Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous ne pouvons ouvrir ce débat sans nous accorder sur un diagnostic partagé.

Le constat qui, je crois, peut nous rassembler, au-delà de la terminologie qu’on entend lui rattacher, est celui d’une force de fragmentation exercée par des lois particulières sur la norme commune.

Il ne s’agit pas ici de défendre l’idée que les lois particulières, spirituelles notamment, porteraient en leur nature la faction, la séparation ou la sécession. Il faut le redire, ce projet de loi n’est pas animé par une défiance envers le fait religieux ni, bien sûr, à l’égard de la démarche associative.

Non, il relève d’une stricte ambition de répondre aux pressions de morcellement de la société, aux volontés d’une fraction extrémiste de la population de quitter la République et aux différentes assignations et menaces mortifères auxquelles ces désagrégations conduisent.

Ce constat d’une dynamique de fragmentation, une fois posé, doit nécessairement être dépassé pour trouver les modalités de réponse que le législateur peut lui apporter. La tâche n’est pas aisée : non seulement la réponse ne saurait être simple et univoque, mais elle n’est pas non plus réductible à un véhicule législatif.

Il apparaît, en tout cas, que la voie empruntée par le texte, dans la continuité des discours de Mulhouse et des Mureaux du Président de la République, ne remet pas en cause les libertés dont il est question. Je pense à la liberté d’association et au principe de laïcité, clé de voûte, en creux, de la loi du 9 décembre 1905 et dont découlent la liberté de conscience et le libre exercice des cultes ainsi que la neutralité de l’État.

Je pense également à des principes matriciels, tels que l’universalisme et la conception élective de la Nation, ce « plébiscite de tous les jours », pour reprendre les mots éclairants d’Ernest Renan.

L’inscription dans la continuité des législateurs du début du XXe siècle est soulignée par le Conseil d’État. Nous retrouvons cette continuité dans plusieurs des dispositions du projet de loi, telles que la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles de rapport acquis à titre gratuit ou encore le maintien de la liberté, pour les cultes, de choisir les modalités de recrutement de leurs officiants et de s’organiser sous trois régimes différents. Cela, conformément à la loi de 1907, et en procédant plutôt par un mécanisme d’incitation à rejoindre le régime de l’association cultuelle.

D’autres dispositions utiles du projet de loi ont été conservées en commission.

Je citerai : les mesures de transparence des financements étrangers ; les articles relatifs au service public, avec notamment le nouveau délit de séparatisme ; le contrat d’engagement républicain ; le renforcement de la lutte contre la haine en ligne, en cohérence avec la dynamique européenne ; ou encore la garantie de la dignité de la personne humaine au travers de l’égalité femmes-hommes.

Je n’oublie pas, bien sûr, la partie relative à l’application des dispositions en outre-mer : elle ne remet pas en question – c’est heureux – les équilibres de ces territoires, notamment en Guyane et à Mayotte.

Le texte va évoluer sous l’effet de nos débats et de nos initiatives. Certains des amendements en commission sont d’ailleurs venus utilement consolider le texte ou prévoir des assouplissements, et j’en remercie nos corapporteures. Je pense à l’explicitation du champ d’application des nouvelles obligations des associations mixtes.

Plusieurs débats vont animer notre hémicycle – ils ont d’ailleurs déjà commencé –, notamment la question du champ d’application de l’obligation de neutralité et le sujet du port des signes religieux.

Sans préjuger de leur issue, j’aimerais toutefois rappeler que, lors de l’examen en commission, plusieurs propositions allant dans ce sens ont été rejetées sur le fondement d’une question méthodologique simple, mais indispensable : les dispositions sur lesquelles nous nous prononçons permettent-elles d’atteindre le but, que nous partageons, de renforcer le respect, par tous, des principes de notre République ?

À la lumière de cette question, que nous nous sommes posée collectivement en commission, l’absence de certaines dispositions dans le texte procède, je crois, non d’une « omission mais bien au contraire d’une délibération mûrement réfléchie », pour reprendre ce qu’énonçait Aristide Briand au sujet, justement, des signes religieux.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, j’espère que cette même exigence méthodologique continuera de fonder nos débats en séance.

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