La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.
La séance est reprise.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 397 rectifié, présenté par MM. C. Vial, Brisson et Rapin, Mme Joseph, MM. Le Rudulier et Savary, Mmes Belrhiti et Gruny, MM. Bascher et H. Leroy, Mme Lassarade, M. Chatillon, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Boré et Bonhomme, Mmes Dumont, Bonfanti-Dossat, Deroche et Drexler, MM. Laménie, Charon, Tabarot et Somon et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 5, seconde phrase
Après les mots :
il veille
insérer les mots :
, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire,
II. – Alinéa 2
Après le mot :
également
insérer les mots :
, sous sa responsabilité,
La parole est à M. Cédric Vial.
L’article 1er tend à inscrire dans la loi le principe selon lequel les organismes de droit privé ou de droit public chargés de l’exécution d’un service public sont soumis au principe de neutralité et de laïcité pour les activités qui relèvent de ce champ.
Il impose à ces organismes de veiller au respect de ces principes par les personnes qui participent à l’exécution du service public. J’y insiste : « veiller ». D’après le Larousse, c’est un verbe qui définit un état dans lequel nous ne sommes pas endormis. C’est une bonne chose. Ce dictionnaire nous dit aussi, en seconde définition, que « veiller à ce que », signifie « faire en sorte », mais « faire en sorte », sinon quoi ?
Cet amendement vise à préciser que l’organisme doit veiller au respect desdits principes dans le cadre de son pouvoir disciplinaire à l’égard des agents qui sont sous sa responsabilité, afin, tout simplement, de passer d’un état passif à une attention bienveillante. Nous souhaitons rappeler dans le texte qu’il ne s’agit pas simplement d’une tâche que l’on confie à cet organisme ou à ses agents, mais bien d’une responsabilité, dont le non-respect peut faire l’objet, le cas échéant, de mesures disciplinaires.
L’amendement n° 368, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1, seconde phrase
Après le mot :
veille
insérer les mots :
, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire,
II. - Alinéa 2
Après le mot :
également
insérer les mots :
, sous sa responsabilité,
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Nous comprenons la réflexion de nos collègues, mais tout cela est déjà prévu, puisque l’article 1er précise que l’organisme prend les mesures nécessaires pour faire respecter les obligations qui incombent à ses salariés. Cela comprend évidemment les mesures disciplinaires. Cette mention permet en outre à l’employeur de procéder par d’autres voies, en adaptant les stipulations du contrat de travail, par exemple. Une partie de ces amendements est ainsi satisfaite.
Ce même article dispose que l’organisme veille au respect des obligations du sous-traitant, ce qui implique nécessairement qu’il est responsable de leur observation.
Pour ces deux raisons, je sollicite le retrait de ces amendements, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
J’ai bien compris les arguments de Mme la rapporteure. Juridiquement, on est bien d’accord, mais je pensais, pour l’affichage, que cela pouvait avoir un sens d’ajouter ces mots. Cependant, je me rallie à la position de la commission et je retire mon amendement, tout en laissant mon collègue libre de son choix concernant le sien…
Sourires.
L’amendement n° 397 rectifié est retiré.
Monsieur Meurant, l’amendement n° 368 est-il maintenu ?
L’amendement n° 368 est retiré.
L’amendement n° 126 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel, Guiol, Roux et Corbisez et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 5, seconde phrase
Supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Il s’agit d’un amendement porté par notre éminente collègue Nathalie Delattre !
Sourires.
Sur un sujet aussi sensible et fondamental, notre législation doit être claire et ne pas laisser la place à des ambiguïtés ou à des sous-entendus. La marge interprétative doit être très limitée. Or, de ce point de vue, la rédaction actuelle de l’article 1er du projet demeure insatisfaisante en raison de l’ajout de l’adverbe « notamment ». Il ne s’agit pas d’un point de détail simplement rédactionnel : l’introduction de ce mot risque de donner lieu à une lecture qui étendra la portée de ces dispositions au-delà des opinions politiques et religieuses.
Pourquoi ne pas viser strictement la manifestation d’opinions religieuses ou politiques, le respect de la liberté de conscience et le traitement égal et digne des usagers ? L’ouverture que suggère ce « notamment » représente un risque, ou, à tout le moins, une incertitude que nous souhaitons à tout prix éviter.
Effectivement, ce terme est souvent évité dans la rédaction de la loi. À juste titre, parce qu’il est la plupart du temps inutile. Dans le cas présent, en revanche, il semble absolument nécessaire de le laisser, parce qu’il est utilisé pour les fonctionnaires. Il nous semble important de garder un parallélisme entre ces deux dispositions pour bien faire comprendre qu’elles renvoient aux mêmes obligations à la fois pour les fonctionnaires et pour les salariés des entreprises auxquelles a été confiée une délégation de service public. Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mme Dumont, MM. Sido, Cambon, Lefèvre, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent et Férat, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, P. Martin, Gremillet, Boré, Le Rudulier et Bouchet, Mmes Delmont-Koropoulis et Lassarade, M. Sautarel, Mme Micouleau, M. Longeot, Mmes Canayer et Deroche, M. Duplomb, Mme Malet, MM. Belin, Pointereau, Le Gleut et Laménie, Mme Schalck, MM. Bonhomme, H. Leroy et Husson, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer les mots :
politiques ou religieuses
par les mots :
religieuses, politiques ou philosophiques
La parole est à M. Roger Karoutchi.
En fait, je ne me suis pas fatigué : j’ai repris certains des éléments de la magnifique lettre de Jules Ferry en 1883 aux instituteurs, dans laquelle il leur demandait de tout faire pour que, religieusement, politiquement, philosophiquement, la sensibilité des élèves ne soit jamais heurtée par une affirmation d’un instituteur dans sa classe.
Je pense que, cent quarante ans plus tard, les choses n’ont pas beaucoup changé, d’où l’ajout de « philosophiques » que je propose. Après tout, la manifestation du service public de l’enseignement, c’est aussi de respecter les opinions de chacun en la matière, et donc la neutralité.
L’amendement n° 511 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 5, seconde phrase
Supprimer les mots :
politiques ou
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
Je ne partage pas tout à fait l’avis de mon éminent collègue Karoutchi. Notre amendement vise d’ailleurs à supprimer l’adjectif « politiques ». Dans cet hémicycle, on rend souvent un hommage vibrant aux hussards noirs de la République, mais ces derniers étaient très politiques, j’y insiste, dans le bon sens du terme.
Je le répète ici, après l’avoir dit en commission, ils étaient à la Fédération de l’éducation nationale (FEN), à la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), à la CAMIF, et ils achetaient Pif le chien le dimanche.
Ils avaient chevillée au corps la défense de la laïcité, et je pense qu’il serait très utile aujourd’hui de retrouver cette même volonté de défendre la République et la laïcité.
Vous citez Jules Ferry, mon cher collègue ; permettez-moi de citer Ferdinand Buisson, en 1911, dans son Nouveau D ictionnaire de pédagogie et d ’ instruction primaire : « Dans l’évolution de la démocratie, les instituteurs de demain continueront à peu près le même office qu’avaient rempli ceux d’hier à l’égard de la République naissante. Ceux-là avaient frayé la voie aux réformes politiques ; ceux-ci l’ouvriront aux réformes sociales. »
L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer les mots :
politiques ou
La parole est à M. Didier Marie.
Cet amendement vise lui aussi à supprimer la référence aux opinions politiques. Cette mention ne figurait pas, d’ailleurs, dans le projet de loi initial. Si elle était maintenue, nous aurions dans notre droit des rédactions divergentes entre, d’une part, l’article 25 de la loi de 1983 relative à la fonction publique, qui impose aux fonctionnaires de s’abstenir, dans l’exercice de leurs fonctions, de manifester leurs opinions religieuses, et l’article 1er de ce projet de loi, d’autre part, qui impose aux salariés participant à une mission de service public de s’abstenir de manifester leurs opinions politiques et religieuses. Rien ne justifie cette différence de rédaction, alors même que l’objet de ces deux articles est le même.
Lors de l’examen en commission des lois, Mme la rapporteure s’était montrée sensible à cette nécessité de faire converger les deux rédactions, et la commission avait d’ailleurs adopté un de nos amendements, identique à un amendement déposé par Alain Richard, pour mentionner à l’article 1er l’exigence de traiter de façon égale toutes les personnes et de respecter leur liberté de conscience et leur dignité, obligation qui s’impose déjà aux fonctionnaires en vertu de la loi de 1983.
Avec cet amendement, nous proposons d’aller au bout de cette logique en uniformisant les rédactions de ce projet de loi et de la loi de 1983. Un objectif qui nous paraît d’autant plus facile à atteindre que la mention des opinions politiques n’est pas utile, puisqu’elle est déjà couverte par l’obligation de neutralité. De plus, elle peut prêter à confusion.
C’est un débat de pure forme, car nous sommes évidemment tous d’accord pour que chacun respecte une obligation de neutralité, qu’elle soit religieuse, politique ou philosophique.
Sur l’amendement de Roger Karoutchi, c’est vrai, nous sommes contre cet ajout, non pas parce que nous sommes contre l’idée, mais parce que cette mention n’existe pas aujourd’hui dans les statuts de la fonction publique. Cela serait de nature à semer de la confusion dans la compréhension des règles, qui seraient un peu différentes pour les uns et pour les autres.
Nous sommes également contre la suppression de la référence aux opinions politiques. Si celles-ci n’apparaissent effectivement pas clairement dans certains textes, il n’existe aujourd’hui aucune marge d’interprétation sur la neutralité politique. Nous souhaitons bien conserver cette notion.
Nous demandons donc le retrait de ces trois amendements, faute de quoi nous émettrons un avis défavorable.
Je suis très inquiète à l’idée qu’un tel type de mesure puisse s’appliquer, comme ce serait probable, aux universitaires. En tant que fonctionnaires à l’université, nous devrions ainsi garder une neutralité politique, philosophique, voire religieuse, selon certains. Je trouve que cela ressemble énormément à l’amendement de Mme Darcos sur la liberté d’expression à l’université.
Ce texte ne dit pas exactement s’il s’applique à tous les fonctionnaires et, en tant que professeure d’université, j’aimerais bien quelques explications sur ces trois amendements. Je suis d’accord avec M. Marie, mais pas entièrement : on ne peut pas seulement supprimer « politiques », et laisser dire que l’on doit aussi être neutre philosophiquement.
Je vais retirer mon amendement pour faire plaisir à la commission. Je ne veux lui créer aucun embarras sur l’interprétation de l’adjectif « philosophiques », qui, à mon sens, ne prête pourtant guère à interprétation d’après le dictionnaire. Mais je veux bien imaginer que certains codes ne retiennent pas le même sens que le dictionnaire…
Madame Benbassa, soyez rassurée, car le problème n’est pas le même selon que vous avez affaire à des enfants en primaire ou en secondaire, qui, en tant que mineurs, ne jouissent pas la totalité de leurs droits civiques, ou à des étudiants à l’université, qui sont pratiquement tous majeurs et électeurs. Par définition, la neutralité ne s’entend pas de la même manière dans les deux cas. En attendant, je le répète, je retire mon amendement.
L’amendement n° 82 rectifié est retiré.
La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
J’ai du mal à suivre le raisonnement de Mme la rapporteure. Elle objecte à M. Karoutchi que la terminologie qu’il emploie s’éloignerait trop des textes précédents, et notamment de la loi de 1983, tandis que nous-mêmes souhaitons que le texte soit identique pour éviter toute confusion. Cette remarque justifie que nous maintenions notre amendement.
Monsieur le ministre, il faudra regarder si cet article s’applique aussi à l’Alsace-Moselle, parce que j’ai du mal à imaginer que l’on puisse obliger à un enseignement religieux et ne pas permettre, dans le même temps, de manifester des opinions religieuses, philosophiques et politiques. Cela va être un petit peu compliqué.
À mon sens, dans tout le texte, dans tous les amendements qui vont suivre, il faudra, chaque fois, se poser la question de l’application à l’Alsace-Moselle, où il y a un régime particulier. Si l’on ne dit pas que ce que nous votons ne s’applique pas à l’Alsace-Moselle, cela va s’y appliquer.
Je partage évidemment l’avis de rejet de ces amendements émis par la commission. Sur la question de l’Alsace-Moselle et, plus généralement, du droit local, car il convient de considérer également nos compatriotes des territoires ultramarins du Pacifique, de Guyane et de Mayotte, dont il faut respecter les spécificités reconnues au nom de la République, le texte est assez clair quant à son application dans le droit local.
On peut avoir des désaccords, comme j’ai pu en avoir à l’Assemblée nationale avec M. Coquerel, qui a fait un travail parlementaire très important, que je respecte, mais qui est frontalement opposé aux dispositions concordataires ou du droit local, que M. Ouzoulias a évoquées. Cependant, j’y insiste, aucune disposition de ce texte n’est censée ne pas être applicable en Alsace-Moselle et dans les territoires ultramarins, mais certaines seront traduites en droit local, afin de respecter l’équilibre que la République a trouvé, en faisant une promesse aux parlementaires d’Alsace-Moselle au lendemain de la Première Guerre mondiale, promesse qu’il faut savoir tenir au fil des textes. Cet équilibre s’inscrit, chacun le sait, dans la loi de 1905, comme dans la loi de 1901, qui ne s’applique pas en Alsace-Moselle comme sur le reste du territoire.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous n’êtes pas sans savoir que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont eu largement l’occasion d’expliquer que ce statut était compatible avec l’unité de la Nation et conforme au principe de laïcité, qui s’applique aussi, même si c’est de manière un peu différente, en Alsace-Moselle.
Je veux enfin souligner devant cette assemblée qu’une erreur est souvent faite dans les discussions autour de la laïcité : le Conseil constitutionnel n’a jamais consacré – peut-être le fera-t-il à l’occasion de ce texte – le principe de non-subventionnement comme un principe constitutionnel. La loi de 1905 est constitutionnalisée dans son article 1er sur la non-reconnaissance, mais c’est la loi simple qui interdit aujourd’hui le non-subventionnement. On peut même considérer que ce subventionnement existe, à travers les déductions fiscales, les baux emphytéotiques, voire, à l’avenir, des garanties d’emprunt par les collectivités locales, dont nous aurons peut-être l’occasion de parler.
En d’autres termes, le principe de subventionnement direct des ministres du culte en Alsace-Moselle ou dans certains territoires ultramarins pour les cultes reconnus n’est pas contraire à la loi de 1905 en tant qu’elle n’a pas été constitutionnalisée dans son article concernant le subventionnement.
Enfin, monsieur Ouzoulias, on peut avoir des divergences sur la nécessité de mettre fin au concordat en Alsace-Moselle, mais je veux redire que toutes ces dispositions s’appliqueront, y compris en ce qui concerne le culte. Pour l’instant, nous sommes sur l’article 1er, lequel ne relève pas des dispositions cultuelles, et qui s’appliquera aux délégations du service public, aux salariés du service public délégué, que ce soit en Alsace-Moselle ou sur le reste du territoire.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Après le mot :
religieuses,
insérer les mots :
s’abstiennent également de porter tout signe vestimentaire ostensiblement réservé aux femmes,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Il s’agit d’un amendement porté par Jean-Yves Roux.
Afin de détourner les interdictions liées au port des signes religieux, certains signes et vêtements sont parfois instrumentalisés, en dehors de toute connotation religieuse, en vue de marquer des discriminations sexuelles, et notamment dans le but d’inférioriser les femmes. Pour pallier ces risques, il importe de ne pas se limiter aux manifestations religieuses et d’élargir la loi à tout ce qui symboliserait objectivement toute forme de discrimination à l’égard des femmes.
Avec un tel principe ajouté à la loi, les juges et les administrations seraient alors à même d’encadrer et de contrôler certaines dérives susceptibles d’être observées dans l’exécution du service public.
Vous proposez d’ajouter à l’article les mots « s’abstiennent également de porter tout signe vestimentaire ostensiblement réservé aux femmes ». Je sais bien à quoi vous pensez, mais quid des jupes ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. M. le ministre me donne des idées.
Sourires.
Je vous comprends, mais votre rédaction appelle un trop grand effort d’interprétation ; donc, nous vous appelons à retirer votre amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Je suppose que vous défendez le kilt ?
Sourires.
M. Jean-Claude Requier. Non, je vais le retirer. Vous savez que j’aime le rugby. À ce titre, je vais en Écosse, où l’on peut voir des hommes en kilt. Madame la rapporteure, vous m’avez convaincu.
Sourires.
Mme la présidente. Parfait, on va pouvoir créer un club du kilt ce soir !
Nouveaux sourires.
L’amendement n° 276 rectifié est retiré.
L’amendement n° 127 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel et Roux, Mme Guillotin et MM. Fialaire et Corbisez, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 5, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, sans discrimination
La parole est à M. Henri Cabanel.
La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations définit de manière claire et détaillée ce qu’est une discrimination. Elle érige ce principe en l’un des fondements les plus élémentaires de notre droit et de notre société. Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er du projet de loi précise bien que toutes les personnes doivent être traitées de façon égale dans le cadre du service public. Néanmoins, il paraît nécessaire d’aller au-delà, en précisant que tout traitement doit être fait sans discrimination. Nous avons ici l’occasion de réaffirmer un principe qui est au cœur de notre pacte républicain. L’objet de ce projet de loi étant précisément de conforter le respect des principes de la République, il est indispensable que celui de la non-discrimination y soit inscrit.
Je comprends l’objet de cet amendement, mais cette mention fait doublon avec ce qui est déjà prévu dans le texte. L’article 1er précise que toutes les personnes doivent être traitées de manière égale, ce qui fait obstacle à toute forme de discrimination.
Nous vous invitons à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 127 rectifié est retiré.
L’amendement n° 128 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Cabanel, Roux, Gold et Corbisez, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les dispositions du présent alinéa ne font pas obstacle au respect du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche fixé par l’article L. 952-2 du code de l’éducation.
La parole est à M. Henri Cabanel.
Le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche a été consacré comme principe fondamental reconnu par les lois de la République. Si l’article 1er du projet de loi vient réglementer l’exercice du service public, notamment du point de vue des manifestations d’opinion, il est nécessaire que l’indépendance universitaire soit préservée. Aussi, nous souhaitons préciser que les dispositions de l’article 1er ne doivent pas faire obstacle au respect du principe d’indépendance des enseignants- chercheurs.
Cet amendement semble satisfait, puisque l’article 1er n’introduit dans la loi que des obligations principalement applicables aux salariés de droit privé. Les agents publics, catégorie à laquelle appartiennent les enseignants-chercheurs, demeurent soumis aux obligations déjà prévues par les statuts de la fonction publique. L’articulation entre ces dernières dispositions et celles du code de l’éducation ne sont pas remises en cause. Demande de retrait ou avis défavorable.
L’amendement n° 128 rectifié est retiré.
L’amendement n° 633, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux agréées dans les conditions prévues à l’article L. 481-1 du même code, lorsqu’ils participent à l’exécution du service public, ainsi que les entreprises ferroviaires, lorsqu’elles assurent des services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs mentionnés à l’article L. 2121-12 du code des transports, à l’exception des services de transport international de voyageurs, sont soumis aux obligations mentionnées au premier alinéa.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement important tend à montrer l’étendue du champ de ce texte et, notamment, de son article 1er.
Vous avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que celui-ci prévoit d’imposer la neutralité, notamment religieuse, mais aussi politique, évidemment, à tous ceux qui concourent au service public : les fonctionnaires – cela va de soi –, mais aussi tous ceux qui s’inscrivent dans le cadre de la fonction publique sans avoir le statut de fonctionnaire, à savoir les contractuels, qui sont de plus en plus nombreux et représentent aujourd’hui à peu près 20 % de la fonction publique, ainsi que les apprentis et les stagiaires.
Ces obligations s’imposeront également aux délégations de service public ; on pense aux sociétés de transport, de marchés, ou encore de gestion de lieux nautiques.
Enfin, il y a les sociétés qui concourent directement au service public et les appendices de celui-ci. Il convient de les définir, car tout n’est pas service public !
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, les TGV ne sont pas considérés comme des services publics au sens juridique du terme.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je dis bien « au sens juridique du terme », et je le dis d’autant plus tranquillement que je n’ai de ma vie d’élu jamais délégué un service public, ce qu’avaient beaucoup fait mes prédécesseurs d’une certaine couleur politique.
Protestations sur les travées du groupe CRCE.
Vous avez participé au Gouvernement qui a fait le nouveau pacte ferroviaire !
Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas ici pour refaire le débat sur la SNCF. Simplement, je veux rappeler que le TGV n’est pas un service public.
Il est vrai que les dispositions que le Gouvernement a voulu introduire à l’Assemblée nationale prévoyaient explicitement, à ma demande, que les agents des services de logement HLM, qui concourent évidemment au service public, pour plein de raisons qui tendent à une manifestation de la puissance publique dans leur travail, soient soumis à ce devoir de neutralité ; je m’en étais expliqué avec Mme Lienemann, dont je sais qu’elle suit particulièrement ce dossier. Toutefois, tous les offices HLM ne constituent pas des services publics stricto sensu du fait de leur statut juridique, notamment quand ils relèvent de sociétés d’économie mixte.
Cet amendement vise donc à élargir le champ du service public. Vous n’ignorez pas que ce champ est souvent déterminé par des critères fixés par le juge administratif : le fait que la majorité du capital soit publique, que les décisions en conseil d’administration soient prises par une autorité publique, ou encore qu’ils exercent des prérogatives de puissance publique. Cependant, la loi peut également définir ce qu’est le service public : cela plaira sans doute à certains d’entre vous !
Nous avons donc voulu faire entrer les TGV dans le champ du service public. À défaut, les obligations prévues à cet article s’appliqueraient dans les TER et les trains Intercités, mais non dans les TGV. Avouez que ce sujet pourrait être complexe pour le personnel de la SNCF, qui ne serait soumis à la neutralité que dans certaines catégories de trains ! De même, nous avons voulu préciser que tous les offices HLM, quelle que soit leur structure juridique, relèvent du service public.
Ainsi, l’article 1er s’imposera à ces dizaines de milliers de salariés. Je voudrais à ce propos réitérer ici, avec beaucoup d’honnêteté et de force, que les agents de la SNCF, quel que soit leur contrat, mais aussi ceux des offices HLM, de manière générale et pour la quasi-totalité d’entre eux, respectent la neutralité comme s’ils étaient agents du service public. Néanmoins, un certain nombre de garde-fous peuvent être requis ici ou là. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, à la fois important et original dans sa construction du service public.
Je suis favorable à cet amendement, mais je voudrais souligner, monsieur le ministre, que les organismes HLM relèvent tous du service public, qu’il s’agisse d’offices, d’entreprises sociales pour l’habitat (ESH), ou de coopératives. L’Union sociale pour l’habitat édite d’ailleurs, depuis quelques années, un guide très précis sur les obligations de neutralité et de laïcité au sein de ces organismes, qu’il s’agisse de leurs salariés ou des contrats qu’ils concluent.
En revanche, monsieur le ministre, vous avez raison : les sociétés d’économie mixte qui gèrent des logements sociaux ne sont pas aujourd’hui soumises à la même contrainte. En cela, votre amendement tend à apporter de la cohérence et du sérieux à la disposition proposée.
M. Gérald Darmanin, ministre. Qui est pour la nationalisation de la SNCF ?
Sourires.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les organismes de droit public ou de droit privé soumis aux obligations prévues au premier alinéa à la date de publication de la présente loi restent soumis à ces mêmes obligations indépendamment de l’évolution de leur régime juridique, sauf disposition contraire.
La parole est à M. Didier Marie.
Par cet amendement, dans la logique de celui que vous venez de nous présenter, monsieur le ministre, nous proposons d’aller un petit peu plus loin et d’inscrire dans la loi qu’un organisme qui entre aujourd’hui dans le périmètre de l’article 1er resterait soumis au respect des principes de laïcité et de neutralité quand bien même il n’y entrerait éventuellement plus, parce que son régime juridique aurait évolué.
Pour le dire autrement, il s’agit de poser le principe selon lequel le passage d’un organisme du service public vers le domaine concurrentiel est sans conséquence sur l’application du principe de laïcité à cet organisme. Il s’agit en quelque sorte d’un mécanisme de cliquet, qui vise à garantir que le passage du service public au champ concurrentiel ne sera pas l’occasion d’une baisse d’ambition en matière de respect du principe de laïcité.
Cet amendement tend à garantir que les organismes qui exécutent un service public en application d’une loi ou d’un règlement continuent d’être soumis aux principes de neutralité, de laïcité et d’égal accès au service public même si leur régime juridique est amené à évoluer dans le futur.
Or ces organismes sont justement soumis à de telles obligations parce qu’ils exercent des activités liées à l’intérêt général. Dans l’hypothèse où leur régime juridique évoluerait sans remettre en cause l’exercice d’un service public, ils continueraient à être soumis aux mêmes obligations, en application du présent article. Dans l’autre hypothèse, s’ils ne devaient plus être chargés de l’exécution d’un service public, il ne serait pas normal de les traiter différemment des autres entreprises.
Dès lors, au vu de ces deux hypothèses, la disposition proposée ne me semble pas justifiée : elle est soit inutile, soit contraire au principe d’égalité devant la loi. La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 57 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 378 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy et Savary, Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. Menonville et Regnard, Mmes Micouleau, Goy-Chavent et Thomas, MM. Le Rudulier, Bonne, Bouchet et Klinger, Mmes Imbert et Herzog, MM. Longeot, Hingray, Wattebled et Saury, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Bonfanti-Dossat et Dumont, MM. Laménie, Tabarot, Burgoa et Chasseing, Mme Deseyne, MM. Levi et Grand, Mmes Belrhiti et Lassarade, M. Houpert, Mme de Cidrac et MM. B. Fournier, Segouin et Maurey, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La section 4 du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2213-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-…. – Lorsqu’un procès-verbal a été dressé constatant une pratique constitutive d’un refus discriminatoire à l’accès d’un établissement public accueillant du public, y compris en subordonnant cet accès à des horaires particuliers, le maire en avise le responsable des sanctions qu’il encourt et peut, sans préjudice des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale et après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, écrites ou orales, le mettre en demeure d’y mettre fin sans délai.
« Si l’intéressé n’obtempère pas à cette injonction, le maire peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, ordonner :
« 1° La fermeture de l’établissement au public pour une durée n’excédant pas trois mois ;
« 2° Le versement d’une astreinte journalière au plus égale à 1 000 euros courant à compter d’une date fixée par la décision jusqu’à ce qu’il ait été mis fin à la pratique discriminatoire. Le montant maximal de l’astreinte mise en recouvrement ne peut être supérieur au montant maximal de l’amende prévue au dernier alinéa de l’article 225-2 du code pénal.
« Le fait, pour le responsable de l’établissement public, de ne pas respecter une décision de fermeture prise en application du 1° du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »
La parole est à M. Henri Leroy.
L’égalité entre les hommes et les femmes est trop souvent bafouée.
Cet amendement vise donc à interdire les horaires d’accès à un établissement ouvert au public séparés pour les hommes et les femmes.
Il s’agit en particulier de créer une police spéciale du maire pour la répression des discriminations à l’accès des établissements publics accueillant du public.
En vertu de cette police spéciale, le maire serait d’abord tenu d’informer le contrevenant des sanctions encourues. Cette obligation, inspirée de ce qui existe en cas de constat d’infraction en matière de déchets, donnerait en outre un argument aux maires sollicités par des associations qui réclament, sans aucune justification réelle, la mise à disposition de piscines publiques dans une intention discriminatoire.
Le maire pourrait aussi, dans le respect des droits de la défense, prononcer des sanctions administratives, bien entendu sans préjudice de ce que pourrait décider la justice, saisie parallèlement : fermeture de l’établissement public ou astreinte journalière.
Au passage, il est précisé dans cet amendement qu’il y a discrimination en cas d’accès autorisé selon des horaires particuliers. Serait ainsi levée toute ambiguïté éventuelle sur le fait qu’il s’agit là d’une discrimination. Ce dispositif vise tous les établissements publics ouverts au public.
Mon cher collègue, nous avons eu de nombreux échanges sur ce sujet. Je peux partager votre sentiment quant à la nécessité d’agir pour lutter contre ces formes de communautarisme.
En revanche, nous nous posons sincèrement des questions sur les éventuelles sanctions pénales auxquelles s’exposeraient les maires ou les responsables de ces atteintes à la laïcité : ces sanctions interviendraient dans un champ beaucoup trop long pour constituer une réponse effective. L’application de ces mesures serait compliquée.
Par ailleurs, vous faites référence à l’article 225-2 du code pénal, mais cette assise juridique ne semble pas tout à fait certaine.
Surtout, j’estime que des solutions efficaces peuvent être apportées par le présent projet de loi, qui a des forces et des faiblesses. Je pense en particulier, à la suite de réflexions que nous avons eues au sujet de votre amendement, à l’article 2, qui élargit les pouvoirs du préfet en matière de déféré accéléré lorsque le principe de laïcité est mis à mal, mais également à l’article 4, qui apporte des garanties contre les pressions communautaristes exercées sur les élus ou les personnes en charge d’un service public.
Votre amendement peut être considéré comme satisfait par ces deux articles. C’est à ce titre que je vous propose de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Je partage évidemment la préoccupation de M. Leroy, mais je veux lui dire combien j’estime que son amendement est superfétatoire, voire dangereux pour le but que chacun d’entre nous souhaite atteindre.
Si cet amendement vise à empêcher les élus de pratiquer, par naïveté sinon par concussion ou communautarisme, des réservations différenciées par sexe pour des motifs religieux, il me faut vous répondre que cela est déjà contraire aux lois de la République, monsieur le sénateur.
Une grande difficulté se pose aux préfets qui, au nom de l’État, contrôlent la légalité des actes, notamment du règlement intérieur d’un établissement fonctionnant en délégation de service public, tel que les piscines, ou encore un arrêté ou une instruction directe du maire visant à permettre l’accès de tel stade municipal ou de telle médiathèque de manière différenciée selon le sexe.
Si ces décisions sont prises pour des motifs religieux ou communautaires, il s’agit déjà d’actes contraires aux lois de la République. La difficulté est que le préfet ne peut pas, jusqu’à présent, saisir en urgence le maire pour le rappeler à ses devoirs, comme il peut le faire en matière de logement social : la méthode à adopter pour faire face à cette sorte de carence républicaine pourrait être calquée sur celle qui s’exerce face aux carences que nous connaissons face aux obligations posées par la loi SRU.
Une seconde difficulté porte sur l’urgence avec laquelle le tribunal administratif examine les requêtes en la matière. Vous comme moi sommes à coup sûr très attachés aux libertés locales et respectueux des collectivités locales qui doivent prendre des décisions. Il revient bien au juge administratif de décider si le préfet commet un excès de pouvoir ou non, auquel cas, sous quarante-huit heures, on doit être en mesure d’interrompre l’acte communautariste, qu’il s’agisse d’une délibération du conseil municipal ou d’un arrêté pris par un maire ou par le président d’une collectivité locale.
Tel est bien l’objet de l’article 2, que Mme la rapporteure a évoqué à juste titre : permettre ce nouveau « référé laïcité ». Désormais, en quarante-huit heures, les détenteurs de l’autorité de l’État dans les territoires pourront saisir le juge administratif pour demander à réformer la décision du maire, ou à se substituer à lui s’il devait persister dans sa politique communautariste et, si j’ose dire, antilaïque.
Pour pousser un petit plus loin la réflexion, je ne suis pas certain qu’il convienne d’instaurer un délit pénal en la matière. En revanche, il est tout à fait possible de proposer la suspension du maire, voire la fin de son mandat, comme le ministère de l’intérieur et celui des collectivités territoriales peuvent le faire en cas de menaces réitérées et de manquements divers à ses devoirs. Vous savez qu’une telle possibilité existe, même si elle n’a été utilisée que rarement. Évidemment, l’article relatif au « référé laïcité » prévoit qu’en cas de faits graves contraires aux valeurs de la République le Gouvernement pourra proposer en Conseil des ministres la révocation d’un élu particulièrement communautariste.
J’estime donc, monsieur le sénateur, que les attendus que vous évoquez sont parfaitement compris par ce projet de loi. J’espère que, sous le bénéfice de mes explications, vous voudrez bien retirer votre amendement.
J’entends bien ces arguments et je les comprends. Il n’en reste pas moins que, sur le terrain, de nombreux maires sont confrontés à ce type de problèmes. Souvent, par crainte, peut-être par négligence, ou pour tout autre motif, ils se retrouvent dans une situation difficile et inextricable et finissent par attendre du législateur une solution plus claire que ce qui a été expliqué tant par Mme la rapporteure que par M. le ministre, que je comprends parfaitement. Je suis bien au courant du fait que ce dispositif pourrait s’appliquer aux maires.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 378 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 284 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Regnard, Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Après les mots :
code de la commande publique,
insérer les mots :
y compris une délégation de service public mentionnée à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales,
La parole est à M. Bruno Retailleau.
Il s’agit d’un amendement quelque peu technique et je sais d’avance que la commission va me demander de le retirer, comme satisfait. Je voudrais donc simplement expliquer pourquoi j’ai souhaité le présenter.
L’objet de l’article 1er de ce texte est bien entendu de garantir la neutralité des services publics, quel qu’en soit le mode de gestion. Cet article n’est pas tombé de nulle part : il consacre la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, exprimée dans son arrêt du 19 mars 2013. Je veux citer cette jurisprudence très large : « Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. »
Or je redoutais, monsieur le ministre, que votre rédaction soit beaucoup plus fermée. Le premier alinéa de cet article commence ainsi : « Lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public… ». Si je comprends bien, il faut que la loi ou le règlement confie un service public à un organisme public ou privé pour que la neutralité s’y applique. Or vous savez bien qu’il existe des services publics qui sont confiés par contrat, ou encore d’autres qui acquièrent cette nature par le fait que leur activité est d’intérêt général. Ajoutons-y enfin les délégations de service public confiées à des organismes privés par des collectivités territoriales.
Bref, je veux m’assurer que la rédaction choisie par le Gouvernement pour cet article vise bien tout le champ de la jurisprudence de la Cour de cassation. Si tel n’était pas le cas, s’il subsistait des trous dans la raquette, ce serait grave ! J’attends sur ce point tant la réponse de Mme la rapporteure que celle de M. le ministre.
C’est au ministre de vous rassurer, monsieur Retailleau, plus qu’à moi. Nous avons examiné avec attention cet amendement, auquel vous tenez, et je peux vous assurer que toutes les concessions entrent bien dans le champ de l’article 1er. Vous avez eu raison de nous interroger pour en avoir la certitude. Cet amendement est donc satisfait, au vu de notre analyse, mais je laisse M. le ministre vous apporter plus de précisions.
Monsieur Retailleau, je voudrais dire ici à quel point je crois que votre amendement est satisfait, voire bien plus encore, par les dispositions de cet article et les amendements déjà adoptés, comme l’amendement n° 633 du Gouvernement sur les TGV et les offices HLM qui ne constituaient pas, en tant que tels, des structures de service public.
Dans la première partie de l’article 1er, on trouve ce qui relève de la loi et du règlement ; dans la seconde, on traite de la commande publique, ce qui englobe tout ce qui concourt aux contrats, qu’il s’agisse de délégations de service public, de concessions de service public, de contrats relevant du droit des marchés publics, ou encore d’accords de gré à gré avec des associations, sujet sur lequel nous reviendrons, parce qu’il pose parfois des questions, lors de l’examen des dispositions relatives au contrat d’engagement républicain.
Je veux cependant être tout à fait honnête avec vous : cet article prévoit deux exceptions, que nous assumons pleinement.
La première vise les établissements éducatifs sous contrat d’association. Certes, ils concourent au service public, mais il serait quelque peu absurde de les soumettre aux principes de neutralité et de laïcité alors qu’il s’agit, par exemple, d’écoles catholiques. Nous les avons donc sortis du champ de cet article.
La seconde porte sur les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), à savoir des hôpitaux et des Ehpad qui sont souvent gérés selon des principes religieux et où interviennent d’ailleurs encore des religieuses ; cela s’explique par une tradition longue et complexe en la matière dans notre pays, qui comprend notamment une culture chrétienne.
Voilà les deux exceptions que nous avons prévues : ces établissements concourent manifestement au service public, mais nous avons rédigé cet article de manière qu’ils ne soient pas embêtés, si j’ose dire, par ces dispositions.
Je veux par ailleurs préciser qu’il y a des marchés publics conclus par les collectivités qui n’ont rien à voir avec le service rendu au public. Cet article ne prévoit pas – ce serait sans doute contraire à la Constitution – d’imposer ces principes à une entreprise ou à une association d’insertion qui travaillerait pour le compte d’une collectivité pour, par exemple, nettoyer la mairie quand celle-ci est fermée : nous ne pouvons pas obliger les dames qui viennent nettoyer les marches de la mairie en dehors des horaires d’ouverture à retirer leur foulard si elles en portent un. Ce n’est pas ce que dit le texte !
En revanche, si un maire délègue à une entreprise ou à une association, par un marché public ou même par un contrat d’insertion conclu de gré à gré sans recours aux mécanismes de la commande publique, l’accueil du public à la mairie, ou encore le répondeur d’appel pour les problèmes de voirie ou toute autre difficulté que rencontre le public, alors la neutralité s’imposera.
Notre approche va donc bien au-delà de la jurisprudence de la Cour de cassation, monsieur Retailleau, puisque nous étendons très largement le champ du service public ; il n’y a pas de doute sur ce point.
Il convient même sans doute de travailler – je veux le dire à ceux qui nous écoutent dans les entreprises de transport ou les sociétés qui exploitent, par exemple, des piscines publiques – sur l’application de ces dispositions aux sous-traitants. Ainsi, une société de transport agissant en vertu d’une délégation de service public qui aurait recours en sous-traitance à une société de médiation pour répondre à un appel d’offres serait soumise au principe de neutralité : sur ce point, nous allons beaucoup plus loin que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Il me semble donc que votre amendement est pleinement satisfait, nonobstant les deux exceptions citées : j’imagine que vous pourrez convenir qu’elles sont bienvenues.
Les deux exceptions, portant sur les établissements d’enseignement privés sous contrat et sur les Espic, ne m’avaient pas échappé. Je voulais m’assurer que toutes les formes contractuelles de la commande publique étaient bien couvertes, comme elles l’étaient dans la jurisprudence initiale de la Cour de cassation, qui était assez large. Dans un premier temps, j’avais craint que la rédaction de cet article ne referme quelque peu ce champ. Ce qu’a dit M. le ministre est intéressant ; ce sera bien entendu noté au compte rendu, auquel un certain nombre d’entreprises et d’autres acteurs pourront se référer.
Sous le bénéfice de ces explications, je retire mon amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 284 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
L ’ article 1 er est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 58 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 236 rectifié quater, présenté par MM. Savin, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Goy-Chavent et Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul et Pemezec, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mmes Bourrat et L. Darcos, MM. Daubresse et Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le règlement d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité.
La parole est à M. Michel Savin.
À ce jour, les piscines et les espaces artificiels de baignade publique ne sont pas soumis au respect strict des principes de neutralité des services publics et de la laïcité. Ainsi, rien n’interdit le port de signes religieux. Je tiens à souligner que je parle ici de tout signe religieux !
Aux termes de cet amendement, les règlements de ces établissements devront garantir le respect de ces principes de neutralité et de laïcité.
Actuellement, les règlements intérieurs encadrent seulement les vêtements autorisés du point de vue de l’hygiène et à la sécurité.
En outre, ces règlements sont laissés à l’appréciation des maires. Or nous pouvons constater que certains d’entre eux sont soumis à de fortes pressions communautaires et que d’autres peuvent céder à des tentations clientélistes, voire promouvoir une vision de la société contraire à nos principes républicains.
Je veux en prendre un exemple. Ces dernières années, dans mon département, la ville de Grenoble, comme d’autres villes ailleurs en France, a été le théâtre d’actes de désobéissance civile de la part de militantes en burkini qui ont enfreint les règlements intérieurs des piscines au nom de la liberté des femmes à vivre leur foi comme elles l’entendaient.
Ces actes de provocation médiatisés ont créé une vive polémique nationale. Le maire écologiste de Grenoble n’est jamais sorti de son ambiguïté et il en a appelé à la responsabilité de l’État, déclarant : « Si c’est une question de laïcité, le Gouvernement doit prendre position. »
Avec ce projet de loi, nous voici à ce moment de responsabilité !
Marlène Schiappa l’a dit vendredi dernier : « Il y a un combat culturel à mener. Nous faisons face à une petite minorité qui promeut un islam radical et rétrograde, notamment pour les femmes. »
Par ailleurs, monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez déclaré que, sous couvert de combattre l’islamophobie, certaines associations font pression sur les pouvoirs publics pour promouvoir des règles compatibles avec la charia.
Nous le savons tous, cette pression est de plus en plus forte en France ; il est de la responsabilité de l’État de ne pas laisser les maires seuls en première ligne.
De petites compromissions en grands renoncements, le risque est de voir les digues progressivement céder au gré des spécificités sociologiques et politiques des territoires.
Or c’est bien l’ambition de ce projet de loi que de préserver l’unité du pays, qui se fissure peu à peu, autour de nos principes républicains.
La liberté de culte est un bien précieux dans notre pays ; elle ne doit pas être une porte ouverte à des organisations communautaristes qui veulent faire prospérer un projet politico-religieux à l’opposé de nos valeurs.
Madame Boyer, le sous-amendement que vous aviez déposé sur cet amendement a dû être retiré, car M. Savin avait rectifié le dispositif de son amendement, rendant votre sous-amendement sans objet.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 236 rectifié quater ?
La commission a examiné ce matin cet amendement de M. Savin dans sa rédaction initiale, sur laquelle nous avons émis un avis défavorable. Ce soir, nous avons pu le réexaminer dans une version rectifiée que voici : « Le règlement d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité. » La commission a émis un avis favorable sur cet amendement rectifié.
Monsieur Savin, c’est une question très importante que vous posez, mais le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et ce pour trois raisons.
Premièrement, la loi permet aujourd’hui aux collectivités territoriales d’interdire des vêtements dits « religieux » pour deux motifs : non pas pour des motifs religieux, ce qui serait contraire à la Constitution et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais pour un motif d’ordre public ou un motif d’hygiène.
Ainsi, chacun aura pu constater que j’ai pris la défense de Mme la présidente de la région d’Île-de-France quand la Défenseure des droits a affirmé que le règlement intérieur prévu pour les bases de loisir de cette région était discriminatoire. Ce n’est évidemment pas la lecture que je fais de la loi de la République, bien au contraire : il est bien fondé que les élus de la République puissent interdire dans les règlements intérieurs des établissements publics ou gérés par délégation de service public, pour des motifs d’ordre public ou d’hygiène, des vêtements qui ne seraient pas conformes aux vêtements traditionnellement portés dans ces lieux ; je pense notamment au burkini, mais il ne s’agit pas que de lui.
Deuxièmement, je me permettrai de vous rappeler avec un peu de facétie, monsieur le sénateur, que le principe de libre administration des collectivités locales ne me permet pas d’interdire, de fait, des dispositions qui relèvent stricto sensu de la compétence des élus locaux, dans le cadre de la loi. Vous avez certes bien raison de souligner le communautarisme, le clientélisme, ou la naïveté – peut-être cette troisième hypothèse n’est-elle plus tout à fait à l’ordre du jour – de certaines collectivités locales et, notamment, de la ville de Grenoble, qui a sciemment organisé certaines manifestations, d’ailleurs souvent avec des associations subventionnées…
Vous aurez d’ailleurs constaté que, depuis notre arrivée au Gouvernement, soit nous procédons à la dissolution en Conseil des ministres des associations évoquées, soit nous proposons à la Commission européenne de mettre fin à leur subventionnement ; c’est le cas de l’association grenobloise Alliance citoyenne.
Pour autant, monsieur le sénateur, je me vois mal imposer aux collectivités locales, par la voie législative, des mesures qui relèvent de leur responsabilité. La libre administration des collectivités locales, c’est aussi la liberté d’assumer ses propres décisions politiques vis-à-vis de ses concitoyens, lorsqu’elles ne sont pas profondément contraires à l’ordre public et aux principes de la salubrité.
Troisièmement, je veux ici redire – nous avons déjà eu ce débat – que l’expression religieuse des usagers du service public est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par la Constitution et par notre État de droit. Nous ne pouvons pas priver ces usagers par principe, comme vous le proposez dans cet amendement, de l’expression d’une opinion religieuse.
La neutralité ne s’impose pas aux usagers du service public ! Je peux tout à fait comprendre votre réaction à cette provocation autour du burkini, mais allons-nous demain interdire le port d’un signe religieux dans un autobus, qui est un espace de service public délégué par les collectivités locales ? Allons-nous le faire sous un abribus ? J’ai même entendu des députés proposer de légiférer sur les abords immédiats des lieux de service public, comme le parvis d’une mairie !
Ce n’est pas de bonne facture que de faire la loi de cette façon, me semble-t-il. Quel message enverrait la censure de ces dispositions ! Cela serait source d’une nouvelle insécurité pour les maires. Au contraire, nous voulons encourager les élus de la République à prendre des dispositions qui sont déjà prévues par la loi, mais qui demandent un peu de courage politique.
Je voudrais rappeler, monsieur le sénateur, qu’on n’est jamais obligé de céder au communautarisme et au clientélisme religieux. Vous savez que j’ai consulté M. le président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) au sujet, notamment, d’une disposition qui me paraissait encore plus intrusive, peut-être, que celle que vous proposez, disposition relative aux permis de construire délivrés pour les lieux cultuels.
J’avais pu constater que, dans certains endroits de la République, quand la population d’une certaine religion est trop nombreuse, il est difficile pour l’élu de refuser de délivrer un permis de construire à une association cultuelle pour un lieu de culte. J’avais donc proposé que l’on transfère la délivrance de ces permis de construire au préfet, qui n’est présent que deux ou trois ans dans un territoire donné et peut endosser la responsabilité de décisions plus difficiles vis-à-vis des citoyens de telle ou telle commune.
François Baroin a tout à fait compris l’objet de cette disposition – je veux à ce propos saluer l’esprit avec lequel nous avons travaillé sur ce texte avec l’AMF et son président –, mais il m’en a découragé, en m’expliquant que, à son avis, la libre administration des collectivités locales et la responsabilité politique ne devaient pas être niées en la matière ; l’article 72 de la Constitution peut être envisagé des deux côtés.
Pour résumer, monsieur Savin, les élus peuvent prendre des dispositions soutenues par l’État et conformes au droit dans le règlement intérieur de ces établissements. Cela va avec la liberté et la responsabilité de chacun. Ces élus me trouveront en tout cas toujours à leurs côtés pour les soutenir face au clientélisme.
M. Guillaume Gontard. Je suis quelque peu étonné par cet amendement. Je tiens tout de même à rappeler que les élections municipales sont passées, car je sens qu’il y a comme un petit relent derrière tout cela…
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
J’en reviens à l’amendement. À part à faire le buzz, à quoi sert-il ? Il faut que l’on m’explique, une fois pour toutes, s’il peut s’appliquer !
M. le ministre a eu raison de rappeler que les principes de neutralité s’appliquaient aux agents, mais pas aux usagers. Pourquoi reviendrait-on sur ce principe s’agissant des piscines, et pas pour d’autres lieux ? Cet amendement ne tient absolument pas la route !
Les usagers du service public ont donc le droit d’exprimer leurs convictions, religieuses ou autres, dans les limites du respect du bon fonctionnement du service et des impératifs de sécurité, de santé et d’hygiène ; cela me paraît assez clair.
Par ailleurs, des règlements sont mis en place dans les piscines et il existe, en effet, une responsabilité des maires à cet égard. Vous avez parlé de Grenoble, mon cher collègue : la piscine que vous évoquez est dotée d’un règlement, en vertu duquel, me semble-t-il, les personnes ayant mené l’action que vous dénoncez n’ont pas pu entrer dans ledit établissement. La réponse donnée a donc été très claire et très simple.
J’irai plus loin : comment cet amendement peut-il s’appliquer ? Je voudrais bien que l’on m’explique ce qu’il y a de religieux dans un maillot de bain couvrant !
Marques d ’ agacement sur les travées du groupe Les Républicains.
Dans une piscine, on se couvre d’ores et déjà la tête. Par conséquent, comment allez-vous, juridiquement, expliquer que cet accoutrement, le maillot de bain couvrant, a une connotation religieuse ? C’est clairement impossible !
Par ailleurs, s’il existe, bien sûr, des associations qui demandent pour des raisons religieuses que cette tenue soit autorisée, il y en a d’autres – j’en ai rencontré beaucoup –, notamment des associations de personnes handicapées et de personnes âgées, qui souhaitent aussi qu’elle soit permise. Et il y a aussi, tout simplement, des femmes et des hommes qui veulent aller à la piscine, mais qui n’ont pas envie de montrer leur corps, parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec.
Protestations sur les mêmes travées.
Oui, cela existe ; cela s’appelle l’inclusion, et nous devons y réfléchir !
La responsabilité des maires existe, et j’en prendrai un exemple.
La mairie de Rennes a autorisé le port du maillot de bain couvrant dans les piscines municipales, et l’a inscrit dans leur règlement.
Je commencerai par un point de méthode. Cela a été rappelé par Mme la rapporteure, cet amendement, qui avait été repoussé par la commission, a été subitement rétabli par celle-ci dans des conditions pouvant susciter un certain questionnement.
Sur le fond, cet amendement pose de nouveau la question de ce qu’est un signe religieux. Comment définir un burkini ? Doit-on le définir exclusivement selon la personne qui le porte ? Et sous-entend-on que cette personne, dès lors qu’elle le porte, a nécessairement et obligatoirement des arrière-pensées ?
Il est donc véritablement problématique de définir la manifestation ostensible de convictions religieuses au travers d’un vêtement.
Par ailleurs, que ferez-vous lorsqu’une personne exhibera un tatouage – je caricature à peine ! – manifestant ses convictions religieuses ?
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Sourires sur les travées du groupe SER.
Cet amendement est contraire aux principes que nous souhaitons défendre. On ne saurait prévoir, en vertu du principe de laïcité, une interdiction générale et absolue du port de tels signes dans l’espace public sans remettre en cause les libertés fondamentales que sont la liberté d’expression et la liberté de religion.
Dès lors, le port du burkini par des femmes fréquentant un espace public tel qu’une piscine municipale, s’il constitue effectivement une manifestation religieuse, ne peut faire l’objet d’une interdiction générale et absolue. Je crois que c’est important de s’y tenir.
Bien sûr, nous allons soutenir l’amendement de Michel Savin, qui a reçu un avis favorable de notre commission.
Tout d’abord, on le sait bien – vous avez rappelé à cet égard, monsieur le ministre, un cas récent en Île-de-France –, l’Observatoire de la laïcité avait indiqué qu’il était possible d’interdire le burkini dans les piscines publiques, en l’inscrivant dans leur règlement intérieur, pour des raisons sanitaires, d’hygiène et de sécurité. J’estime, pour ma part, qu’il s’agit d’une ruse, d’une habileté, d’une hypocrisie !
Nous sommes là pour réaffirmer le respect des principes de la République, dans un contexte difficile – on en a déjà parlé.
Ensuite, vous nous dites, monsieur le ministre, que les usagers du service public ne sont pas soumis à une obligation de neutralité. Or la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, prévoit qu’une telle obligation doit s’appliquer à un enfant mineur ou à un élève majeur. Nous sommes bien d’accord sur ce point !
J’y insiste, l’assertion selon laquelle l’obligation de neutralité ne peut pas s’appliquer aux usagers de services publics entre en contradiction avec cette loi de 2004 !
Vous avez dit, ensuite, que le burkini était un signe religieux. Or nombre de nos compatriotes musulmans nous indiquent que ces accoutrements sont tout sauf des signes religieux et qu’ils ne correspondent à aucune prescription religieuse.
Il faudrait savoir ! sur les travées des groupes SER et GEST.
Récemment a eu lieu le procès intenté par le président de la FCPE contre Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l’éducation nationale, procès gagné par M. Obin. Je voudrais citer le témoignage, entendu à cette occasion, de Mohamed Sifaoui, qui est en France l’un des bons spécialistes des mouvements salafistes, notamment. Il déclarait que le voile et les autres vêtements de ce type étaient non pas des symboles religieux, mais des accoutrements pensés par les islamistes.
On voit donc bien qu’il y a derrière ces accoutrements non pas tellement un signal religieux, mais le signe d’une contre-société sexiste, qui dit aux femmes qu’elles sont inférieures aux hommes et qu’elles doivent se soumettre, et qui veut séparer une communauté des croyants de la communauté des citoyens, de la communauté nationale.
Il s’agit non pas, comme je l’ai entendu dire, d’interdire le burkini dans l’espace public, mais simplement de l’interdire dans les lieux particuliers et fermés…
… que sont les piscines et les lieux de baignade artificielle, comme l’a jugé le Conseil d’État.
Soutenons l’amendement de Michel Savin, mes chers collègues !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Ce matin, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement visant à interdire le burkini, lequel a été légèrement modifié, puis présenté de nouveau ce soir, à l’ouverture de la réunion de la commission.
Je ne suis pas certain que nos collègues qui étaient présents ce matin en commission, et qui étaient majoritaires, apprécient beaucoup la manœuvre…
C’est la seconde fois que, sur ce texte, une telle manœuvre a lieu en commission. De mon point de vue, celle-ci aurait dû dire ce soir, dans son avis, que cet amendement modifié était contraire à l’avis qu’elle avait émis ce matin.
Passons sur la forme de l’amendement, laquelle est très discutable.
Sur le fond, je serai très bref. La liberté d’expression et la liberté religieuse ne souffrent aucune exception, sauf le trouble à l’ordre public.
Si nous adoptions cet amendement, nous créerions un précédent. Il n’y en a aucun autre ! Même l’interdiction de la burqa dans l’espace public repose sur un autre fondement, l’exigence minimale de la vie en société, laquelle implique que l’on puisse voir les visages.
Ce précédent serait le suivant : pour un motif peut-être louable et compréhensible à titre individuel, nous interdirions de manière très arbitraire, en tant que législateurs, la liberté d’expression et la liberté religieuse.
Il se peut que l’exercice de ces libertés ne nous plaise pas. Néanmoins, la liberté de religion et la liberté d’expression, notamment religieuse, ne peuvent souffrir aucune autre modération que celle qui est liée au trouble à l’ordre public et à l’atteinte aux droits d’autrui.
Je vais évidemment soutenir l’amendement de Michel Savin.
Je commencerai par dire à notre collègue que, avant d’adresser des remarques à la commission en lui reprochant une procédure qui est tout à fait légale, il faudrait que lui-même soit certain de siéger au bon endroit !
Marques de perplexité sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.
Je comprends parfaitement que M. Gontard défende son coreligionnaire de Grenoble. C’est normal, c’est de la politique ! Je ne suis pas d’accord, en revanche, lorsqu’il s’agit de faire l’autruche.
Car c’est faire l’autruche que de dire qu’il n’y a aucun rapport entre le burkini et l’islamisme. Décidément, on se tromperait complètement ! Il serait plutôt question ici d’un accoutrement folklorique faisant office de déguisement pour le carnaval !
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur Gontard, en voulant défendre toutes les minorités, y compris celles qui sont indéfendables, vous en arrivez à prendre de telles positions !
Nous l’avons dit dans nos propos liminaires, nous sommes tous attachés à la République.
J’ai ainsi parfaitement en tête l’excellent discours du président Karoutchi.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jérôme Bascher. Nous sommes tous pour une République unie, mais nous savons tous que des coups de canif – je cite ses mots – ont été portés à la République. Ce que vous faites, quant à vous, c’est donner des coups de machette dans le drapeau de la République française !
Protestations sur les travées du groupe GEST.
Ce qui est scandaleux, c’est de continuer à faire l’autruche et de laisser les choses s’aggraver. Pour ma part, je veux que la République française demeure telle qu’elle est définie dans la Constitution.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ce matin en commission – je me permets de le rappeler –, nous avions dit que la rédaction de cet amendement serait modifiée. Il est donc normal qu’il ait été présenté sous cette forme.
Je souhaite revenir sur la signification de cet amendement.
Bien évidemment, le burkini n’est pas une tenue de baignade manifestant une opinion religieuse qui s’ancrerait dans une légitimité ancienne. Ce vêtement est en effet né en Australie dans les années 2000.
Néanmoins, on sait de quoi le burkini est le nom : c’est un interdit de fraternité, un interdit d’égalité, un interdit de liberté. Il est là pour séparer les hommes des femmes, …
… pour signifier qu’une femme doit porter une tenue pudique tandis que les autres femmes, elles, seraient impudiques.
Je le dis au nom du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, comment peut-on soutenir dans notre pays l’existence de telles tenues, qui sont contraires à nos principes constitutionnels ?
Je pense que cette tenue a bel et bien une portée politique, qui renvoie – je le disais précédemment – à la notion d’impudeur, laquelle serait propre au corps féminin. À ce titre, le burkini est contraire au principe d’égalité entre les hommes et les femmes, et à nos premiers principes constitutionnels. Cet amendement a donc toute sa place dans le texte relatif aux principes de la République que nous examinons aujourd’hui.
Mes chers collègues, on ne peut pas défendre sans arrêt les qualités des hommes et des femmes, ce qui est normal – c’est notre devoir à tous, j’allais dire notre ADN, quelle que soit la travée sur laquelle nous siégeons –, et supporter que l’on divise le monde entre les pudiques et les impudiques. Ce n’est pas possible ! La pression qui est exercée sur les femmes est insupportable, et c’est à nous de les défendre.
Puisque nous parlons du principe d’égalité, je citerai l’un de nos collègues qui nous a précédés sur les bancs du Parlement, Henri-Dominique Lacordaire : il disait qu’entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime – c’est le cas aujourd’hui – et la loi qui protège.
Pour protéger l’égalité entre les hommes et les femmes, il faut voter l’amendement de Michel Savin !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je crois, madame Boyer, que, pour protéger ou faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes, il y a beaucoup de choses extrêmement urgentes à faire. La mesure proposée ne me semble pas en faire partie.
Pourquoi ? Parce que le sexisme consiste, aussi, à dire aux femmes ce qu’elles doivent porter ou non.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Si, madame, je le crois !
Ce débat a trait, quelque peu, à la police du vêtement. À un moment donné, on va dire aux gens de ne pas porter ceci ou cela… Que l’on soit fan ou pas de cette tenue, et quelles que soient nos convictions personnelles, il ne faut pas entrer dans cette discussion.
Par ailleurs, si ce type de tenue pose – à l’instar d’autres vêtements – un problème d’hygiène dans les piscines, il faut le dire très précisément, mais ne pas se cacher hypocritement derrière cet argument. À défaut, on donne le sentiment de vouloir discriminer une population spécifique, ce qui a pour conséquence de pousser un certain nombre de personnes dans les bras des radicaux. §C’est mon point de vue et vous pourriez le respecter ! Cela produit donc l’effet inverse de ce qui est recherché.
Enfin, et cela a été très bien dit par d’autres, le respect des principes de la République signifie que l’on peut porter ce que l’on veut dans l’espace public, y compris dans des espaces fermés accueillant des services publics, sauf en cas d’atteinte à l’ordre public. Ce n’est objectivement pas le cas en l’espèce.
Pour toutes ces raisons, le groupe GEST ne peut pas voter cet amendement.
Je sens que mes collègues sont assez tendus sur les sujets liés à l’habillement et au voile… Je le regrette, car ce débat, vu de l’extérieur, pourrait paraître quelque peu surréaliste.
Personne ici ne défend le burkini en tant que tel. La question ne s’est même pas posée pour nous ! Nous disons simplement deux choses.
Premièrement, cet amendement est inapplicable.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains
Permettez-moi de citer un exemple personnel ; je le fais souvent, pardonnez-moi : n’ayant pas votre ancienneté au Sénat, mes chers collègues, je me réfère aux territoires que je connais et à ma famille.
Tout comme ma mère et mes tantes, il se trouve que ma grand-mère
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Combattre l’usage du burkini comme vous le faites, mes chers amis, revient à larguer une bombe atomique pour éteindre un incendie ou pour abattre un djihadiste en Arabie Saoudite ! Il y a une disproportion énorme entre ce que vous proposez et la réalité de l’objectif que vous voulez atteindre.
Deuxièmement, il n’y a pas d’hypocrisie de notre part lorsque nous disons que cet amendement est inapplicable. Celle-ci existe, en revanche, lorsque vous attaquez un certain nombre d’acquis de la laïcité en cherchant uniquement à combattre – et cela, je peux le comprendre – un certain nombre de mouvements qui mettent effectivement en péril notre démocratie et notre République.
Admettez qu’une telle règle est inapplicable en l’état, car personne ne pourra la définir ! Les seuls motifs qui permettraient d’interdire ce type de vêtement sont liés à l’hygiène ou aux troubles à l’ordre public. Or ces motifs sont d’ores et déjà inscrits dans nos lois et nos règlements.
M. Jean-Pierre Sueur. Dominent dans cet hémicycle des considérations à caractère textile, ce qui pose quelques problèmes intellectuels.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Ces considérations textiles sont liées, si j’ai bien compris, à la question des signes religieux et de la religion, ce qui ne laisse pas de m’étonner.
Il est important, mes chers collègues, de connaître les religions, car elles font partie de l’histoire de l’humanité, et on doit les enseigner dans les écoles et les établissements publics.
Peut-être vous arrive-t-il de lire, par exemple, le Coran ? Si l’on se réfère au travail des intellectuels spécialistes de ce texte, on constate que celui-ci ne fait aucunement mention de ces considérations textiles…
Lorsque l’on prononce le mot « religion », se réfère-t-on au texte fondateur d’une religion ?
Dans ce cas-là, vous aurez bien du mal à justifier votre position. Si, en revanche, on se réfère à autre chose, par exemple aux mœurs, on ne parle plus de signes religieux.
Il faut choisir : ou bien vous parlez de religion, et votre discours doit avoir un sens par rapport au fait religieux, ou bien vous évoquez les mœurs, ce qui est tout autre chose. Je trouve que nous sommes dans la confusion.
On peut croire en une religion, ne pas croire, ou être agnostique. Mais réduire, dans tous nos discours, le fait religieux et les croyances religieuses à des considérations textiles, cela n’a aucun sens !
Mais lorsqu’elle faisait cela, il s’agissait d’un geste non pas symbolique, mais personnel : c’était sa vie. Elle n’en faisait pas un combat contre la République, un geste de provocation à l’encontre du consentement légal entre hommes et femmes tel qu’il existe en France.
Je viens d’entendre de ces choses !… Il est bien évident que si nous ne connaissions pas une montée de l’islamisme et des provocations permanentes, depuis des années, sur un certain nombre de sujets, les gens n’en auraient rien à faire qu’une personne se baigne tout habillée à la piscine ou dans la mer ; cela poserait, à la limite, un problème d’hygiène, mais il n’y aurait pas là d’élément de provocation.
Or, en réalité – ce n’est pas la peine d’être naïf ! –, tout le monde sait que le burkini est devenu pour des associations islamistes un élément de combat et de provocation permanente. §Refuser d’interdire cette tenue, c’est donner raison à ceux qui, en utilisant des armes contre la République, découvrent finalement la faiblesse de celle-ci.
Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, cette faiblesse de la République consiste à accepter, au nom de la liberté et de la démocratie, les provocations et les dérapages. À partir de là, on entre dans un système où la République doit se défendre ; sinon, à un moment donné, il sera trop tard, car beaucoup de gestes auront été faits et acceptés à tort.
En entendant votre démonstration précédente, monsieur le ministre, j’ai failli me dire : « Il a raison ! Pourquoi légiférer et ne pas s’en remettre au pouvoir des élus ? »
Vous l’avez dit aussi, vous avez soutenu la présidente de la région Île-de-France, ce dont je vous remercie, lorsqu’elle a pris un règlement sur ce point. Or, faisant cela, elle a été attaquée par la Défenseure des droits.
Je le sais bien !
Si la Défenseure des droits a pu attaquer la présidente de la région, c’est bien parce qu’il y a des points à éclaircir en la matière ; tel est l’objet de cet amendement.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous passons effectivement beaucoup de temps sur des considérations liées à l’habillement.
Je veux dire au président Retailleau qu’il ne faut pas interpréter la loi de 2004 à l’envers. Si celle-ci établit une distinction entre les enfants et les adultes, c’est justement pour mettre les enfants à l’abri du prosélytisme et des pressions. Si l’on fait attention à eux, c’est pour les protéger. Or notre collègue a dit l’inverse !
Pour ce qui concerne le burkini, l’amendement est complètement disproportionné.
L’autre aspect du problème est que l’on court derrière les phénomènes : pour transposer la formule d’Aristide Briand, une fois que le burkini sera interdit, il y aura une nouvelle manifestation et il faudra une nouvelle loi pour tenter d’endiguer les choses !
Encore une fois, il faut arrêter les caricatures !
Cela étant dit, faut-il pour cela remettre en cause tous les principes sur lesquels est fondée cette République dont vous vous prévalez, en l’occurrence la liberté de religion et la liberté d’expression ? Bien sûr que non !
Nous entrons là dans un engrenage qui devient délirant. Pour autant, ce que vous voulez combattre n’étant pas nommé – c’est toujours le problème avec ce texte ! –, nous n’arrivons pas, et vous n’arrivez pas, à en capturer la réalité. On prend des mesures générales qui auront des conséquences sur toutes et sur tous, alors qu’elles ne visent qu’une minorité : c’est le contraire de la loi !
Aucun de nous n’est naïf à l’égard du burkini, et je comprends totalement le sens des interventions de nombreux orateurs du groupe Les Républicains, lesquels se font les porte-parole d’un vif agacement de nos concitoyens. Cela étant dit, avons-nous un problème ?
Selon moi, il n’y a pas de problème. Il y en a eu un, mais cette question a été réglée, à ma connaissance, dans la quasi- totalité des collectivités de notre pays. Des règlements intérieurs ont été édictés, soit sur le terrain de l’ordre public, soit sur celui de la salubrité. Ce n’est plus un sujet en 2021, d’après ce que je peux voir dans les territoires.
Si une collectivité – et je vous en donne volontiers acte – veut, pour des raisons politiques, prendre le contre-pied de ces dispositions et introduire des mesures contraires à l’intérêt général, basées sur des logiques particulières, voire séparatistes, alors le projet de loi permettra d’y répondre et de faire jouer le contrôle de légalité.
J’adresserai cependant deux observations aux auteurs de l’amendement, car il faut tout de même être raisonnable.
Premièrement, vous avez argué collectivement, et avec une force incontestable – vous avez en effet obtenu plus de 170 voix –, que des règles particulières devaient être prévues pour les accompagnants de sorties scolaires parce qu’ils étaient des agents bénévoles du service public. Vous nous avez démontré qu’il fallait leur appliquer ces dispositions au motif qu’ils n’étaient pas des usagers.
Or, en l’occurrence, pour les piscines, vous ne demandez pas que la règle de neutralité s’applique uniquement aux maîtres-nageurs sauveteurs ou au directeur : vous voulez qu’elle s’applique aux usagers. Il y a un certain niveau de contradiction entre ce que vous nous avez indiqué avec conviction avant le dîner, et ce que vous avez dit après !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous en êtes à ce point conscients que vous avez complété vos propos – je vous ai très bien écouté, monsieur le président –, ajoutant que le burkini était non pas un signe religieux, mais un accoutrement, et que c’était un autre problème.
La difficulté, collective, à laquelle nous devons faire face est liée au fait qu’il n’y a pas d’islam à la française, contrairement à ce que nous voudrions constituer, avec une certaine distance.
De grâce, ne nous mettons pas à donner du Coran notre propre interprétation !
Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.
Nous n’avons aucun chiffre !
Cependant, nous continuons à discuter de ce sujet : nous l’avons fait durant à peu près une heure ce matin, et nous recommençons ce soir.
Que cherche-t-on exactement ? Je voudrais le savoir ! J’ai presque envie d’utiliser l’expression des jeunes, lorsqu’ils disent que tel ou tel « les cherche »…
Que voulez-vous des musulmans ? Quand ce n’est pas le burkini, c’est le voile ; quand ce n’est pas le voile, c’est le halal ; quand ce n’est pas le halal, c’est encore autre chose !
Vous instrumentalisez la cause des femmes pour parler du burkini !
Sur ce point, madame Boyer, je vous ai déjà répondu ce matin : regardez notre hémicycle. Nous n’y sommes pas les égales des hommes puisque nous sommes à peine 30 % de femmes, contre 70 % d’hommes. §Ne vous faites pas l’égérie du féminisme pour combattre le burkini !
Plus on poussera à bout les musulmans, plus nombreux seront ceux qui s’engageront dans le salafisme et au sein d’autres mouvements fanatiques. Parce que vous ne les laissez pas vivre !
Pour vous, tout est objet de critique et de rejet. Jusqu’à quand allez-vous continuer à agir de la sorte ? Je vous le demande, car vous n’arriverez pas à…
Ah ! Alors vous finirez par perdre, car vous refusez de comprendre qu’il n’est pas seulement question aujourd’hui de signes religieux. C’est aussi une revendication identitaire, qui peut ne pas être religieuse, même si des religieux peuvent en faire un combat politique. Alors, faisons la distinction !
Nous ne voulons pas vivre séparés des musulmans. Nous sommes dans un pays laïque, alors, quelle est la différence ? Dans mon bureau, une jeune femme vient travailler en portant de grandes croix à son cou, et cela ne me dérange pas !
Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Si je peux me permettre, mes chers collègues, il faudrait revenir à l’objet du texte. Comme je l’ai dit dans mon intervention en discussion générale, je pense que ce débat est important, mais qu’il n’était pas urgent. Ne nous mentons pas, évitons les faux débats dans lesquels chacun fait part de l’interprétation qu’il veut bien donner de telle ou telle tenue. Le débat ne se situe pas là.
Pour continuer à ne pas se mentir, il faut bien reconnaître que le débat qui nous occupe ce soir depuis la reprise de nos travaux ressemble à celui que nous avons eu sur l’article 1er : il est de la même essence et il relève de la même idéologie, que, pour notre part, nous récusons.
Nous aimerions avoir un débat sage, à l’image de notre Haute Assemblée, car nous le méritons, tout comme le méritent nos concitoyens. Je crains que ce que nous offrons ce soir au peuple de France ne soit pas à la hauteur de ce qu’est le Parlement, et particulièrement le Sénat. Je le dirai simplement, mes chers collègues : assumez, comme nous le faisons, vos choix, au lieu d’utiliser ce texte pour affirmer votre idéologie. Car, sincèrement, personne n’a d’illusion sur l’idéologie qui est véhiculée ce soir, après l’avoir été ces dernières années, ces derniers mois, ces derniers jours.
Pour conclure, je voudrais affirmer ici solennellement qu’en ce qui concerne notre groupe communiste républicain citoyen et écologiste, mais j’imagine aussi pour nos collègues de gauche, nous aimons la République autant que vous ! Que la chose soit dite ! §Je ne sais pas si nous l’aimons davantage…
Mme Éliane Assassi. On ne défend pas la République en tapant dessus comme vous le faites ce soir.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Le burkini est un symbole non pas de l’islam – nous sommes tous d’accord sur ce point –, mais de l’islamisme, c’est-à-dire d’un projet totalitaire.
Un projet totalitaire a besoin de symboles. Il ne faut pas être naïf : nous avons bien là un symbole totalement contraire à la République, à ses valeurs et à ses principes, puisque cette tenue sépare, enferme, écarte.
Or je constate que, sur une partie des travées de cet hémicycle, on trouve toujours de bonnes raisons pour ne pas combattre cette idéologie, ce totalitarisme.
Mme Éliane Assassi s ’ exclame.
Chaque fois que l’on vous propose quelque chose, mes chers collègues, vous avez toujours une bonne raison pour vous y opposer !
Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je vais peut-être encore vous choquer davantage, mais je me demande où se trouve aujourd’hui une certaine gauche, celle du combat républicain. Monsieur Kerrouche, la République fut un combat permanent qui nécessita chaque fois de trouver des réponses à de véritables défis. Je l’avais dit à la présidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) en son temps : si les forces laïques de notre pays avaient eu par le passé les mêmes attitudes que celles que l’on voit ici ce soir, je ne suis pas sûr que notre République serait aujourd’hui laïque. La laïcité n’a jamais été de l’angélisme ; ce fut un combat, et puisque vous ne voulez plus le mener, c’est nous qui le mènerons !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.
La grande question est de savoir comment la République va se défendre. En effet, elle est attaquée : on assiste à des provocations, à des attitudes dramatiques et à des emprises qui s’installent. Il est donc fondamental de trouver la bonne méthode pour combattre et faire reculer ces comportements.
Nous pouvons discuter de ce qu’est le burkini, mais il peut vraisemblablement être considéré comme une provocation. J’insiste, la question est bien de trouver comment répondre à cette provocation.
Si l’on est républicain, on ne peut pas apporter de réponse dont la force reposerait sur le seul interdit par conformisme vestimentaire. Ce n’est pas la bonne méthode ! Si à chaque provocation on fait reculer la liberté de l’usager de s’habiller comme il l’entend, sauf bien entendu pour des motifs d’hygiène ou d’ordre public, si on fait ainsi reculer nos principes, alors ce sont eux qui gagneront au final et pas nous !
Il serait dramatique qu’à chaque provocation, nous foncions, tels des taureaux face à un chiffon rouge, pour faire reculer nos principes ! Tout ce qui est ségrégationniste doit être radicalement combattu. Ces femmes vont à la piscine : pour les plus radicaux des salafistes, aller se baigner avec des hommes fait de ces femmes des impies. Il peut donc y avoir une part de provocation. En vertu de leurs principes, ces salafistes veulent enfermer les femmes, les placer en dehors de la sphère de la mixité.
Ce n’est ni le bon combat ni la bonne méthode, d’autant que, comme le disait M. Bonnecarrère, les collectivités prennent localement des mesures qui conduisent à ce que ces provocations finissent souvent par faire pschitt…
En revanche, ce qui ne peut pas être réduit, ce sont les libertés que nous défendons. Je découvre d’ailleurs votre soudaine passion pour la libération du corps de la femme
Rires sur les travées des groupes CRCE et SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous avez épuisé votre temps de parole, madame Lienemann.
Mes chers collègues, nombreux sont ceux d’entre vous qui veulent intervenir sur cet amendement, ce que je comprends fort bien. Je vous laisse la parole comme il se doit, mais, pour que nous puissions avancer dans l’examen de ce texte, il faut que vous respectiez à la fois le temps qui vous est imparti, mais aussi les intervenants lorsqu’ils s’expriment.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, je suis intimement persuadé comme vous – nous devons tous faire preuve de sincérité sur cette question – du caractère universel de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Mais vous verrez que, dans la suite du débat, vous trouverez des exceptions pour que ce principe universel ne s’applique pas, notamment quand il sera question d’enseignement. J’ai défendu ce matin en commission un amendement pour que la mixité soit générale dans tout l’enseignement. Mais, à un moment donné, vous allez m’expliquer qu’il existe des exceptions historiques et nécessaires. Vous avez vos exceptions, mes chers collègues, et votre pensée n’est pas aussi cohérente que vous nous le dites.
Par ailleurs, je considère que le principe de l’universalité de l’égalité entre les hommes et les femmes s’applique en France et à l’étranger. Or vous savez très bien que, dans certains pays, le salafisme ou le wahhabisme est religion d’État. Pourtant, nous entretenons les meilleures relations du monde avec ces États parce qu’ils sont les meilleurs clients de nos industries d’armement. L’universalisme s’arrête là ! Vous acceptez partout ailleurs sur la planète ce qui est absolument intolérable en France. J’insiste, on continue à travailler avec ces pays alors qu’ils ont pour religion d’État ce que vous dénoncez ici.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je veux évoquer un autre point essentiel : monsieur Retailleau, je m’interdis absolument de dire ce qui fait ou non partie du dogme d’une religion. Je l’ai dit, nous sommes des séparatistes radicaux : au nom du principe du séparatisme, c’est aux religions de s’organiser. Ce n’est pas à moi de dire si le voile doit être porté par les musulmanes ou pas. De la même façon, je m’interdis de dire si le célibat des prêtres est une bonne chose, ou s’il faudrait ordonner des rabbines. Le Grand Consistoire de France représente, paraît-il, toute la diversité du judaïsme : je ne le crois pas. J’ai lu un excellent entretien avec une rabbine, dans lequel elle donnait l’air d’être quelque peu oubliée.
Quant à faire l’autruche, nous en reparlerons au moment du débat sur l’enseignement en famille, à propos duquel vous en fournissez le meilleur exemple ! Vous ne voulez pas regarder la réalité dénoncée par M. le ministre de l’intérieur.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
La parole est à M. le président de la commission, qui souhaite certainement répondre à l’interpellation de M. de Belenet.
Je voudrais faire un point sur le fonctionnement de la commission des lois pour ne pas laisser croire que, par des moyens que nous aurions pu adopter, nous aurions contourné le règlement.
Mes chers collègues, je vous indique que tout sénateur ou toute sénatrice ayant déposé un amendement sur le texte peut, sans aucune difficulté, le modifier jusqu’au moment du vote, comme le prévoit le règlement.
Nos collègues Max Brisson et Michel Savin ont déposé des amendements sur lesquels la commission avait, dans un premier temps, émis un avis défavorable. Ils ont rectifié leurs amendements, qui ont été réexaminés par la commission, laquelle a alors émis sur les deux un avis favorable.
Le règlement du Sénat a été parfaitement respecté.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Alain Marc applaudissent également.
Merci, monsieur le président de la commission, de ce rappel très utile.
La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je souhaite expliquer les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement.
Oh ! sur les travées du groupe SER.
Premièrement, le texte dont nous débattons ce soir, monsieur le ministre, concerne bien le respect des principes de la République. Mon amendement s’inscrit bien dans cet objectif.
Il faut être réaliste, et l’amendement vise, tout d’abord, à encadrer et à soutenir les maires dans leurs prises de décision.
Face aux opérations menées par des associations militantes qui placent la religion au-dessus de la République – ne me dites pas que cela n’arrive pas, car on les constate chaque année ! –, les maires sont démunis. Il ne faut pas les laisser exercer seuls leur pouvoir d’appréciation en la matière, car ils subissent des pressions intenables. La preuve en est qu’ils ne prennent pas de décisions sur ce type de manifestations.
Les élus locaux et l’État se renvoient la balle. Les élus locaux disent que c’est à l’État de prendre ses responsabilités ; quant à vous, vous nous dites ce soir que c’est aux maires de le faire !
Deuxièmement, monsieur le maire – pardon, monsieur le ministre ! –, je ne voulais pas me focaliser sur une religion.
Marques d ’ ironie sur les travées des groupes SER et CRCE.
Je peux vous dire, chers collègues de gauche, que, dans leurs quartiers, dans leur vie, certaines d’entre elles subissent des pressions pour porter ce type de vêtement.
Que se passe-t-il alors ? Soit elles quittent les villes où les piscines sont phagocytées par des associations politiques, soit elles revêtent ces tenues sous la pression de leur quartier, de leur famille et de leur environnement. Voilà ce que vous voulez ! Car c’est bien la réalité actuelle.
Dernier point, monsieur le ministre, j’aurais aimé que vous preniez une position en phase avec le discours que vous tenez sur le terrain.
M. Michel Savin. Là-bas, vous tenez un discours de fermeté ; aujourd’hui, alors que vous avez l’occasion d’enfoncer le clou pour envoyer encore une fois un signe positif aux maires et aux élus locaux, vous ne la saisissez pas. C’est vraiment dommage !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
L’heure n’explique pas tout… Je constate que, depuis cet après-midi, nous n’avons finalement abordé – c’est évidemment le droit le plus souverain du Sénat – que deux séries d’amendements portant sur des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte proposé par le Gouvernement.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire plusieurs fois, je suis très attaché à la cohérence de mon discours sur les principes républicains. Depuis presque quatre ans que je suis ministre de ce gouvernement, j’ai travaillé avec le Sénat sur de très nombreux textes concernant souvent les collectivités locales, notamment dans le cadre des finances publiques. Chacun sait, et j’espère que cela se voit, que j’aime la discussion parlementaire.
Matin, midi et soir, j’ai entendu les sénateurs, sans doute de votre groupe, m’expliquer qu’il fallait respecter les élus et leur faire confiance : « Écoutez les élus, laissez-les décider, écoutez l’AMF, laissez les libertés locales s’exprimer, lisez l’article 72 de la Constitution ! » Et je fais confiance aux élus.
Vous avez fait un lapsus révélateur : j’ai été effectivement maire d’une commune dite « difficile », dans laquelle une proportion importante de la population est de confession musulmane. J’ai pris mes responsabilités – cela ne m’a pas empêché d’être élu et réélu au premier tour – en refusant d’organiser des repas communautarisés ou végétariens dans les cantines ou d’autoriser hypocritement un temps de repos le vendredi après-midi – en l’occurrence, c’était ce qui m’était demandé – pour faire la prière.
En tant que vice-président chargé des transports de ma métropole et de ma région, j’ai mis fin au laisser-aller qui avait cours auparavant. J’ai refusé de mettre en place dans ma piscine municipale gérée en délégation de service public ce que vous proposez, alors que d’autres collectivités autour de la mienne le faisaient.
Être élu, c’est aussi avoir la responsabilité de prendre de telles décisions. Monsieur le sénateur, je respecte éminemment les maires ; je ne leur dis jamais, parce qu’ils manqueraient de courage ou de soutien, parce qu’ils feraient preuve de naïveté ou seraient dans la compromission, que nous devrions décider à leur place ! J’ai expliqué précédemment aux présidents Retailleau et Karoutchi que la loi permettait justement de prendre ses responsabilités ; si tel n’était pas le cas, j’aurais compris votre amendement.
Il ne faut en effet pas tenir d’une séance à l’autre de discours différent sur la responsabilité des élus. Le président de l’AMF lui-même ne veut pas de ces dispositions. Je vous recommande, monsieur le sénateur, de ne pas opposer vie sur le terrain et vie dans l’hémicycle. Quel gouvernement a dissous BarakaCity, créée au début des années 2000 ? Quel gouvernement a dissous le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), créé au début des années 2000 ? Quel gouvernement a dissous le collectif Cheikh Yassine, créé dans les années 1990 ? Parmi les gouvernements qui ont été en responsabilité, quel est celui qui expulse, quasiment tous les jours que la République fait, parce que le Président de la République le demande, des étrangers inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ? Qui propose la fermeture des lieux de culte et qui les ferme ?
J’ai bien entendu l’argumentation sur le burkini, dont j’ai compris qu’il avait animé des heures de discussion, mais la police du vêtement n’est jamais une bonne police ! En revanche, faire preuve de courage et de responsabilité, c’est, me semble-t-il, respecter les principes de la République. Je suis d’un courant que l’on pourrait qualifier de droite, mais d’une droite de la responsabilité et de la liberté. La liberté, s’agissant notamment des croyances religieuses, ne peut pas être chassée de la sorte, d’un coup de main, particulièrement quand elle concerne nos compatriotes musulmans.
Là où vous avez raison, monsieur le sénateur, c’est qu’on n’attaque pas une seule religion aujourd’hui – je pense à la dérive islamiste que j’ai par ailleurs dénoncée. Pour le président Retailleau, le burkini n’est pas un vêtement religieux, alors que votre amendement tend à le considérer comme tel. Alors que croire, si ce n’est que ce débat sert à attirer les médias ? Qu’un tel débat se concentre sur un vêtement me désole.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Alain Marc applaudissent également.)
Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 303, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La République, garantissant la liberté de conscience, reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester par ses pratiques sa conviction religieuse en public. Elle garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis de leurs usagers.
Il revient à tout organisme de droit public ou privé, chargé de l’exécution d’un service public, de garantir la mise en œuvre effective des principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de dignité, de laïcité et de mixité sociale, dans l’exercice de ses compétences.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Gardons à l’esprit que la loi de 1905 est une loi de liberté. Dès lors, il ne revient pas à l’État d’organiser les cultes. Le risque que présente ce texte est de transformer la loi en une loi de contrôle, de police et de répression du culte.
Nous souhaitons, avec notre amendement, réaffirmer cette vision d’une laïcité positive qui, comme je l’ai dit précédemment, assure la neutralité des pouvoirs publics à l’égard du culte et un traitement égal aux diverses expressions de celui-ci.
Cet amendement vise à rappeler que la République, qui garantit la liberté de conscience, reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester sa conviction religieuse en public, tant que l’ordre public est préservé. Il tend en même temps à réaffirmer la garantie de la stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public à l’égard des usagers, quelles que soient leurs convictions religieuses.
Enfin, n’oublions pas que, parfois, le séparatisme ne naît pas d’une volonté d’opposition aux principes de la République. En revanche, les pouvoirs publics, par leur désengagement dans certains territoires, par le manque de financement des services publics et par le manque de considération accordée aux difficultés de nombreux Français, créent d’eux-mêmes ce séparatisme.
Il convient donc de réaffirmer qu’il revient à tout organisme de droit public ou privé chargé de l’exécution d’un service public de garantir la mise en œuvre effective des principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de dignité, de laïcité et de mixité sociale dans l’exercice de ses compétences.
L’amendement n° 496 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont interdites, dans l’espace public, les tenues couvrant la tête, constituant en elles-mêmes une affirmation sans équivoque et ostentatoire des idéologies séparatistes, contraire au droit des femmes, à leur dignité, à l’égalité entre les hommes et les femmes ou résultant d’une intimidation. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
La femme est l’avenir de l’homme : pourtant, certains chez nous préfèrent voiler l’avenir. Pour des raisons sociales, politiques et religieuses, les femmes se couvrent de gré ou de force la tête et une partie du visage. Elles marquent ainsi un terrible aveu : celui de l’inégalité entre les hommes et les femmes. Cette conception contraire à tous nos principes et même à notre devise républicaine pourrait rester personnelle si elle n’était pas devenue un enjeu politique depuis une quarantaine d’années.
Voiles au lycée, à l’université, au travail, dans la rue, etc. Voile, hidjab, burqa, niqab, burkini : tant de mots et tant de débats qui n’auraient jamais dû se tenir en France. Peut-être que le jour où nous ne débattrons plus du voile nous pourrons réfléchir aux moyens de financer la recherche en vue de la création d’un vaccin contre un virus qui nous pourrit la vie.
C’est ce que je vous propose dans cet amendement : interdire le voile dans l’espace public et mettre fin à tous ces débats. Ainsi, la règle sera claire.
Le voile doit être interdit dans l’espace public parce que, outre son caractère discriminant, il sert aujourd’hui d’étendard aux revendications communautaires et islamistes. Par son essence même, arborer un voile est un acte séparatiste. Selon une étude de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) de 2019, un tiers des musulmanes le portent pour revendiquer leur croyance et la supériorité de celle-ci sur notre droit, ce qui constitue déjà une volonté de trouble à l’ordre public.
Il n’y a qu’une seule loi en France, celle de la République, et qu’une communauté, la communauté nationale. Pour les islamistes, le voile constitue aussi un moyen de pression exercé sur celles qui ne le porteraient pas : elles sont marginalisées, moquées, parfois insultées et frappées parce qu’elles refusent de se soumettre. Par défaut, le voile serait un rempart contre la violence : plus d’une musulmane sur quatre le porte pour se sentir en sécurité. Il s’agit non plus de séparatisme, mais d’une véritable domination exercée par les islamistes. Ceux-ci ne veulent pas vivre en dehors de la République, ils veulent que la charia supplante nos lois, en commençant par l’asservissement des femmes.
Les élus que nous sommes ne peuvent pas cautionner cette situation. Nous devons tendre la main à toutes celles qui ne rêvent que d’une chose : être libérées et s’affranchir du voile. C’est pour libérer toutes les incarcérées dans une geôle de textile – une étoffe peut tout aussi bien priver de liberté que des barreaux – et éradiquer toute marque de conquête islamiste que nous devons, mes chers collègues, agir en votant cet amendement.
L’amendement n° 146 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mmes M. Carrère et Pantel et MM. Requier, Roux, Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le port de signes ou tenues par lesquels des mineurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse y est interdit. Il y est également interdit le port par les mineurs de tout habit ou vêtement qui signifierait l’infériorisation de la femme sur l’homme. »
La parole est à M. Christian Bilhac.
L’interdiction pour les mineurs de porter dans l’espace public tout signe religieux ostensible aurait pu constituer un signal fort envoyé à notre jeunesse. Celle-ci aurait pu y voir une garantie de la préservation de son insouciance et de sa liberté. Dans quelle mesure une République laïque peut-elle tolérer que des enfants manifestent des signes religieux au su et au vu de tous ? Ce n’est pas aux parents d’imposer des dogmes aux enfants. Aussi, il est essentiel qu’existent des espaces protecteurs, vecteurs d’émancipation, pour ces derniers.
Le présent amendement vise à interdire, dans l’espace public, le port par des mineurs de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Dans cette perspective, il est indispensable d’empêcher tout moyen d’inférioriser l’enfant, notamment la jeune fille, au travers d’un vêtement qu’on lui impose.
L’amendement n° 162 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mmes Bourrat et Schalck et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le port de signes allant à l’encontre de la dignité des femmes dans l’espace public, constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public, est interdit aux mineures.
Le fait pour les titulaires de l’autorité parentale d’imposer ou de ne pas interdire à une mineure le port de signes allant à l’encontre de la dignité des femmes dans l’espace public est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. L’obligation d’accomplir le stage mentionné au 1° de l’article 131-5-1 du code pénal peut être prononcée en même temps ou à la place de la peine d’amende.
Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
Si les violations sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Je voudrais évoquer les mineurs. Il y a quelques jours, sur ces travées, nous nous sommes honorés à voter tous ensemble un texte pour les protéger. C’était l’honneur du Sénat d’avoir adopté cette proposition de loi de Mme Billon.
Aujourd’hui, nous devons nous interroger sur la symbolique du voile islamique et faire respecter l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément à la convention de l’Organisation des Nations unies relative aux droits de l’enfant que la France a ratifiée il y a trente ans.
Le voile est fait pour dissimuler le corps des femmes au regard sexualisé des hommes. Quelle est alors la signification de voiler une fillette ? Si les défenseurs du voile évoquent le libre choix des femmes à le porter, qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’enfants en bas âge ou de jeunes n’ayant pas atteint l’âge du consentement ?
Le voilement des mineurs peut représenter des risques pour l’épanouissement physique, mental, moral et social des enfants. L’essayiste iranienne devenue française Chahdortt Djavann, qui a porté le voile pendant dix ans, a écrit un excellent livre à ce sujet. Elle avait 13 ans quand elle s’est battue en Iran pour ne pas porter le voile ; elle a été emprisonnée pour cela.
Alors quand elle croise aujourd’hui une femme qui le porte, elle dit que cela lui est insoutenable. Voici ce qu’elle écrit : « Le voile est un symbole qui ôte toute capacité à la femme d’être un être pensant. Quand un seul de ses cheveux peut susciter le désir sexuel le plus fruste de l’homme, elle est réduite à un appât sexuel. Ce symbole pornographique autorise toute forme de violence à l’encontre des femmes et les place dans le non-droit. Quand on voile une petite fille, on lui inculque la culpabilité de sa sexualité féminine, on lui dit que ses cheveux et les formes de son corps peuvent à tout moment faire perdre le contrôle de soi aux hommes. Je demande qu’au moins dans les pays démocratiques, le port du voile par des mineures soit sanctionné. Cela relève des droits de l’homme et de la protection des mineurs. »
J’ajoute que cet interdit de liberté, d’égalité et de fraternité, au-delà du fait qu’il symbolise la domination patriarcale, la domination des femmes par les hommes, porte atteinte à la dignité des enfants de la République.
Selon la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004, « les dispositions de l’article 1er de la Constitution aux termes desquelles “la France est une République laïque” […] interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».
Aussi, j’ai rectifié mon amendement afin que celui-ci tende à interdire le port par des mineures, dans l’espace public, non plus de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, mais « de signes allant à l’encontre de la dignité des femmes ».
Il faut conclure, vous avez déjà dépassé votre temps de parole, ma chère collègue !
Le sous-amendement n° 677 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 160 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le port de signes ou tenues par lesquels une personne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse est interdit dans l’ensemble des établissements accueillant un service public.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, H. Leroy, Cabanel, Corbisez, Fialaire et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les services publics, le port de signes ou tenues par lesquels les mineurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
La parole est à M. Bernard Fialaire.
Le présent amendement vise à interdire, dans les services publics, le port des signes ou de tenues par lesquels les mineurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.
Il est indispensable d’affirmer avec force que le port du voile par les mineures ne saurait être toléré dans les services publics, notamment parce que la question du libre arbitre et du consentement de celles-ci se pose avec une acuité particulière.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
Reprenons rapidement l’objet de chacun de ces amendements, qui visent tous à interdire le port de signes religieux ostentatoires dans les locaux accueillant un service public ou, plus généralement, dans l’espace public.
L’amendement n° 303 de Mme Benbassa vise à affirmer que la République garantit le droit de manifester sa conviction religieuse. L’amendement n° 496 rectifié de M. Ravier tend à interdire tout signe religieux ostentatoire dans tout l’espace public. L’amendement n° 146 rectifié bis de Mme Delattre a pour objet de prévoir une telle interdiction dans l’espace public, mais seulement pour les mineurs. L’amendement n° 162 rectifié bis de Mme Boyer vise à interdire le port, par les mineures, de signes allant à l’encontre de la dignité des femmes dans l’espace public. Les amendements n° 160 rectifié et 129 rectifié bis visent à interdire les signes religieux ostentatoires dans les établissements accueillant un service public, respectivement pour toute personne ou pour les mineurs uniquement.
Ces questions alimentent un débat de société de fond ; je rejoins beaucoup des propos tenus en défense de ces amendements. Cela pose évidemment la question de l’équilibre complexe entre les libertés individuelles et la préservation de l’ordre public, au travers des exigences maximales de vie en société.
Néanmoins, ces amendements soulèvent souvent des problèmes de qualification juridique. Nous sommes parvenus, pour l’instant, à un point d’équilibre en ce qui concerne l’espace public, au travers de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Cela peut, certes, paraître insuffisant et, sans doute, il y a des dispositions à réécrire et des ajustements ponctuels à faire – on l’a fait précédemment avec, par exemple, l’amendement n° 286 rectifié bis de Max Brisson –, mais ces amendements posent une véritable difficulté au regard de la Constitution.
En outre, le voilement des petites filles et des mineures constitue un vrai sujet ; personne ne peut s’exonérer de cette discussion et, d’ailleurs, ma collègue rapporteure et moi-même en avons discuté lors de nos auditions. Or la plupart des universitaires et des associations qui étudient cette question pensent qu’il faudrait un texte spécifique sur le sujet
Mouvements divers sur les travées du groupe Les Républicains.
En tout cas, nous ne pouvons pas ignorer ce sujet, qui est réel et qui nous heurte tous. Je suis élue de banlieue et, comme un certain nombre d’élus du Sénat, je constate la dérive du voilement des petites filles. Toutefois, je le dis très sincèrement, ce n’est pas au travers de ce genre d’amendements que l’on réglera ce problème. Il est important d’en parler, de le signaler, mais il nous faut trouver les fondements juridiques appropriés, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui ; ce sujet reviendra.
Bref, les qualifications juridiques retenues dans ces amendements ne sont malheureusement pas pertinentes, même si l’on peut le regretter. Par conséquent, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je vous remercie de votre réponse, madame la rapporteure, mais, selon moi, le voilement des mineures représente une forme de maltraitance.
Il n’y a pas, d’un côté, les enfants pudiques et, de l’autre, les impudiques.
Les dérives sectaires constitutives d’abus de la liberté d’opinion et de religion, mais aussi de l’ignorance et de la faiblesse d’autrui ou de la mise en péril des mineurs, sont déjà parfaitement appréhendées par le droit pénal.
Allons plus loin aujourd’hui, en ayant le courage de dire non au voilement des mineures. Mon amendement n’est pas correctement rédigé ? Il ne vise pas le bon texte ? Eh bien, rectifions-le, sous-amendons-le, madame la rapporteure ! Nous sommes là pour faire la loi tout en étant, bien entendu, soucieux des exigences constitutionnelles et conventionnelles.
Des textes majeurs ont été adoptés grâce au vote de ces travées : je pense à la reconnaissance du génocide arménien, au retrait, anticonstitutionnel un jour et constitutionnel le lendemain, de l’autorité parentale à un conjoint violent ou encore à la présomption de contrainte lors de relations sexuelles avec un mineur de 15 ans, que nous avons adoptée voilà quelques jours.
En ce qui concerne le véhicule législatif, cette occasion ne doit pas être un rendez-vous manqué. Du reste, même si un texte sur les violences faites aux mineurs nous est soumis, on nous opposera un avis défavorable en convoquant l’article 45 de la Constitution ou en affirmant que ce n’est pas le bon moment…
Max Brisson l’indiquait précédemment, le Sénat a l’occasion, ce soir – pas demain, pas dans un mois, ce soir –, de protéger les mineurs, ici et maintenant, si j’ose dire. Nous voulons lutter contre le totalitarisme islamique ; il faut combattre ce qui en est le symbole. Ce totalitarisme islamique a besoin, comme tous les totalitarismes, de symboles et il se sert des mineurs pour l’imposer.
Nous examinons ce soir un texte portant sur les principes de la République ; cela me semble être le bon texte pour adopter une disposition visant à protéger les mineurs, c’est le bon moment. Il est de notre responsabilité, mes chers collègues, d’affirmer ce soir, haut et fort, que le Sénat ne peut accepter qu’une mineure soit voilée en France. Nous devons le dire aux Français, à ces jeunes filles et même à toutes ces femmes qui, à travers le monde, risquent avec courage leur vie en refusant de porter un voile, afin de sentir le vent dans leurs cheveux.
C’est le moment de le faire, mes chers collègues ! Nous n’allons pas encore attendre je ne sais quel texte. Vous dites que vous êtes élue de banlieue, madame la rapporteure. Pour ma part, je suis élue de Marseille ; partout en France, on voit des petites filles voilées ! C’est de la maltraitance, c’est une indignité que l’on impose à ces enfants. Par conséquent, pourquoi reculer encore aujourd’hui et attendre un autre texte ?
On ne peut pas ne pas lutter contre la maltraitance des enfants dans un texte portant sur les principes de la République !
Je souhaite qu’on légifère pour interdire le voilement des mineures, mais je partage l’avis de notre rapporteure : nous devons trouver le support législatif permettant à ces dispositions d’être conformes à la Constitution, afin que cette mesure ne soit pas retoquée, ce qui aurait l’effet d’annonce contraire à notre volonté.
On ne trouvera pas un moyen de le faire à temps, puisqu’il n’y aura pas de deuxième lecture sur ce texte, …
… donc il ne faut surtout pas se tromper de méthode pour parvenir à nos fins.
Une disposition législative devient en effet urgente ; elle ne doit pas être bâclée, fragilisée, mais il faut y réfléchir rapidement.
Je soutiens les amendements déposés par Mme Delattre, qui préside la séance de ce soir, et par Mme Valérie Boyer.
Je comprends ce que Marie-Noëlle Lienemann vient de dire, mais je crains que le texte que l’on nous promet sur la protection de l’enfance ne puisse s’insérer dans notre calendrier avant longtemps. Je crains également que, même si ce texte pouvait être inscrit dans notre agenda législatif, on ne nous oppose l’article 45 de la Constitution. Or, si ces amendements n’ont pas fait l’objet, aujourd’hui, d’une déclaration d’irrecevabilité au titre de l’article 45, c’est qu’ils ont un lien avec le texte.
Je voterai donc ces amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er, et les amendements n° 162 rectifié bis, 160 rectifié et 129 rectifié bis n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 537 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout organisme de droit public ou de droit privé chargé de l’exécution d’un service public met en œuvre de manière effective, dans l’exercice de ses compétences, les principes de mixité sociale, d’égalité et de non-discrimination.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Nous débattons, depuis cet après-midi, d’un projet de loi dont l’objectif est de faire grandir la République et d’en conforter les principes.
Sans nier les problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontés les services publics, il est important que l’on étudie de près l’accès à ces derniers. Cet amendement, certes largement symbolique, s’inscrit dans la volonté de faire sortir la République de nos débats.
Le droit actuel prévoit l’égalité d’accès au service public ; pour autant, pouvons-nous nous satisfaire de cette égalité seulement formelle, qui, visiblement, ne tient pas face à la vérité du terrain ? D’ailleurs, le précédent défenseur des droits avait alerté, avant son départ, de l’augmentation des réclamations relatives à l’inégalité d’accès aux services publics.
Si cette institution, pourtant garante de l’égalité républicaine, n’arrive pas à assurer un cadre minimal d’accès aux services publics pour nos concitoyens, nous ne voyons pas comment ces derniers pourraient s’intégrer dans un projet républicain ni comment on pourrait imposer au secteur privé le respect de l’égalité. En cinq ans, les demandes adressées au Défenseur des droits ont bondi de plus de 40 % ; on y retrouve, pêle-mêle, des constats de non-accès au service à cause d’une dématérialisation à marche forcée, des fractures fortes entre territoires, dont les services publics disparaissent petit à petit, mais aussi des difficultés de plus en plus grandes à assumer financièrement le recours à certains services publics. Il y a donc un vrai sujet.
Puisque l’on se compare souvent à l’Allemagne, rappelons-nous ce que disait Bismarck, qui avait un objectif social, mais aussi sécuritaire. Le responsable allemand qu’il était avait compris que le recul des politiques publiques engendre une crise de confiance vis-à-vis de l’État, puis la défiance et, pour finir, le rejet de celui-ci. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que les troubles sociaux se déclenchent généralement dans les territoires abandonnés par les services publics.
C’est pourquoi nous souhaitons rappeler, au travers de cet amendement, ces différents principes, afin que l’objectif de consolidation de la République soit effectif et ne se limite pas à l’annonce des grands principes.
Nous entendons les arguments et les inquiétudes de notre collègue, mais tout ce qui est prévu dans cet amendement figure déjà à l’article 1er du texte. Cet amendement étant satisfait, la commission a émis un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Au début du chapitre IV du titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure, il est ajouté un article L. 434-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 434 -1 A. – Préalablement à sa prise de fonctions, tout agent de la police ou de la gendarmerie nationales déclare solennellement adhérer loyalement et servir avec dignité la République, ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et sa Constitution par une prestation de serment. »
I bis
« Art. L. 515 -1 A. – Préalablement à sa prise de fonctions, tout agent de police municipale déclare solennellement adhérer loyalement et servir avec dignité la République, ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et sa Constitution. »
II. – Après le premier alinéa de l’article 11 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à sa prise de fonctions, tout agent de l’administration pénitentiaire déclare solennellement adhérer loyalement et servir avec dignité la République, ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et sa Constitution par une prestation de serment. »
L’amendement n° 260 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 16 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 16 … ainsi rédigé :
« Art. 16 …. – Préalablement à sa prise de fonction, tout fonctionnaire déclare solennellement adhérer loyalement et servir avec dignité la République, ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et sa Constitution par une prestation de serment.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Christian Bilhac.
Le présent projet de loi prévoit que les agents de police, nationale ou municipale, de la gendarmerie nationale ou encore de l’administration pénitentiaire prêteront serment solennellement pour certifier de leur adhésion à la République et à ses principes.
Une telle disposition est bienvenue, mais elle suggère automatiquement une interrogation : pourquoi se limiter à cette liste restreinte de fonctionnaires ? Pourquoi ne pas étendre cette disposition ? Tous les fonctionnaires doivent être sensibilisés aux principes les plus essentiels de notre République, tels que ceux qui sont affirmés dès l’article 1er de la Constitution, selon lequel « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale[, qui] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion [et] respecte toutes les croyances ».
Cet amendement vise donc à modifier les dispositions générales de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. La nouvelle rédaction de la disposition concernera ainsi tous les agents de la fonction publique d’État, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale.
Ce serment républicain sera par conséquent étendu à tous les agents de la fonction publique qui auront, tout au long de leur carrière, à se soumettre aux obligations de neutralité du service public.
La commission a adopté un amendement tendant à élargir cette prestation de serment aux agents de police municipale, ce qui n’était pas prévu dans la version initiale du texte.
Néanmoins, si la prestation de serment nous semble nécessaire pour les fonctions régaliennes et la sécurité, elle ne nous paraît pas souhaitable pour tous les fonctionnaires. D’un point de vue pratique, cela ne doit pas être si simple que cela et, en outre, les fonctionnaires ont déjà, en tant que tels, des obligations.
Par conséquent, l’extension de cette prestation de serment au-delà des personnes qui exercent des fonctions régaliennes de l’État ne nous semble pas nécessaire.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 260 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 267 rectifié, présenté par M. Levi, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Laugier, Menonville, Mizzon, Louault, Bonne, Canevet, Regnard, Chasseing et Ravier, Mmes Joseph, Billon, Paoli-Gagin et Jacquemet, M. Longeot, Mme Drexler, M. Charon, Mmes Schillinger et Herzog, MM. H. Leroy, Segouin, Bonhomme, Duffourg, Le Nay et Folliot, Mmes Morin-Desailly et Bonfanti-Dossat et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Remplacer les mots :
sa Constitution
par les mots :
l’ensemble des textes ayant valeur constitutionnelle
La parole est à M. Michel Canevet.
Il est question, dans cet article, de la prestation de serment qui s’imposera aux agents de police et de gendarmerie.
Il a semblé intéressant à Pierre-Antoine Levi et aux signataires du présent amendement de faire référence, dans ce serment, non pas seulement aux valeurs de la République et à la Constitution, mais à l’ensemble du bloc de constitutionnalité, qui comporte notamment le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de sorte que l’ensemble des valeurs de la République soient prises en compte.
Vous proposez, mon cher collègue, que la prestation de serment concerne le respect non pas de la seule Constitution, mais de l’ensemble des textes ayant valeur constitutionnelle.
Je ne suis pas sûre qu’il faille complexifier cette prestation de serment. Elle est aujourd’hui rédigée de manière très claire et fait évidemment référence à la Constitution. Sa rédaction nous paraît suffisante et nous ne souhaitons pas la complexifier.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 267 rectifié est retiré.
L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Durain, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 6
Après le mot :
Constitution
insérer les mots :
, et s’engage à remplir ses fonctions dans le strict respect des personnes et de leurs droits,
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, et s’engage à remplir ses fonctions dans le strict respect des personnes et de leurs droits,
La parole est à M. Didier Marie.
Le présent projet de loi prévoit que les agents de la police nationale, les gendarmes et les agents du personnel pénitentiaire soient assujettis à une prestation de serment avant leur prise de fonction.
C’était déjà le cas pour le personnel pénitentiaire, mais la loi généralise cela, y compris pour les agents de police municipale, sur notre initiative, puisque, Mme la rapporteure vient de le rappeler, l’amendement que j’avais déposé a été adopté par la commission.
En ce qui concerne le serment lui-même, nous proposons d’en enrichir le contenu afin de prévoir que ces agents s’engagent « à remplir [leurs] fonctions dans le strict respect des personnes et de leurs droits ». Cette formule, qui figure actuellement dans la prestation de serment du personnel de l’administration pénitentiaire, nous paraît importante, car elle met l’accent sur le fait que les principes de la République, auxquels il sera prêté serment, ne sont pas désincarnés ; ils doivent se traduire dans la réalité du quotidien des Français.
Tel est le sens de cet amendement.
La commission a, sur cet amendement, peu ou prou la même position que sur le précédent.
Vous proposez d’aller au-delà de la rédaction actuelle du serment, mais l’objectif que vous visez est déjà satisfait par l’article tel qu’il est rédigé.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je le rappelle, cette formule est déjà incluse dans le serment prêté par les agents de la pénitentiaire. Il ne s’agit que de l’étendre aux autres fonctions concernées ; ou alors il faudrait la retirer du serment des agents pénitentiaire, mais cela poserait problème.
Nous maintenons donc notre amendement, madame la présidente.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Durain, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
par une prestation de serment
La parole est à M. Didier Marie.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 1 er bis A est adopté.
L’amendement n° 261 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Chacun des membres du conseil municipal déclare ensuite solennellement adhérer loyalement et servir avec dignité la République, ses principes de liberté, d’égalité, de laïcité et de fraternité et sa Constitution. »
La parole est à M. Christian Bilhac.
Cet amendement procède du même esprit que l’amendement n° 260 rectifié bis, que je viens de défendre.
Il s’agit d’étendre l’obligation de la prestation de serment républicain aux conseillers municipaux, qui participent par leur action à l’échelle communale, dans le cadre de leur mandat électif, à faire vivre la République et ses principes fondamentaux.
S’il y a lieu de valoriser la démocratie locale, il est également nécessaire que les conseillers soient conscients, dès leur prise de fonction, de leur responsabilité dans la représentation locale de notre démocratie républicaine, qui est laïque et séparée des cultes depuis 1905.
Ainsi, cet amendement tend à instituer un serment républicain que prononceraient les conseillers municipaux nouvellement élus.
Je comprends l’idée de votre amendement, mon cher collègue, mais, je le rappelle, les élus sont déjà soumis à la charte de l’élu local, adoptée lors du premier conseil municipal de l’équipe nouvellement installée. Cette charte décline les principes déontologiques auxquels sont astreints les élus.
En outre, on ne peut pas assimiler les élus à des fonctionnaires ; il y a une différence entre eux.
Enfin, vous ciblez les membres du conseil municipal, mais pourquoi uniquement celui-ci ? On pourrait tout aussi bien se poser la question pour d’autres collectivités, d’autres instances politiques.
Je le répète, il existe déjà des éléments qui assurent le respect, par les élus, de certains principes.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Il n’y a pas, d’un côté, les fonctionnaires et, de l’autre, les autres. Il y a les fonctionnaires, les élus, les citoyens et la République, une et indivisible.
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 154 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « lui propose » sont remplacés par les mots : « peut lui proposer » ;
2° La deuxième phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « En cas d’impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, » sont supprimés ;
b) Le mot : « engage » est remplacé par les mots : « peut également engager ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le code de la sécurité intérieure permet aux entreprises de transport public de personnes ou de marchandises dangereuses de faire précéder l’embauche ou les décisions d’affectation de leurs salariés « d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées ». Cette procédure est essentielle, car elle permet concrètement de vérifier si un salarié affecté à une tâche sensible n’est pas en cours de radicalisation religieuse.
Toutefois, en cas d’avis négatif, l’employeur est dans l’obligation de proposer un reclassement à l’employé et ce n’est qu’en cas d’impossibilité de reclassement qu’il peut procéder au licenciement.
Or il semble nécessaire que le licenciement soit d’emblée une possibilité ouverte à l’employeur. Le reclassement ne devrait pas être imposé si l’enquête a révélé des résultats inquiétants au sujet du salarié. Ce reclassement devrait demeurer une simple possibilité, au même titre que le licenciement.
Tel est l’objet de cet amendement.
Cette disposition est largement inspirée de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, présidée par Mme Delattre, notamment de la demande exprimée par les représentants de la RATP, en particulier Jérôme Harnois, directeur chargé de la maîtrise des risques, de la sûreté et des relations institutionnelles. Cette idée est également abordée dans le rapport d’information de M. le député Éric Diard.
Je le rappelle, cette disposition a été rejetée par la Haute Assemblée, lors de l’examen de la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés, dite « proposition de loi Sécurité globale », voilà deux semaines, parce qu’il pose plusieurs problèmes. Je serai donc rapide, puisque l’on a déjà dû vous les exposer.
Premièrement, cet amendement pose, du point de vue juridique, un problème constitutionnel et conventionnel.
Deuxièmement, les enquêtes administratives sont menées pour l’exercice d’emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens ; toutefois, rien n’exclut qu’une personne puisse exercer un type d’emploi ou occuper des fonctions administratives tout en ne présentant aucun danger pour la sécurité.
Troisièmement, enfin, même si l’on adoptait cette mesure, l’obligation de reclassement pourrait être décidée par le juge, à la suite d’un licenciement sur ce fondement, en application de normes supralégislatives, ce qui viderait de son sens cette mesure.
Ce débat a déjà eu lieu dans cet hémicycle, lors de l’examen de la proposition de loi précitée ; la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
(Supprimé)
Mes chers collègues, afin de ne pas interrompre l’examen des amendements portant sur l’article 1er ter, je vous propose de lever dès maintenant la séance, avec quelques minutes d’avance.
Nous avons examiné 46 amendements au cours de la journée ; il en reste 582.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 31 mars 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
À seize heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 31 mars 2021, à zéro heure trente.