Le prochain Conseil européen, au-delà de la stratégie vaccinale, traitera particulièrement des grandes priorités pour le marché unique, des grands axes de la politique industrielle et de la transformation numérique. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, vous faire part de quelques remarques et vous poser des questions sur ces points de l’agenda.
La pandémie de covid-19 impacte profondément l’Union européenne et nous incite à préciser ses priorités, dans la fidélité à ses valeurs fondamentales de démocratie et de solidarité.
On dit souvent que nos concitoyens tendent à prendre leurs distances avec le projet européen. En réalité, ils souhaitent de l’efficacité. Ils nous demandent surtout d’axer les politiques européennes dans les domaines qui leur semblent les plus pertinents, qui leur apparaissent les plus structurants. Comme hier pour la sidérurgie, le charbon ou l’énergie, il nous faut aujourd’hui déterminer les secteurs d’activité qui assureront, demain, à nos concitoyens et à leurs enfants emplois et revenus décents. Pour cela, ils réclament des engagements clairs, lisibles et démocratiquement débattus.
Une Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne a officiellement lancé, le 10 mars 2021, la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Comme assemblée parlementaire, comme groupes politiques, nous y prendrons toute notre part.
Nous devons conduire une stratégie industrielle offensive pour l’Union européenne En la matière, nous n’oublions pas que, pour l’heure, l’Union ne dispose, selon les traités, que de compétences limitées, « de soutien et de coordination » essentiellement. Néanmoins, dans ce contexte étroit, l’Union est parvenue à faire beaucoup ces dernières années. Ainsi, le plan Juncker a été un moment clé pour la prise de conscience de la nécessité de développer une stratégie économique et industrielle ambitieuse. Cela a été poursuivi par la présidente von der Leyen.
La Communication de la Commission européenne du 10 mars 2020 intitulée « Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe » a été une autre étape cohérente. Les cinq grands axes alors définis demeurent très largement valides dans la période. Néanmoins, le contexte que nous connaissons avec la crise sanitaire nous incite à les adapter sans doute plus rapidement et fortement.
L’accord du 10 novembre 2020 entre les institutions européennes sur le budget à long terme de l’Union et sur le plan de relance donne des moyens nouveaux. Cependant, avec la crise qui s’installe dans la durée, ne devrait-on pas envisager avec pragmatisme un renforcement ?
Ce qui nous semble essentiel, monsieur le secrétaire d’État, c’est l’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine industriel. De ce point de vue, nous souhaitons pouvoir disposer du document d’actualisation de la stratégie industrielle pour l’Europe, qui devait être publié depuis plusieurs semaines déjà.
Par ailleurs, au-delà des retards dans sa campagne vaccinale, la France, berceau historique de la recherche médicale en Europe et dans le monde, a reçu un terrible camouflet en se révélant incapable de produire un vaccin. Comment le Gouvernement et les pouvoirs publics entendent-ils aujourd’hui redresser cette situation et faire de nos laboratoires, de nouveau, des leaders européens ?
En France, lorsque l’on évoque une réussite industrielle emblématique de l’Europe, on se tourne souvent vers le secteur aéronautique et la réussite d’Airbus face à ceux que l’on appelait, à l’époque, les « géants » américains.
On réduit cette réussite aux vingt ou vingt-cinq dernières années et à l’accord capitalistique ayant donné naissance à EADS puis au groupe Airbus. Or il y a eu en amont, avec le concours d’industriels, mais aussi de responsables administratifs et politiques de différents pays, tout un travail de développement de projets communs, de petites et grandes coopérations. C’est cette dynamique vertueuse qu’il s’agit de recréer pour de nouveaux secteurs qui, demain, permettront à l’Union européenne de compter et de s’imposer face aux géants mondiaux.
Le développement méthodique d’écosystèmes industriels, grâce à la coopération entre grandes entreprises, PME innovantes, à la recherche et à une main-d’œuvre qualifiée, est une des clés de la réussite de demain. C’est particulièrement évident pour des secteurs d’activité récents, comme la transition énergétique ou numérique. Sur ce point, nous souhaiterions des éclaircissements sur vos orientations.
Catherine Morin-Desailly a évoqué l’indispensable action française pour l’industrie du numérique, qui sera décisive pour notre avenir. J’ai travaillé avec elle, au sein de cette assemblée, sur les propositions législatives européennes relatives aux marchés et services numériques. Nous avons finalisé un travail sur la désinformation en ligne et les atteintes aux processus électoraux, et nous prolongerons ces travaux au cours des mois prochains.
Je salue la publication par la Commission européenne, voilà quelques jours, de son plan d’action « Boussole numérique 2030 ». La crise sanitaire met en évidence une accélération des besoins dans le domaine du numérique. C’est une opportunité qu’il convient de saisir pour en faire un pilier de la relance européenne et un axe de l’autonomie stratégique européenne dans le futur.
Pour cela, l’Union européenne doit améliorer fortement sa capacité d’acheminement, de stockage et de traitement des données, pour la recherche comme pour les entreprises, afin de ne pas avoir à les traiter hors d’Europe, comme l’a souligné ma collègue.
Les besoins en investissements publics et privés, notamment en France, sont considérables, en particulier dans la réalisation d’infrastructures. Il convient d’augmenter la connectivité partout, de produire davantage de composants et de semi-conducteurs en Europe, de développer les technologies quantiques : autant de défis stimulants pour nos chercheurs, nos entreprises, nos travailleurs, français et européens.
Monsieur le secrétaire d’État, comment porterez-vous ces enjeux de souveraineté numérique, fondamentaux d’un point de vue tant économique que démocratique ?