Intervention de Philippe Garabiol

Commission des affaires sociales — Réunion du 31 mars 2021 à 9h00
Proposition de loi pour la prévention en santé au travail — Audition de M. Philippe Garabiol secrétaire général du conseil d'orientation des conditions de travail coct

Philippe Garabiol, secrétaire général du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) :

Je vais tenter de répondre brièvement et complètement.

Concernant l'insuffisance de prévention, la proposition de loi n'est pas une fin en soi : elle sera complétée par des textes réglementaires, mais aussi par le nouveau PST (PST 4) qui inscrira les schémas d'orientation de la loi dans une traduction plus matérielle. Enfin, il y aura la réalité de terrain avec des entreprises, des préventeurs, les Direccte et les CRPST qui seront responsables de la mise en oeuvre de la prévention primaire. Celle-ci relève de la responsabilité du chef d'entreprise, mais pas uniquement : elle est d'abord un enjeu collectif. La proposition de loi ne va peut-être pas jusqu'au bout, mais ce n'est pas son rôle. Sauf si les partenaires sociaux donnent des exemples précis, j'estime donc qu'elle remplit son rôle sur ce point. Il y a une dynamique en marche pour renforcer la prévention sur le terrain et tous les acteurs y sont favorables, ce qui est exceptionnel.

L'échec du GPO a été relatif : l'ensemble des partenaires sociaux ont trouvé un grand nombre de points d'accord et nous étions tout près de conclure. L'échec reposait sur trois points : le mode de financement des SST, la question de l'apport de la médecine ambulatoire en appui de la médecine du travail et la place de la qualité de vie au travail (QVT) dans l'économie de la prévention. Sur ces points, il a fallu du temps pour rencontrer un point de consensus.

L'ANI a bénéficié de circonstances malheureusement favorables avec la crise pandémique. Il a aussi bénéficié de l'accord rencontré par les partenaires sociaux sur le télétravail. Les obstacles qui existaient en juillet 2019 ont ainsi disparu et ont permis un accord dont tout le monde se félicite.

La certification visera le mode d'exercice des SST, leur organisation mais aussi la qualité apportée par leur offre de service aux entreprises. Elle vise donc un meilleur encadrement des SST. Sur ce point, il y a un accord général, y compris des SST : l'association Présanse a déjà travaillé sur un processus de certification. Il y a un souhait de tous les acteurs de rationaliser l'offre car le constat d'une inégalité territoriale et d'une inégalité de traitement des entreprises et des salariés est partagé. L'objectif est de résorber ces inégalités.

Faut-il des sanctions ? La sanction la plus redoutable est l'absence d'agrément. Si un SST ne répond pas aux exigences de la certification, cela posera effectivement la question de son agrément. La seule sanction graduée qui serait opérationnelle serait la réduction de la durée de l'agrément, mais je ne suis pas sûr que cela soit d'une efficacité absolue. La menace de non-renouvellement de l'agrément, accompagnée d'injonctions mais aussi d'appui, devrait permettre de redresser la situation. L'objectif est de permettre au SST de trouver les solutions pour remédier à ses déficiences, éventuellement avec la coopération d'un autre SST voire une fusion.

Le CNPST souhaite participer, et participera, à l'élaboration du cahier des charges relatif à la certification en lien avec la direction générale du travail (DGT).

Il semblerait effectivement opportun que le CRPST puisse donner son avis au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) sur l'agrément. Ce serait dans la logique d'une gouvernance territoriale de la santé au travail. Cet avis ne lierait pas le Direccte. Il serait aussi souhaitable que le CRPST ait connaissance d'un ensemble d'indicateurs liés aux SPST.

S'agissant des modalités de financement, je crois qu'à partir du moment où l'on distingue clairement l'offre socle et l'offre facultative, on aboutit à une vérité des prix. Il pourra y avoir quelques différences sur l'offre socle, qui ne devraient pas être exorbitantes. Pour les services complémentaires, en revanche, il pourra y avoir des différences substantielles : nous serons sur un marché. Par suite, les entreprises pourront comparer les prix et les services et avoir des exigences. Les SST sont, sur ce point aussi, en accord avec ces distinctions. Le mode de financement retenu me semble donc favorable à l'amélioration de la qualité.

La prévention de la désinsertion professionnelle est également au coeur de cette notion de qualité. Il s'agit d'ailleurs du point d'accord le plus important au sein du GPO, à partir d'un constat partagé de relatif échec. Comme le soulignait un de ses membres, à chaque fois que quelqu'un doit partir pour un motif d'inaptitude, c'est un échec pour l'entreprise.

Or il existe des moyens d'améliorer les choses, comme la visite de mi-carrière, les vistes de pré-reprise, etc.

Les résultats en matière de lutte contre la désinsertion professionnelle seront donc un indicateur majeur de réussite de la politique de santé au travail. La proposition de loi répond aux attentes des partenaires sociaux de ce point de vue.

S'agissant des services de santé autonomes, la logique de l'ANI est de considérer qu'ils sont englobés dans les prestations de santé au travail. Les services de santé, qu'ils soient autonomes ou interentreprises, doivent répondre aux mêmes exigences. Les services de santé autonomes, qui sont un peu moins de 200, répondent de manière satisfaisante aux besoins de l'entreprise et des salariés. Mais l'objectif est bien que la politique de lutte contre la désinsertion professionnelle n'oublie personne, quelle que soit la taille de l'employeur.

Pour ce qui concerne les indépendants, nous devons tendre vers un universalisme. Au sein du GPO, les partenaires sociaux se sont montrés unanimes pour inclure les indépendants dans le dispositif de santé au travail car les carrières ne sont désormais plus linéaires d'un point de vue statutaire. Or la prévention doit naturellement concerner l'ensemble de la carrière. Des expérimentations ont déjà eu lieu en Occitanie, notamment à Montpellier, et ont donné des résultats positifs. Il serait donc souhaitable que la proposition de loi ouvre cette possibilité.

Je relève que l'U2P est d'accord sur le principe d'une extension sur une base volontaire. Un tel mécanisme non obligatoire comporterait néanmoins le risque que les autoentrepreneurs non affiliés présentent des lacunes en matière de santé au travail. Nous devrions alors conduire un travail de conviction sur le terrain auprès des plus fragiles.

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