Quand on présente les choses comme ça, évidemment…
Néanmoins, j’ai, de mon côté, connaissance d’histoires qui sont vraies. Il y avait, dans un collège de centre-ville – cette histoire n’est pas récente, elle remonte à quelques années –, une petite jeune fille qui proposait des fellations tarifées aux copains ; nous avons inclus, je vous le rappelle, les actes bucco-génitaux parmi les viols et nous avons eu raison. Personne n’était au courant ; cette jeune fille se faisait son argent de poche ainsi.
Une fois arrivée gentiment au lycée, car cela ne l’empêchait pas d’être une bonne élève, elle a continué son petit business. Or, au lycée, il y a des majeurs. Donc, avec cette disposition, on enverrait un jeune âgé de 18 ans et un jour en prison.
Quand on écoute votre argumentation, on sent vraiment que vous souhaitez lutter contre la prostitution ; d’ailleurs, je vous en félicite et il faudra effectivement travailler sur cette question. Néanmoins, il ne faut pas considérer automatiquement comme un viol tout rapport sexuel tarifé entre un majeur un mineur.
Il y a l’apparence des choses et il y a la réalité.
Je comprends bien cette intention de lutter contre la prostitution, ce dont nous reparlerons. Vous noterez néanmoins que ce texte vise à protéger les mineurs de 15 ans en fixant des règles de droit dérogatoires qui tiennent compte de leur vulnérabilité et de leur manque de discernement. L’adoption de votre amendement aboutirait à traiter tous les mineurs de la même manière, sans distinguer la situation du jeune de 17 ans et demi de celui de 12 ans. C’est très contestable. Je note également que l’achat d’actes sexuels auprès de mineurs est déjà réprimé par l’alinéa 2 de l’article 225-12-1 du code pénal, issu de la loi du 13 avril 2016 que vous connaissez bien, madame la sénatrice, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel.
Vous aviez prévu, à l’époque, une peine de trois ans d’emprisonnement, peine que l’article 1er bis E de la proposition de loi porte à cinq ans. L’adoption de votre amendement poserait donc un problème puisqu’il créerait une double incrimination pour les mêmes faits.
Il est bien sûr permis de s’interroger sur les raisons qui nous conduiraient à passer de trois ans d’emprisonnement – c’est la peine adoptée par la majorité socialiste en 2016 – à vingt ans de réclusion criminelle. Il convient donc de conserver une proportionnalité dans les peines que nous prévoyons et je doute que celle-ci serait assurée avec l’adoption de cet amendement.
En outre, on note que la peine encourue est une contravention de cinquième classe punie de 1 500 euros en cas de recours à la prostitution d’un majeur. On passerait donc d’une peine de vingt ans de prison avec un mineur de 18 ans moins un jour, à une simple contravention dans le cas d’un majeur de 18 ans et un jour. Il n’est pas certain qu’un tel écart soit véritablement proportionné. Je retiendrai vraiment de votre amendement que nous devons lutter contre la prostitution en règle générale.