- Présidence conjointe de MM. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -
Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le ministre, pour vous entendre sur le projet de loi complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement. Nos deux commissions sont réunies pour la circonstance, et je salue la présence du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Guillaume Chevrollier. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et est retransmise en direct sur le site internet du Sénat. Nous répartirons les questions à l'unité près entre la commission des lois et celle de l'aménagement du territoire et du développement durable !
Monsieur le garde des Sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en préambule, je tiens à remercier le président François-Noël Buffet pour cette audition commune à nos deux commissions : merci de nous faire partager l'expertise reconnue de votre commission en matière constitutionnelle. Il s'agit en effet de la première révision constitutionnelle dont la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ait à connaître.
Nos collègues députés ont adopté le 16 mars dernier, sans modification, le projet de loi constitutionnelle que le garde des Sceaux a patiemment défendu dans l'hémicycle et dans les médias. Force est de vous reconnaître une grande force persuasive, monsieur le garde des Sceaux, talent que vous avez certainement forgé pendant vos années de plaidoirie.
Les révisions constitutionnelles sont des temps forts de l'activité parlementaire, le législateur n'ayant que rarement l'occasion de revêtir les habits du constituant. Quand il le fait, surtout au Sénat, c'est avec rigueur, sérieux et sens critique : les dispositions constitutionnelles irriguent non seulement tout notre droit et son interprétation par les juges, mais disent également quelque chose des valeurs communes partagées par l'ensemble des citoyens, celles qui fondent notre contrat social. Il importe donc que chacun perçoive ce que tout changement constitutionnel implique et comment l'ordre juridique en serait modifié. La Constitution est un tout cohérent, chaque disposition s'appréciant à l'aune des autres principes constitutionnels.
Le projet de révision qui nous occupe aujourd'hui porte sur l'insertion, à l'article 1er de notre Constitution, d'une nouvelle phrase qui dispose que « [La France] garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».
Monsieur le garde des Sceaux, nous avons à décortiquer avec vous cette phrase, cette unique phrase. Mais chaque mot de celle-ci compte, d'autant plus qu'elle a vocation à figurer au sommet de notre hiérarchie des normes, à la place symbolique de l'article 1er, celui où les plus éminents principes de notre pays sont affirmés. Cet article agit comme un miroir, qui renvoie l'image de la République à l'ensemble des citoyens. Pour paraphraser Montesquieu, sa modification ne doit être faite que d'une main tremblante, à l'issue d'un raisonnement qui, lui, ne tremble pas.
Comme pour une analyse littérale, il nous faut peser au trébuchet les implications de chaque mot de cette phrase et en particulier la force de chacun des deux verbes qu'elle contient. Car ils recèlent des risques contentieux et ouvrent l'accès au prétoire constitutionnel à de nouveaux types de requérants. Il importe que la représentation nationale puisse débattre de l'articulation d'un nouvel étage de droits environnementaux avec les autres principes constitutionnels consacrés par notre texte fondamental.
Monsieur le garde des Sceaux, nous vous laissons la parole pour présenter au public exigeant que sont les sénateurs la réforme constitutionnelle que vous portez au nom du Président de la République.
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à l'heure où nous assistons à la sixième extinction de masse des espèces vivantes - due, pour la première fois, à l'action humaine - le Gouvernement entend être à la hauteur des enjeux auxquels les générations actuelles et futures seront confrontées. C'est la raison pour laquelle il souhaite inscrire à l'article 1er de notre loi fondamentale la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique.
C'est une réforme ambitieuse, qui consiste à rehausser la place de l'environnement dans notre Constitution, à le placer au coeur de toutes nos politiques publiques. Compte tenu de l'urgence climatique, de l'urgence environnementale, le Gouvernement entend fixer aux pouvoirs publics des obligations plus fortes que celles qui existent actuellement.
Comme vous le savez, la protection de l'environnement est un principe inscrit dans la Charte de l'environnement résultant de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Cette Charte, mentionnée dans le préambule de notre Constitution, fait pleinement partie du bloc de constitutionnalité, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel lui a progressivement fait produire le maximum de ses effets juridiques. Il a ainsi jugé, dans sa décision du 31 janvier 2020, que la protection de l'environnement ne constituait plus un simple objectif d'intérêt général, mais un objectif de valeur constitutionnelle, de nature à justifier les limitations apportées par la loi à d'autres exigences constitutionnelles, et notamment à la liberté d'entreprendre.
Toutefois, et vous le savez bien, un objectif à valeur constitutionnelle, à la différence d'une règle constitutionnelle ayant un caractère impératif, ne comporte aucune obligation de moyens, et nécessite pour sa mise en oeuvre l'intervention du législateur. Un objectif à valeur constitutionnelle ne peut pas davantage être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le projet de révision constitutionnelle que nous vous soumettons, en érigeant la protection de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique en véritable principe constitutionnel, entend aller plus loin que les textes et la jurisprudence actuels.
L'inscription de ces principes à l'article 1er de notre Constitution, proposée par les membres de la Convention citoyenne pour le climat lors d'un exercice inédit de démocratie participative, présente une valeur symbolique forte. Que les choses soient claires, il ne s'agit pas aujourd'hui d'opposer démocratie représentative et démocratie participative. Je l'ai déjà dit dans le cadre d'autres débats. Renforcer la démocratie participative ne revient pas à affaiblir la démocratie. Au contraire, plus nos concitoyens sont associés au débat public, plus la légitimité de ceux qu'ils élisent est renforcée.
Certains enjeux doivent pouvoir nous réunir et le climat en fait partie. En effet, la préservation de l'environnement et de la diversité biologique, la lutte contre le dérèglement climatique doivent désormais être au coeur de nos politiques publiques. Je souligne à cet égard que la Charte de l'environnement est muette sur ce dernier point.
Le Gouvernement n'entend toutefois pas introduire d'échelle de valeurs entre les principes constitutionnels. Demain comme hier, tous les principes constitutionnels seront de valeur égale. C'est d'ailleurs pour ce motif que le Président de la République a décidé de ne pas donner une suite favorable à la proposition de modification du préambule de la Constitution qui avait été présentée par la Convention citoyenne pour le climat. L'objectif est en réalité de donner plus de poids à la protection de l'environnement, en la conciliant avec les autres principes à valeur constitutionnelle que nous connaissons.
Il ne s'agit pas davantage de créer un principe constitutionnel de non-régression des lois en matière environnementale. Un tel principe existe dans la loi, mais il n'a pas sa place dans la Constitution. Le Gouvernement veut en effet laisser au législateur le pouvoir de préserver efficacement d'autres principes constitutionnels, à l'instar de la protection de la santé. Dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons aujourd'hui, cela peut être particulièrement important.
Toutefois, le Gouvernement entend fixer un véritable principe d'action pour les pouvoirs publics, nationaux comme locaux, en faveur de l'environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique. C'est dans cette optique, et en conscience que l'article unique du projet qui vous est soumis prévoit d'inscrire à l'article 1er de la Constitution que les pouvoirs publics doivent garantir la préservation de l'environnement et la diversité biologique et lutter contre le dérèglement climatique.
Les conséquences de l'emploi de ces verbes ne sont pas neutres. Et telle est bien la volonté du Gouvernement, parfaitement conscient des impacts que cela pourra avoir sur l'engagement de la responsabilité des pouvoirs publics en matière environnementale. Il s'agit de mettre à leur charge, comme l'a souligné le Conseil d'État, une quasi-obligation de résultat.
J'insiste sur ce point, car je sais qu'il a fait débat lors de vos précédentes auditions. Et je rappelle que ce sont les mots employés par le Conseil d'État. Aujourd'hui, la préservation de l'environnement doit déjà conditionner l'action des pouvoirs publics, et la responsabilité de l'État peut être engagée à ce titre. Pour m'en tenir à deux exemples récents, citons l'arrêt du 10 juillet 2020, par lequel le Conseil d'État a ordonné au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l'air, sous astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard, ou le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 3 février 2021 à propos de l' « affaire du siècle » : le tribunal a reconnu l'existence d'un préjudice écologique lié au changement climatique, et jugé que la carence partielle de l'État français à respecter les objectifs qu'il s'est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre engage sa responsabilité.
Ce projet de loi constitutionnelle consacre encore davantage la responsabilité des pouvoirs publics en promouvant la protection de l'environnement au statut de garantie constitutionnelle. Comme vous le savez, le texte du projet de loi constitutionnelle a été débattu à l'Assemblée nationale pendant près de vingt heures. Il a été adopté en l'état la semaine dernière. Il vous appartient de débattre sur ce texte qui, s'il est adopté par les deux Chambres dans les mêmes termes, sera ensuite soumis aux Français par la voie du référendum, conformément à l'engagement du Président de la République.
C'est pourquoi je suis heureux et honoré de débattre aujourd'hui de ces questions avec vous.
En tant que représentant de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, je puis vous dire que nous sommes très mobilisés pour la préservation de l'environnement et la reconquête de la biodiversité.
Nous disposons depuis 2005 d'une Charte de l'environnement, qui a déjà pleine valeur constitutionnelle. Quel est l'intérêt de la révision constitutionnelle au regard des dispositions qui existent et qui sont déjà constitutionnalisées ? On comprend que cette réforme relève d'un symbole fort, avec l'inscription d'un nouveau principe à l'article 1er de notre texte fondamental. Qu'attendez-vous de cette constitutionnalisation ? Quels effets juridiques supplémentaires produira---elle ? L'affirmation de tels principes d'action à deux endroits de notre Constitution a-t-elle pour but de contrer la carence des pouvoirs publics et du législateur ? Qui mesurera l'efficacité des actions menées en faveur de la diversité biologique et pour lutter contre le dérèglement climatique ? Cette réforme donnera-t-elle un pouvoir d'appréciation accru au juge ?
Les mots ont leur importance, surtout dans une phrase unique. Quelle est la prescriptivité juridique du verbe « garantir » ? N'allons-nous pas ouvrir le champ à un nouveau type de contentieux environnementaux, qui limiteraient l'appréciation du législateur quand il a la charge, difficile, de concilier des objectifs parfois contradictoires ? Pensez-vous vraiment que la France seule puisse offrir des « garanties » sur des sujets aussi vastes que les questions climatiques ?
L'avis du Conseil d'État parle d'une quasi-obligation de résultat. N'est-ce pas susceptible d'entraver la liberté d'action de nos entreprises sur le territoire national ? Cette disposition n'instaure-t-elle pas une hiérarchie implicite des principes à valeur constitutionnelle ?
L'introduction, à l'article 1er, du verbe « garantir », doit être interprétée - en tous les cas, un sens doit lui être donné. En droit des contrats, en matière civile, nous connaissons la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat. La première contraint à tout mettre en oeuvre pour atteindre le but que l'on s'est donné ; la seconde, à obtenir réellement le résultat visé, sauf force majeure. La garantie, c'est y aboutir à coup sûr. Or vous avez déclaré que la rédaction, telle qu'elle était proposée par le Gouvernement, instaurait une quasi-obligation de résultat. Nous avons besoin d'être éclairés sur le sens qui est donné par le Gouvernement au verbe « garantir »... Une obligation de moyens, c'est une chose ; une obligation de résultat, c'en est une autre. Et ce ne peut pas être les deux ! S'il y a une obligation absolue, le législateur pourra être sanctionné par le Conseil constitutionnel au moindre écart. En réalité, c'est au Conseil constitutionnel qu'il reviendrait d'en décider... Bref, nous avons besoin d'y voir clair.
Quels sont les nouveaux champs de responsabilité qui seront ouverts par l'article 1er ainsi réécrit ? Pouvez-vous nous donner des exemples, monsieur le ministre ? L'intérêt de la réforme serait d'aller au-delà de la jurisprudence du Conseil d'État, à laquelle vous avez fait référence. Avez-vous évalué le coût pour les pouvoirs publics, et notamment pour les collectivités territoriales, de ces nouveaux champs de responsabilité ?
Par ailleurs, avez-vous réalisé un recensement des dispositions législatives qui, avec ce nouvel article 1er, seraient susceptibles d'être déclarés inconstitutionnelles ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Je souhaite d'abord saluer les travaux remarquables réalisés par la Convention citoyenne pour le climat. Depuis 2005, une Charte de l'environnement existe, qui a été intégrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel dès 2008. Celui-ci a indiqué que l'ensemble des droits et devoirs définis par la Charte de l'environnement ont valeur constitutionnelle et s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétences respectives. Quel serait l'apport d'une inscription de l'environnement dans la Constitution ?
Compléter la Constitution pour y intégrer des principes de préservation de l'environnement et pour lutter contre le dérèglement climatique est une très bonne idée, en soi, en phase avec notre temps et les enjeux à venir. On ne peut qu'y souscrire. Je me demande néanmoins si cette modification de la Constitution aura une portée normative. Si c'est le cas, je crains d'éventuelles conséquences pour les entreprises françaises, déjà soumises à une rude concurrence internationale. Seront-elles soumises à de nouvelles obligations qui ne s'appliqueraient pas aux pays voisins qui sont nos concurrents économiques ? Nous sommes dans une période difficile, il faut prendre garde de ne pas les handicaper. Le cas échéant, y aura---il des possibilités d'aménager à plus ou moins long terme leurs obligations ?
Au début, j'étais perplexe, car un certain nombre de constitutionnalistes disaient que tout cela ne servait à rien. Au vu des réactions que suscite cette phrase aujourd'hui, j'ai l'impression, au contraire, qu'il est plus qu'urgent de l'inscrire dans la Constitution ! On voit qu'une partie de la représentation politique, et peut-être de la société française, ne veut pas engager le pays dans la reconquête des grands enjeux environnementaux, alors qu'on sait très bien que si on ne le fait pas, c'est l'avenir des générations futures, voire de nos enfants, qui est menacé. Pour une fois que le Gouvernement reprend une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, je crois que vous avez fait oeuvre utile ! À partir du moment où le débat montre qu'il est nécessaire d'écrire ainsi les choses dans la Constitution, vu les inquiétudes qui s'expriment, le Gouvernement tiendra-t-il ferme sur ce libellé, ou une version édulcorée est-elle encore une possibilité ?
Pourquoi ne pas se contenter du droit actuel ? L'inscription de la préservation de l'environnement à l'article 1er de la Constitution aurait une valeur symbolique très forte. Elle a été voulue par les membres de la Convention citoyenne. Il s'agit de renforcer le poids constitutionnel de la protection de l'environnement. J'ai distingué tout à l'heure la règle constitutionnelle, avec son caractère impératif, et l'objectif à valeur constitutionnelle, qui n'a pas la même force. Il s'agit d'instaurer un véritable principe d'action des pouvoirs publics. C'est l'engagement du Président de la République et du Gouvernement.
Il y a bien sûr la sempiternelle question du sens de chaque mot. L'article 1er comporte dix-huit mots. Nous y avons passé plus de dix-huit heures. Une heure par mot ? Non, nous avons passé dix-huit heures sur deux verbes : « garantir » et « lutter ». Qu'est-ce qu'une quasi-obligation de résultat ? Ce mot a été choisi par le Conseil d'État lui-même. À mon avis, c'est plus qu'une obligation de moyens et moins qu'une obligation de résultat, mais cela s'approche de l'obligation de résultat : tout doit être fait pour que... Le Gouvernement, bien sûr, a pris connaissance de l'avis du Conseil d'État. Et il a souhaité aller plus loin que la norme constitutionnelle actuelle, en introduisant une véritable obligation d'action positive à charge des pouvoirs publics, qualifiée de quasi-obligation de résultat par le Conseil d'État.
Ce risque, nous souhaitons le prendre. La maison brûle, avait dit le Président Chirac, il y a bien longtemps. Des choses ont été faites, incomplètement en ce qui concerne la Charte, notamment sur le dérèglement climatique. Nous souhaitons aller plus loin, parce que la maison brûle encore davantage, et que l'incendie en a dévoré déjà une partie ! Il y a à la fois une volonté politique et une nécessité d'aller plus loin.
Je ne peux pas vous dire ce qui sera sanctionné comme étant inconstitutionnel, n'étant pas médium. Mais je sais que le législateur fera attention, comme il le fait habituellement, de ne pas voter une loi dont on pourrait a priori penser qu'elle serait inconstitutionnelle. Quant aux collectivités territoriales, l'article 34 de notre Constitution confie à la loi la fixation des principes fondamentaux de la préservation de l'environnement. La garantie posée par le projet de loi pèse donc d'abord sur l'État. Bien sûr, si une collectivité territoriale viole les obligations fixées, elle pourrait engager sa responsabilité. Il existe déjà des contentieux, d'ailleurs, et la judiciarisation est en cours.
Notre volonté, c'est d'aller plus loin. L'environnement est désormais une préoccupation à laquelle personne ne peut se soustraire. Il suffit de regarder les conditions météorologiques pour se rendre compte de la dégradation du climat, davantage encore que lorsque la Charte a été adoptée - même si l'on pouvait déjà la pressentir. Certains ont été visionnaires. Aujourd'hui, il faut aller plus loin. La rédaction peut-elle évoluer ? Oui, si le Sénat estime qu'une autre rédaction est préférable : je ne peux pas imposer les deux mots auxquels je tiens. C'est vous qui votez la loi ! La rédaction que nous proposons a été adoptée par l'Assemblée nationale ; elle est issue de la Convention citoyenne pour le climat ; et elle correspond exactement au renforcement souhaité par le Gouvernement.
En tant qu'élus de la nation, nous avons tous à coeur la prévention de l'environnement. L'intention du Gouvernement d'inscrire la défense de l'environnement dans l'article 1er de la Constitution est louable, mais réformer la Constitution n'est pas un acte anodin. Alors que la protection de l'environnement est déjà consacrée par le préambule de la Constitution qui fait référence à la Charte de l'environnement adoptée en 2005, ce nouveau changement interroge à plusieurs titres, comme l'a souligné le Conseil d'État.
Quels effets juridiques le Gouvernement attend-il de cette révision constitutionnelle ? Pouvez-vous nous garantir que le principe de préservation de l'environnement ne prendra pas le dessus sur la défense des libertés publiques ou d'autres droits, comme le droit au logement ou à la propriété ? Ce changement constitutionnel ne va-t-il pas aboutir à de nouveaux contentieux, qui bloqueront tout projet futur ? Dans la crainte, plus personne ne bougera...
On ne peut se soustraire à l'impératif d'agir, vu la situation actuelle. Et la dimension symbolique est forte : c'est un signal important qui est envoyé à toute la société. Pourquoi parlez-vous de diversité biologique et non de biodiversité ? Garantir la diversité biologique alors qu'on assiste à la sixième extinction signifie-t-il que toute mesure législative à venir devra ne pas contribuer à la perte de biodiversité ? En ce qui concerne la lutte contre le dérèglement climatique, est-ce à dire que toute mesure qui ne serait pas conforme à la stratégie nationale bas-carbone sera proscrite ? Quelle articulation avec la liberté d'entreprendre ? Vous avez parlé d'obligation d'action. Quelle différence avec une obligation de moyens ?
J'entends bien, à travers toutes les questions posées, qu'il y a parmi nous beaucoup d'interrogations sur la conciliation entre les principes. Vos réponses ne m'ont pas complètement rassuré sur ce point. Cette quasi-obligation de résultat signifie qu'on fera prévaloir la préservation de l'environnement, de la biodiversité, sur le progrès économique et social. Or j'ai lu dans l'article 6 de la Charte de l'environnement que la définition même du développement durable, c'est la conciliation entre ces principes. Par conséquent, peut-on laisser co-exister l'article 6 de la Charte de l'environnement avec l'ajout que proposez à l'article 1er de la Constitution ? Une règle fondamentale du droit constitutionnel est de concilier les principes ; encore faut-il que leur rédaction elle-même n'écarte pas cette conciliation.
Le Sénat a le choix entre trois solutions. La première serait d'adopter conforme le texte issu de l'Assemblée nationale. Le Président de la République a déjà annoncé que, dans ce cas, il y aura un référendum. Le Sénat pourrait aussi rejeter sans autre forme de procès le texte. En ce cas, la révision constitutionnelle s'arrêterait-elle là ? Une troisième voie, qui correspond assez bien à l'esprit constructif des sénateurs, serait d'amender votre texte. Est-il à prendre ou à laisser ? Si nous l'amendons, le texte du Sénat sera-t-il inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour poursuive le processus de révision constitutionnelle ? Sur ce point, nous n'avons pas encore entendu la parole publique ni du Président de la République ni du Gouvernement. Nous saurions à quoi nous en tenir sur l'utilité de notre travail.
Le groupe socialiste a déposé une proposition de loi constitutionnelle le 5 mai 2020 visant à introduire la notion de bien commun à l'article 1er de la Constitution. Lors du débat en séance en décembre dernier, la ministre de la transition écologique a rejeté notre proposition. Force est de constater que le texte que vous nous présenterez au mois de mai s'est inspiré de nos travaux - et c'est tant mieux. L'intention du Gouvernement, d'après l'exposé des motifs, est bien de favoriser la protection de l'environnement, la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique. Nous partageons donc les mêmes objectifs. Mais nous n'y affectons pas les mêmes moyens : la proposition de modification de la Constitution que nous avions proposée était plus ambitieuse, puisqu'elle intégrait les biens communs mondiaux, y compris informationnels. Nous considérons en effet que les enjeux de protection de nos biens communs environnementaux sont capitaux. Il faut donc aller plus loin. Pourtant, votre Gouvernement et la majorité à l'Assemblée nationale ont rejeté systématiquement les amendements tendant à renforcer le texte. Allez-vous accepter les améliorations que le Sénat pourrait apporter à ce texte à la suite des travaux que nous avons déjà engagés sur le sujet ?
Dans ce contexte de crise sanitaire, alors que se pose la question du report des élections régionales et départementales prévues en juin, comment peut-on envisager la tenue d'un référendum dans le cadre prévu par la Constitution ?
Le verbe « garantir » figure déjà à plusieurs reprises dans le préambule de 1946, notamment en ce qui concerne la santé. Et ce principe se concilie avec les autres. Il ne s'agit pas de hiérarchiser les normes. Il ne s'agit pas de ne plus entreprendre. Nous savons que l'activité humaine, par définition, peut polluer. Vous le savez bien, monsieur Bas, puisque vous déclariez, lors des débats sur la Charte...
Je vais vous citer des propos que vous avez tenus en 2014. Vous allez vous reconnaître. Vous disiez : « Certains sceptiques y ont vu une forme de désarmement unilatéral dans la compétition économique. Pourtant, nul ne conteste aujourd'hui, notamment au travers des effets de plus en plus tangibles du réchauffement climatique, que l'humanité doit inventer de nouveaux modes de développement pour assurer son avenir. »
Nous estimons que le temps est arrivé et que la portée de la Charte n'est pas suffisante, notamment sur la question du dérèglement climatique. C'est ce qui justifie la proposition que nous soumettons au Parlement.
Vous estimiez aussi à l'époque, monsieur le sénateur Bas - et je ne peux que vous rejoindre - qu'il était bien logique que la France fasse partie des nations pionnières. Ce que nous vous proposons d'inscrire à l'article 1er de la Constitution fera de la France un pays pionnier. Peu de pays, pour ne pas dire aucun, ont eu cette audace.
Monsieur le sénateur Wattebled, je le redis, il nous faut concilier les principes sans créer de hiérarchie.
Par ailleurs, le code de l'environnement considère que les termes « biodiversité » et « diversité biologique » sont synonymes. Il n'y a donc pas de difficulté de ce point de vue.
Monsieur le sénateur Bas, vous m'avez interrogé sur l'articulation entre l'article 6 de la Charte de l'environnement et le projet de révision constitutionnelle. Il n'y a ni concurrence ni contradiction entre les deux textes, mais complémentarité. Le projet de loi constitutionnelle ne vise en aucun cas à concurrencer ou à remplacer la Charte, mais à instaurer un véritable principe d'action en faveur de l'environnement à la charge des pouvoirs publics.
Vous m'avez posé une autre question, monsieur le sénateur Bas, beaucoup plus politique... Lors des débats à l'Assemblée nationale, le député Julien Aubert n'a eu de cesse de me dire que nous faisions tout cela pour rien, puisque le Sénat n'allait pas voter le texte dans la rédaction sur laquelle j'étais, disait-il, arc-bouté. Il l'avait lu dans une interview du président Larcher au Journal du dimanche... Je lui ai répondu qu'il avait une étrange vision de la navette parlementaire. M. Aubert dit maintenant que le Sénat votera le texte, mais que le Gouvernement serait battu au moment du référendum. Je lui dis : rendez-vous dans les urnes !
Il est logique que je ne souhaite pas qu'on modifie le texte et je pense, monsieur le sénateur Bas, que c'est la même chose pour vous vis-à-vis de la proposition de loi constitutionnelle que vous avez déposée avec le sénateur Retailleau. Vous êtes attaché aux mots sur lesquels vous vous êtes décidé. En l'espèce, cela va plus loin, puisque les termes viennent de la Convention citoyenne pour le climat et du Président de la République.
Le Conseil d'État nous renforce d'ailleurs dans l'idée qu'il faut aller loin et qu'il faut instaurer une quasi-obligation de résultat. Si le législateur souhaite amender le texte, il le fera bien évidemment, mais il me semble que les verbes « garantir » et « lutter » sont meilleurs.
Par conséquent, monsieur le garde des Sceaux, si nous amendons le texte, vous arrêtez tout ?
Ce n'est pas ce que j'ai dit, monsieur le sénateur. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas Président de la République. Comme le disent les procureurs, à chaque jour suffit sa peine !
Monsieur le garde des Sceaux, vous avez répété à plusieurs reprises l'expression « aller plus loin ». C'est donc que l'équilibre actuel des normes constitutionnelles ne paraîtrait pas satisfaisant au Président de la République et au Gouvernement.
Faut-il vraiment invoquer l'avis du Conseil d'État dans ce débat ? Celui-ci joue un rôle de conseil qui est nécessairement très retenu en matière constitutionnelle. Lorsqu'il utilise l'expression « quasi-obligation de résultat », je ne suis pas sûr qu'il en fasse une préconisation. Ma lecture est qu'il en fait plutôt un avertissement. Je ne voudrais pas qu'on se pare de l'expression figurant dans cet avis comme d'un argument positif.
Ce qui me préoccupe, c'est le fait que vous disiez que l'article 1er va « plus loin », ce qui signifie qu'il aura la prééminence, alors que vous parlez parallèlement de conciliation entre les normes de fond de l'article 1er et celles de la Charte. Je reprends par conséquent la question de Philippe Bas : est-ce que l'équilibre de l'article 6 de la Charte, soigneusement délibéré à l'époque, reste le même ? Je déduis de nos débats que cet équilibre est changé. Sinon, pourquoi insérer le terme « garantir » ?
Le contrôle constitutionnel sur le contenu des lois va donc changer et ce sera dans un sens potentiellement déstabilisateur pour la conduite des politiques publiques. Je vais prendre deux exemples et je souhaiterais un commentaire de votre part sur ces deux exemples.
Tout d'abord, nous avons adopté, laborieusement, une dérogation temporaire et très partielle - elle concerne 3 % des terres cultivables - à une loi qui portait sur la biodiversité. Je me reproche d'ailleurs d'avoir voté ce dernier texte, parce qu'il ne prévoyait pas la possibilité de dérogations, alors qu'il était déjà flagrant à l'époque que nous en aurions besoin. Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution cette dérogation. Si le verbe « garantir », qui porte justement sur la biodiversité, était introduit, pensez-vous que la décision du Conseil constitutionnel serait la même ? Il me semble que l'expression « plus loin » que vous avez utilisée pourrait plutôt conduire à considérer que cette dérogation serait contraire à la Constitution.
Ensuite, les articles 47, 48 et 49 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, adoptés par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, fixent des objectifs impératifs sur la réduction des surfaces artificialisables qui se traduisent dans l'ensemble de notre droit, jusqu'aux plans locaux d'urbanisme. Si une commune urbaine saturée est obligée d'artificialiser des terres, par exemple pour la mise en oeuvre du droit au logement ou pour construire un hôpital, et qu'une question prioritaire de constitutionnalité est déposée, est-ce que le Conseil constitutionnel ne pourrait pas décider que ces articles du projet de loi en discussion seraient contraires à la Constitution ? L'insertion du verbe « garantir » ne donne-t-elle pas prééminence au principe de préservation de l'environnement sur les autres principes constitutionnels, ce qui conduirait le juge à considérer qu'il faudrait arrêter, et pas seulement réduire, l'artificialisation des sols ?
J'aimerais finalement connaître votre appréciation des conséquences effectives de la rédaction du projet de loi constitutionnelle, en particulier de l'utilisation du verbe « garantir ».
Monsieur le garde des Sceaux, je me permets de vous rappeler la question de Nicole Bonnefoy sur les biens communs et le référendum.
Ce projet de loi constitutionnelle traduit une commande du Président de la République qui reprenait lui-même la proposition - je ne parlerais pas d'injonction... - de la Convention citoyenne pour le climat.
Après les remarques d'Alain Richard, je veux de mon côté mettre en lumière le décalage qui existe entre votre volonté farouche de modifier la Constitution dans le sens que vous avez indiqué et le contenu factuel du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. On ne peut pas dire que ce projet de loi satisfasse beaucoup d'acteurs : tant le Haut Conseil pour le climat que les ONG et les membres de la Convention citoyenne eux-mêmes estiment que ce texte ne permettra d'atteindre, le cas échéant, que 40 % des besoins nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés à l'occasion de la COP21. Et je ne parle pas du Conseil d'État qui a émis un avis très réservé.
Par conséquent, quelles sont les incidences de la modification de la Constitution que vous proposez sur ce projet de loi ?
Nul ne conteste ici l'exigence de préserver les richesses dont nous avons hérité et que nous devons transmettre. Il n'y a pas d'un côté des bienveillants et de l'autre des malveillants - vous l'avez dit.
Nul ne conteste non plus l'intérêt de la participation citoyenne. J'imagine que les membres de la Convention citoyenne ont été informés que la Charte de l'environnement était adossée à la Constitution au même titre que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Or l'intégration de la Charte au sein du bloc de constitutionnalité n'a pas été sans conséquence. Récemment encore, trois décisions ont été prises sur ce fondement, notamment l'interdiction de la fabrication, de la vente et de l'importation de certains produits pharmaceutiques - le Conseil constitutionnel a estimé justifiée l'atteinte ainsi portée à la liberté d'entreprendre au nom de la protection de l'environnement - et, plus récemment, l'autorisation de l'utilisation provisoire de produits phytosanitaires. La Charte a donc montré son utilité, notamment pour l'articulation de différents principes.
Vous avez parlé de symbole, monsieur le garde des Sceaux. Estimez-vous nécessaire que le respect de l'environnement devienne un principe constitutionnel supérieur à d'autres principes dans notre hiérarchie des normes ?
Vous avez aussi indiqué vouloir « aller un peu plus loin ». Or parfois, la créature dépasse son créateur, si vous me permettez cette expression. Ne va-t-on pas geler, ce faisant, l'action des collectivités ? Je vais prendre plusieurs exemples, en me mettant à la place des élus locaux. Une commune élabore son plan local d'urbanisme et décide de geler 20 % de son territoire ; une association se constitue et estime que ce taux, trop bas selon elle, ne respecte pas la Constitution. Que se passera-t-il dans ce cas avec un article 1er modifié selon vos souhaits ? Autre exemple : si un jour l'État ou une région estime nécessaire de construire une nouvelle ligne ferroviaire pour favoriser le désenclavement, la rédaction que vous soutenez le permettrait-elle ? Enfin, quid des parcs éoliens, qui sont souvent contestés de nos jours ?
Il est vrai, monsieur le sénateur Richard, que l'expression « quasi-obligation de résultat » constitue un avertissement de la part du Conseil d'État et le Gouvernement assume ce choix, en souhaitant renforcer la protection de l'environnement. Ce projet de loi constitutionnelle changera en effet les équilibres, parce qu'on distingue généralement les objectifs à valeur constitutionnelle et les règles constitutionnelles proprement dites qui ont un caractère impératif. Aucun principe à valeur constitutionnel ne sera privilégié l'un par rapport à l'autre ; ce sera un équilibre.
Il ne s'agit donc pas d'une concurrence entre les principes, madame Gatel. Les pouvoirs publics choisiront en toute connaissance de cause. Cette modification ne signifie pas la fin de l'entreprise qui pollue ou de la voiture ! On ne peut pas dire que la protection de l'environnement écrasera toutes les autres libertés ayant valeur constitutionnelle.
Je vais prendre un exemple simple : si une nouvelle pandémie - je ne la souhaite pas bien sûr - exige demain la fabrication de produits chimiques extrêmement polluants, pensez-vous vraiment que la santé passera après la protection de l'environnement ? Il s'agit donc bien d'un équilibre, mais aucunement d'une hiérarchie entre les principes et valeurs.
Il est normal que les sénateurs posent des questions en partant d'exemples liés aux collectivités territoriales. Pour autant, je ne reviens pas sur mon explication précédente relative aux responsabilités respectives du Parlement et des collectivités territoriales. L'intérêt public continuera évidemment d'être pris en compte.
Ne faisons pas dire à ce texte que le principe constitutionnel que nous entendons insérer à l'article 1er vient écraser tous les autres ! Ce n'est pas du tout le sens de la réforme que je vous propose. Je le redis, ce texte ne vient pas contredire la Charte, il vient la compléter.
Monsieur Mandelli, on ne peut pas en même temps critiquer le projet de loi climat et résilience, au motif qu'il serait insuffisant, et contester la volonté de rehausser l'obligation de protection de l'environnement au niveau constitutionnel.
Durant les débats en séance publique je rappellerai évidemment ce que le Gouvernement a fait pour la protection de l'environnement.
En ce qui concerne la notion de bien commun, le Gouvernement estime que cette expression n'est pas suffisamment précise pour figurer dans la Constitution. Or nous avons besoin de consensus sur la portée des termes utilisés. À l'Assemblée nationale, nous avons beaucoup parlé de non-régression et de biens communs.
Précisons bien où nous en sommes. Monsieur le garde des Sceaux, vous nous avez dit tout à l'heure qu'il s'agissait de substituer à un objectif de valeur constitutionnelle une règle de valeur constitutionnelle. En outre, vous avez utilisé l'expression « aller plus loin ». Il me semble qu'il résulte de ces éléments une hiérarchie entre cette règle et les autres principes de valeur constitutionnelle. L'équilibre, non quantifié, qui figure dans l'article 6 de la Charte est donc bien modifié pour faire prévaloir l'exigence de garantir la préservation de l'environnement et de la diversité biologique.
Il me semble qu'il existe un glissement entre le début de votre propos et la suite. Je crains que ce ne soit le noeud du problème !
Monsieur le garde des Sceaux, je vous prends au mot : aller plus loin, oui, mais où ?
Vous avez dit tout à l'heure pour nous rassurer - peut-être nous tendiez-vous une perche ? - qu'il fallait garantir « au mieux » la préservation de l'environnement et de la diversité biologique, en conciliant cette garantie avec d'autres principes. Si un amendement était déposé en ce sens, seriez-vous d'accord ?
L'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 « garantit à tous la protection de la santé ». Peut-être faudrait-il aussi modifier cet alinéa, si vous pensez que le mot « garantir » va trop loin ? La loi ne doit pas être bavarde ; nul besoin d'ajouter dans cette phrase « au mieux »... Comment garantir « en pire », monsieur le sénateur ? Je n'imagine pas qu'un amendement comme celui-là soit déposé.
De très nombreux amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale, que ce soit sur les crevettes, les éleveurs, les langues régionales ou encore le voile - j'en passe et des meilleurs. J'ai essayé de circonscrire le débat qui devenait d'une certaine manière assez cocasse et je suis sûr que de telles choses n'auront pas lieu au Sénat. Mais quand je voulais circonscrire le débat, on me répondait que ces sujets, variés, n'intéressaient pas le Gouvernement... C'était une très curieuse façon de faire. Certes, cela permettait aux députés de développer les sujets qui leur tenaient à coeur, pour ne pas dire parfois leurs marottes.
Monsieur le sénateur Richard, je me suis sans doute mal fait comprendre. Aujourd'hui, la préservation de l'environnement est un objectif d'intérêt général qui ne constitue pas une règle au sens constitutionnel.
Si, monsieur le sénateur !
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il s'agissait d'un objectif à valeur constitutionnelle.
J'entends bien, mais comme vous le savez, il est difficile de faire aboutir une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de la Charte de l'environnement.
Je le redis, nous voulons aller plus loin. Pour autant, nous ne souhaitons pas créer de hiérarchie avec les autres règles à valeur constitutionnelle. Si demain il est nécessaire de construire un bâtiment, qui entraînerait pour je ne sais quelle raison une pollution importante, devrions-nous nous interdire de le faire au motif de protéger l'environnement ? Notre rédaction laisse beaucoup de libertés, puisqu'il n'y a pas de hiérarchie entre les valeurs. Nous proposons finalement d'intégrer des valeurs nouvelles - la protection de l'environnement et de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique.
Il est grand temps que cela figure dans notre Constitution. La France, pionnière en la matière, selon les voeux de M. le sénateur Bas en 2014, doit le rester.
Mais nous avons maintenant du retard. Comme le disait à cette époque le Président Chirac, la maison brûle ; elle brûle encore davantage aujourd'hui. C'est une réalité.
Puisque vous évoquez le Préambule de la Constitution de 1946, je veux souligner qu'un changement substantiel a eu lieu depuis, c'est le développement du contrôle de constitutionnalité - il existait en principe avant 1958, mais il n'était pas effectif, et même les rédacteurs de la Constitution de la Ve République n'avaient pas forcément en tête ce qu'il est devenu...
Utiliser le verbe « garantir » dans le cadre constitutionnel actuel, notamment au vu des modalités d'exercice du contrôle de constitutionnalité, a un sens beaucoup plus autoritaire qu'en 1946. Je rappelle aussi que la Constitution de 1946 prévoyait de nombreux autres droits à caractère économique et social, ainsi que des nationalisations obligatoires, lorsqu'une entreprise avait un caractère de monopole...
J'ai donc beaucoup de mal à entendre que cette modification ne changerait rien à l'équilibre entre les principes constitutionnels.
Je vois qu'il nous faudra poursuivre nos travaux pour résoudre cette question qui n'est absolument pas tranchée... La conciliation entre les principes économiques, sociaux et environnementaux, inscrite à l'article 6 de la Charte de l'environnement, est clairement mise à mal par la nouvelle rédaction de l'article 1er proposée par le Gouvernement. On ne peut pas dire en même temps qu'il n'y a pas de hiérarchie et qu'il y a un changement des équilibres.
J'ajoute que le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, consacré à l'article 1er de la Charte, peut tout à fait être invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité.
En tout cas, il est évident que notre débat reste ouvert, il sera intense. Pour autant, comme l'a rappelé Jean-François Longeot, citant Montesquieu, on ne doit modifier la Constitution que d'une main tremblante.
Seuls quatre articles de la Charte peuvent être invoqués en question prioritaire de constitutionnalité.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le projet de loi constitutionnelle est inscrit à l'ordre du jour du Sénat les 10et 11 mai prochains. La commission des lois examinera son rapport le 5 mai et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable son avis le 4 mai.
La réunion est close à 18 h 5.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat
La réunion est reprise à 18 h 30
Nous accueillons Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, pour la présentation de son rapport annuel.
Je suis heureuse de vous présenter le rapport d'activité du Défenseur des droits pour l'année 2020, que nous avons rendu public il y a quelques jours.
Rendre compte de l'année 2020, c'est d'abord rendre compte d'une transition. Avant de présenter l'activité de cette année, je voudrais rendre hommage à mon prédécesseur. Par sa détermination et son engagement, Jacques Toubon a fait progresser considérablement la notoriété et la visibilité du Défenseur des droits. Dans des contextes troublés, il a tenu des positions courageuses, fidèles aux missions qui lui étaient confiées, et c'est à la tête d'une institution solide que je suis arrivée en juillet dernier.
La crise sanitaire a affecté, au-delà de nos modes de vie, l'ensemble de nos droits et libertés. En bouleversant l'organisation des services publics, les mesures sanitaires se sont souvent traduites par un recul des droits ou par de nouveaux obstacles pour y accéder. Pour celles et ceux qui étaient déjà éloignés de leurs droits, ce recul a pu créer de véritables ruptures. C'est pourquoi, dès le début de la crise sanitaire, le Défenseur des droits a été très attentif aux atteintes aux droits qui étaient susceptibles d'émerger, en particulier pour les plus vulnérables. Il est intervenu pour y remédier, à travers les services instructeurs du siège ou par l'intervention des délégués territoriaux.
S'agissant des relations avec les services publics, nous avons été alertés d'atteintes importantes aux droits et libertés.
Les personnes précaires et vulnérables se sont ainsi vues contraintes de retirer leurs aides sociales dans les bureaux de poste ; alerté par le Défenseur des droits, le directeur de La Poste s'est engagé à augmenter le nombre de bureaux de poste ouverts.
Nous avons constaté aussi des atteintes visant les personnes en détention, pour des motifs liés majoritairement aux conditions de détention - accès aux masques et gels hydroalcooliques; accès aux soins, à la douche -, aux conditions d'aménagement de peine et d'exécution des peines, à la suspension des parloirs, à l'usage de la téléphonie, à la rupture du paiement du travail, aux violences entre détenus, ou encore à la prolongation de plein droit de la détention provisoire sans intervention du juge judiciaire. Le contrôle a finalement été rétabli par des arrêts adoptés en mai par la Cour de cassation. Pour pallier l'absence de délégués en établissement pénitentiaire, un numéro de téléphone dédié a été créé : il a enregistré à ce jour près de 5 000 appels.
Les personnes en rétention administrative se sont trouvées dans des conditions de protection insuffisante, sans perspective d'éloignement dans un délai raisonnable. Malgré notre demande de fermeture immédiate, les centres de rétention administrative (CRA) sont restés partiellement ouverts.
Les personnes en demande d'asile se sont heurtées à la fermeture du dispositif d'enregistrement des demandes d'asile et à l'arrêt du fonctionnement de la plateforme téléphonique de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Les observations que nous avons adressées au Conseil d'État, saisi d'une requête, ont été accueillies favorablement.
Les personnes bénéficiant de la protection sociale ont, elles, parfois subi des baisses importantes de leurs ressources. Le Défenseur des droits est intervenu pour que leur situation soit prise en compte en cas de recouvrement d'indus.
S'agissant des droits de l'enfant, nous avons reçu plus de 120 saisines révélant que nombre de ces droits étaient mis à mal, en particulier celui d'être protégé contre toutes formes de violence ; le droit d'être entendu, alors que l'ordonnance du 25 mars 2020 permettait de prendre des décisions sans contradictoire ; le droit d'entretenir des relations avec ses parents quand des droits de visite et d'hébergement ont été suspendus ; le droit d'aller à l'école ; le droit de recevoir une protection et des soins, notamment pour des mineurs non accompagnés ni pris en charge ni accueillis ; le droit de voir son intérêt supérieur pris en compte quand des enfants se sont vu refuser l'accès à un supermarché avec leurs parents.
S'agissant de la déontologie de la sécurité, les saisines reçues ont porté essentiellement sur des contrôles d'attestation de déplacement ou des contrôles d'identité dans certains quartiers populaires. Par ailleurs, le Défenseur des droits s'est saisi de la situation des personnes sans domicile fixe et des difficultés rencontrées par les personnes handicapées.
Enfin, de nombreuses saisines ont porté sur des situations de discrimination liées à la crise sanitaire. C'est le cas, par exemple, pour l'accès aux biens et services des personnes âgées, particulièrement vulnérables économiquement ou bénéficiant d'une mesure de protection judiciaire ; elles ont pu rencontrer des difficultés s'apparentant à des discriminations indirectes, au travers, par exemple, des refus de paiement en espèce - atteinte au sujet de laquelle le réseau s'est particulièrement mobilisé. Autre exemple, les nombreuses restrictions ayant affecté les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), susceptibles de porter une atteinte disproportionnée à leur droit au respect du maintien des liens familiaux et sociaux. Les préconisations formulées au début du confinement restent d'actualité, en particulier la nécessité que les mesures prises à l'égard de ces établissements soient fondées sur un principe de prévention individuelle plutôt que sur un principe de précaution générale.
Je veux souligner le travail que nous menons, au quotidien, pour faire valoir les droits des personnes qui nous saisissent. L'institution du Défenseur des droits est constituée du siège et de son réseau de délégués. La présence de ces délégués dans chaque département, auprès des réclamants pour dysfonctionnements et atteintes aux droits, est souvent déterminante pour répondre au mieux à chaque situation. Dans un contexte de recul des services publics - dont la crise sanitaire a mis en évidence les graves conséquences -, les délégués comblent un manque dont les petites villes et les zones rurales souffrent de plus en plus : la présence effective, incarnée, d'un accès aux droits.
Concrètement, les 536 délégués, qui traitent près de 80 % des réclamations sont à l'origine de la plupart des médiations conduites par l'institution, lesquelles ont une issue favorable dans 80 % des cas. En cherchant un règlement amiable, ce réseau de médiateurs contribue à rétablir le dialogue entre les usagers et les administrations ou les organismes chargés d'une mission de service public. Ce réseau est une force et une composante précieuse de notre institution. Pour l'affermir, nous avons mis en place un maillage de douze cheffes et chefs de pôles régionaux, dont la prise de fonction s'est achevée en 2020. Ils apportent un appui juridique aux délégués, coordonnent le traitement des dossiers, les actions de promotion de l'égalité et les initiatives pour faire progresser la notoriété de l'institution.
En 2020, nous avons enregistré 97 000 saisines, dont près des deux tiers concernent les relations avec les services publics. Les réponses apportées aux situations individuelles ont visé à rétablir les droits des personnes, mais aussi à résoudre des problèmes structurels pour que les atteintes constatées ne se répètent plus. Car, très souvent, les saisines révèlent des problèmes qui dépassent largement l'échelle individuelle. En matière de services publics, les situations dont nous sommes saisis mettent en évidence l'ampleur des délais de réponse des administrations : près de deux ans pour une demande de changement de nom ; plus de deux ans pour une réponse à une demande de naturalisation.
Le forfait post-stationnement présente ainsi des dysfonctionnements importants : nous déplorons la délivrance de forfaits de post-stationnement indus à des personnes titulaires d'une carte de mobilité réduite, des retards dans le traitement des recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) entraînant des conséquences financières lourdes. Le Défenseur des droits a formulé des recommandations envers les collectivités territoriales afin que les usagers puissent être rétablis dans leurs droits. Dans un rapport publié en janvier 2020, il a souhaité une meilleure information sur les modalités de stationnement et les tarifs, une meilleure formation des agents chargés de traiter les recours gracieux, ainsi que l'exonération de paiement préalable à la saisine de la commission du contentieux du stationnement payant pour les personnes victimes de vol ou d'usurpation de plaque d'immatriculation ou encore de cession de véhicules. Le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé inconstitutionnelle la condition de paiement préalable à la saisine de cette commission.
Le traitement des discriminations offre un deuxième exemple de la manière dont le Défenseur des droits entend apporter des réponses individuelles, mais aussi structurelles. Les réclamations dont nous sommes saisis nous révèlent que les discriminations revêtent un caractère systémique. Elles ne résultent pas seulement d'actes individuels, elles sont le produit d'inégalités collectives, de représentations, préjugés et assignations qui traversent toute la société. C'est pourquoi, dans un rapport publié en juin dernier, le Défenseur des droits a formulé des recommandations pour aller au-delà de la résolution de situations individuelles. Nous proposons d'approfondir la connaissance des discriminations, en développant les statistiques publiques, en créant un observatoire des discriminations, en développant des campagnes de testing, parmi d'autres outils. Nous appelons à une politique publique ambitieuse, avec des audits réguliers au sein des organisations, en renforçant les obligations et les sanctions.
Nous proposons également d'améliorer le traitement judiciaire des discriminations, en rendant plus effective l'action de groupe et en appliquant des sanctions proportionnées et réellement dissuasives. Pour rendre plus visibles nos compétences en matière de lutte contre les discriminations et améliorer l'accompagnement des victimes, nous avons mis en place la plateforme antidiscriminations.fr, lancée le 12 février dernier, à la demande du Président de la République. Conçu et piloté en toute indépendance par le Défenseur des droits, ce nouveau service de signalement et d'accompagnement est ouvert à toute victime ou témoin de discriminations, quels qu'en soient le motif et le domaine ; le contact s'établit par téléphone ou sur le site dédié, une équipe de juristes accompagnent et orientent gratuitement les personnes.
Au-delà du traitement des réclamations, le Défenseur des droits a confirmé, tout au long de l'année 2020, son rôle de vigie des droits et libertés. Cette vigilance, qui se nourrit des saisines reçues et des constats transmis par les associations membres de nos comités d'entente, m'a conduite à formuler régulièrement des alertes sur les différents projets et propositions de loi présentés. J'ai joué ce rôle d'alerte à propos du nouveau schéma de maintien de l'ordre, de la réforme de la justice pénale des mineurs, de la transposition de la directive relative aux lanceurs d'alerte, de la réforme de l'adoption.
S'agissant plus particulièrement des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dans le droit fil de mon prédécesseur, je me suis attachée à rappeler certaines des exigences de notre État de droit. J'ai en particulier souligné l'importance d'encadrer strictement l'état d'urgence par une loi précise, claire, prévisible et intelligible, dans le respect des principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité ; de veiller à ce que l'état d'urgence reste exceptionnel en limitant sa durée et en prévoyant des moyens de droit commun pour un retour à la normalité ; de renforcer le rôle du Parlement ; d'organiser un débat public de fond, en particulier sur la protection de nos droits et libertés et le renforcement des services publics ; enfin, de renforcer la transparence et l'accessibilité de l'information. Plus généralement, il m'a paru essentiel, au travers de ces différentes alertes, de mettre en garde contre le risque d'une habituation progressive à la restriction de nos libertés. À l'heure où « vivre avec » le virus relève non plus d'une option, mais d'une nécessité, les choix que nous faisons pour l'affronter doivent faire l'objet de discussions libres et éclairées.
J'évoquerai enfin la dimension internationale de nos actions.
En matière de déontologie de la sécurité, la coopération avec nos homologues a conduit à l'adoption, en juin 2020, de la Déclaration de Paris, par le réseau européen IPCAN - Independent Police Complaint Authorities Network. Elle reprend les principales recommandations issues de la conférence réalisée en octobre 2019 sur les relations entre la police et la population. L'an passé, nous avons également célébré les vingt ans de la recommandation du Conseil de l'Europe sur le code d'éthique de la police. Cette célébration a été l'occasion d'échanges très riches avec nos homologues et les hauts représentants des ministres de l'intérieur du Conseil de l'Europe.
En matière de défense et de promotion des droits de l'enfant, le Défenseur des droits s'est associé à la réflexion du réseau européen des Défenseurs des enfants sur les études d'impact relatives aux droits des enfants. Un cadre commun de référence a été adopté pour harmoniser ces études, dont l'objectif est d'anticiper les effets de toute mesure sur les droits de l'enfant. Le thème du rapport annuel sur les droits de l'enfant s'inscrivait pleinement dans cette thématique puisqu'il portait sur la prise en compte de la parole de l'enfant, une composante centrale des études d'impact sur les droits des enfants.
S'agissant de la lutte contre les discriminations, le Défenseur des droits a poursuivi ses travaux au sein du réseau européen des organismes de promotion de l'égalité (Equinet - European network of equality bodies -), dont il est membre élu au conseil d'administration. Le Défenseur des droits a contribué à ce réseau en livrant un rapport sur l'inclusion des Roms et des gens du voyage, ainsi que des publications sur les effets discriminatoires du recours au numérique et à l'intelligence artificielle en période pandémique pour l'accès aux droits et à l'emploi des plus vulnérables.
S'agissant de la protection des lanceurs d'alerte, le Défenseur des droits a poursuivi son implication dans le réseau des autorités européennes en charge des lanceurs d'alerte (NEIWA). En particulier, les deux séminaires organisés dans la perspective de la transposition de la directive européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations au Droit de l'Union ont permis d'aboutir à des recommandations communes pour améliorer la lisibilité des dispositifs nationaux et renforcer les droits des lanceurs d'alerte.
Ce rapport d'activité confirme que le Défenseur des droits est un recours crucial pour toutes celles et tous ceux qui ne parviennent pas à exercer leurs droits. Il nous rappelle que le droit, s'il est bien le socle de notre démocratie, n'est rien sans les moyens mis en oeuvre pour le faire respecter. En tant que Défenseure des droits, ma mission est précisément de faire en sorte que tous ceux qui en sont éloignés soient rétablis dans leurs droits.
Nous confirmez-vous que vous souhaitez l'établissement de « zones de non-contrôle d'identité » ? Je considère que les forces de l'ordre sont garantes de l'ordre républicain et de l'égalité devant la loi, et qu'elles sont trop souvent victimes d'attaques injustifiées : comptez-vous leur apporter votre soutien ?
J'ai lu votre rapport avec intérêt, et même si vous n'avez pris vos fonctions que récemment, je conçois que vous saurez nous répondre de son contenu.
D'abord, j'aimerais que vous nous explicitiez votre propos sur des « zones sans contrôle d'identité » ; devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, vous avez dit que votre propos avait été déformé ou mal compris, qu'en est-il ? J'ai écouté votre entretien sur Franceinfo, vous y souhaitez une expérimentation, pouvez-vous nous en dire davantage ? Vous dites au fond que les contrôles d'identité ne servent à rien, mais comment situez-vous l'action de la police, qui doit faire face à des agressions, des prises à partie, jusqu'à des tirs de mortiers, comme on vient de le voir en banlieue parisienne ? Les policiers sont formés pour agir dans des conditions difficiles, quelle place faites-vous à leur pouvoir d'appréciation pour contrôler l'identité sur la voie publique ?
La présidente de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) a reconnu que ce syndicat étudiant organisait des réunions dites « non mixtes », c'est-à-dire séparées selon l'origine ethnique ou la couleur de peau. Cette pratique est ouvertement discriminatoire, mais vous ne vous êtes pas prononcée : pensez-vous intervenir ? Éventuellement, par auto-saisine ? Ou bien pensez-vous normal de laisser prospérer ce type de pratiques discriminatoires ?
Enfin, votre rapport évoque la situation de jeunes gens qui, en 2020, se sont plaints en justice pour pratiques discriminatoires lors de contrôles d'identité ; vous avez fait une observation au tribunal en soutenant - cela figure dans votre rapport - que ces contrôles d'identité, par leur caractère répétitif, avaient un caractère discriminatoire et que la procédure y était violée. Or, dans son jugement, le tribunal ne vous a pas suivie, considérant que la différence de traitement n'était pas établie : une telle décision de justice ne doit-elle pas conduire la Défenseure des droits à faire preuve de plus de mesure et d'analyse dans son propos ? C'est important pour l'institution que vous représentez de faire preuve d'analyse plutôt que de se situer dans le registre de la dénonciation : qu'en pensez-vous ?
Je salue votre parcours, d'ancienne journaliste, de présidente de l'association ATD Quart Monde, de membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) : c'est un parcours magnifique et je ne remets nullement en cause vos compétences. Quand vous alertez sur la fermeture de guichets de demande d'asile, vous êtes dans votre rôle de Défenseure des droits ; mais quand on parle d'immigration et d'asile, on peut aussi parler des devoirs. Est-ce faire preuve d'humanité que de donner de vains espoirs à des personnes qui fuient leur pays, à des victimes du trafic d'êtres humains qui sont jetées sur les routes et qui parviennent dans des villes comme Marseille, où nos capacités d'accueil sont saturées ? Car l'accueil se fait alors au détriment des enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), et je ne parle pas des faux mineurs. Est-ce faire preuve de raison que de ne pas lutter contre le trafic des êtres humains ?
En février, vous avez suscité la polémique en proposant d'instaurer des « zones sans contrôle d'identité » : cette proposition m'a choquée parce que je crois que la République ne doit pas renoncer, je crois au dialogue, à l'ordre républicain et au respect des valeurs de la République partout sur notre territoire, plutôt qu'à la confortation des zones de non-droit, qui sont des zones d'un autre droit où règne surtout la « voyoucratie ».
Vous avez indiqué souhaiter une meilleure traçabilité des contrôles d'identité, mais vos propos s'inscrivent dans un contexte de tensions importantes pour les forces de l'ordre, qui sont régulièrement victime d'attaques, de guet-apens, et qui comptent leurs blessés. Le chef de l'État a déclaré que, en France, « le sujet des contrôles d'identité est un sujet sensible » et qu'on est beaucoup plus contrôlé quand on n'a pas la peau blanche ; il a annoncé que « dans certains territoires, il sera prévu des dispositifs d'évaluation de l'efficacité de ces contrôles grâce à des caméras et d'une application spécifique pour compter le nombre de contrôles, leur lieu et leur résultat ou encore via la délivrance d'un récépissé ». Mais que proposez-vous pour les forces de l'ordre, les pompiers, les personnels soignants, pour qu'ils puissent enfin exercer leur métier sereinement dans ces quartiers et qu'ils ne soient plus pris pour cibles - en d'autres termes, pour qu'on les protège enfin, ces agents et leurs familles ?
Le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il fallait expulser les enfants mineurs non accompagnés qui sont en centre de détention, alors que, à ma connaissance, notre droit ne le permet pas : que pensez-vous de cette déclaration ? Avez-vous l'intention de réagir ?
Votre nomination est récente, de même de celle de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Pensez-vous qu'il y ait des chevauchements de compétences entre vos deux institutions ?
Votre rapport consacre une partie importante sur la thématique des discriminations dans notre pays, et il ne faudrait pas que les propos de mes collègues tendent à faire penser qu'elles n'existent pas : peut-être gagnerions-nous à ce que vous nous en rappeliez les grands traits, comment elles sont quantifiées et quels sont les résultats des politiques qui tendent à les contrer ?
Je comprends vos questions sur les contrôles d'identité, cette audition est l'occasion de préciser mon propos. Avant toute chose, je veux dire que la protection des policiers et des gendarmes est un principe essentiel, auquel je suis très attachée. Ce que j'ai dit sur les contrôles d'identité a été déformé, même si je peux reconnaître des imprécisions dans la façon que j'ai eue de m'exprimer.
Je n'ai jamais voulu mettre fin aux contrôles d'identité, je souhaite leur traçabilité : ces contrôles sont indispensables en cas de comportement suspect, de risques à l'ordre public ou bien sur réquisition du procureur de la République ; la population doit être protégée, je suis convaincue de l'utilité de la présence de la police et je suis consciente des difficultés dans laquelle interviennent les policiers pour exercer leur mission. Cependant, en 2016, la Cour de cassation a reconnu l'existence de contrôles discriminatoires, car, en réalité, si, dans notre droit, le contrôle d'identité doit être motivé, comme il n'y a aucune traçabilité, il est impossible de savoir si la motivation existe, a fortiori si elle est fondée. C'est pour cela que nous avons besoin d'une évaluation : nous ne savons pas combien de contrôles d'identité sont effectués, ni où, ni sur qui, ni pourquoi, ni pour quel résultat. Je ne dis pas que les contrôles d'identité sont inutiles, loin de moi cette idée, mais qu'on ne les connait pas, d'où l'utilité de les évaluer.
Dans ce contexte, je pense qu'une expérimentation de la traçabilité serait bienvenue, entre les possibilités qui s'offrent à nous pour que les personnes qui se sentent victimes de contrôles d'identité discriminatoires puissent recourir en justice. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution, entre le récépissé, la caméra-piéton, ou d'autres outils. Il y a des années que le sujet est sur la table - dans les dix dernières années, il y a eu douze propositions de loi sur le sujet : nous sommes face à un problème qu'il faut résoudre. J'ai tout à fait conscience des tensions avec les forces de l'ordre, et je pense que c'est par de la transparence qu'on pourra conforter et rétablir la confiance - et cette confiance est indispensable à notre démocratie.
Sur l'Unef, ma réponse est claire : une réunion publique ne peut pas utiliser un critère discriminatoire pour son organisation. Cependant, je ne souhaite pas entrer dans les polémiques, qui se multiplient.
Sur les droits des étrangers et les mineurs étrangers non accompagnés, nous constatons - et c'est notre rôle de le dire - des atteintes aux droits fondamentaux de la personne et à l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne souhaite pas qu'il y ait de concurrence entre les précaires ; le respect des droits fondamentaux des étrangers est une question de dignité, comme il en va pour les plus précaires - et vous savez que je suis très engagée sur cette question. Comme vous, je suis très inquiète du trafic d'êtres humains, mais je ne crois pas que le défaut de respect des droits fondamentaux de la personne soit une réponse, pas plus que la concurrence entre les plus précaires.
Nous constatons que des mineurs étrangers non accompagnés sont en situation très difficile, avec des problèmes de santé, des addictions multiples ; je ne crois pas qu'il y ait une solution simple et facile, mais il me semble qu'il ne faut pas faire comme si tous les mineurs étrangers non accompagnés étaient dans la situation très grave de groupes de mineurs venus en particulier du Maroc et d'Algérie.
La plateforme contre les discriminations - le 39 28 - fonctionne depuis un mois. Nous avons enregistré 11 000 contacts et 3 000 appels, 20 % des appelants nous ont saisis. Nous adressons les personnes aux services administratifs quand le domaine visé n'est pas de notre compétence, nous constatons aussi que certaines personnes ont besoin d'être écoutées, mais qu'elles ne sentent pas de poursuivre. Il est encore trop tôt pour évaluer, mais nous constatons déjà que le premier motif d'appel pour discrimination est l'emploi et que l'origine est le premier critère fondant le sentiment de discrimination, alors que dans les quelque 5 000 réclamations que nous enregistrons chaque année, le premier critère est le handicap. Nous constatons aussi que nous touchons un public plus jeune via la plateforme.
D'une façon générale, il est difficile d'évaluer l'ampleur des discriminations dans notre pays. C'est pourquoi nous demandons la création d'un observatoire sur le sujet. Notre plateforme trouve des solutions par la médiation, c'est parfois simple, par exemple pour l'aménagement d'un poste de travail où un appel à l'entreprise suffit à lui rappeler ses obligations légales. Je suis frappée du nombre de saisines concernant l'accueil d'enfants handicapés dans les centres de loisirs, il y a là un sujet. Avec cette plateforme, nous voulons régler les problèmes de discrimination au quotidien, mais je pense qu'elle n'y suffira pas et qu'il faudra aussi des campagnes de sensibilisation.
Enfin, la Défenseure des droits entretient des relations régulières avec la Contrôleure générale de lieux de privation de liberté, le travail se fait de manière très fluide entre les deux institutions, sans problème particulier.
La France a ratifié dès 1990 la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), qui établit un principe de non-discrimination entre les enfants et qui précise, à son article 22, que le mineur étranger isolé se voit accorder la même protection que tout autre enfant privé de son milieu familial. Or, nous sommes saisis de cas où les mineurs étrangers, quand ils sont confiés à l'ASE, n'accèdent pas aux services de santé ni d'éducation, parce qu'ils sont perçus comme des étrangers avant que de l'être comme des enfants.
La situation est dramatique dans les foyers de l'ASE qui sont totalement débordés pour plusieurs raisons. L'État, notamment, ne remplit pas ses obligations financières, et le coût d'un mineur étranger non accompagné s'élève à environ 50 000 euros par an, en comptant seulement l'hébergement. Ces enfants dans les foyers de l'ASE, parmi les plus fragiles et les plus discriminés, se retrouvent avec des mineurs ou des soi-disant mineurs envoyés en Europe, ayant effectué des traversées difficiles ; cela place ces enfants de l'ASE dans des situations périlleuses.
Le trafic d'êtres humains dans le monde rapporte, je le rappelle, plus de 32 milliards de dollars. Nous avons en France des personnes entrées illégalement, faisant l'objet d'une prise en charge par des passeurs et ne voulant pas se soumettre à des tests - notamment osseux, afin de déterminer leur âge. Cela crée une discrimination importante par rapport aux mineurs de l'ASE.
Beaucoup de ces mineurs sont victimes de la « prostitution des cités ». La question n'est pas d'opposer les gentils et les méchants, mais de voir comment nous arrivons à protéger ceux qui en ont le plus besoin. En ne traitant pas politiquement cette question des mineurs non accompagnés, nous ne répondons pas à notre devoir de protection des mineurs les plus fragiles.
Madame la Défenseure, vous avez pris vos fonctions il y a moins d'un an et je suis prêt à faire preuve de mansuétude par rapport à vos déclarations polémiques. Mais j'observe un malentendu initial : vous évoquez la nécessité de quantifier et d'évaluer et, dans le même temps, votre rapport dénonce le caractère discriminatoire et systémique des contrôles. Il me paraît contradictoire de porter un jugement aussi définitif avant même d'avoir une évaluation précise.
J'ai bien combien compris que vous souhaitez expérimenter la traçabilité - et non des zones sans contrôle d'identité ; j'espère que vous aurez l'occasion de préciser ce que vous entendez par « traçabilité ».
Vous avez évoqué les 12 propositions de loi déposées à ce sujet, mais un précédent gouvernement a abandonné l'idée pour différentes raisons, notamment l'alourdissement des charges que cela entraînerait pour les forces de police.
Concernant l'Unef, vous ne souhaitez pas entrer dans les polémiques, mais, dans certains cas, le Défenseur des droits est légitime pour alimenter des polémiques, cela fait partie de la démocratie. Quand on se retrouve devant une transgression aussi caractérisée de nos principes fondamentaux, je suis très étonné que cela ne vous conduise pas à user de votre droit d'autosaisine, droit que vous utilisez par ailleurs. Je m'étonne de la sélectivité des critères qui président à votre autosaisine.
Le droit d'autosaisine est peu fréquent, il intervient dans des situations gravissimes, par exemple en cas de décès après des violences de la police. Je n'ai pas envie d'être dans un débat polémique...
Nous sommes nombreux à avoir milité à l'Unef, à l'époque où l'organisation défendait vraiment la situation et les causes des étudiants. Nous sommes tristes aujourd'hui. Qu'un mouvement de jeunesse organise en France des réunions avec les Noirs d'un côté et les Blancs de l'autre, je trouve cela gravissime. Il serait justifié, comme le réclame M. Bonhomme, d'entendre une déclaration précise, répondant à cette situation contraire au vivre ensemble et à la Constitution.
Je vous le redis de manière solennelle : pour une réunion publique, on ne peut pas utiliser un critère discriminatoire. Je pense que ce je dis est assez clair.
Sur le sujet des contrôles d'identité, un arrêt de la Cour de cassation a reconnu, en 2016, l'existence de contrôles d'identité discriminatoires. La question de l'évaluation est compliquée, car il n'y a pas de traçabilité. Le problème est soulevé depuis dix ans sans qu'aucune solution ne soit apportée. L'expérimentation permettrait de savoir quelle est la meilleure solution...
Concernant les contrôles d'identité discriminatoires et l'intervention du Défenseur des droits devant le tribunal judiciaire de Paris, je précise qu'il ne s'agit pas de dénonciations, mais d'interventions visant à éclairer le tribunal, sur la base d'une analyse juridique. Le fait que le tribunal, en première instance, n'ait pas suivi cette analyse juridique ne la décrédibilise pas pour autant ; elle a également pour but de faire avancer le débat.
Le terme de « discrimination systémique » est employé à propos de cette affaire précisément, à savoir pour un cas particulier, unique ; il ne s'agit absolument pas d'une dénonciation généralisée de discrimination systémique dans la police.
Il convient de redire l'attachement et le sens de la mission du Défenseur des droits concernant la déontologie dans le domaine de la sécurité. L'objectif est d'améliorer la relation entre la police et la population, à la fois en protégeant les droits des personnes qui s'estiment victimes de mauvais comportements et en soutenant la mission de sécurité des forces de l'ordre.
Sur les 122 observations présentées devant les tribunaux, nous avons été suivis dans les deux tiers des cas.
Je suis particulièrement sensible à la question des enfants de l'ASE, au fait que certains de ces enfants soient également victimes d'atteinte aux droits fondamentaux. Nous avons connaissance de difficultés. J'ai tenu à ce qu'Éric Delemar, qui a travaillé au sein de l'ASE, soit à mes côtés aujourd'hui.
Madame Boyer, nous ne pouvons que partager votre inquiétude sur les enjeux autour de la protection de l'enfance. Cette question du vivre ensemble, que vous avez soulevée, existe indépendamment de la question des mineurs non accompagnés. Lorsque des établissements doivent gérer des enfants en situation de handicap, des enfants qui ont commis des délits, des enfants victimes de ces délits, la question du vivre ensemble est compliquée.
La situation des mineurs non accompagnés ne peut se résumer à leur origine. Il faut réfléchir, en matière de moyens et de gouvernance, sur les liens entre la protection de l'enfance et la pédopsychiatrie, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le champ du médico-social, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Selon les territoires, il arrive que l'on ne trouve plus d'établissements de protection judiciaire de la jeunesse ni de pédopsychiatres.
Les équipes d'établissements de protection de l'enfance du secteur associatif et les foyers de l'enfance font un travail formidable ; ils l'ont montré notamment pendant la crise de la covid en accueillant, dès le 17 mars 2020, au titre de l'urgence, des enfants sans précaution. Les solutions se trouvent dans ces partenariats et non, de mon point de vue, dans la stigmatisation de telle ou telle population.
Madame la Défenseure, vous avez évoqué la situation des lieux de détention pendant la période du premier confinement. Qu'en est-il de la situation actuelle ?
Nous avons moins de réclamations portant sur les masques et le gel. Pour les jeunes incarcérés, les réclamations concernent aujourd'hui davantage l'accès à l'éducation, à la formation, au travail. Nous savons à quel point ces facteurs sont décisifs pour la réinsertion.
Je suis déçue par vos réponses. Il ne s'agit de stigmatiser, mais de poser des questions. Ces situations doivent être traitées et, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Vous m'avez répondu, mais, de même que pour la question posée par M. Sueur, je n'ai pas compris votre réponse...
Au sujet de l'Unef, je vais vous redire la même chose : il est inadmissible que des réunions non mixtes soient organisées ; il s'agit, effectivement, d'une discrimination.
Concernant les mineurs non accompagnés, je ne suis pas en charge de la politique publique, mais de la défense des droits, et notamment des droits des enfants. Mon rôle est de vous exposer les atteintes aux droits.
En conclusion, je tiens à vous redire que les deux tiers des réclamations reçues concernent des difficultés d'accès au service public. C'est un fait qui m'inquiète et, étant des élus proches des territoires, je pense que vous y êtes également sensibles.
Ce sont, par exemple, des personnes qui, au moment de faire valoir leurs droits à retraite, peuvent attendre plusieurs mois avant de bénéficier de leur pension ; des personnes qui ne reçoivent pas de réponse quand elles changent leur carte grise ; des personnes effectuant des stages pour récupérer leurs points, dont le dossier de permis de conduire n'avance pas à la préfecture ; des personnes en difficulté d'accès pour recevoir les aides personnalisées au logement (APL) ou les minima sociaux.
Je m'inquiète de ces difficultés et, dans les zones rurales, de l'éloignement des services publics.
Êtes-vous suffisamment saisie, madame la Défenseure, sur les questions d'accès au numérique ?
La numérisation des démarches de service public est une chance pour beaucoup. Mais une partie de la population est en grande difficulté à cause de cette numérisation, soit pour remplir un dossier sur internet, soit pour avoir simplement un accès à internet.
On l'a vu, lors de la campagne de vaccination, avec l'utilisation du site Doctolib : ce sont souvent les enfants qui ont effectué les démarches pour leurs parents ou les personnes plus âgées. Il est indispensable qu'une présence physique - et aussi téléphonique - soit maintenue dans nos services publics. Dans cette perspective de rapprocher l'usager des services publics, il va être intéressant de suivre le développement des maisons France Services.
Mon prédécesseur a présenté un rapport sur la question de la dématérialisation ; nous espérons, d'ici à la fin de l'année, effectuer un suivi de ce rapport, afin de réfléchir, en dialogue avec les services publics, à la pertinence de nos préconisations.
Je vous avoue ma déception. J'aurais aimé comprendre comment fonctionne le parallélisme des formes. Concernant les contrôles au faciès, vous avez exprimé votre position. Sur le sujet de l'Unef, vous avez rappelé le droit, mais on se demande quelles actions vont suivre. Pourquoi ne vous a-t-on pas entendu sur cette question ?
Les déclarations et les réponses que vous avez apportées dans cette audition, madame la Défenseure, constituent une déclaration publique, puisque cette réunion de commission a un caractère public et que chacun peut en prendre connaissance.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 40.