Le président Stéphane Artano, qui suit notre réunion en visioconférence depuis Saint-Pierre-et-Miquelon, m'a chargée de l'excuser auprès de vous et de bien vouloir le remplacer pour présider cette réunion.
Dans le cadre de notre étude sur le logement outre-mer, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin deux représentantes d'un établissement public très important pour la politique du logement, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) : Valérie Mancret-Taylor, directrice générale, et Céline Cassourret, conseillère en stratégies territoriales. Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation et de permettre ainsi à nos trois rapporteurs, Victorin Lurel, Micheline Jacques et Guillaume Gontard, de vous interroger sur vos actions en direction des outre-mer.
En effet, nous connaissons la mission de l'ANAH au niveau national, laquelle consiste à améliorer l'état du parc de logements privés existants pour lutter contre la fracture sociale et territoriale. Nous comptons sur votre éclairage pour mesurer plus précisément votre action dans les outre-mer, en particulier dans le cadre du nouveau plan Logement outre-mer 2019-2022, pour la lutte contre l'habitat indigne ou en faveur de l'émergence de projets innovants.
Pour votre information, je vous précise que nous avons déjà auditionné, dans le cadre de notre étude, la direction générale des outre-mer (DGOM), la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), la Cour des comptes, l'Union sociale pour l'habitat (USH), l'Union sociale pour l'habitat outre-mer (USHOM), Action Logement, l'Agence française de développement (AFD) et la Banque des territoires. Une table ronde organisée en février nous a permis d'appréhender les problématiques propres à Mayotte. Mardi dernier, lors du débat en séance publique sur le thème « Construire plus et mieux en France », deux de nos collègues, Marie-Laure Phinera-Horth et Viviane Artigalas, sont aussi intervenues pour rappeler l'acuité des réalités ultramarines.
Je laisse la parole aux représentantes de l'ANAH pour une présentation générale sur la base de la trame qui leur a été transmise. Puis je donnerai la parole aux rapporteurs pour des précisions complémentaires, et nous aurons un tour de table pour les questions des autres collègues.
Je vous remercie de votre accueil. Je suis accompagnée par Cécile Cassouret : conseillère en stratégies territoriales, elle s'occupe en particulier des départements ultramarins et complétera utilement mon propos.
En propos liminaire, puisque vous avez déjà auditionné la DGOM et la DHUP, je rappellerai brièvement que l'ANAH est un établissement public administratif ayant pour mission depuis cinquante ans d'améliorer le parc privé de l'habitat détenu par des propriétaires occupants et des propriétaires bailleurs, de plus en plus concernés par la rénovation énergétique, laquelle passe par des travaux d'amélioration de l'habitat dans son ensemble.
Le régime des aides de l'Agence est différent en métropole et dans les départements ultramarins. Il a été décidé voilà plusieurs années de créer une ligne budgétaire unique (LBU), gérée par le ministère des outre-mer, pour financer un certain nombre d'actions complémentaires de celles de l'Agence. Par conséquent, nous ne finançons dans les départements ultramarins que les travaux des propriétaires bailleurs - à l'exclusion de ceux des propriétaires occupants - et nous accompagnons les collectivités territoriales dans l'ingénierie, notamment les études préopérationnelles, le suivi-animation et la direction de projet.
Une petite nuance a été introduite dans ce distinguo entre propriétaires bailleurs et propriétaires occupants le 1er janvier 2020 lorsqu'a été créée une aide nouvelle distribuée par l'Agence : MaPrimeRénov'. Cette aide à la rénovation énergétique a été ouverte à l'origine aux propriétaires occupants modestes et très modestes, et sur l'ensemble du territoire français, c'est-à-dire à la fois en métropole et dans les départements d'outre-mer. Les travaux des propriétaires occupants ultramarins sont donc financés, non sur les programmes « historiques », mais au travers de cette nouvelle aide.
Le décor est campé concernant les règles qui régissent notre intervention outre-mer. Je répondrai donc maintenant aux questions dans l'ordre où elles nous ont été transmises.
Vous avez cité le nouveau plan Logement outre-mer 2019-2022. Nous sommes engagés dans ce plan qui concerne un certain nombre d'établissements publics nationaux, dont l'ANAH. Nous avons notamment, dans une mesure dite « 2.2.2 », établi un programme d'objectifs faisant l'objet d'une convention pluriannuelle entre l'ANAH, le ministère des outre-mer et le ministère de la ville et du logement. Les derniers points de cette convention viennent d'être finalisés, et elle devrait être signée sous peu. Il s'agit d'améliorer l'investissement dans le parc privé, de dynamiser les programmes nationaux à l'instar du programme Action coeur de ville, qui s'est beaucoup développé dans les départements d'outre-mer, du plan « Initiative copropriétés » ou du plan national « Logement d'abord » pour aider les plus démunis à trouver un logement après la rue, sans passer nécessairement par des structures d'hébergement. Des adaptations sont nécessaires pour une bonne articulation entre les financements du ministère des outre-mer via la LBU et les aides de l'ANAH. Elles sont également en cours de réflexion et figurent dans la convention.
Dernier élément très important de ce plan Logement outre-mer 2019-2022, MaPrimeRénov' a donc été ouverte en 2020 aux propriétaires occupants modestes et très modestes - les quatre premiers déciles de la population française -, et depuis le 1er janvier 2021 à tous les propriétaires occupants, y compris dans les départements d'outre-mer (DOM). Les propriétaires bailleurs pourront en bénéficier à compter du mois de juillet 2021.
Vous nous avez interrogés sur le financement et la coordination, en particulier sur les résultats exceptionnels de l'Agence en 2019 et en 2020, ainsi que sur le déploiement dans les départements d'outre-mer. Trois facteurs principaux expliquent cette situation, à commencer par le fait que l'intervention sur le bâti existant est en constante augmentation et de plus en plus portée par la puissance publique, l'État et les collectivités territoriales. L'incitation à ouvrir moins de terres à l'urbanisation se fait toujours plus insistante dans les documents programmatiques de l'habitat et dans ceux qui sont relatifs à l'urbanisme.
Deuxième facteur, les programmes nationaux lancés par le Gouvernement dès le début du quinquennat : le programme Action coeur de ville, prolongé par le programme Petites villes de demain, le plan Logement d'abord qui permet pour partie d'intervenir sur le parc privé et le plan « Initiative copropriétés » en faveur des copropriétés les plus dégradées.
Troisième facteur, une certaine stabilité budgétaire. Le budget de l'ANAH n'a subi aucune tension budgétaire ces dernières années. Il a même été augmenté par le Gouvernement. En conséquence, les éléments votés par le conseil d'administration de l'Agence en fin d'année pour l'année n+1 sont tenus sur toute l'année. Les programmes impliquent fortement les collectivités territoriales, les opérateurs qui oeuvrent sur le terrain et les habitants. A travers cette implication, nous envoyons vers les territoires des signaux de cette stabilité et d'une capacité à s'engager dans des démarches d'intervention sur l'habitat privé.
Qu'entend-on par « résultats exceptionnels » ? Cela signifie que les objectifs fixés chaque année par le Gouvernement à l'Agence sont complètement atteints, y compris pour 2020, année exceptionnelle de crise sanitaire. Néanmoins, durant le confinement, qui a affecté tous les opérateurs, les services de l'Agence, à Paris et dans tous les territoires, ont réussi à engager les dossiers ; à la sortie de cette période à la fin du printemps de 2020, les entreprises sont retournées sur le terrain et les services ont continué leur action en faveur des propriétaires, y compris le paiement des subventions lorsque les travaux sont réalisés, qu'il s'agisse des aides historiques de l'ANAH ou de MaPrimeRénov'. Nous avons ainsi atteint les objectifs ambitieux qui nous avaient été fixés.
La dynamique est également positive dans les DOM. En effet, en 2021, le montant d'aide qui leur est réservé est en augmentation de 3,3 millions d'euros, dont 700 000 euros sont dédiés à la rénovation énergétique des copropriétés dans le cadre du plan de relance. Outre ces aides, l'enveloppe prévue pour MaPrimeRénov' est quasiment de 1,5 milliard d'euros sur l'ensemble du territoire national. Les propriétaires occupants dans les DOM peuvent en bénéficier s'ils répondent aux conditions d'attribution de l'aide. Aucune limite n'a été fixée entre la métropole et les départements ultramarins.
La deuxième question portait sur le premier bilan du dispositif MaPrimeRénov', lancé en 2020. Les résultats dans les DOM sont un peu en deçà de ceux de la métropole, car c'est une aide nouvelle en outre-mer, alors qu'elle s'inscrivait dans la continuité d'une aide existante en métropole. Lorsque l'ANAH aide des propriétaires bailleurs à réaliser des travaux, elle s'adresse à des personnes qui ne sont pas forcément des professionnels du bâtiment, ce qui requiert de leur part un temps d'adaptation et d'appropriation de l'aide. Nous avons été particulièrement concernés par ce phénomène en 2020, première année où les propriétaires occupants dans les outre-mer ont pu en profiter.
MaPrimeRénov' s'intègre dans un écosystème d'aides spécifiques dans la mesure où une aide de l'ANAH est toujours assortie d'autres enveloppes. Elle est complétée par les certificats d'économie d'énergie en métropole, et par les aides de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans les DOM. Le temps de montage des dispositifs financiers pour accompagner les propriétaires prend du temps. Près de 700 dossiers ont été engagés en 2020 pour bénéficier de MaPrimeRénov'. Entre le 11 janvier dernier, date où cette aide a été plus largement ouverte aux propriétaires occupants, et la fin du mois de février, 500 dossiers ont été déposés. En deux mois, les demandes ont représenté 70 % du volume de 2020. Par ailleurs, quatre cinquièmes des aides de 2020 ont été engagées à La Réunion, département particulièrement dynamique. En revanche, aucune ne l'a été en Guyane et à Mayotte. C'est dire si les différences entre les départements sont réelles.
Le volume de ces aides, qui monte progressivement en puissance, s'explique par la nouveauté du dispositif et le temps nécessaire d'appropriation. Par ailleurs, les aides du programme MaPrimeRénov' ne sont distribuées aux propriétaires que s'ils répondent aux critères d'éligibilité et font appel à une entreprise reconnue garante de l'environnement (RGE), dont le nombre est moindre dans les DOM. Enfin, autre élément important : les besoins en matière de rénovation énergétique sont différents entre les DOM et la métropole ; il convient d'ajuster les aides en fonction des besoins réels. Afin d'adapter les critères techniques aux spécificités ultramarines, un groupe de travail, piloté par la DHUP, a été mis en place, auquel participent la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la DGOM et l'ANAH.
Concernant MaPrimeRénov', l'ANAH distribue cette aide de l'État mais ne communique pas directement sur ce dispositif. Les actions de communication sont portées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et pilotées par le ministère chargé du Logement. À l'ANAH, nous effectuons un travail d'information et de formation des agents qui oeuvrent pour le compte de l'Agence dans ces départements et nous permettent de communiquer en direction des collectivités territoriales et des opérateurs instruisant ces aides.
Une autre question portait sur le plan Logement outre-mer (PLOM). Une part importante de ce plan concerne l'articulation des aides de l'ANAH et celles portées par le ministère des outre-mer, notamment dans le cadre de la LBU. Cette coordination doit être plus lisible pour les acteurs. Une convention pluriannuelle va être signée par l'ANAH, le ministère chargé du logement et le ministère des outre-mer, dans laquelle on retrouve des dispositions qui n'étaient pas prévues dans le PLOM.
Ce plan met tout d'abord l'accent sur la nécessité de consolider les connaissances. Le parc privé est peu connu, il requiert beaucoup d'études, et nous nous sommes fixés un objectif commun de consolidation des connaissances avec le ministère chargé du logement et le ministère des outre-mer.
Deuxièmement, les actions pour intervenir sur un parc privé sont tout à fait spécifiques. Dans les DOM, on trouve des habitats informels, sans titre de propriété, sur lesquels il est compliqué pour l'ANAH d'intervenir. Une stratégie d'action est donc nécessaire, cela rejoint à la fois la question de la connaissance et les possibilités d'intervention.
Autre axe important, celui de la formation et de l'information. Les modalités d'intervention sur du bâti appellent des compétences spécifiques et complexes. Nous avons besoin de former et d'informer sur les dispositifs existants et les bonnes pratiques.
Dernier axe enfin : le suivi de l'évaluation et du contrôle, afin de dresser des bilans des actions, de lutter contre les phénomènes de fraude et, si nécessaire, de faire évoluer les aides à la lumière des retours d'expérience.
L'impact du programme Action coeur de ville est très positif. Il rejoint notamment un des points évoqués dans le PLOM, avec la mise en place de véritables stratégies d'intervention en concertation avec les collectivités territoriales. Ces interventions relèvent d'une volonté globale de revitalisation territoriale qui concerne la rénovation de l'habitat mais aussi l'amélioration de l'espace public, le développement des mobilités, le traitement des équipements... Céline Cassourret peut vous citer quelques exemples intéressants.
Le déploiement du programme Action coeur de ville est aujourd'hui effectif. Le décalage par rapport à la métropole est lié à l'antériorité des actions de l'ANAH en centre ancien. Ce décalage existe aussi selon les départements. Les Antilles et la Guyane sont allées plus vite dans la mise en place opérationnelle ; La Réunion et Mayotte sont en train de lancer les opérations.
À la Martinique, on peut noter la rénovation du bâtiment emblématique La Nationale, classé monument historique. L'ANAH et Action Logement sont intervenus conjointement, avec un volet rénovation énergétique notable. Des actions ont été menées aussi avec la Fondation du patrimoine.
En Guadeloupe, la rénovation de l'habitat est très dynamique. Par ailleurs, nous venons de lancer l'opération de Cayenne, avec trois dossiers cofinancés par l'ANAH et la direction des affaires culturelles (DAC). Nous pouvons aussi évoquer l'opération lancée à Mayotte, où il faudra attendre quelques années avant d'observer les premiers résultats. Et à La Réunion, plusieurs opérations sont également prévues.
Avec le programme Action coeur de ville, nous sommes passés de 2 à 12 opérations programmées et 5 déjà signées.
Une question portait ensuite sur l'accompagnement et les financements en ingénierie. Ce terme d'ingénierie recouvre des études de diagnostic, financées par l'ANAH en lien avec les collectivités territoriales, qui permettent de connaître le patrimoine d'habitat privé d'un territoire et aussi son occupation, c'est-à-dire le statut et les revenus des propriétaires, éléments déterminants dans l'orientation des aides.
Céline Cassourret a évoqué certaines opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH). Une étude, au préalable, décide de ces opérations, et ensuite l'ANAH et la collectivité territoriale s'engagent à financer directement les travaux ou à aider les propriétaires pour le financement. De même, l'ANAH et la collectivité territoriale financent ce que nous appelons le suivi-animation, c'est-à-dire la présence sur le territoire d'un opérateur choisi par appel d'offres. Son rôle consiste à engager des actions auprès des propriétaires, en les informant des aides publiques auxquelles ils peuvent prétendre.
Dernier axe de financement de l'agence : la direction de projet. Nous avons constaté, notamment dans le cadre du programme Action coeur de ville, que sur des sujets aussi complexes que l'habitat privé, il est nécessaire d'avoir, au sein de la collectivité territoriale, un chef de projet capable d'animer ces opérations de revitalisation.
Ces trois types d'aides sont déployés dans les DOM. De manière générale, nous observons des insuffisances en ingénierie. Nous constatons une nouvelle montée en puissance des souhaits d'intervention sur le parc privé dans ces territoires. La répartition des financements entre l'ANAH et le ministère des outre-mer n'était, jusqu'à ce jour, ni forcément connue ni bien coordonnée ; c'est l'un des axes d'action du PLOM notamment.
Enfin, je souhaiterais évoquer le cas des opérateurs. Ce sont des structures privées ou associatives qui répondent à des marchés publics, interviennent aussi bien pour réaliser des études que pour assurer le suivi-animation. Leur nombre, dans les DOM, est encore insuffisant. Mais les collectivités territoriales s'engagent de plus en plus en faveur de la revitalisation des centres anciens, et cette dynamique favorise l'activation des financements de l'ANAH en matière d'ingénierie.
Avec le démarrage, l'an dernier, du programme Action coeur de ville, nous avons augmenté de 50 % nos dépenses en ingénierie en outre-mer. Ce chiffre témoigne d'un changement radical. Une réflexion nouvelle s'est également engagée afin d'avoir des opérateurs habilités à la fois pour la LBU et l'ANAH.
Le développement de l'offre de logement social n'entre pas du tout dans le champ d'intervention de l'ANAH. Sur le traitement de l'habitat indigne, le financement est pris en charge par la LBU du ministère des outre-mer.
Depuis l'été 2020, le conseil d'administration de l'Agence a délibéré en faveur de deux dispositifs nouveaux : la vente d'immeubles à rénover (VIR) et le dispositif d'intervention immobilière et foncière (DIIF). Ces dispositifs assez complexes, suivis par les services déconcentrés de l'État au niveau local et par les services de l'ANAH au niveau national, permettent d'intervenir sur des ensembles immobiliers complets et uniques, et donc de solliciter des opérateurs de logements sociaux qui peuvent acquérir ces biens, les traiter et ensuite bénéficier des aides de l'agence.
Sur la question des logements informels, et notamment sur ce que l'on peut observer en Guyane et à Mayotte, l'ANAH n'est pas légitime pour intervenir dans ce domaine qui relève de l'urbanisme. L'habitat informel ne permet pas de désigner le propriétaire, on ne sait pas à qui appartient le foncier et l'immobilier. Cette connaissance n'étant pas établie, les aides de l'agence ne peuvent pas être déployées. C'est la raison pour laquelle j'évoquais précédemment la nécessaire connaissance du parc privé, donc de la propriété, et donc du statut du propriétaire.
Céline Cassourret va maintenant vous citer quelques exemples de travaux de rénovation.
J'évoquerai d'abord les dispositifs, puis les travaux. Particulièrement adaptés au tissu urbain de l'outre-mer, où nous trouvons beaucoup de monopropriétés vacantes et dégradées en centre ancien, des dispositifs comme le VIR et le DIIF permettent aujourd'hui d'intervenir sur ces immeubles via des acteurs parapublics et privés, en les rénovant en intégralité, en les « portant » pendant neuf ans avec des loyers conventionnés, ou en favorisant l'accession sociale à la propriété. Ces dispositifs ont vocation à se développer dans les années à venir.
Les travaux sont adaptés aux conditions locales : les chauffe-eau solaires, les systèmes de protection des toitures, des murs, des parois vitrées, les brasseurs d'air et les menuiseries extérieures « ventilantes ». Une partie de ces travaux est financée par MaPrimeRénov', dont le déploiement est inégal selon les départements et aussi selon les travaux. Le groupe de travail avec la DHUP, la DGEC, la DGOM et l'ANAH a été mis en place pour revaloriser le montant des primes dédiées en fonction des postes de travaux et mieux les promouvoir en outre-mer. Il existe également la prime « Habiter mieux » pour toute rénovation réalisée en outre-mer.
Nous travaillons actuellement sur des adaptations de « MaPrimeRénov' Copropriété », qui correspond à des travaux de ce type à l'échelle des copropriétés. L'opération La Nationale en Martinique est un bon exemple de la rénovation énergétique, ainsi que d'autres opérations récentes en Guadeloupe.
Les associations de quartiers mènent également des actions pour renforcer l'adhésion sociale au projet de reconstruction et de réhabilitation. Nous pouvons citer le travail effectué avec les Compagnons bâtisseurs, notamment en Guyane. Nous avons mis en place des bricothèques-outilthèques qui, en parallèle des rénovations formelles de l'ANAH, mettent à disposition des habitants du quartier concerné des outils, des manières de faire, des formations, de l'information, dans le but de développer une culture de l'amélioration de l'habitat.
On peut citer un autre exemple à Pointe-à-Pitre, avec l'association Atelier Odyssée qui porte le projet « Pli Bel Lari » qui met en valeur le quartier en parallèle des opérations programmées sur le territoire.
Il n'est pas rare, y compris en métropole, que l'on travaille avec des filières et que l'on noue des partenariats avec des associations. La construction et l'animation de ces partenariats, parfois avec des écoles d'architecture, parfois avec des filières d'insertion, peuvent entrer dans les missions de l'opérateur cofinancé par l'ANAH.
Pour bien préciser les choses, nous ne finançons pas de constructions nouvelles, mais uniquement l'amélioration de l'habitat existant. Tout ce qui relève de l'autoconstruction est financé par la LBU, de même que l'autoréhabilitation. En métropole, ce type d'opération est souvent accompagné par les établissements publics fonciers, qui apportent leur expertise.
Les DOM sont des territoires d'expérimentation et d'innovation. Nous travaillons dans ce sens avec eux, comme en témoigne la convention évoquée précédemment. Pour rappel, c'est sur proposition des collectivités territoriales que l'ANAH examine ces éléments d'expérimentation. L'Agence accompagne les collectivités qui, après avoir délibéré, s'engagent dans ce type d'intervention et mettent à disposition des fonds publics.
La réglementation environnementale 2020, dite RE 2020, s'applique exclusivement aux constructions neuves et ne concerne pas les réhabilitations financées par l'ANAH. Notre agence demande une performance énergétique, avec des pourcentages de gains obtenus. La rénovation énergétique en outre-mer fait l'objet d'un examen précis, adapté aux besoins des territoires. Trois types de travaux sont obligatoires à réaliser pour atteindre ce gain énergétique : l'isolation des parois ; le changement de système de chauffage afin d'émettre moins de gaz à effets de serre ; et la question de la ventilation, de l'aération du logement.
L'ANAH, bien entendu, accompagne les filières de matériaux locaux et biosourcés, qui, pour être financés, doivent bénéficier d'un label minimum.
L'une des vocations de l'ANAH est également d'améliorer les patrimoines locaux en finançant les travaux, souvent onéreux, de rénovation. Cela demande une intervention de la puissance publique, notamment des collectivités territoriales.
Enfin, dans les DOM, les travaux liés à la perte d'autonomie des personnes sont pris en charge par la LBU, alors qu'en métropole, l'ANAH apporte une aide spécifique sur ces sujets. Nous finançons actuellement 20 000 logements par an, avec une montée en puissance au fil des ans. Nous avons, sur ce sujet, une ingénierie compétente, et nous essayons d'accompagner les services déconcentrés de l'État et les collectivités territoriales dans les DOM pour améliorer la connaissance et le traitement de ce phénomène de perte d'autonomie.
Je vous remercie pour la clarté de vos réponses. Je laisse maintenant la parole à nos rapporteurs.
Il y a deux ans, devant l'une des commissions du Sénat, je vous ai interpellé sur l'action de l'ANAH dans les territoires d'outre-mer. Après vous avoir entendu, je suis un peu déçu. On a l'impression que l'ANAH n'a pas une action très dynamique en outre-mer. Je souhaite vous interroger sur vos trois types de travaux.
Le premier type de travaux concerne la rénovation énergétique, avec deux sortes d'aides : « Habiter mieux sérénité » et MaPrimeRénov'. L'aide « Habiter mieux sérénité » a-t-elle une réalité en outre-mer ? Apparemment, non. Concernant MaPrimeRénov', vous avancez le nombre de 700 dossiers. Pour quels montants ? Et pour combien d'années ?
Votre prédécesseur, à l'époque, m'avait répondu qu'il intervenait sur l'amélioration de l'habitat. En métropole, on connaît deux types d'aides : « Habiter sain » et « Habiter serein ». Là encore, est-ce une réalité en outre-mer ? Pour quels montants, quels territoires, quelle durée ?
Enfin, vous réalisez des travaux afin d'adapter le logement, notamment pour les personnes en situation de perte d'autonomie, avec l'opération « Habiter facile » en métropole. Quelle est la réalité, encore une fois, de ces interventions en outre-mer ?
Je n'ai pas trouvé de distinction juridique sur l'exclusivité de la LBU d'outre-mer, écartant l'intervention de l'ANAH, notamment sur l'adaptation de l'autonomie. En quoi cela interdit-il à l'ANAH d'intervenir ? Pourquoi ne serait-ce pas complémentaire ?
Enfin, comment s'organisent vos services et combien de personnes sont dédiées aux outre-mer ? Dans chaque territoire, quel est le dispositif d'information déployé pour une effectivité plus importante ?
Nous aimerions voir l'ANAH intervenir beaucoup plus dynamiquement dans nos territoires !
Les études pré-opérationnelles permettent-elles d'apporter une aide aux collectivités, et ainsi identifier les habitations informelles pour les accompagner vers la régularisation ?
Je suis déçue que les associations de quartier ne soient pas plus impliquées dans les opérations, alors que ces habitants sont les plus à même d'apporter des informations intéressantes sur les réalités du quotidien.
Quel est votre avis sur la mise en place d'Assises de la construction ultramarine ? Seriez-vous prête à y participer ?
La RE 2020 a encore été repoussée. Quelles sont vos propositions sur son adaptation aux territoires d'outre-mer ?
Je pense aussi que vous pourriez renforcer votre lien avec les entreprises, en termes de formation.
Vous avez répondu de façon satisfaisante sur la question de l'utilisation des matériaux locaux, mais vous mériteriez de prendre un rôle d'initiative pour pousser les filières du bois et de la terre compressée.
La répartition entre le ministère des outre-mer et le ministère du logement sur le financement de l'habitat privé est fixée par le code de la construction et de l'habitation. La LBU portée par le ministère des outre-mer et le budget de l'ANAH, votée annuellement par son conseil d'administration, font bien évidemment l'objet d'une répartition interministérielle, arbitrée par Matignon.
Nous allons vous préparer les éléments financiers sur 2020, voire 2019, en ce qui concerne les différents types de propriétaires - propriétaires bailleurs et propriétaires occupants -, selon les territoires. Je l'ai dit dans mon propos liminaire, l'intervention de l'ANAH est beaucoup plus faible dans les départements ultramarins qu'en métropole, compte tenu de la répartition précédemment évoquée. Nous n'accompagnons pas les propriétaires occupants dans les départements d'outre-mer, sauf pour MaPrimeRénov' depuis janvier 2020. Seuls les propriétaires bailleurs sont concernés par notre aide.
À chaque étude préopérationnelle impliquant la mise en oeuvre d'une direction de projet et du suivi-animation, les financements de l'ANAH en ingénierie ne font pas de distinguo entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs. L'ingénierie est cofinancée par l'ANAH à hauteur de 50 % des montants engagés par les collectivités, quel que soit le type de propriétaire et de propriété.
Sur la rénovation énergétique, deux dispositifs d'aide sont déployés : MaPrimeRénov' et « Habiter mieux sérénité ». Concernant MaPrimeRénov', je l'ai dit, 700 dossiers ont été déposés en 2020, et 500 dossiers depuis le début de l'année 2021. Cette aide relève bien de la fusion du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) et d'un ancien dispositif de l'ANAH, « Habiter mieux agilité ».
Quant à l'aide « Habiter mieux sérénité », elle permet de faire des rénovations globales. Elle a fait depuis plus de deux ans l'objet d'une expérimentation spécifique pour les départements d'outre-mer, notamment à destination des propriétaires occupants. Mais aucun dossier n'a été déposé...
Sur l'amélioration de l'habitat, les dispositifs « Habiter sain » et « Habiter serein » permettent de réaliser des travaux d'intervention lourds. Ils sont parfois mobilisés par les propriétaires bailleurs, mais jamais par les propriétaires occupants puisque nous ne les aidons pas dans les territoires ultramarins. Ces dispositifs sont compensés par la LBU portée par le ministère des outre-mer.
En ce qui concerne l'autonomie, le dispositif « Habiter facile » est mis en place avec des règles similaires, quoique plus draconiennes en ce qu'il ne s'applique pas dans les départements d'outre-mer - tout est traité par le ministère des outre-mer.
La situation est encadrée d'un point de vue législatif et réglementaire. C'est ainsi que, dans la convention qui nous lie au ministère des outre-mer et au ministère du logement, nous souhaitons rechercher les meilleures articulations possibles entre la LBU et les aides de l'ANAH, afin d'éviter la sous-exécution collective. La solution se trouve dans l'intervention stratégique des collectivités territoriales sur les champs d'intervention de l'habitat privé, la définition de la politique à mener sur ces territoires et des financements en ingénierie qui permettent d'accompagner cette intervention.
S'agissant de la communication, un certain nombre de dispositions sont prévues par le code. C'est l'Ademe qui en a la charge. L'information que fait l'ANAH vis-à-vis des services déconcentrés de l'État ou des collectivités territoriales est absolument indifférenciée. L'ensemble des départements d'outre-mer et de métropole sont conviés à nos réunions bitrimestrielles avec les services déconcentrés.
Concernant les équipes dont nous disposons dans les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), la DHUP sera en mesure de vous répondre puisque c'est sous son autorité et celle des préfets, que sont placés les services déconcentrés de l'État. Pour sa part, l'ANAH se contente d'animer ces services avec les équipes de tous les départements pour les informer et les former. Mais je n'ai pas autorité sur elles, et n'en connais pas précisément les effectifs. Ces équipes sont simplement mises à disposition pour traiter la politique de l'habitat privé dans le champ des politiques de l'habitat portées au niveau national.
La résorption de l'habitation indigne s'effectue grâce à la LBU. Concernant l'ingénierie, notre aide apportée aux collectivités territoriales se fait indépendamment des champs d'aide aux travaux. Nous les accompagnons dès lors qu'elles souhaitent mener une étude sur un territoire donné, y compris lorsqu'elles découvrent de l'habitat informel. Nous en finançons le diagnostic, mais les actions de régularisation ne relèvent pas de notre compétence.
L'opération programmée d'amélioration de l'habitat à Maripasoula, en Guyane, est déployée dans les territoires à fort taux de logements informels. L'opérateur, avant régularisation, fait le repérage et se met en lien avec l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA).
Notre politique permet la mise en place de cette animation et de ces partenariats locaux, mais tout dépend de la volonté des élus, des associations et des habitants de s'intégrer dans cette dynamique.
Nous faisons au mieux, avec une attention toute particulière portée à ces départements.
Il y a un an, Céline Cassourret et moi-même avons fait un tour des départements d'outre-mer, par conférences dématérialisées. À cette occasion, nous avions réalisé un travail avec l'ensemble des DEAL afin d'entendre toutes les difficultés auxquelles les services déconcentrés sont confrontés, et pour alimenter la convention qui nous lie aux ministères des outre-mer et du logement. Les champs d'interventions demeurent limités par le cadre législatif et réglementaire.
Un décret nous autorise à faire de l'expérimentation, mais elle doit être proposée par les collectivités. Toute proposition qui nous est soumise sera examinée et pourra faire l'objet d'une délibération ad hoc en conseil d'administration, ou simplement d'une instruction spécifique.
Quant à l'adaptation de la RE 2020 aux territoires d'outre-mer, il me semble qu'elle est examinée par la DHUP dans le cadre du groupe de travail qui est en place.
La RE 2020 s'applique aux constructions neuves. L'Agence est uniquement chargée de l'amélioration des habitations existantes. En revanche, nous participons à la discussion sur la réhabilitation de l'habitat. Tous nos régimes d'aide sont soumis à une performance énergétique en sortie. Nous travaillons donc sur ces sujets, mais pas forcément sur l'adaptation de la RE 2020.
S'agissant des Assises de la construction ultramarine, nous sommes favorables à toute disposition mettant en partenariat différents corps de métiers, de structures de fabrication de matériaux, pour permettre de déployer la connaissance. En cas de sollicitation, nous expliquerons la façon dont les aides de l'ANAH peuvent être mobilisées dans ces territoires.
Je vous remercie pour la clarté de vos propos qui permettent de mieux connaître le niveau d'intervention de l'ANAH en outre-mer dans les différents territoires.
- Présidence de Mme Annick Petrus, vice-présidente -
Le président Stéphane Artano, qui suit notre réunion en visioconférence depuis Saint-Pierre-et-Miquelon, vous prie de bien vouloir l'excuser et il me revient de le remplacer pour présider cette réunion.
Dans le cadre de notre étude sur le logement outre-mer nous avons le plaisir d'accueillir ce matin deux représentants d'un établissement public très important pour la politique de la rénovation urbaine, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : MM. Nicolas Grivel, directeur général et Benoît Zeller, directeur opérationnel. Nous vous remercions messieurs d'avoir répondu à notre invitation et de permettre ainsi à nos trois rapporteurs, M. Victorin Lurel, Mme Micheline Jacques et M. Guillaume Gontard, de vous interroger sur vos actions en direction des outre-mer.
En effet, nous connaissons la mission de l'ANRU au niveau national, laquelle consiste à accompagner les collectivités et les bailleurs sociaux pour mettre en oeuvre de vastes projets de rénovation dans des quartiers vulnérables. Nous comptons sur votre éclairage pour mesurer plus précisément votre action dans les outre-mer, en particulier dans le cadre du nouveau plan logement outre-mer 2019-2022, pour la réhabilitation des centres-villes anciens ou encore en faveur de l'émergence de projets innovants.
Pour votre information, je vous précise que nous avons déjà auditionné, dans le cadre de notre étude, la direction générale des outre-mer (DGOM), la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), la Cour des comptes, l'Union sociale pour l'habitat (USH), l'Union sociale pour l'habitat outre-mer (Ushom), Action Logement, l'Agence française de développement (AFD), la Banque des territoires et que nous venons d'auditionner l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
Je laisse la parole aux représentants de l'ANRU pour une présentation générale sur la base de la trame qui leur a été transmise. Puis je donnerai la parole aux rapporteurs pour des précisions complémentaires, et nous aurons un tour de table pour les questions des autres collègues.
Je vous remercie Madame la présidente et suis ravi d'être parmi vous pour évoquer ce sujet important et essentiel pour nous qu'est l'outre-mer. En effet, l'outre-mer occupe une place particulière pour l'ANRU qui est très attachée à la réussite des projets menés dans les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM) sur lesquels nous intervenons.
Je rappellerai brièvement que l'ANRU été créée par Jean-Louis Borloo en 2004 à l'occasion du lancement d'un premier programme, le programme national de rénovation urbaine, dit PNRU, qui s'achève cette année. Pour la plupart des territoires les opérations sont désormais terminées, mais elles se poursuivent encore cette année pour d'autres territoires, dont plusieurs sites outre-mer. L'ANRU poursuit son action à travers un second programme, dit Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), démarré dans ses bases législatives et ses intentions financières et réglementaires en 2014. Une première phase de conception des projets nous a permis, au niveau national, de valider entre 2018 et début 2020 les projets de 400 quartiers sur les 450 concernés et d'allouer plus de 10 milliards d'euros de concours financiers, comprenant des prêts et des subventions. Le dernier Comité interministériel des villes (CIV) a abondé le nouveau programme national de rénovation urbaine de deux milliards d'euros supplémentaires pour les quartiers. Aussi, nous opérons sur certains sites une jonction entre le PNRU et le NPNRU au sens où certaines opérations commencées dans le premier programme se termineront dans le second programme.
L'ANRU intervient outre-mer dans chacun des départements et régions d'outre-mer (DROM) - mais elle n'intervient pas dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Le PNRU nous a permis d'intervenir fortement en mobilisant plus de 400 millions auxquels il faut ajouter, étant donné les spécificités d'intervention de l'ANRU outre-mer, plus de 300 millions d'euros au titre de la ligne budgétaire unique (LBU) du ministère des outre-mer. Sur ce sujet, il n'existe pas de difficultés opérationnelles étant donné que la gestion de ces crédits s'effectue en articulation avec les préfets et les DEAL, délégués territoriaux de l'agence qui gèrent par ailleurs la ligne budgétaire unique.
Le NPNRU est conçu en continuité avec le premier programme du PNRU et ses déclinaisons locales (Projets départementaux de rénovation urbaine - PDRU). Pour certains sites, déjà inscrits au PDRU, les périmètres d'interventions du NPNRU peuvent englober des secteurs d'intervention différents que ceux du premier programme. Par ailleurs, de nouvelles villes ont intégré le NPNRU après une phase de préfiguration qui nous a permis de valider une part substantielle des projets d'outre-mer. Ainsi, ont d'ores et déjà été validés, les six projets de La Réunion, trois projets à Mayotte, le projet de Fort-de-France en Martinique et celui de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, ce qui représente plus de 300 millions d'euros d'engagements financiers validés. Cet engagement financier est amené à progresser puisqu'il reste encore à valider les projets de Cayenne et de Matoury en Guyane ainsi que les sites de Cap Excellence, des Abîmes et de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. L'Agence statuera sur ces projets dans le courant du mois de mai 2021. Enfin, nous allons positionner une clause de revoyure sur certains projets en concertation avec les élus.
J'aborderai désormais les points communs et les spécificités que l'on rencontre dans la conduite des projets que l'on soit en métropole ou en outre-mer.
J'insisterai en premier lieu sur les points communs. Tout d`abord, l'ANRU mène, tant en métropole qu'en outre-mer, une même logique de transformation des quartiers sensibles. De ce fait, il n'existe pas d'un côté un programme spécifique au territoire métropolitain et de l'autre côté un programme dédié aux outre-mer. Nous encourageons sur l'ensemble des projets tous les moyens qui permettent d'améliorer l'aménagement des quartiers, de renforcer les équipements publics et de renforcer le développement du commerce qui améliore la qualité de vie et donne l'envie d'y résider et d'y rester.
Le deuxième point commun est que nous suivons une même logique de gouvernance globale de nos programmes. Les élus locaux sont à la manoeuvre, entourés d'équipes techniques et d'une ingénierie que l'ANRU soutient financièrement. L'Agence s'adapte aux temporalités et aux capacités d'intervention locales pour concevoir et mettre en oeuvre ces projets en tenant compte des spécificités de portage que l'on rencontre en outre-mer
Enfin, le troisième point commun tient à fonctionnement qui opère à travers les délégations territoriales, via le préfet qui s'appuie sur les services de la DEAL qui sont les interlocuteurs privilégiés des acteurs locaux et suivre le développement du programme. L'ensemble de ces éléments témoigne d'une même finalité d'objectifs visant à la transformation des quartiers tant en métropole que dans les territoires ultramarins.
Des spécificités existent cependant en outre-mer et c'est notre devoir de les prendre en compte, comme on le ferait pour la métropole.
En premier lieu, il existe une spécificité législative qui tient à la loi de nouvelle géographie prioritaire, dite loi Lamy, de 2014. Cette loi a, en métropole, porté au niveau intercommunal la gouvernance de la politique de la ville alors qu'elle l'a laissée dans les outre-mer au niveau communal, malgré une forte incitation, à recourir à un portage des EPCI. L'Agence a appuyé cette incitation de portage au niveau intercommunal afin de traiter et de réfléchir aux dysfonctionnements des quartiers. La recherche d'une stratégie d'habitat à l'échelle d'un territoire doit permettre d'intégrer diverses dimensions tels que la politique de mobilité et de déplacement ou le développement économique. De façon évidence, l'échelle d'un quartier, ou celle d'une commune, ne sont pas adaptées pour porter une telle stratégie.
L'agence a pu porter l'idée que les intercommunalités s'associent davantage aux projets de l'ANRU en outre-mer, avec des succès relatifs selon la dynamique des intercommunalités et la capacité coopérative locale. En raison des difficultés financières de certaines communes, les intercommunalités peuvent porter les projets pour permettre une capacité de déploiement sur le NPNRU probablement plus forte comme c'est le cas pour Cap Excellence en Guadeloupe.
D'autres modèles que l'on retrouve à La Réunion ou en Martinique, sont caractérisés par l'association entre une commune, qui assure le portage politique et la maîtrise d'ouvrage des opérations, et son intercommunalité qui vient appuyer le financement des projets. Il s'agit là d'un premier élément de spécificité outre-mer.
Deuxièmement, d'autres spécificités ont trait à la diversité des situations d'habitat dans ces territoires. Comme en métropole, on retrouve dans les quartiers ultramarins des concentrations de logements sociaux qui se sont dégradés au fil des années. Cependant, en métropole, les logements sociaux ont été construits dans les années 1960 et 1970 alors qu'en outre-mer le parc social s'est constitué plus tardivement, remontant aux années 1980 voire aux années 1990. Les interlocuteurs de l'ANRU dans ce domaine sont les bailleurs sociaux, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et sa filiale de la Caisse des dépôts-Habitat (CDC-Habitat) qui interviennent en termes de participation et de structuration du secteur des bailleurs sociaux, ainsi que le groupe Action Logement qui intervient sur un certain nombre d'opérations.
Dans les DROM, l'ANRU est intervenue dans le cadre du PDRU dans les quartiers de Pointe-à-Pitre, Les Abymes, à Fort-de-France et à Cayenne ainsi qu'à La Réunion où l'on retrouve des conditions d'habitat ancien dégradé que dans les centres-ville ou à proximité. Les bailleurs sociaux sont les interlocuteurs les mieux positionnés pour répondre aux problématiques d'habitat privé. Par ailleurs, la résorption des habitats informels et spontanés suppose des besoins en ingénierie plus marqués, ce qui constitue là aussi une spécificité des outre-mer où ce type d'habitat est très répandu. Ces constructions, similaires à des bidonvilles, se sont établies depuis longtemps sur des bases fragiles, y compris au niveau juridique, principalement à Mayotte et en Guyane. Il nous faut ainsi être en capacité de traiter toutes ces situations en recherchant évidemment des solutions qui s'ajustent le mieux au terrain. Il faut une forte capacité de portage des dossiers sur ces projets structurants et complexes. C'est tout l'enjeu de l'ingénierie qui doit permettre un portage efficace de ces projets structurants, dont la mise en oeuvre est parfois complexe. Ce sujet de l'ingénierie revient fréquemment en outre-mer. L'Agence propose plusieurs formes d'accompagnement aux collectivités : le co-financement des postes de chefs de projets, le financement d'études (notamment pré-opérationnelles) et la mise en oeuvre de missions d'appui complémentaires permettant d'apporter une expertise de pointe. Ces dispositifs sont généralement très utiles et fortement sollicités en outre-mer, où certains départements se trouvent confrontés à des vacances de postes significatives pour les chefs de projets, pouvant retarder la mise en oeuvre des projets.
L'Agence est mobilisée tant au siège national que dans les missions territoriales, formant l'équipe de Benoît Zeller, avec deux chargées de mission spécialisées pour les DROM : une pour les Antilles-Guyane, et l'autre sur l'océan Indien. Nous échangeons avec elles très fréquemment, bien que la période actuelle ne permette pas de se rendre sur place, et avons acquis depuis longtemps une véritable habitude de travail pour soutenir et accompagner ces territoires. En dépit des difficultés que nous pouvons rencontrer, des initiatives très intéressantes se mettent en place notamment avec le nouveau programme de rénovation urbaine.
Je veux dire que l'ensemble des collectivités porteuses de projets, sont aujourd'hui très mobilisées sur la finalisation des opérations du PDRU. Comme pour l'ensemble des sites en métropole, l'Agence a pu procéder en outre-mer à des prolongements, des reports d'échéance, des clôtures ou des reports d'opérations dans le nouveau programme (NPNRU). Ces actions ont permis de sécuriser l'ensemble des projets de manière à ce qu'ils soient menés à leur terme. Aujourd'hui, de nombreux chantiers liés à la finalisation du programme PDRU sont en cours sur la plupart des sites ce qui permettra de bien démarrer le programme suivant, le NPNRU.
J'ai pour nos invités deux demandes d'informations.
Premièrement, quel est aujourd'hui le montant du financement de l'ANRU ? Quelle est la part d'Action Logement dans ce financement ? Quelle est la participation des bailleurs sociaux et plus particulièrement celle de la cotisation de la Caisse générale du logement locatif social (CGLLS) ? Quelle est la participation des outre-mer dans ce financement étant donné que nos fédérations de logements participent à cette cotisation ? Par ailleurs, nous avons des interrogations sur la saisie de la CGLLS et sur son effectivité dans nos territoires étant donné que les garanties sont données par les collectivités, en particulier les régions et départements. De plus, le fonds national d'aide à la pierre n'intervient pas dans nos territoires.
Deuxièmement, êtes-vous informés de l'opération de rénovation menée par la Société immobilière de Guadeloupe (SIG), filiale du groupe CDC-Habitat, qui aura lieu à Pointe-à-Pitre ? Cette opération sera-t-elle incluse dans la rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre et fera-t-elle l'objet d'une attention particulière dans l'examen que vous porterez bientôt sur les projets de Pointe-à-Pitre et des Abîmes ? Quelle part tient l'ANRU dans cette opération, si toutefois elle y participe ?
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je répondrai à la première question, puis Benoît Zeller complétera pour la deuxième.
D'abord, concernant le financement de l'ANRU, la loi de nouvelle géographie prioritaire (Loi Lamy) de 2014 a permis le financement de l'ANRU à hauteur de 5 milliards d'euros, financés à l'époque à 93 % par Action logement. En faisant un coup de rétroviseur sur le premier programme, PDRU, le financement initial prévu en 2004 était répartis entre 50 % pour l'État et 50 % pour Action Logement. Le désengagement de l'État en 2009 fait que la grande majorité des 12 milliards du programme national de rénovation urbaine (PNRU) a été financé par Action Logement.
Sur le nouveau programme, NPNRU, fin 2016, un milliard supplémentaire a été promis par l'État, même s'il fallait évidemment le confirmer dans la nouvelle configuration post-2017. Cette configuration nous a permis d'avoir à partir des 5 premiers milliards un doublement du programme avec un milliard de l'État, qui était effectivement confirmé, 2 milliards supplémentaires d'Action Logement et 2 milliards apportés par les bailleurs sociaux qui ont choisi de mutualiser une partie de leurs moyens via la CGLLS afin de contribuer à ce doublement financier. Ce sont eux, les bailleurs sociaux, les grands bénéficiaires du financement de l'ANRU, en ayant fait le choix de ce passage à 10 milliards d'euros. La mutualisation engendrée par la cotisation de l'ensemble des bailleurs sociaux permet ainsi d'aider davantage de population en difficulté et ayant d'importants besoins dans les quartiers au patrimoine très dégradé. Cette situation demeure encore inscrite dans la loi.
Par ailleurs, lors du Comité interministériel aux villes (CIV) du 29 janvier, 2 milliards supplémentaires ont été programmés pour abonder le budget de l'Agence. Ces 2 milliards d'euros sont répartis à hauteur d' 1,4 milliard par Action Logement, à hauteur de 200 millions par l'État, et d'un peu moins de 400 millions d'euros par la prolongation de la cotisation de la CGLLS. Je ne saurais pas répondre à votre question concernant la part de la contribution des bailleurs sociaux d'outre-mer à la CGLLS, mais à ma connaissance il n'existe pas de spécificité pour les outre-mer.
L'un des principaux sites sur lequel nous intervenons est le site de Cap Excellence qui implique deux communes et les bailleurs notamment dans le quartier de Bergevin. C'est un quartier d'une très grande taille qui connait plusieurs problématiques et nécessite une réelle intervention sur la qualité du bâti du fait notamment de l'exposition aux risques sismiques. Cela comprend la réhabilitation et la reprise du bâti existant, deux opérations relativement complexes. Des études sont en train d'être consolidées pour savoir quelle option est la plus adaptée pour permettre de conserver une partie du bâti en fonction des pierres de construction. La plupart des hypothèses se fondent cependant sur la nécessité d'un renouvellement quasi intégral afin de reconstruire des logements qui respectent parfaitement les normes en vigueur. Ces enjeux interrogent sur le sujet majeur du relogement tant sur le site de Bergevin que sur l'ensemble des sites de renouvellement urbain de Pointe-à-Pitre et les Abîmes. En effet, le processus de renouvellement urbain implique d'abord le relogement des ménages dans des conditions correctes. C'est à ce stade que les collectivités et les bailleurs travaillent sur la mise au point de jauges et engagent les étapes de renouvellement urbain qui passent par une planification à long terme. Une première étape peut être de contractualiser rapidement la mise en oeuvre des opérations. Comme vous l'évoquiez, Monsieur le sénateur, la connaissance du maître d'ouvrage de l'opération est fondamentale puisque ce bâti est propriété de la ville de Pointe-à-Pitre tout en étant géré par la SIG. Des discussions sont actuellement en cours pour connaître le porteur de projet qui sera accompagné par l'Agence à hauteur de 80 % du déficit de l'opération sur la partie démolition. Un certain nombre d'arbitrages restent à prendre localement de manière à pouvoir le présenter au comité d'engagement et passer rapidement en phase opérationnelle.
J'ajoute une dernière demande d'information concernant les programmes de réhabilitation, de démolition, et de réhabilitation. J'ai bien compris que vous n'intervenez, en termes de réhabilitation, que dans les quartiers de la politique de la ville, les QPV. En dehors des QPV, comment finance-t-on ces programmes de rénovation urbaine ?
Ce sont les financements de la LBU classique sur la réhabilitation. Il se trouve que même dans un quartier de l'ANRU c'est la LBU qui finance également la réalisation dans le cas d'un projet global d'intervention. L'ANRU n'intervient pas pour les projets de réhabilitation situés en dehors des quartiers. Cependant, il s'agit de la même origine financière en termes de circuits financiers.
Je me focaliserai principalement sur la résorption de l'habitat indigne.
Selon vous, quel modèle faut-il privilégier selon les territoires : accession sociale à la propriété ou logement locatif social, propriétaire des murs ou propriétaire du foncier ? Quelles solutions trouver pour les populations ne pouvant pas accéder aux aides au logement et prétendre au logement social ? Que prévoit le NPNRU en matière de diversification d'habitat et de développement de l'habitat privé ?
Quelle opération l'ANRU peut-elle mener pour remédier à la vacance importante des logements aux Antilles ? Quelles actions concrètes sont mises en place par l'ANRU pour concourir à la redynamisation de l'activité économique et à la création de pôles d'activité dans les territoires ?
Comment les habitants, partenaires indispensables pour la réussite des projets sont-ils associés aux opérations de renouvellement urbain ? Rencontrez-vous des difficultés locales pour assurer l'adhésion des populations aux projets ?
Enfin, quelles sont les actions de l'ANRU pour la résorption de l'habitat indigne ? Comment assurer le relogement des populations ?
Ce sont là des questions centrales. Les problématiques sont différentes suivant les territoires et les difficultés ne sont bien sûr pas les mêmes à La Réunion et à Mayotte, qui se trouve dans une situation un peu extrême. J'ai eu la chance de visiter les quartiers de La Réunion avec des élus de Mayotte, à l'occasion d'un forum interrégional. Une partie des logements sociaux sur lesquels nous intervenons aujourd'hui à La Réunion ont été construits pour résorber des bidonvilles, qui ressemblaient fortement à ceux qui existent aujourd'hui à Mayotte.
La construction de logements sociaux ne peut pas se réaliser de manière univoque et uniforme sur tous les territoires. Nous devons trouver des solutions sur mesure, territoire par territoire, quartier par quartier. Nous nous adaptons également aux formes d'habitat qui sont souhaitées par les habitants. On le voit à Mayotte ou en Guyane, où l'habitat collectif n'est pas forcément recherché par les habitants et dans lesquels il faudrait réintervenir dans 20 ou 30 ans. S'agissant de l'habitat individuel, nous aidons au développement d'autoréhabilitation et d'autoconstruction.
S'agissant de la diversification, nous savons à l'ANRU que ne construire que du logement social, a fortiori concentré dans les mêmes quartiers, crée des difficultés.
L'enjeu de la diversification est très important alors même que ces territoires concentrent aujourd'hui l'essentiel des ménages en grande précarité.
Les outils d'aide d'accession sociale sont cruciaux et nous avons des difficultés avec les opérateurs pour trouver des produits bien dimensionnés, notamment en termes de coûts et de capacités d'investissement des ménages. Action Logement travaille beaucoup sur ces sujets et nous recensons actuellement les bonnes initiatives en la matière. Il y a bien un déficit d'outils et de dispositifs.
S'agissant de l'aide à la régularisation de logements, je prendrai des exemples sur Mayotte où nous travaillons en collaboration avec la DEAL et l'EPF sur des modèles de construction rapides avec des coûts d'investissements limités. Existe également l'enjeu de l'achèvement des maisons, avec notamment le travail sur l'extension des bâtiments et l'importance des normes en matière de sécurité (accès incendie, sécurité sanitaire...).
Ce travail se fait en s'adaptant aux besoins des territoires, aux aspirations des populations et aux réalités démographiques spécifiques. L'importante pression démographique à Mayotte et en Guyane impose ainsi d'augmenter l'offre de logements disponibles. La situation est très différente aux Antilles, où existent des problématiques de vieillissement de la population, qui exige d'adapter les logements en conséquence. Il faut adapter l'offre aux réalités d'aujourd'hui mais également aux projections démographiques.
S'agissant de la participation des habitants, elle est souhaitée et promue globalement sur l'ensemble des projets. Dans les cas de projets de très long terme, la consultation arrive souvent très tôt, ce qui peut générer une forme d'impatience et d'incompréhension. Si l'on n'arrive pas à associer suffisamment les habitants, nous échouons dans la mise en oeuvre du projet. Cependant, ces consultations sont indispensables et peuvent s'appuyer sur les conseils citoyens, qui ont été promus par la loi ainsi que sur les associations de locataires.
Je voudrais vous interroger sur la qualité de vos relations avec les décideurs et notamment avec les élus locaux. Est-ce que des élus vous sollicitent pour un accompagnement dans le développement de quartier ? La demande et la volonté sont là mais les dispositifs restent compliqués à mettre en place s'il existe des divergences au sein des intercommunalités.
C'est un sujet en effet permanent. Cela renvoie à la question du soutien en ingénierie que nous finançons, par les études que l'on peut diligenter et par les missions que nous pouvons également mener au cas par cas. L'accompagnement de projet, de gouvernance et de travail auprès des populations sont cruciales, et pas seulement en outre-mer.
Globalement il existe des convergences de vues sur ces sujets, qui restent assez consensuels. Il peut cependant y avoir des « grains de sable dans les rouages », pour être euphémique. La force de notre action est de s'inscrire sur un temps assez long, ce qui est assez rare en matière de politiques publiques. Nous apportons une crédibilité pour permettre aux élus de s'engagent sur des projets lourds et complexes à porter, notamment auprès des populations.
Je voudrais intervenir sur la question de l'innovation dans l'habitat de demain. Vous avez déjà répondu en partie à certains éléments mais je voulais notamment avoir des précisions sur la démarche « ANRU+ », qui permet d'accompagner les porteurs de projets pour soutenir certaines expérimentations et diffuser les pratiques les plus innovantes. Quelle est son application outre-mer ? Quels sont vos actions en termes d'auto-construction et d'auto-réhabilitation encadrées ?
Par ailleurs, comment les opérations de renouvellement urbain intègrent-elles les contraintes climatiques et les enjeux environnementaux, que ce soit en lien avec la réglementation thermique, l'acoustique, l'aération des bâtiments, la création d'îlots de fraîcheur, ou le recours à des solutions innovantes en termes de gestion des eaux pluviales ? Comment intégrez-vous l'ensemble de ces éléments dans vos opérations ?
Outre celui de Bon Air à Fort-de-France, d'autres projets d'éco-quartiers ont-ils été programmées en outre-mer et pouvez-vous nous donner des exemples ? Comment améliorer la performance énergétique des logements neufs et des logements anciens outre-mer ? Comment la réglementation RE 2020 devrait-elle être adaptée en outre-mer ?
La réglementation RE2020 actuellement en cours de réflexion prévue en juillet, va être repoussée. Comment peut-on mieux l'adapter aux territoires d'outre-mer et avez-vous des propositions à effectuer à ce sujet ? Comment assurer l'adaptation des logements aux contraintes démographiques, notamment le vieillissement des populations et quelles sont les actions menées par l'ANRU sur le Patrimoine bâti remarquable, notamment sur les centres historiques ? Comment répondre aux besoins en construction de logements tout en évitant l'étalement urbain à l'articulation des sols ? Enfin, bien qu'elle n'intervienne pas dans ces territoires du fait de leur statut, l'ANRU a-t-elle développé des initiatives réussies avec la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française qui pourraient servir de modèle dans les DROM ?
Ces questions sont là aussi passionnantes. Nous avons effectivement quelques programmes d'innovation que nous gérons dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA) que l'ANRU gère pour le compte de l'État, en complément des financements évoqués précédemment. Nous avons fonctionné par appels à projets et à manifestations d'intérêt. On aurait pu craindre que les outre-mer soient très peu représentées, du fait de la complexité des dossiers à monter et de leur capacité limitée en ingénierie. Mais ce n'a pas été le cas et les acteurs locaux se sont fortement mobilisés. La thématique mise en avant cette année est celle de l'agriculture urbaine, qui permet un changement d'image des quartiers, d'attractivité et de participation à la transition écologique. Les départements d'outre-mer sont d'ores et déjà très présents dans ces projets, mais encore plus dans leur deuxième tranche. Il est très positif que ces départements aient participé à ces expérimentations.
Concernant les habitats, nous avons avancé à Mayotte et en Guyane, notamment sur le « village chinois », à Cayenne, avec une intervention sur une centaine de maisons. Cela nous a permis aussi d'avancer sur notre propre conception globale sur ce sujet d'autoconstruction et d'autoréhabilitation ainsi que sur la prise en compte des risques. Nous essayons d'aider les territoires à structurer des filières et des savoirs pour renforcer cette prise en compte. Concernant la gestion de l'amiante, les chantiers connaissent de nombreuses difficultés, du fait de l'absence de gestion locale de ce matériau et de son coût d'acheminement vers l'Hexagone. Nous intervenons parfois pour des démolitions d'immeubles construits dans les années 1980 ou 1990, ce qui pose bien sûr la question de la durabilité des constructions.
En termes d'éco quartier, nous intervenons à la Ravine blanche à Saint-Pierre à La Réunion, qui a été pendant longtemps le seul éco-quartier dans l'océan Indien. Dans celui de Bon Air à Fort-de-France, des interventions ont permis de résorber des habitats de copropriété très dégradés.
Nous essayons aussi d'agir sur les friches urbaines, en créant des habitats qui soient plus adaptés aux besoins des populations. Nous ne sommes compétents que sur les départements d'outre-mer, mais nous avons cependant développé des formes de partenariat et de coopération avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Il y a des partages d'expertise, des transferts d'expérience. La sénatrice de Guyane se souvient surement de Nancy Chenu, qui était notre chargée de mission historique et qui a accepté après sa retraite de faire une mission en Nouvelle-Calédonie puis en Polynésie, pour transmettre ses compétences. Mais ces partenariats ne se sont pas véritablement formalisés dans des projets concrets et nous sommes limités dans notre capacité d'intervention. Nous n'avons pas réussi à stabiliser dans le temps des projets durables.
Je n'ai pas de questions, je souhaiterais simplement partager ma joie quant à l'existence de l'ANRU. J'ai été maire de Cayenne et nous avons réussi, grâce au soutien de l'ANRU, à changer véritablement nos quartiers, qui se transformaient en bidonvilles et qui se paupérisaient. Aujourd'hui, nos citoyens vivent mieux. J'appelle tous les élus à solliciter l'ANRU, qui est un acteur très efficace pour nos communes. Je ne peux que vous féliciter et vous encourager à impulser vos actions dans le plus grand nombre de nos communes !
Je prends vos remerciements, bien que nous ne le méritions qu'en partie puisqu'il s'agit avant tout de projets locaux, portés par les acteurs locaux. L'ANRU intervient évidemment pour appuyer et aider le développement de projets. Mais rien n'est possible sans une réelle capacité et volonté locale d'avancer. Le mérite est plus que partagé. Nous sommes ravis de voir les effets que nos actions peuvent produire localement et resterons à vos côtés pour poursuivre ce qui a été entrepris.
J'aurais juste une question sur votre expérience quant à l'utilisation de matériaux locaux, la mise en place de filières locales et sur l'organisation des compétences des entreprises. Il nous est en effet apparu au cours des précédentes auditions, qu'il y avait souvent une problématique en termes de compétences et de structuration des entreprises. J'aimerais connaître votre avis sur la mise en place de filières de matériaux locaux, à l'exemple du bois, de la terre, etc.
Nous n'avons pas de spécificités sur ces sujets qui nous feraient dire des choses différentes de ce que vous avez déjà entendu. Les financements que l'ANRU apporte peuvent selon moi aider à structurer ces filières et à structurer un marché sur l'utilisation des ressources locales. Je citais le sujet de l'amiante, qui est dans la cible de ce que vous évoquez. Nous n'avons actuellement aucune filière locale de gestion et de stockage de l'amiante dans les DROM et devons l'acheminer dans l'Hexagone, ce qui implique d'importants surcoûts. C'est pour ces raisons que nous avons mené avec le ministère une réflexion sur ce sujet dont les débouchés ne sont pas opérationnels.
Le recours par les collectivités territoriales à des bureaux d'études dont les pratiques ne sont pas forcément spécifiques aux DROM conduit souvent à déconnections avec les réalités locales. On nous a ainsi proposé du béton désactivé pour Mayotte, qui est lourd de conséquences en termes d'import et de bilan carbone alors que des solutions locales existent. Nous incitons les architectes locaux et les bureaux d'études à une vigilance pour le recours à des matériaux locaux.
Je vous remercie messieurs de votre disponibilité et je vous prie de m'excuser de ne pas être parmi vous aujourd'hui. Je pense que nous avons eu, lors de ces échanges avec l'ANAH et l'ANRU, un large champ d'horizon qui permettra d'alimenter les réflexions de la délégation Je remercie tout particulièrement Annick Petrus de m'avoir suppléé à la présidence pour animer ces deux auditions.