L’heure n’explique pas tout… Je constate que, depuis cet après-midi, nous n’avons finalement abordé – c’est évidemment le droit le plus souverain du Sénat – que deux séries d’amendements portant sur des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte proposé par le Gouvernement.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire plusieurs fois, je suis très attaché à la cohérence de mon discours sur les principes républicains. Depuis presque quatre ans que je suis ministre de ce gouvernement, j’ai travaillé avec le Sénat sur de très nombreux textes concernant souvent les collectivités locales, notamment dans le cadre des finances publiques. Chacun sait, et j’espère que cela se voit, que j’aime la discussion parlementaire.
Matin, midi et soir, j’ai entendu les sénateurs, sans doute de votre groupe, m’expliquer qu’il fallait respecter les élus et leur faire confiance : « Écoutez les élus, laissez-les décider, écoutez l’AMF, laissez les libertés locales s’exprimer, lisez l’article 72 de la Constitution ! » Et je fais confiance aux élus.
Vous avez fait un lapsus révélateur : j’ai été effectivement maire d’une commune dite « difficile », dans laquelle une proportion importante de la population est de confession musulmane. J’ai pris mes responsabilités – cela ne m’a pas empêché d’être élu et réélu au premier tour – en refusant d’organiser des repas communautarisés ou végétariens dans les cantines ou d’autoriser hypocritement un temps de repos le vendredi après-midi – en l’occurrence, c’était ce qui m’était demandé – pour faire la prière.
En tant que vice-président chargé des transports de ma métropole et de ma région, j’ai mis fin au laisser-aller qui avait cours auparavant. J’ai refusé de mettre en place dans ma piscine municipale gérée en délégation de service public ce que vous proposez, alors que d’autres collectivités autour de la mienne le faisaient.
Être élu, c’est aussi avoir la responsabilité de prendre de telles décisions. Monsieur le sénateur, je respecte éminemment les maires ; je ne leur dis jamais, parce qu’ils manqueraient de courage ou de soutien, parce qu’ils feraient preuve de naïveté ou seraient dans la compromission, que nous devrions décider à leur place ! J’ai expliqué précédemment aux présidents Retailleau et Karoutchi que la loi permettait justement de prendre ses responsabilités ; si tel n’était pas le cas, j’aurais compris votre amendement.
Il ne faut en effet pas tenir d’une séance à l’autre de discours différent sur la responsabilité des élus. Le président de l’AMF lui-même ne veut pas de ces dispositions. Je vous recommande, monsieur le sénateur, de ne pas opposer vie sur le terrain et vie dans l’hémicycle. Quel gouvernement a dissous BarakaCity, créée au début des années 2000 ? Quel gouvernement a dissous le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), créé au début des années 2000 ? Quel gouvernement a dissous le collectif Cheikh Yassine, créé dans les années 1990 ? Parmi les gouvernements qui ont été en responsabilité, quel est celui qui expulse, quasiment tous les jours que la République fait, parce que le Président de la République le demande, des étrangers inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ? Qui propose la fermeture des lieux de culte et qui les ferme ?
J’ai bien entendu l’argumentation sur le burkini, dont j’ai compris qu’il avait animé des heures de discussion, mais la police du vêtement n’est jamais une bonne police ! En revanche, faire preuve de courage et de responsabilité, c’est, me semble-t-il, respecter les principes de la République. Je suis d’un courant que l’on pourrait qualifier de droite, mais d’une droite de la responsabilité et de la liberté. La liberté, s’agissant notamment des croyances religieuses, ne peut pas être chassée de la sorte, d’un coup de main, particulièrement quand elle concerne nos compatriotes musulmans.
Là où vous avez raison, monsieur le sénateur, c’est qu’on n’attaque pas une seule religion aujourd’hui – je pense à la dérive islamiste que j’ai par ailleurs dénoncée. Pour le président Retailleau, le burkini n’est pas un vêtement religieux, alors que votre amendement tend à le considérer comme tel. Alors que croire, si ce n’est que ce débat sert à attirer les médias ? Qu’un tel débat se concentre sur un vêtement me désole.
Le 22/05/2022 à 21:57, aristide a dit :
"J’ai bien entendu l’argumentation sur le burkini, dont j’ai compris qu’il avait animé des heures de discussion,"
Des heures de discussion pour régler un cas ultra simple ? ça ne s'arrange pas la vie politique en France.
Si le Sénat a envie de dire que la loi de la religion est supérieure à celle de la République, qu'il ne se gêne surtout pas, ça évitera des heures et des heures de discussions inutiles et incompréhensibles.
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