Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Question préalable

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Le Président de la République l’a affirmé : « partout où la République ne donne plus d’avenir, n’attendez pas que [ses] enfants l’aiment, malheureusement », mais quel avenir propose-t-il ? Rêver de devenir millionnaire ? Traverser la rue pour trouver un travail et s’acheter un costume ? Malheureusement, pour nombre d’entre nous, le fameux ruissellement est resté une chimère…

La contestation de la République se nourrit des signes d’hostilité et de relégation qu’adresse l’État. Il faut nous interroger sur le fait qu’une partie de nos concitoyens – une infime partie, rappelons-le – se détourne de notre modèle de société aussi facilement. Les discours hostiles à la République prospèrent le plus souvent dans des quartiers ghettoïsés, là où nous avons construit notre propre séparatisme, là où se concentrent la misère et la déréliction, dans des quartiers où la promesse républicaine n’est pas tenue, où le service public recule et où ce recul laisse place à des organisations privées, parfois religieuses.

La question n’est plus de savoir s’il faut moins d’État ou mieux d’État, un peu plus par-ci, un peu moins par-là ! Non, il faut, partout, plus, beaucoup plus d’État dans son rôle providentiel.

Il n’y a rien sur le volet social, dans ce projet de loi ; il n’y a rien pour lutter contre les discriminations, pour renforcer le tissu associatif, notamment l’éducation populaire, déjà fragilisée par la suppression, au début du quinquennat, des emplois aidés. Rien sur l’emploi, sur le logement ni sur la politique de la ville. Rien sur les services publics en tant que tels ni sur le déficit de cohésion territoriale. Rien sur nos structures d’accueil ni sur l’évolution de notre modèle d’intégration. Rien de ce qui, en somme, correspond à notre conception de la concorde civile.

Le Gouvernement ne s’est pourtant pas fait faute de le promettre maintes fois…

Nous partageons pourtant le diagnostic ; il existe un problème, que nous ne nions pas. Oui, il y a des réseaux religieux qui s’infiltrent de façon organisée dans la société, en France et dans une partie du monde, un projet politico-religieux qui conteste nos valeurs démocratiques, un projet qui vise à persuader certains de nos concitoyens de se soustraire aux lois de la République. Cela peut se manifester par la déscolarisation d’enfants, par une communautarisation de pratiques sportives ou associatives de façon générale, par des démonstrations de foi à l’intérieur d’entreprises, même chargées d’une mission de service public. Malheureusement, nous le constatons aussi, comme vous, messieurs les ministres.

Nous connaissons le visage du fanatisme – ma famille politique n’a jamais fait preuve de complaisance ou de compromission lors des attentats qui ont émaillé le quinquennat précédent –, mais nous prétendons que le défi est encore à relever, sans angélisme, sans amalgame, sans ambiguïté face à ces forces centrifuges.

Oui, certaines dispositions auraient pu emporter notre adhésion ; des sanctions plus sévères ou des mécanismes plus efficaces de contrôle des financements peuvent produire des effets bénéfiques, mais ils ne peuvent pas le faire seuls. Ce n’est pas ainsi que l’on confortera les principes de notre République.

Il est facile, à l’approche d’échéances électorales importantes, de ressusciter les passions tristes. En pénétrant sur le terrain du séparatisme, le Président de la République veut apporter la preuve qu’il lutte concrètement contre ce phénomène, qu’il n’est pas naïf ; il est vrai qu’il est régulièrement accusé par la droite et par l’extrême droite d’en faire trop peu sur ce sujet. Je ne sais pas si l’extrême droite s’amollit ou si le Gouvernement s’affermit ; toujours est-il que, sur le sujet qui nous réunit aujourd’hui, on ne distingue plus guère la copie de l’original…

Ainsi, après ses vaines polémiques sur « l’ensauvagement » supposé de la société française, sur les rayons halal dans les supermarchés, sur le floutage des interventions de police et à la suite d’un essai personnel parsemé d’approximations historiques, voici le ministre de l’intérieur qui revient, avec tambour et trompette, pour expliquer aux électeurs de droite que le bulletin Macron sera plus utile que celui d’un candidat Les Républicains face à la candidate du Rassemblement national.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion