Monsieur le sénateur, comme pour la proposition de loi constitutionnelle qui avait été rejetée à l’Assemblée nationale, nous considérons que les dispositions de cet amendement portent atteinte à la liberté de candidature, d’expression et d’opinion et sont incompatibles avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme.
Le contenu de la propagande électorale ne peut pas faire l’objet d’un contrôle par l’administration, sauf à ouvrir la voie à de graves risques de dérives. Les seules interdictions en rapport avec la propagande qui peuvent être prononcées concernent le formalisme officiel – fonds blancs, drapeau tricolore… – ou les propos pénalement répréhensibles, comme l’appel à la haine, par exemple.
Par ailleurs, vous envisagez de refuser l’enregistrement d’une candidature si l’intitulé de la liste concernée comporte une mention qui serait de nature à contrevenir aux principes de laïcité ou de souveraineté nationale.
Or le contrôle du préfet, lors de la prise de candidature, est formel : son rôle consiste non pas à refuser des candidatures pour des raisons forcément subjectives, mais à refuser d’enregistrer des dossiers incomplets et à renvoyer vers le juge en cas de difficulté.
Je le répète, l’adoption de cet amendement pourrait entraîner de graves dérives : on pourrait considérer, par exemple, que le parti chrétien-démocrate porte atteinte à la laïcité et qu’il ne peut être enregistré.
Il en va de même de la dépose des affiches : sous la Ve République, seul le juge peut intervenir dans une campagne électorale et ordonner une telle mesure, pas le préfet.
L’éviction de la campagne électorale par le juge des candidatures, qui serait saisi par le préfet en cas d’irrespect des principes républicains, sans possibilité d’appel, ne tient pas : la liberté de candidature s’y oppose. La disposition que vous proposez nous semble donc inconstitutionnelle.
Enfin, vous proposez de conditionner le remboursement de la propagande électorale par l’État au respect, par les candidats, de principes républicains, afin de priver des candidats dits « communautaires » de financement.
S’il est possible d’imaginer une conditionnalité du remboursement et de la propagande qui pourrait être pertinente, celle-ci devrait se fonder sur des critères objectifs et rationnels, avec des définitions recueillant l’assentiment et le consensus de chacun : ne pas recueillir 5 % des suffrages exprimés, manquer à des obligations de déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP…
Toutefois, le contrôle de l’administration ne va pas au-delà. Il s’agit d’une compétence liée du préfet. Or cette disposition reviendrait clairement à assujettir cette conditionnalité à des critères subjectifs, qu’il appartiendrait aux préfets d’apprécier de manière personnelle.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.