuel pour 2020

Claire Hédon, Défenseure des droits :

Je comprends vos questions sur les contrôles d'identité, cette audition est l'occasion de préciser mon propos. Avant toute chose, je veux dire que la protection des policiers et des gendarmes est un principe essentiel, auquel je suis très attachée. Ce que j'ai dit sur les contrôles d'identité a été déformé, même si je peux reconnaître des imprécisions dans la façon que j'ai eue de m'exprimer.

Je n'ai jamais voulu mettre fin aux contrôles d'identité, je souhaite leur traçabilité : ces contrôles sont indispensables en cas de comportement suspect, de risques à l'ordre public ou bien sur réquisition du procureur de la République ; la population doit être protégée, je suis convaincue de l'utilité de la présence de la police et je suis consciente des difficultés dans laquelle interviennent les policiers pour exercer leur mission. Cependant, en 2016, la Cour de cassation a reconnu l'existence de contrôles discriminatoires, car, en réalité, si, dans notre droit, le contrôle d'identité doit être motivé, comme il n'y a aucune traçabilité, il est impossible de savoir si la motivation existe, a fortiori si elle est fondée. C'est pour cela que nous avons besoin d'une évaluation : nous ne savons pas combien de contrôles d'identité sont effectués, ni où, ni sur qui, ni pourquoi, ni pour quel résultat. Je ne dis pas que les contrôles d'identité sont inutiles, loin de moi cette idée, mais qu'on ne les connait pas, d'où l'utilité de les évaluer.

Dans ce contexte, je pense qu'une expérimentation de la traçabilité serait bienvenue, entre les possibilités qui s'offrent à nous pour que les personnes qui se sentent victimes de contrôles d'identité discriminatoires puissent recourir en justice. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution, entre le récépissé, la caméra-piéton, ou d'autres outils. Il y a des années que le sujet est sur la table - dans les dix dernières années, il y a eu douze propositions de loi sur le sujet : nous sommes face à un problème qu'il faut résoudre. J'ai tout à fait conscience des tensions avec les forces de l'ordre, et je pense que c'est par de la transparence qu'on pourra conforter et rétablir la confiance - et cette confiance est indispensable à notre démocratie.

Sur l'Unef, ma réponse est claire : une réunion publique ne peut pas utiliser un critère discriminatoire pour son organisation. Cependant, je ne souhaite pas entrer dans les polémiques, qui se multiplient.

Sur les droits des étrangers et les mineurs étrangers non accompagnés, nous constatons - et c'est notre rôle de le dire - des atteintes aux droits fondamentaux de la personne et à l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne souhaite pas qu'il y ait de concurrence entre les précaires ; le respect des droits fondamentaux des étrangers est une question de dignité, comme il en va pour les plus précaires - et vous savez que je suis très engagée sur cette question. Comme vous, je suis très inquiète du trafic d'êtres humains, mais je ne crois pas que le défaut de respect des droits fondamentaux de la personne soit une réponse, pas plus que la concurrence entre les plus précaires.

Nous constatons que des mineurs étrangers non accompagnés sont en situation très difficile, avec des problèmes de santé, des addictions multiples ; je ne crois pas qu'il y ait une solution simple et facile, mais il me semble qu'il ne faut pas faire comme si tous les mineurs étrangers non accompagnés étaient dans la situation très grave de groupes de mineurs venus en particulier du Maroc et d'Algérie.

La plateforme contre les discriminations - le 39 28 - fonctionne depuis un mois. Nous avons enregistré 11 000 contacts et 3 000 appels, 20 % des appelants nous ont saisis. Nous adressons les personnes aux services administratifs quand le domaine visé n'est pas de notre compétence, nous constatons aussi que certaines personnes ont besoin d'être écoutées, mais qu'elles ne sentent pas de poursuivre. Il est encore trop tôt pour évaluer, mais nous constatons déjà que le premier motif d'appel pour discrimination est l'emploi et que l'origine est le premier critère fondant le sentiment de discrimination, alors que dans les quelque 5 000 réclamations que nous enregistrons chaque année, le premier critère est le handicap. Nous constatons aussi que nous touchons un public plus jeune via la plateforme.

D'une façon générale, il est difficile d'évaluer l'ampleur des discriminations dans notre pays. C'est pourquoi nous demandons la création d'un observatoire sur le sujet. Notre plateforme trouve des solutions par la médiation, c'est parfois simple, par exemple pour l'aménagement d'un poste de travail où un appel à l'entreprise suffit à lui rappeler ses obligations légales. Je suis frappée du nombre de saisines concernant l'accueil d'enfants handicapés dans les centres de loisirs, il y a là un sujet. Avec cette plateforme, nous voulons régler les problèmes de discrimination au quotidien, mais je pense qu'elle n'y suffira pas et qu'il faudra aussi des campagnes de sensibilisation.

Enfin, la Défenseure des droits entretient des relations régulières avec la Contrôleure générale de lieux de privation de liberté, le travail se fait de manière très fluide entre les deux institutions, sans problème particulier.

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