Je partage évidemment la préoccupation de M. Leroy, mais je veux lui dire combien j’estime que son amendement est superfétatoire, voire dangereux pour le but que chacun d’entre nous souhaite atteindre.
Si cet amendement vise à empêcher les élus de pratiquer, par naïveté sinon par concussion ou communautarisme, des réservations différenciées par sexe pour des motifs religieux, il me faut vous répondre que cela est déjà contraire aux lois de la République, monsieur le sénateur.
Une grande difficulté se pose aux préfets qui, au nom de l’État, contrôlent la légalité des actes, notamment du règlement intérieur d’un établissement fonctionnant en délégation de service public, tel que les piscines, ou encore un arrêté ou une instruction directe du maire visant à permettre l’accès de tel stade municipal ou de telle médiathèque de manière différenciée selon le sexe.
Si ces décisions sont prises pour des motifs religieux ou communautaires, il s’agit déjà d’actes contraires aux lois de la République. La difficulté est que le préfet ne peut pas, jusqu’à présent, saisir en urgence le maire pour le rappeler à ses devoirs, comme il peut le faire en matière de logement social : la méthode à adopter pour faire face à cette sorte de carence républicaine pourrait être calquée sur celle qui s’exerce face aux carences que nous connaissons face aux obligations posées par la loi SRU.
Une seconde difficulté porte sur l’urgence avec laquelle le tribunal administratif examine les requêtes en la matière. Vous comme moi sommes à coup sûr très attachés aux libertés locales et respectueux des collectivités locales qui doivent prendre des décisions. Il revient bien au juge administratif de décider si le préfet commet un excès de pouvoir ou non, auquel cas, sous quarante-huit heures, on doit être en mesure d’interrompre l’acte communautariste, qu’il s’agisse d’une délibération du conseil municipal ou d’un arrêté pris par un maire ou par le président d’une collectivité locale.
Tel est bien l’objet de l’article 2, que Mme la rapporteure a évoqué à juste titre : permettre ce nouveau « référé laïcité ». Désormais, en quarante-huit heures, les détenteurs de l’autorité de l’État dans les territoires pourront saisir le juge administratif pour demander à réformer la décision du maire, ou à se substituer à lui s’il devait persister dans sa politique communautariste et, si j’ose dire, antilaïque.
Pour pousser un petit plus loin la réflexion, je ne suis pas certain qu’il convienne d’instaurer un délit pénal en la matière. En revanche, il est tout à fait possible de proposer la suspension du maire, voire la fin de son mandat, comme le ministère de l’intérieur et celui des collectivités territoriales peuvent le faire en cas de menaces réitérées et de manquements divers à ses devoirs. Vous savez qu’une telle possibilité existe, même si elle n’a été utilisée que rarement. Évidemment, l’article relatif au « référé laïcité » prévoit qu’en cas de faits graves contraires aux valeurs de la République le Gouvernement pourra proposer en Conseil des ministres la révocation d’un élu particulièrement communautariste.
J’estime donc, monsieur le sénateur, que les attendus que vous évoquez sont parfaitement compris par ce projet de loi. J’espère que, sous le bénéfice de mes explications, vous voudrez bien retirer votre amendement.