Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement est de nouveau saisi au titre de l’article 50-1 de la Constitution pour débattre des nouvelles mesures sanitaires annoncées hier soir par M. le Président de la République.
Ces mesures, que vous relayez cet après-midi, monsieur le Premier ministre, pourraient être très largement commentées – je ne vais pas me lancer dans cet exercice. Elles étaient indispensables en raison de l’évolution de la pandémie. Nous partageons l’idée qu’il ne fallait pas revenir à un confinement dur, du type de celui que nous avons connu en mars 2020.
Il nous paraît évident qu’un tel confinement ne serait plus accepté de la même manière par nos concitoyens. La peur et la sidération ont laissé place à l’inquiétude, la lassitude, et même parfois à une certaine colère.
Cependant, l’évolution des indicateurs sanitaires imposait de nouvelles mesures. Je suis persuadé, ou du moins je veux le croire, que celles qui ont été proposées hier ont été mûrement pesées et réfléchies, à l’aune des indicateurs dont vous disposez.
Vous venez de le dire à l’instant, vous avez opéré une synthèse entre la raison sanitaire et la prise en compte nécessaire des intérêts économiques, psychologiques et sociaux du pays. Pour autant, ces mesures suscitent des interrogations que nous souhaiterions voir levées.
D’abord, le passage d’une capacité de 7 000 lits à 10 000 lits en réanimation nous a valablement surpris. Alors que nous en parlons depuis des mois, comment cela est-il devenu réalisable ? On parlait d’« argent magique » ; aujourd’hui, nous avons des « lits magiques ». D’où sortent ces lits et pourquoi n’a-t-il pas été possible de les mobiliser avant ?
Encore plus problématique est la question du personnel qui permettra de les faire fonctionner. Le Président de la République a bien précisé que tout le potentiel de la réserve sanitaire serait mobilisé, mais cela permettra-t-il de rendre effective l’utilisation de ces nouveaux lits ?
J’en viens à la stratégie vaccinale.
Jusqu’ici, outre les seniors, seuls les soignants étaient prioritaires pour se faire vacciner. À notre sens, l’ouverture de cette priorité à de nouvelles catégories, à savoir les enseignants, les policiers ou les pompiers, si elle positive, risque de brouiller la lisibilité de la stratégie et, surtout, de donner lieu à des demandes reconventionnelles. Par exemple, pourquoi les enseignants et pas les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), qui sont pourtant eux aussi au contact des enfants au quotidien dans nos communes ? De même, pourquoi pas les chauffeurs de bus ou les caissières de supermarché, dont on a tant parlé voilà quelques mois ? N’y a-t-il pas là un risque de revendications tous azimuts et d’incompréhension de la part d’un certain nombre de professions exposées ?
Toujours au sujet des vaccins, mais cette fois en amont, au niveau de la production et de la fourniture des doses, les annonces présidentielles sont très volontaristes et optimistes.
Vous avez dit que nous allions accélérer les achats. On ne peut qu’être d’accord, mais tout un chacun sait bien que les doses manquent. Aujourd’hui encore, on constate qu’AstraZeneca a livré 30 millions de doses au lieu des 120 millions de doses promises. Comment allons-nous accélérer les achats ?
De même, le Président de la République affirme que « nous allons devenir le premier continent au monde en termes de production de vaccins ». On ne peut que s’en réjouir, mais comment cela va-t-il se passer ? Où seront les usines de production des vaccins ? Comment cela va-t-il être organisé ?
Parmi les annonces d’hier, la fermeture des écoles est sans nul doute la plus forte. Vous avez annoncé des consultations avec les associations d’élus. C’est une bonne chose, car beaucoup s’inquiètent, notamment en ce qui concerne les activités périscolaires. Fermer les écoles suppose que les familles s’organisent, de même que les écoles et les collectivités.
Le chef de l’État n’a pas parlé des autotests, alors qu’ils sont très utilisés en Grande-Bretagne et en Allemagne. Pourquoi faisons-nous l’impasse en France ? Pourquoi avons-nous été moins réactifs que nos voisins européens pour nous en équiper ?
Autre grand absent du discours présidentiel, le pass sanitaire. C’est pourtant un sujet majeur, aux niveaux tant communautaire que national. Toutes les restrictions sanitaires seront-elles levées une fois que les publics à risque auront été vaccinés ?
Enfin, on peut se demander s’il n’aurait pas été possible de conserver au moins un peu de différenciation locale, s’il n’aurait pas été envisageable de jouer la carte de la déconcentration et de plus inciter les praticiens hospitaliers à innover.
Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, il s’agit là d’interrogations.
Elles ne remettent pas en cause l’idée que nous nous faisons de votre action. Il ne s’agit pas d’exprimer une forme de défiance ni de mettre en doute la bonne foi du Gouvernement, pas plus que de contester l’idée que vous défendez la protection sanitaire des Français tout en ménageant autant que possible les autres intérêts de la Nation.
Vous avez parlé des aides économiques. Chacun ici peut constater que le Gouvernement, l’État, a fait beaucoup ces derniers mois pour aider les entreprises, les commerçants.
Cependant, nous ne voterons pas cet après-midi, monsieur le Premier ministre, car, une fois de plus, nous débattons de mesures déjà prises. Notre groupe ne prendra pas part à un vote qui nous semble relever davantage de l’exercice de style platonique et cosmétique.
Nous, les parlementaires, avons compris que notre principal outil de travail était le poste de télévision.