Je vous remercie Madame la présidente et suis ravi d'être parmi vous pour évoquer ce sujet important et essentiel pour nous qu'est l'outre-mer. En effet, l'outre-mer occupe une place particulière pour l'ANRU qui est très attachée à la réussite des projets menés dans les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM) sur lesquels nous intervenons.
Je rappellerai brièvement que l'ANRU été créée par Jean-Louis Borloo en 2004 à l'occasion du lancement d'un premier programme, le programme national de rénovation urbaine, dit PNRU, qui s'achève cette année. Pour la plupart des territoires les opérations sont désormais terminées, mais elles se poursuivent encore cette année pour d'autres territoires, dont plusieurs sites outre-mer. L'ANRU poursuit son action à travers un second programme, dit Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), démarré dans ses bases législatives et ses intentions financières et réglementaires en 2014. Une première phase de conception des projets nous a permis, au niveau national, de valider entre 2018 et début 2020 les projets de 400 quartiers sur les 450 concernés et d'allouer plus de 10 milliards d'euros de concours financiers, comprenant des prêts et des subventions. Le dernier Comité interministériel des villes (CIV) a abondé le nouveau programme national de rénovation urbaine de deux milliards d'euros supplémentaires pour les quartiers. Aussi, nous opérons sur certains sites une jonction entre le PNRU et le NPNRU au sens où certaines opérations commencées dans le premier programme se termineront dans le second programme.
L'ANRU intervient outre-mer dans chacun des départements et régions d'outre-mer (DROM) - mais elle n'intervient pas dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Le PNRU nous a permis d'intervenir fortement en mobilisant plus de 400 millions auxquels il faut ajouter, étant donné les spécificités d'intervention de l'ANRU outre-mer, plus de 300 millions d'euros au titre de la ligne budgétaire unique (LBU) du ministère des outre-mer. Sur ce sujet, il n'existe pas de difficultés opérationnelles étant donné que la gestion de ces crédits s'effectue en articulation avec les préfets et les DEAL, délégués territoriaux de l'agence qui gèrent par ailleurs la ligne budgétaire unique.
Le NPNRU est conçu en continuité avec le premier programme du PNRU et ses déclinaisons locales (Projets départementaux de rénovation urbaine - PDRU). Pour certains sites, déjà inscrits au PDRU, les périmètres d'interventions du NPNRU peuvent englober des secteurs d'intervention différents que ceux du premier programme. Par ailleurs, de nouvelles villes ont intégré le NPNRU après une phase de préfiguration qui nous a permis de valider une part substantielle des projets d'outre-mer. Ainsi, ont d'ores et déjà été validés, les six projets de La Réunion, trois projets à Mayotte, le projet de Fort-de-France en Martinique et celui de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, ce qui représente plus de 300 millions d'euros d'engagements financiers validés. Cet engagement financier est amené à progresser puisqu'il reste encore à valider les projets de Cayenne et de Matoury en Guyane ainsi que les sites de Cap Excellence, des Abîmes et de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. L'Agence statuera sur ces projets dans le courant du mois de mai 2021. Enfin, nous allons positionner une clause de revoyure sur certains projets en concertation avec les élus.
J'aborderai désormais les points communs et les spécificités que l'on rencontre dans la conduite des projets que l'on soit en métropole ou en outre-mer.
J'insisterai en premier lieu sur les points communs. Tout d`abord, l'ANRU mène, tant en métropole qu'en outre-mer, une même logique de transformation des quartiers sensibles. De ce fait, il n'existe pas d'un côté un programme spécifique au territoire métropolitain et de l'autre côté un programme dédié aux outre-mer. Nous encourageons sur l'ensemble des projets tous les moyens qui permettent d'améliorer l'aménagement des quartiers, de renforcer les équipements publics et de renforcer le développement du commerce qui améliore la qualité de vie et donne l'envie d'y résider et d'y rester.
Le deuxième point commun est que nous suivons une même logique de gouvernance globale de nos programmes. Les élus locaux sont à la manoeuvre, entourés d'équipes techniques et d'une ingénierie que l'ANRU soutient financièrement. L'Agence s'adapte aux temporalités et aux capacités d'intervention locales pour concevoir et mettre en oeuvre ces projets en tenant compte des spécificités de portage que l'on rencontre en outre-mer
Enfin, le troisième point commun tient à fonctionnement qui opère à travers les délégations territoriales, via le préfet qui s'appuie sur les services de la DEAL qui sont les interlocuteurs privilégiés des acteurs locaux et suivre le développement du programme. L'ensemble de ces éléments témoigne d'une même finalité d'objectifs visant à la transformation des quartiers tant en métropole que dans les territoires ultramarins.
Des spécificités existent cependant en outre-mer et c'est notre devoir de les prendre en compte, comme on le ferait pour la métropole.
En premier lieu, il existe une spécificité législative qui tient à la loi de nouvelle géographie prioritaire, dite loi Lamy, de 2014. Cette loi a, en métropole, porté au niveau intercommunal la gouvernance de la politique de la ville alors qu'elle l'a laissée dans les outre-mer au niveau communal, malgré une forte incitation, à recourir à un portage des EPCI. L'Agence a appuyé cette incitation de portage au niveau intercommunal afin de traiter et de réfléchir aux dysfonctionnements des quartiers. La recherche d'une stratégie d'habitat à l'échelle d'un territoire doit permettre d'intégrer diverses dimensions tels que la politique de mobilité et de déplacement ou le développement économique. De façon évidence, l'échelle d'un quartier, ou celle d'une commune, ne sont pas adaptées pour porter une telle stratégie.
L'agence a pu porter l'idée que les intercommunalités s'associent davantage aux projets de l'ANRU en outre-mer, avec des succès relatifs selon la dynamique des intercommunalités et la capacité coopérative locale. En raison des difficultés financières de certaines communes, les intercommunalités peuvent porter les projets pour permettre une capacité de déploiement sur le NPNRU probablement plus forte comme c'est le cas pour Cap Excellence en Guadeloupe.
D'autres modèles que l'on retrouve à La Réunion ou en Martinique, sont caractérisés par l'association entre une commune, qui assure le portage politique et la maîtrise d'ouvrage des opérations, et son intercommunalité qui vient appuyer le financement des projets. Il s'agit là d'un premier élément de spécificité outre-mer.
Deuxièmement, d'autres spécificités ont trait à la diversité des situations d'habitat dans ces territoires. Comme en métropole, on retrouve dans les quartiers ultramarins des concentrations de logements sociaux qui se sont dégradés au fil des années. Cependant, en métropole, les logements sociaux ont été construits dans les années 1960 et 1970 alors qu'en outre-mer le parc social s'est constitué plus tardivement, remontant aux années 1980 voire aux années 1990. Les interlocuteurs de l'ANRU dans ce domaine sont les bailleurs sociaux, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et sa filiale de la Caisse des dépôts-Habitat (CDC-Habitat) qui interviennent en termes de participation et de structuration du secteur des bailleurs sociaux, ainsi que le groupe Action Logement qui intervient sur un certain nombre d'opérations.
Dans les DROM, l'ANRU est intervenue dans le cadre du PDRU dans les quartiers de Pointe-à-Pitre, Les Abymes, à Fort-de-France et à Cayenne ainsi qu'à La Réunion où l'on retrouve des conditions d'habitat ancien dégradé que dans les centres-ville ou à proximité. Les bailleurs sociaux sont les interlocuteurs les mieux positionnés pour répondre aux problématiques d'habitat privé. Par ailleurs, la résorption des habitats informels et spontanés suppose des besoins en ingénierie plus marqués, ce qui constitue là aussi une spécificité des outre-mer où ce type d'habitat est très répandu. Ces constructions, similaires à des bidonvilles, se sont établies depuis longtemps sur des bases fragiles, y compris au niveau juridique, principalement à Mayotte et en Guyane. Il nous faut ainsi être en capacité de traiter toutes ces situations en recherchant évidemment des solutions qui s'ajustent le mieux au terrain. Il faut une forte capacité de portage des dossiers sur ces projets structurants et complexes. C'est tout l'enjeu de l'ingénierie qui doit permettre un portage efficace de ces projets structurants, dont la mise en oeuvre est parfois complexe. Ce sujet de l'ingénierie revient fréquemment en outre-mer. L'Agence propose plusieurs formes d'accompagnement aux collectivités : le co-financement des postes de chefs de projets, le financement d'études (notamment pré-opérationnelles) et la mise en oeuvre de missions d'appui complémentaires permettant d'apporter une expertise de pointe. Ces dispositifs sont généralement très utiles et fortement sollicités en outre-mer, où certains départements se trouvent confrontés à des vacances de postes significatives pour les chefs de projets, pouvant retarder la mise en oeuvre des projets.
L'Agence est mobilisée tant au siège national que dans les missions territoriales, formant l'équipe de Benoît Zeller, avec deux chargées de mission spécialisées pour les DROM : une pour les Antilles-Guyane, et l'autre sur l'océan Indien. Nous échangeons avec elles très fréquemment, bien que la période actuelle ne permette pas de se rendre sur place, et avons acquis depuis longtemps une véritable habitude de travail pour soutenir et accompagner ces territoires. En dépit des difficultés que nous pouvons rencontrer, des initiatives très intéressantes se mettent en place notamment avec le nouveau programme de rénovation urbaine.