Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Ses répercussions seront, de surcroît, importantes sur la vie des autres cultes. L’archevêque de Reims, président de la Conférence des évêques de France, m’écrivait dès janvier : « Pour le dire synthétiquement, la loi de 1905 est une loi de liberté. Elle risque, avec ce projet de loi, d’être transformée en une loi de contrôle, de police et de répression. » Il ajoutait : « Pour acquérir des moyens nouveaux d’empêcher les islamistes radicaux de mener à bien leur projet, l’État multiplie les contrôles et organise une nouvelle mise sous tutelle des cultes. » Je le rappelle, c’est un archevêque qui parle, pas la Défenseure des droits.

Le Conseil d’État juge lui-même que « le projet de loi alourdit les contraintes pesant sur les associations cultuelles et modifie l’équilibre opéré en 1905 par le législateur ». Ce texte consacre en fait, pour reprendre les mots de François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, « la dérive progressive et inquiétante de la compréhension de la laïcité comme la grande idée libérale de 1905 vers une neutralisation religieuse de notre société ».

Les libertés associatives sont globalement menacées par ce texte. Les associations, même non religieuses, s’en inquiètent. Elles voient en effet l’octroi de subventions conditionné à la signature d’un contrat d’engagement républicain aux contours flous et à l’engagement de s’abstenir de toute action préjudiciable à l’ordre public. Les associations écologistes pourraient bien, à terme, en pâtir à leur tour. Car il s’agit bien d’un texte de suspicion généralisée. Ses cibles sont aujourd’hui musulmanes. Elles pourraient bien se diversifier à l’avenir.

La laïcité, socle de notre cohésion nationale, n’est plus ici qu’un prétexte pour bâtir une République autoritaire et intrusive. Dans un pays sous état d’urgence sanitaire depuis plus d’un an, M. Darmanin transforme notre pacte républicain en une chape répressive. L’article 18 relatif au délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion ou la transmission d’informations sur internet, remake de l’ancien article 24 de la proposition de loi, dont le nouveau titre est « Pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés », l’atteste bien.

Ce projet de loi s’intitule lui-même « Respect des principes de la République ». « Respect », « respectueux », voilà des mots qui disent le contraire de ce que ces textes sont vraiment : liberticides. Il est à regretter que les principes étriqués de la République macronienne prennent le pas sur l’esprit de nos lois, loi de 1905 comprise.

Le combat contre le fanatisme de certains groupes islamistes et contre le terrorisme est également notre combat, mais pas en obtempérant à ce texte. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne pourra que voter contre ce texte.

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