Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les dirigeants de l’Union européenne se retrouvent jeudi et vendredi à Bruxelles pour discuter, entre autres sujets, de la riposte à la pandémie de covid-19 et dresser un nouveau bilan de la stratégie vaccinale européenne.
Cette stratégie repose sur deux piliers : la solidarité et l’équité. On ne peut que s’en réjouir, car, compte tenu de l’interdépendance des économies européennes, il est indispensable que les Vingt-Sept puissent avoir accès au vaccin au même moment et aux mêmes conditions de prix.
L’accord conclu entre les États membres et la Commission en juin 2020 répartit clairement les rôles de chacun : à la Commission de négocier avec les entreprises pharmaceutiques pour l’achat anticipé de vaccins ; aux États membres de commander, acquérir et régler les doses de vaccin auprès des producteurs, selon leurs demandes et leur responsabilité.
La politique de vaccination reste donc bien de la compétence des États membres. C’est ce qui explique, d’ailleurs, le retard pris par la France sur ses voisins en matière de vaccination.
En privilégiant le vaccin AstraZeneca, moins cher que ses concurrents, notre pays subit les retards de production et de livraison de l’entreprise pharmaceutique, qui ne pourra fournir que 70 millions de doses sur les 300 millions prévues d’ici au mois de juin.
Au-delà de nos problèmes franco-français, nous aurons, le moment venu, à tirer les conséquences de cette gestion de la crise sanitaire par l’Union européenne.
Les statistiques de vaccination restent peu flatteuses en Europe lorsqu’on les compare au reste du monde : 9 % de primo-vaccinés contre 33 % au Royaume-Uni et même 55 % en Israël. Et que dire des start-up biotech ou des géants pharmaceutiques, qui n’ont pas eu l’écoute nécessaire au sein de l’Union européenne ?
La pénurie de masques, de composants et de matières premières pour les vaccins rend également indispensable une réindustrialisation de l’Europe dans ces secteurs stratégiques. Se posera aussi la question de la juste répartition des compétences entre États membres et Union européenne en matière de santé.
Si les Français réclament une plus grande coordination sanitaire au niveau européen, les traités excluent toute idée d’harmonisation afin de tenir compte des spécificités de chaque État membre. Le Sénat l’a rappelé à la Commission dans une résolution pour non-respect du principe de subsidiarité. Les États membres doivent pouvoir garder la main sur leur politique de santé.
Le Conseil européen doit également se pencher sur la question de la taxation du numérique. Les négociations internationales sur le sujet reprennent sous des auspices plus favorables avec l’élection de Joe Biden. Cela retarde la proposition législative qu’est censée faire la Commission sur le sujet d’ici au 1er juin. Pouvez-vous nous garantir, monsieur le secrétaire d’État, que le calendrier prévu sera respecté ?
Je voudrais enfin mentionner la nouvelle réforme de la PAC, en voie d’adoption, laquelle ne correspondra manifestement pas aux demandes du Sénat exprimées dans les quatre résolutions européennes que nous avons adoptées depuis 2017. Nos principales sources d’inquiétudes portent sur sa mise en œuvre, qui va aboutir à une renationalisation, autrement dit à un remplacement d’une politique commune par vingt-sept politiques agricoles nationales, sur fond de distorsions de concurrence supplémentaires et de dumping social et environnemental.
Nous avons également des réserves sur la stratégie biodiversité de la Commission européenne, qui prévoit, à l’horizon 2030, soit dans neuf ans seulement, de renoncer à 10 % de la surface agricole utile européenne, tout en diminuant de 50 % l’utilisation des pesticides et en quadruplant les terres converties au bio.
Nous sommes tous d’accord pour verdir les activités agricoles, et les agriculteurs y ont pris toute leur part en faisant beaucoup d’efforts depuis déjà quarante ans. Mais il faut pouvoir disposer de produits de substitution efficaces et assurer un revenu décent à nos agriculteurs.
Espérons que le Conseil et la Commission sauront reprendre les apports positifs du Parlement européen pour la nouvelle PAC.
L’enjeu est crucial, car l’Europe est aujourd’hui à la croisée des chemins. Les États-Unis ont récemment tablé sur une diminution de 12 % de la production agricole européenne à l’horizon 2030. Si ces prédictions se révélaient exactes, c’est que nous aurions collectivement accepté de renoncer à notre ADN : nourrir le reste du monde et assurer la souveraineté alimentaire de notre continent. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État !