Certes, monsieur le sénateur, nous ne sommes pas les premiers du classement de l’Union européenne, mais les différences sont très faibles entre les différents pays, hormis quelques exceptions assez atypiques, comme Malte, qui a pu aller très vite du fait de sa petite taille.
Toujours est-il que nous ne sommes pas la lanterne rouge de l’UE : nous sommes plus rapides que les Allemands, que les Espagnols ou que les Italiens, pour prendre des pays comparables au nôtre par leur taille. Je ne dis pas que tout va bien, mais il faut tout de même remettre les choses dans leur contexte et à leur juste place.
On sait que le sujet, pour l’Union européenne, c’est l’accélération de la production et de la livraison de vaccins. Cela se fera, non par des stratagèmes ou des tensions, mais en éprouvant toutes les solutions, jusqu’aux plus innovantes, pour que nous soyons livrés plus vite.
Cela implique tout d’abord de passer des contrats supplémentaires ; c’est ce que nous avons fait, notamment, avec le laboratoire Pfizer, qui nous a déjà livré au premier trimestre plus de doses que prévu et qui nous livrera encore au deuxième trimestre 10 millions de doses supplémentaires par rapport aux prévisions. Cela fait partie des bonnes nouvelles !
Il faut ensuite mettre la pression sur les laboratoires qui connaissent des retards ; on sait bien qu’il est question ici d’un laboratoire en particulier, à savoir AstraZeneca.
Dans de tels cas, il faut utiliser tous les leviers qui sont à notre disposition. Cela peut aller, comme je l’ai dit, jusqu’à des recours juridiques, mais soyons honnêtes : à court terme, ce n’est pas un recours en justice qui va nous apporter des flacons de vaccin !
On essaie donc de régler les problèmes industriels et de trouver des solutions créatives, innovantes, voire exceptionnelles – la période l’exige ! –, comme des accords croisés de production. C’est ce que nous avons incité le laboratoire Sanofi à faire, afin de produire, dès cet été, des vaccins Johnson & Johnson et Pfizer dans ses sites français et allemands. Nous mobilisons toutes ces solutions.
Ensuite, nous défendons nos intérêts. Je défends le cadre européen, parce qu’aucun de ces vrais problèmes de production ne serait mieux réglé dans un cadre national, me semble-t-il ; si vous voulez connaître ma conviction, je pense même que ce serait exactement le contraire, parce qu’on ajouterait aux problèmes actuels une guerre entre pays européens pour les doses de vaccin.
Beaucoup d’entre vous ont fait l’éloge de la coopération européenne et réaffirmé sa nécessité. Je partage volontiers cette position, d’autant que je ne suis pas sûr que, si l’on était en train de se faire la guerre entre Français, Allemands, Espagnols ou Italiens pour acheter des doses de vaccin, nous en sortirions gagnants ; je suis même persuadé que nous sortirions tous perdants d’un tel conflit, parce que la campagne de vaccination en Europe serait bien plus décalée d’un pays à l’autre, alors que c’est aussi notre intérêt que de voir les vaccinations aller au même rythme dans des pays voisins.
La défense de nos intérêts implique la mise en place de mécanismes tels que des contrôles des exportations. De nombreux orateurs ont souligné leur pertinence ; je le prends comme un encouragement pour cette réunion du Conseil européen. Vous avez notamment évoqué, monsieur Rapin, l’idée d’un principe simple de réciprocité.
On peut comprendre les problèmes industriels d’un laboratoire comme AstraZeneca, parce qu’il s’agit d’une campagne exceptionnelle et, somme toute, d’une prouesse industrielle.
Pour autant, on ne peut pas comprendre que, quand on a signé un contrat, on soit moins bien traité que d’autres signataires de contrats ; je pense au Royaume-Uni, qui a signé son contrat avec AstraZeneca en même temps que nous, et même un jour plus tard ! Une fois de plus, ne nous concentrons pas sur les faux problèmes : ce n’est pas une affaire de signature ou de délai administratif dans la signature des contrats.
Vous avez également justement rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous devrons tirer de la crise des leçons en matière de compétence sanitaire européenne. Celle-ci n’existait pas auparavant ; on l’a construite au cours de la crise. Le problème que nous avons rencontré à l’échelle européenne est que nombre de pays européens, dont la France, ont subi un retard industriel par rapport à d’autres puissances pharmaceutiques ou d’innovation.
C’est notamment le cas vis-à-vis des États-Unis d’Amérique, qui ont plus investi que nous, plus vite, et sur plus de vaccins et de technologies risquées. En outre, ils avaient dès l’origine une capacité de production plus grande, même si nous la rattrapons à un rythme rapide.
Plusieurs d’entre vous ont cité à cet égard les efforts déployés par le commissaire français Thierry Breton pour accélérer nos capacités de production. Nous sommes en voie de tenir notre objectif : d’ici à la fin de l’année, la capacité annuelle de production de vaccins sur le territoire de l’Union européenne atteindra 2 à 3 milliards de doses. Cela fera de nous, avec les États-Unis, le premier producteur mondial de vaccins, et de loin !