Séance en hémicycle du 1er avril 2021 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

Cette séance s’organisera en deux temps.

Après la déclaration du Gouvernement, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe.

Ensuite, nous procéderons au vote par scrutin public sur cette déclaration, en application de l’article 39 de notre règlement.

La parole est à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République s’est exprimé hier pour présenter à la Nation les nouvelles mesures de lutte contre l’épidémie de covid-19 qu’il convient désormais de mettre en place. Une fois encore, vous le savez, la France doit affronter les assauts de cette crise sanitaire, une crise sanitaire qui dure depuis très longtemps, avec un virus qui mute et évolue de manière inquiétante.

Alors, une fois encore, nous devons faire face. Nous devons prendre en toute connaissance de cause les décisions que la situation impose. La gravité de cette troisième vague – d’une certaine façon, c’est une nouvelle épidémie –, l’impact de ces décisions sur nos concitoyens qui font face courageusement, et depuis des mois, à cette pandémie mondiale, tout cela exigeait que les représentants de la Nation puissent en débattre et s’exprimer par un vote solennel dans le cadre fixé par l’article 50-1 de la Constitution.

Je suis venu vous dire cet après-midi que ces mesures nouvelles nous apparaissent maintenant indispensables pour protéger la vie et la santé de beaucoup de nos concitoyens, particulièrement les plus fragiles. Elles sont indispensables…

Debut de section - Permalien
Jean Castex

… pour permettre à notre pays de franchir ce que nous espérons toutes et tous être une dernière étape, dans la perspective du déploiement massif de la vaccination et donc d’un retour à une vie normale.

La troisième vague déferle et frappe durement. L’épidémie s’emballe depuis la mi-mars : en deux semaines, le nombre de cas a augmenté de 55 % pour s’élever aujourd’hui à environ 38 000 par jour. L’épidémie progresse vite et partout.

Cette forte accélération est, chacun le sait, le résultat de la progression du variant apparu en fin d’année dernière en Grande-Bretagne. Nous savions qu’il était plus contagieux. De récents travaux scientifiques prouvent qu’il est aussi plus dangereux. Comme je le constate à chacune de mes visites dans des établissements de santé, le virus frappe des patients plus jeunes et, en plus grande proportion, des patients sans facteur de risque lié à des comorbidités.

Bien évidemment, ce phénomène n’est pas propre à la France : depuis une quinzaine de jours, le nombre de cas quotidiens a triplé en Allemagne et il a augmenté de 70 % en Belgique et de 40 % aux Pays-Bas.

Cette virulence accrue de l’épidémie est particulièrement préoccupante, car elle survient à un moment où notre système de santé est déjà mis à lourde contribution, et ce depuis longtemps. Avec plus de 5 000 malades de la covid-19 hospitalisés en réanimation, c’est certes moins que le pic de la première vague, mais celui de la deuxième vague est désormais dépassé.

Face à ce nouveau virus, nous avons rapidement réagi, en prenant ces derniers mois et semaines plusieurs mesures fortes : maintien depuis fin octobre de la fermeture de nombre d’activités et établissements recevant du public, couvre-feu national depuis la mi-décembre, mesures renforcées dans près de 20 départements couvrant près d’un tiers de la population, et ce depuis le 20 mars dernier.

Nous l’avons fait en tenant le plus grand compte des différences de situation territoriale – ces différences étaient particulièrement perceptibles en début de vague épidémique. Si j’insiste ici, devant la Haute Assemblée, sur la territorialisation des mesures que nous avons prises, c’est parce que je sais à quel point les membres du Sénat étaient, tout comme moi, attachés à une adaptation de notre politique sanitaire aux réalités du terrain.

La stratégie de réponse territorialisée que nous avons utilisée depuis le mois de janvier jusqu’à aujourd’hui était la bonne, car l’épidémie frappait alors nos territoires de manière très hétérogène ; il n’y avait pas de raison d’appliquer un durcissement des mesures dans les territoires où le virus circulait très peu.

Mais, aujourd’hui, le variant britannique poursuit son accélération dans de telles conditions que nous devons nous aussi accélérer, c’est-à-dire prendre des mesures renforcées, de façon à briser la spirale épidémique enclenchée depuis quelques semaines.

Et ce variant accélère malheureusement sur l’ensemble du territoire métropolitain. Depuis une dizaine de jours, sur 96 départements, 92 connaissent une accélération de la circulation virale avec des rythmes parfois spectaculaires : l’augmentation est supérieure à 20 % sur une semaine dans la moitié des départements et de plus de 40 % dans une vingtaine d’entre eux – c’est par exemple le cas du département des Pyrénées-Orientales, où le taux d’incidence a progressé de 73 % en sept jours.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, sous l’autorité du Président de la République, d’étendre à l’ensemble du territoire métropolitain les mesures qui s’appliquaient déjà dans les 19 départements les plus touchés par l’épidémie. Ces nouvelles mesures entreront en vigueur samedi soir à 19 heures pour être pleinement applicables le dimanche 4 avril, et ce jusqu’au 3 mai, soit pour une durée de quatre semaines.

Face à la situation actuelle, il nous faut agir fortement à l’échelle nationale, selon les mêmes règles et les mêmes calendriers pour tous. En prenant une mesure nationale, nous souhaitons aussi préserver l’offre hospitalière des régions moins durement touchées, qui pourraient fournir des capacités de repli pour les régions davantage en tension.

Il nous faut cependant faire une exception pour les collectivités et départements d’outre-mer, dont la situation sanitaire n’est évidemment pas comparable à celle de la métropole, ni même du reste d’un territoire à l’autre, compte tenu de leur éloignement géographique. Ces territoires continueront donc à observer des règles spécifiques et adaptées aux évolutions épidémiques propres à chacun d’entre eux.

Comme l’a indiqué hier le Président de la République, les règles qui s’appliqueront à compter de samedi soir au territoire métropolitain seront identiques à celles qui ont été mises en place depuis le 20 mars dernier dans les 19 départements soumis à des mesures renforcées.

Le couvre-feu sera maintenu à 19 heures. L’ouverture et la fermeture des commerces obéiront aux mêmes critères et conditions. Le télétravail sera systématisé quatre jours par semaine au minimum pour tous les emplois publics et privés, quand cela est possible. Les motifs de sortie et de déplacement seront encadrés selon les mêmes termes : il restera possible de se déplacer, de se promener, de faire du sport, sans limitation de durée et dans un rayon de dix kilomètres autour de chez soi.

En revanche, les rassemblements ou regroupements de plus de six personnes resteront interdits.

Enfin, une attestation précisant le motif du déplacement sera exigée au-delà des dix kilomètres et, après la fin du prochain week-end prolongé de Pâques, les déplacements interrégionaux seront restreints à quelques motifs impérieux – ces motifs incluront évidemment les déplacements professionnels, mais aussi ceux liés à un motif familial, comme accompagner ou aller chercher un enfant chez un parent, un grand-parent ou un proche.

Nous sommes en effet un gouvernement pragmatique §et une certaine souplesse est toujours nécessaire pour permettre aux règles d’être mieux appropriées.

J’observe du reste que l’immense majorité de nos concitoyens respecte spontanément les règles en vigueur, faisant preuve en cela d’un sens des responsabilités et d’un civisme qui les honorent.

Mais je constate aussi avec vous qu’une minorité d’entre eux s’y refuse et je veux condamner devant vous sans réserve l’inconscience et l’irresponsabilité de certains qui se croient sans doute invincibles ou peut-être même immortels

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au ministre de l’intérieur d’accroître le nombre de policiers et de gendarmes affectés à cette tâche.

Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Nous veillerons notamment à ce que l’interdiction des rassemblements de plus de six personnes sur la voie publique soit strictement respectée.

La consommation d’alcool dans l’espace public sera interdite.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Sur arrêté préfectoral et en lien étroit avec les maires, l’accès à certains sites propices à des rassemblements en extérieur, comme des quais, des berges ou des places, pourra être interdit en fonction des circonstances locales.

Il sera enfin demandé aux parquets de continuer à poursuivre systématiquement les auteurs de récidives portant sur l’organisation d’événements clandestins susceptibles de mettre en danger la vie d’autrui.

Pour autant, ces comportements ne doivent pas masquer, je l’ai dit et je le répète, la résilience et la haute conscience citoyenne de l’immense majorité des Français, partout sur le territoire, qui sans doute protestent, s’agacent des mesures et des freins mis à leur quotidien et s’interrogent, parfois à raison, mais qui se montrent respectueux des règles, c’est-à-dire finalement respectueux des autres.

Autre décision forte que la situation nous contraint de prendre : fermer les établissements scolaires et les crèches et arrêter les activités périscolaires et extrascolaires.

Tout a été fait, mesdames, messieurs les sénateurs, pour repousser au maximum cette décision. Je sais qu’il existait dans notre pays, comme dans cette assemblée, un très large consensus en faveur du maintien de l’accueil de tous les enfants dans les établissements scolaires.

La France est du reste, vous le savez, le pays d’Europe qui a le moins fermé ses écoles. Rappelons en effet que les écoles sont restées fermées moins de 10 semaines en France depuis le début de la pandémie contre 24 en Allemagne, 26 au Royaume-Uni et 32 en Italie. Je crois que nous pouvons être fiers d’avoir maintenu cette exigence républicaine.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

C’est la raison pour laquelle nous avons toujours considéré que, si nous devions – je ne m’en suis jamais caché devant vous – utiliser ce levier, il nous faudrait le faire en ultime recours et dans des conditions qui en réduisent le plus possible l’impact. Nous y sommes !

Les écoles, les collèges et les lycées ne sont pas épargnés par l’épidémie, et notamment par ce variant anglais. Depuis deux semaines, le taux d’incidence augmente plus vite chez les enfants et les adolescents que dans la population générale, ce qui a pour conséquence, dans le strict respect de nos propres normes sanitaires, de provoquer des fermetures de classes et d’écoles de plus en plus nombreuses. Nous devions donc reprendre l’initiative, en décidant que les établissements scolaires seront fermés pendant trois semaines, en optimisant, comme beaucoup l’avaient suggéré, la période des vacances de printemps, de sorte que les conséquences sur les enfants soient les moins pénalisantes possible.

Concrètement, la semaine prochaine, où il n’y aura que quatre jours d’école, en raison du lundi de Pâques, tous les établissements scolaires assureront leurs enseignements à distance.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Au cours des deux semaines suivantes, du 12 avril au 25 avril, tous les élèves de toutes les zones académiques seront en vacances dites de printemps, ce qui implique une modification du calendrier des vacances scolaires.

Je mesure tout à fait l’impact de ces décisions sur la vie de nombreuses familles, mais aussi dans l’organisation des entreprises. Cependant, c’est le moyen d’atteindre notre objectif de ralentir la contamination en milieu scolaire, avec l’impact le plus limité possible sur l’année scolaire de nos enfants.

Comme lors du premier confinement, un dispositif d’accueil des enfants des personnels prioritaires sera organisé dès la semaine prochaine, en lien avec l’éducation nationale et les collectivités locales.

Les salariés qui seront conduits à garder leur enfant à domicile, faute d’autre solution, bénéficieront du dispositif d’activité partielle qui s’appliquait déjà lors du premier confinement. Il leur suffira de se signaler auprès de leur employeur, qui mettra en œuvre la procédure de déclaration auprès des services compétents de l’État.

Pour les élèves de l’enseignement supérieur, les règles en vigueur, qui prévoient un enseignement essentiellement en distanciel, seront maintenues, mais sans remettre en cause la possibilité donnée récemment aux étudiants de revenir une journée par semaine en présentiel, dans des conditions strictes.

Je consulterai demain l’ensemble des associations d’élus locaux afin d’évoquer avec elles les modalités concrètes de mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures, s’agissant notamment de la continuité des services publics et, en particulier, de l’accueil des enfants des personnels prioritaires.

Bien évidemment, les dispositifs de soutien et d’accompagnement économique et social, dont le Sénat a bien voulu reconnaître l’intensité, tout en préconisant des améliorations, seront prolongés autant de temps que nécessaire.

D’ores et déjà, certaines mesures ont été complétées, notamment en faveur des commerces fermés depuis février dans les grands centres commerciaux ou de ceux qui ont accumulé des stocks importants du fait des périodes de fermeture.

Je pense également aux entreprises de plus grande taille affectées par de longs mois de crise. C’est le sens de l’aide exceptionnelle pour la prise en charge des coûts fixes, qui a été mise en place depuis hier, 31 mars.

Les mesures que je vous présente cet après-midi sont difficiles, mais elles sont indispensables. Surtout, elles sont éclairées par la perspective de la campagne de vaccination, qui progresse et s’amplifie tous les jours, nous donnant une vraie raison de penser que nous avançons sur la voie d’une sortie de crise.

Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Plus de 8 millions de nos concitoyens sont désormais vaccinés, dont près de 2, 8 millions avec deux doses. L’objectif de mon gouvernement reste le même : 10 millions de vaccinés à la mi-avril, 20 millions à la mi-mai et 30 millions à la mi-juin, en veillant bien sûr à ce que la Commission européenne fasse respecter les obligations des industriels quant au calendrier de livraison des doses.

Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Nous serons donc au rendez-vous des objectifs que j’avais énoncés devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le 17 décembre dernier, lors du débat organisé dans ce même hémicycle sur la stratégie vaccinale : j’avais alors annoncé la vaccination de 15 millions de personnes d’ici à la fin du premier semestre. Nous y serons très largement.

La mobilisation est totale pour que nous puissions vacciner sans relâche et le rythme ne cesse de s’accélérer, comme vous pouvez le constater avec les chiffres au quotidien. Depuis déjà trois semaines, notre rythme quotidien est plus élevé que celui de nos voisins allemands, italiens ou espagnols.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Eh oui !

Je veux saluer toutes les personnes impliquées dans les centres de vaccination mis en place par les mairies, les établissements hospitaliers ou encore des professionnels de ville. Nous en comptons plus de 1 700 aujourd’hui, et d’autres encore doivent ouvrir dans les prochaines semaines.

Je salue également la mobilisation des professionnels de ville : plus de 50 000 médecins et 20 000 officines de pharmacie se sont engagés dans la vaccination. En un mois, ils ont administré près de 1, 7 million de doses aux patients éligibles. À compter de la semaine prochaine, 25 000 premiers infirmiers vont se lancer, à leur tour, dans la vaccination. Toujours la semaine prochaine, près de 1, 4 million de doses supplémentaires seront utilisables sur le terrain, suivies de 3 millions de doses supplémentaires en avril et 3, 6 millions en mai. Par ailleurs, vous le savez, le mois d’avril verra l’arrivée d’un nouveau vaccin, celui de Johnson & Johnson, qui a la particularité de ne nécessiter qu’une seule dose.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Il sera alors possible, dans les prochaines semaines, comme le chef de l’État l’a annoncé hier, d’ouvrir la vaccination à de nouvelles tranches d’âge : le 15 avril pour les personnes âgées de 60 ans à 69 ans ; le 15 mai pour les personnes âgées de 50 ans à 59 ans ; le 15 juin pour tous les autres.

Nous travaillons également, en lien avec tous les secteurs professionnels concernés, à la réouverture prochaine des lieux et activités aujourd’hui fermés. Cette réouverture interviendra lorsque les conditions sanitaires seront réunies. Le moment venu, le Gouvernement présentera cette stratégie devant le Parlement.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Il nous faut aussi nous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les conditions d’organisation des élections régionales et départementales

Ah ! sur les travées des groupes CRCE, GEST, SER, UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Comme je l’ai déjà indiqué, et comme je le redis cet après-midi devant la Haute Assemblée, seules des raisons sanitaires impérieuses, de nature à compromettre l’organisation de la campagne ou du scrutin, pourraient justifier un nouveau report.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

En application de la loi du 22 février 2021, le conseil scientifique a rendu sur ce sujet un avis lundi dernier.

J’observe avec vous que cet avis, particulièrement balancé

Exclamations amusées.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

… le conseil scientifique formule des recommandations précises quant aux conditions de l’organisation et de la tenue de ces élections, …

Debut de section - Permalien
Jean Castex

… tandis que les mesures nouvelles qui entreront en vigueur ce week-end, et pour quatre semaines, pourraient avoir un effet sur le déroulement de la campagne.

Nous avons donc le devoir de nous assurer que l’ensemble des conditions édictées par le conseil scientifique pourront être effectivement satisfaites et que leur mise en œuvre très concrète ne viendra pas altérer l’expression libre et sécurisée du vote de nos concitoyens.

À cet effet, je vais engager sans délai une consultation des partis politiques représentés au Parlement

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Mesdames, messieurs les sénateurs, des semaines particulièrement difficiles sont encore devant nous.

Plus que jamais, les personnels soignants, dont le dévouement et la bravoure sont admirables depuis quatorze mois, méritent notre soutien et la reconnaissance de la Nation tout entière.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Je me rends très régulièrement dans les établissements de santé pour leur manifester ce soutien. Je sais, car ils me le disent, ce qu’ils endurent. Je sais combien ils se battent, malgré la fatigue, malgré la lassitude, pour sauver des vies. Notre système hospitalier va tenir le choc, et il va le tenir grâce à eux. Nous les y aiderons en continuant de mobiliser tous les leviers possibles : en déplafonnant les heures supplémentaires dans les établissements de santé ; en mobilisant tous les renforts possibles, en particulier les professionnels de ville, les retraités, les étudiants en santé, les 26 000 professionnels inscrits à la réserve sanitaire civile, mais également la réserve militaire ; en organisant la collaboration entre le public et le privé, qui n’a jamais été aussi fluide, j’y insiste ; en organisant des évacuations sanitaires depuis les régions les plus touchées.

L’activation de l’ensemble de ces leviers doit nous permettre d’armer jusqu’à 10 200 lits de réanimation et d’accueillir tous les malades qui en auront besoin.

Face à cette crise sans précédent et à la part d’incertitude que comporte cette épidémie, mon gouvernement a agi avec cohérence et pragmatisme.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Gérer une crise sanitaire, c’est conjuguer plusieurs critères dans le seul intérêt du bien commun. Il y a évidemment, d’abord et en premier lieu, les critères épidémiologiques et sanitaires, et donc les avis des scientifiques et des médecins.

Il me faut le dire et le répéter ici devant le Sénat et la Nation tout entière : il n’y a pas d’opposition entre le pouvoir politique et le pouvoir médical. Nous tenons le plus grand compte des avis, des analyses, des modèles et des prévisions des experts, conseils scientifiques et médicaux. Mais, et c’est bien là le rôle du Gouvernement, nous avons également le devoir – je dis bien : le devoir – d’intégrer dans nos prises de décision d’autres considérations, qui relèvent de la dimension sociale, scolaire, psychologique, économique de notre pays et de notre société. Ces critères se modélisent sûrement moins bien et leur impact est sûrement moins immédiat, mais leurs effets sont, un an après le début de la pandémie, beaucoup mieux connus.

C’est dans la combinaison difficile, très difficile, de l’ensemble de ces critères que doit être recherché l’équilibre des décisions qu’il nous appartient de prendre. C’est aussi cet équilibre qui conditionne la temporalité de ces décisions.

Néanmoins, en fin de compte, et le moment dans lequel nous nous trouvons l’illustre parfaitement, la mère des priorités, le premier des critères qui finira toujours par s’imposer, c’est la protection sanitaire de nos concitoyens.

Comme toujours, c’est dans l’unité et le recours aux valeurs de solidarité et de responsabilité que nous trouverons les ressources pour faire face à ce choc grave, inédit et complexe. C’est la caractéristique profonde de cette crise : elle fait appel au sens des responsabilités de tous et de chacun. C’est cette responsabilité que je viens partager avec vous cet après-midi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.

Dans le débat, la parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement est de nouveau saisi au titre de l’article 50-1 de la Constitution pour débattre des nouvelles mesures sanitaires annoncées hier soir par M. le Président de la République.

Ces mesures, que vous relayez cet après-midi, monsieur le Premier ministre, pourraient être très largement commentées – je ne vais pas me lancer dans cet exercice. Elles étaient indispensables en raison de l’évolution de la pandémie. Nous partageons l’idée qu’il ne fallait pas revenir à un confinement dur, du type de celui que nous avons connu en mars 2020.

Il nous paraît évident qu’un tel confinement ne serait plus accepté de la même manière par nos concitoyens. La peur et la sidération ont laissé place à l’inquiétude, la lassitude, et même parfois à une certaine colère.

Cependant, l’évolution des indicateurs sanitaires imposait de nouvelles mesures. Je suis persuadé, ou du moins je veux le croire, que celles qui ont été proposées hier ont été mûrement pesées et réfléchies, à l’aune des indicateurs dont vous disposez.

Vous venez de le dire à l’instant, vous avez opéré une synthèse entre la raison sanitaire et la prise en compte nécessaire des intérêts économiques, psychologiques et sociaux du pays. Pour autant, ces mesures suscitent des interrogations que nous souhaiterions voir levées.

D’abord, le passage d’une capacité de 7 000 lits à 10 000 lits en réanimation nous a valablement surpris. Alors que nous en parlons depuis des mois, comment cela est-il devenu réalisable ? On parlait d’« argent magique » ; aujourd’hui, nous avons des « lits magiques ». D’où sortent ces lits et pourquoi n’a-t-il pas été possible de les mobiliser avant ?

Encore plus problématique est la question du personnel qui permettra de les faire fonctionner. Le Président de la République a bien précisé que tout le potentiel de la réserve sanitaire serait mobilisé, mais cela permettra-t-il de rendre effective l’utilisation de ces nouveaux lits ?

J’en viens à la stratégie vaccinale.

Jusqu’ici, outre les seniors, seuls les soignants étaient prioritaires pour se faire vacciner. À notre sens, l’ouverture de cette priorité à de nouvelles catégories, à savoir les enseignants, les policiers ou les pompiers, si elle positive, risque de brouiller la lisibilité de la stratégie et, surtout, de donner lieu à des demandes reconventionnelles. Par exemple, pourquoi les enseignants et pas les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), qui sont pourtant eux aussi au contact des enfants au quotidien dans nos communes ? De même, pourquoi pas les chauffeurs de bus ou les caissières de supermarché, dont on a tant parlé voilà quelques mois ? N’y a-t-il pas là un risque de revendications tous azimuts et d’incompréhension de la part d’un certain nombre de professions exposées ?

Toujours au sujet des vaccins, mais cette fois en amont, au niveau de la production et de la fourniture des doses, les annonces présidentielles sont très volontaristes et optimistes.

Vous avez dit que nous allions accélérer les achats. On ne peut qu’être d’accord, mais tout un chacun sait bien que les doses manquent. Aujourd’hui encore, on constate qu’AstraZeneca a livré 30 millions de doses au lieu des 120 millions de doses promises. Comment allons-nous accélérer les achats ?

De même, le Président de la République affirme que « nous allons devenir le premier continent au monde en termes de production de vaccins ». On ne peut que s’en réjouir, mais comment cela va-t-il se passer ? Où seront les usines de production des vaccins ? Comment cela va-t-il être organisé ?

Parmi les annonces d’hier, la fermeture des écoles est sans nul doute la plus forte. Vous avez annoncé des consultations avec les associations d’élus. C’est une bonne chose, car beaucoup s’inquiètent, notamment en ce qui concerne les activités périscolaires. Fermer les écoles suppose que les familles s’organisent, de même que les écoles et les collectivités.

Le chef de l’État n’a pas parlé des autotests, alors qu’ils sont très utilisés en Grande-Bretagne et en Allemagne. Pourquoi faisons-nous l’impasse en France ? Pourquoi avons-nous été moins réactifs que nos voisins européens pour nous en équiper ?

Autre grand absent du discours présidentiel, le pass sanitaire. C’est pourtant un sujet majeur, aux niveaux tant communautaire que national. Toutes les restrictions sanitaires seront-elles levées une fois que les publics à risque auront été vaccinés ?

Enfin, on peut se demander s’il n’aurait pas été possible de conserver au moins un peu de différenciation locale, s’il n’aurait pas été envisageable de jouer la carte de la déconcentration et de plus inciter les praticiens hospitaliers à innover.

Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, il s’agit là d’interrogations.

Elles ne remettent pas en cause l’idée que nous nous faisons de votre action. Il ne s’agit pas d’exprimer une forme de défiance ni de mettre en doute la bonne foi du Gouvernement, pas plus que de contester l’idée que vous défendez la protection sanitaire des Français tout en ménageant autant que possible les autres intérêts de la Nation.

Vous avez parlé des aides économiques. Chacun ici peut constater que le Gouvernement, l’État, a fait beaucoup ces derniers mois pour aider les entreprises, les commerçants.

Cependant, nous ne voterons pas cet après-midi, monsieur le Premier ministre, car, une fois de plus, nous débattons de mesures déjà prises. Notre groupe ne prendra pas part à un vote qui nous semble relever davantage de l’exercice de style platonique et cosmétique.

Nous, les parlementaires, avons compris que notre principal outil de travail était le poste de télévision.

Très bien ! et applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Au-delà de cette ironie, le présent débat révèle un problème institutionnel, monsieur le Premier ministre. C’est de cela que nous voulons vous parler aujourd’hui.

Les mesures sanitaires vont dans le bon sens, mais on prend des mesures qui touchent aux libertés publiques. Vous avez dit ce matin que votre action se faisait naturellement dans un cadre constitutionnel, mais surtout à travers des mesures administratives et réglementaires. C’est vrai, mais quand on touche à la liberté d’aller et de venir, à la liberté du commerce, quand on empêche les déplacements d’un département à un autre, d’une région à une autre, c’est certainement nécessaire, et nous approuvons ces mesures, mais il s’agit de l’exercice de libertés publiques, qui va au-delà de l’exercice du pouvoir réglementaire et administratif normal. Aussi, il ne serait pas anormal que le Parlement puisse apprécier la proportionnalité des mesures ainsi prises.

Bravo ! et applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Il n’y a rien d’offensant, monsieur le Premier ministre, ni pour le Président de la République ni pour votre gouvernement, à ce que les parlementaires puissent émettre a priori une opinion ou formuler des recommandations.

Il n’est pas normal à nos yeux qu’un homme seul, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

… fût-il Président de la République, et quelle que soit sa qualité, puisse décider seul, en s’appuyant sur un conseil de défense, et prendre des mesures que nous sommes amenés à constater semaine après semaine.

J’ai écouté ce matin la réponse de M. le ministre Olivier Véran et la vôtre, monsieur le Premier ministre, à l’Assemblée nationale. Vous avez notamment dit : la démocratie, c’est la transparence ! Croyez-vous franchement que le conseil de défense soit un exemple de transparence ?

Applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Quelle place a-t-il réellement dans nos institutions aujourd’hui ? S’il est devenu un corps central, indispensable dans l’action qui est menée aujourd’hui, le Parlement, lui, a disparu de la prise de décision. On va même jusqu’à créer des « machins » – le général de Gaulle les aurait appelés ainsi –, avec un certain nombre de citoyens tirés au sort pour savoir ce qu’ils pensent des difficultés vaccinales. Aujourd’hui, d’ailleurs, on ne les entend plus…

Le Président de la République a décidé de parler directement à l’opinion. Je pense que c’est un exercice très dangereux, comme on a pu en faire l’expérience avec l’épisode des « gilets jaunes ». Cela paraît déjà très loin, mais c’est finalement très récent. Quand on joue avec l’opinion, il faut s’attendre à ce qu’un jour cela finisse au Capitole, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

… ou, chez nous, sur les Champs-Élysées, avec des milliers de CRS pour protéger nos institutions.

Il y a une Constitution ; il y a des institutions. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, je veux vous parler de cette alerte. Nous ne pouvons pas être ainsi relégués, réduits à attendre des directives, des annonces que nous découvrons sur les écrans. Cela ne peut plus durer !

Si, demain, d’autres arrivaient au plus haut niveau de l’État – les sondages sont de nature à inquiéter –, ou s’il y avait une cohabitation, comment fonctionnerait notre pays, avec de tels pouvoirs concentrés entre les mêmes mains ?

Debut de section - Permalien
Jean Castex

C’est la Ve République !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La question est très grave. C’est un sujet qui doit nous mobiliser. Cela n’est pas encore inquiétant, mais nous devons être en alerte.

Monsieur le Premier ministre, vous avez aussi parlé à l’instant même des élections, qui doivent donner lieu à un débat dans les prochains jours. Je vous en remercie. Vous aviez précédemment déclaré que vous vous appuieriez sur les conclusions du conseil scientifique. Je reconnais, comme vous, que celles-ci sont « balancées ». Le conseil scientifique s’est appuyé sur le principe de Chevallier et Laspalès, célèbres humoristes : « C’est vous qui voyez ! »

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Évidemment, monsieur le Premier ministre, il va falloir trouver d’autres éléments. Pour notre part, nous considérons qu’il y a des dates électorales, des modes de scrutin, et que, sauf événement extrêmement important, il n’y a pas lieu de modifier le processus.

Mon dernier point, monsieur le Premier ministre, porte sur l’Europe. Beaucoup des sujets dont nous parlons relèvent de l’action européenne. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler ici, notamment au moment des questions d’actualité au Gouvernement. Le plan de relance nous inquiète, parce qu’il y aura aussi un après, et nous devons nous y préparer. Nous sommes inquiets, je le répète, de ce qui se passe en Allemagne, avec la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, car 750 milliards d’euros sont en jeu. Nous sommes inquiets du problème des frontières ; nous sommes inquiets, évidemment, des problèmes de vaccins, et c’est en Europe que tout cela se passe.

En Italie, on a fait un gouvernement d’union, qui va de M. Salvini à la gauche italienne. On voit les efforts de Mme Merkel avec les Länder. Tout est très compliqué et c’est un énorme travail. Nous vous faisons confiance, monsieur le Premier ministre, mais, de grâce, adoptez une autre pratique institutionnelle.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER, GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le Premier ministre, le 29 octobre dernier, vous veniez déjà devant nous pour annoncer des mesures nécessaires au vu de l’évolution de la situation sanitaire. J’avais souligné la difficulté de votre tâche, ainsi que la responsabilité qui était la vôtre devant les Français. Malgré les errements, malgré les fautes, malgré la trop grande verticalité de votre gestion de crise, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait voté en faveur de votre déclaration.

Notre vote ne valait pas soutien à l’action de votre gouvernement. Notre vote ne valait pas quitus pour votre gestion de la crise. Nous avions voté en faveur des Français et de leur santé.

Cinq mois plus tard, la situation a changé, ou, plutôt, elle n’a pas changé. Vous n’avez pas tiré les enseignements des précédentes séquences. La gestion de l’épidémie s’est dégradée. La concentration du pouvoir s’est renforcée.

Cinq mois plus tard, vous êtes devant nous et nous ne savons pas pourquoi, monsieur le Premier ministre. En déclinant les propos de l’oracle présidentiel, vous ne nous associez pas. Le vote du Parlement serait unanimement défavorable que cela ne changerait rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner. Cela fait des mois que nous vous demandons plus de transparence, plus de clarté, plus de démocratie sanitaire. Cela fait des mois que vous balayez d’un revers de main nos nombreuses propositions. Cela fait des mois que vous prenez les chambres parlementaires pour un paillasson au service de la doxa élyséenne.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Le Parlement vote… Oui, il vote, quand il a discuté un texte, un texte qu’il a travaillé, un texte qu’il a amendé. Là, on ne discute de rien ; on n’amende rien. On acclame ou on conspue. C’est toujours le même schéma : le bunker du conseil de défense suffit ; la parole du président suffit ; le Premier ministre répète et le Parlement enregistre.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Vous me pardonnerez donc, monsieur le Premier ministre, que mon intervention se fonde sur l’intervention du Président de la République plutôt que sur la vôtre.

Le Président de la République, hier soir, a tenu à justifier son action pour éviter tout mea culpa. Si certaines erreurs ont été confessées du bout des lèvres, aucun mot n’a été prononcé pour les morts de la pandémie, ou si peu. Pour combler ce manque, je tiens à avoir une pensée pour nos compatriotes qui ont été touchés par ce virus, avec parfois des conséquences sur le long terme, pour ceux qui ont perdu des proches, pour ceux qui se battent actuellement contre cette maladie. Bientôt, plus de 100 000 des nôtres ne seront plus à nos côtés – probablement davantage, si l’on compte les effets des nombreuses déprogrammations dans nos hôpitaux.

Nous payons aujourd’hui les conséquences des choix du Président de la République. Il faut le dire ! Il décide seul, il doit assumer seul.

Il dit avoir gagné du temps de liberté pour les Français, mais de quelle liberté parlons-nous ? Depuis la fin de janvier, chaque semaine, les Français sont en alerte devant les rumeurs d’une intervention présidentielle. Chaque semaine ou presque, de nouveaux territoires sont touchés par des restrictions.

L’exécutif s’est félicité pendant de longs mois, déraisonnablement, de ne pas avoir écouté les scientifiques, qui préconisaient des mesures de freinage plus fortes dès la fin de janvier en raison de l’apparition des variants. Pourtant, la flambée annoncée a bien eu lieu : nous sommes en plein dedans !

Ainsi, sans y associer le Parlement ou les Français, votre gouvernement applique la décision du Président de la République en laissant le virus circuler à un niveau élevé depuis deux mois. Pourtant, le conseil scientifique avait indiqué à la fin de janvier : « Si nous ne réussissons pas à endiguer la progression du virus avec des mesures fortes, nous risquons d’être confrontés à des pics épidémiques similaires à ceux observés en mars-avril et novembre 2020, voire plus élevés. »

Vous-même, monsieur le Premier ministre, le 28 janvier, lors d’un fameux comité de liaison parlementaire, alors que le variant anglais ne représentait que 10 % des infections, vous nous affichiez des projections qui montraient un emballement inévitable de l’épidémie.

M. le Premier ministre fait un geste de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Nous soutenions de telles mesures, d’ailleurs, car nous les savions nécessaires. Les Français étaient prêts pour ces nouveaux sacrifices. Mais non, l’épidémiologiste en chef, celui pour qui aucun sujet n’est inaccessible au vu de son intelligence hors du commun, en a décidé autrement !

Le pari du « trou de souris » du Président de la République est perdu. Qu’il le dise, qu’il l’assume, qu’il s’excuse, car cela aurait pu être évité ! Lui qui voulait écarter la perspective d’une dictature sanitaire a provoqué une débâcle.

Le résultat de cette débâcle est un nouveau confinement et le tri des patients. Voilà deux termes que l’on n’entend pas, encore aujourd’hui, dans la bouche des membres de l’exécutif : « confinement » et « tri ». Mais ce n’est pas parce que l’on ne nomme pas les choses qu’elles n’existent pas.

Quand on restreint la liberté de circulation, quand on ferme les écoles, quand on ferme les commerces, on confine !

Quand on déprogramme massivement des opérations, on trie !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner. Cette politique résulte du choix fait par un homme, dans une démarche de concentration excessive de ses prérogatives constitutionnelles. Je le rappelle à cette tribune : la politique de santé ne fait pas partie du domaine réservé du Président de la République !

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Et si le Gouvernement peut restreindre les libertés par décret, comme vous l’avez rappelé ce matin, monsieur le Premier ministre, c’est bien parce que le Parlement lui a délégué cette possibilité par ordonnance.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Nous connaissons la complexité d’une telle crise, nous ne nions pas les difficultés de gestion qu’elle entraîne et nous sommes toujours prêts à agir à vos côtés, mais il faut nous en donner la possibilité.

Dès cet automne, nous vous avons interrogé sur l’organisation de la stratégie vaccinale, notre seul espoir pour sortir de cette crise sanitaire. Nous appelions le Gouvernement à mettre en place rapidement un plan clair, net et précis de vaccination. Ce n’était pas de la polémique, mais un appel à la prise en compte de l’urgence absolue par l’exécutif.

Vous étiez rassurant, vous nous affirmiez que vous étiez dans l’action, alors que quelques semaines plus tard vous n’avez été que dans la réaction ! C’est le dos au mur que vous réagissez, comme d’habitude, comme aujourd’hui.

Ce retard a un coût économique, social et humain important. Ce manque d’anticipation, associé à une stratégie assumée de la lenteur, à laquelle vous avez heureusement renoncé, doit s’effacer au profit d’une mobilisation générale que vous annoncez, mais qui ne se traduit pas encore dans les chiffres. Voici le résultat : en France, seule 13 % de la population a reçu au moins une dose de vaccin. Nous sommes au-delà de la vingtième place des pays qui vaccinent le plus.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Vous savez bien qui est devant nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je connais votre argument, monsieur le Premier ministre : notre situation n’est pas pire qu’ailleurs.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Non, elle est meilleure !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Votre position me fait penser à cet adage québécois bien connu : « Quand on se regarde, on se désole ; quand on se compare, on se console. »

Monsieur le Premier ministre, nous ne voulons pas être consolés ; nous voulons être les plus performants et tout faire pour que l’Europe ne soit pas le bouc émissaire de ces difficultés.

Le 3 décembre dernier, vous nous annonciez que 15 millions de personnes seraient vaccinées avant le printemps, soit la fin du mois de mars.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Nous y sommes : 8 millions de personnes ont reçu une dose, soit la moitié de ce que vous aviez annoncé. Les retards de livraison n’expliquent pas tout. Quid de la désorganisation ? Quid des volte-face sur les vaccinodromes ?

Hier soir, le Président de la République a annoncé de nouvelles arrivées de vaccins, ainsi que la production de vaccins en France. Tant mieux, mais donnez-nous des chiffres, montrez-les-nous, expliquez-nous comment vous allez réaliser cela. C’est ainsi qu’on associe à son travail le Parlement et les Français.

Hier soir, le Président de la République a annoncé un plan de sortie de crise. Il aurait pu parler de déconfinement, comme au printemps dernier. Sur ce sujet, je ferai les mêmes requêtes : donnez-nous des chiffres, montrez-les-nous, expliquez-nous ! Comment vous croire, alors que le Président de la République ou le porte-parole du Gouvernement, dans un savant mélange de Madame Irma et de Pinocchio

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Hier soir, le Président de la République a annoncé de nouveaux lits de réanimation. Comment monter à 10 000, alors qu’il y a moins d’un an vous en promettiez beaucoup plus et que vous n’avez pas pu tenir vos promesses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Comment vous faire confiance aujourd’hui quand les soignants sont à bout et que le Ségur de la santé a changé si peu de choses ?

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Les mesures que vous prenez aujourd’hui sont nécessaires, mais nous regrettons qu’elles arrivent trop tard et que votre procrastination sanitaire empêche de continuer une politique territorialisée que vous avez mis bien du temps à mettre en place, malgré les demandes des élus locaux.

Avoir laissé les écoles ouvertes est effectivement une fierté pour notre pays. Nous regrettons qu’il faille les fermer aujourd’hui, sans que les tests salivaires aient été livrés ou que la continuité pédagogique ait pu être facilitée par des investissements qui auraient permis de surmonter la précarité numérique de nombreux élèves. Nous l’avions proposé ; vous ne l’avez pas fait. Aujourd’hui, il faut, avant le 26 avril pour certains, ou le 3 mai pour d’autres, vacciner 1, 2 million de personnes : les enseignants et encadrants dans les écoles, collèges et lycées de notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Par ailleurs, le ruissellement de la dette publique sert d’amortisseur économique et social. Nous avons soutenu vos décisions, mais nous voulons savoir comment aller plus loin, alors que la crise révèle et exacerbe les inégalités, mais que vous n’entendez pas nos propositions dans tous ces domaines : statut des travailleurs précaires, fracture numérique et éducative, aide alimentaire, situation des étudiants les plus fragiles.

Nous avons demandé que l’on prévienne le risque d’accroissement des situations de précarité et de pauvreté. Le RSA pour les moins de 25 ans : rejeté ; le débat sur le statut des travailleurs des plateformes : rejeté !

Pour éviter d’accroître encore la précarité et les inégalités, nous avons proposé des solidarités fiscales nouvelles, des fonds de soutien, des orientations ciblées pour le plan de relance en faveur des ménages les plus fragilisés. Quand nous proposons une réévaluation des aides au logement et la suppression de la réforme de ces mêmes aides, qui pénalise les jeunes qui entrent sur le marché du travail, vous répondez par la relance de la réforme de l’assurance chômage.

Nous avons fait des propositions visant à préserver l’activité locale de proximité, en demandant un traitement différencié et une meilleure concertation avec les élus locaux pour pallier le manque de confiance des commerçants dans les aides de l’État ; rien n’a changé ! L’économie de proximité doit être mieux identifiée comme une priorité de la relance ; rien n’a été retenu par votre gouvernement.

Pour ne pas confiner la démocratie, monsieur le Premier ministre – vous avez évoqué ce sujet à la fin de votre discours –, nous avons également proposé, à de multiples reprises, des mesures qui permettent la tenue des scrutins départementaux et régionaux dans les meilleures conditions, mesures d’ailleurs recommandées dans le rapport du conseil scientifique. Vous n’avez pas voulu les reprendre ; je le regrette.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, vous avez voulu freiner, mais ça n’a fait qu’accélérer. Vous avez voulu freiner pour ne pas enfermer, mais vous devez maintenant enfermer pour freiner, alors que le train de la covid-19 est lancé à pleine vitesse : 40 000 à 50 000 cas par jour !

Votre gestion de la crise est un jour sans fin pour la France. Les Français ne sont pas résilients, monsieur le Premier ministre : aujourd’hui, ils sont résignés. Ils attendent autre chose. L’annonce de la lumière au bout du tunnel, tellement invoquée, nous amène à nous interroger sur la crédibilité de votre stratégie et, peut-être plus encore, sur celle de votre stratège.

Vous avez accepté que nous vivions avec le virus, alors que nous aurions dû nous donner comme objectif de l’éradiquer au plus vite.

Face à cette parodie politique, face à cette mascarade de démocratie, face à ce simulacre de concertation, nous avons décidé de ne pas être les faire-valoir de l’exécutif. Le Sénat ne disposant pas du pouvoir de censure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne participera pas au vote sur cette déclaration.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, hier soir, le président Macron a confessé ce que les Français savaient déjà depuis longtemps, pour en avoir subi les conséquences graves : il a confessé qu’il avait « commis des erreurs ».

Voyez-vous, monsieur le Premier ministre, le problème est que vous en commettez encore et que leurs conséquences ne seront pas moins importantes que celles des précédentes, notamment en matière de promesses non tenues sur la création de lits en réanimation.

Nous avons également entendu dire hier soir que « l’irresponsabilité de quelques-uns ne doit pas miner les efforts de tous ». Les Français seraient-ils encore montrés du doigt, ou le Président parlait-il tout simplement de votre gouvernement ?

Face à l’offensive du variant anglais, toutes ces nouvelles mesures liberticides sont les conséquences directes du Waterloo de la vaccination, qui marque la déroute de votre gouvernement. En effet, alors que nous attendons votre intervention salvatrice, à l’image de Grouchy, vous êtes désespérément aux fraises, monsieur le Premier ministre !

Au moins, à Waterloo, les chefs étaient en première ligne. Vous, vous êtes en retrait, en retard, et chaque jour la bataille de la vie est perdue pour des dizaines, voire des centaines de nos compatriotes.

Vous n’avez qu’un horizon à offrir à notre peuple : promettre des lendemains qui enferment !

Vos annonces condamnent les étudiants et les plus jeunes à la détresse, les ouvriers à rester exposés, les indépendants et les commerces de proximité, dont il est scientifiquement reconnu qu’ils ne constituent nullement un lieu de contamination, à fermer définitivement.

Quant à la mère ou au père qui va pouvoir télétravailler, il devra « en même temps » faire la classe à son enfant, voire à ses enfants. On lui souhaite beaucoup de courage et d’abnégation !

La dette est si abyssale qu’elle va se transformer en trou noir, car votre confinement coûte à la France, selon Bercy, 365 millions d’euros par jour !

Nos compatriotes sont condamnés à être tributaires d’un calendrier de la vaccination très incertain en raison, entre autres choses, de votre « poutinophobie », qui vous pousse encore à refuser le vaccin russe que les Allemands et les Italiens ne se privent pas de commander par millions.

Et que dire de l’absence totale, voire du rejet de tout traitement qui permettrait de contenir la flambée d’hospitalisations ! Je pense au traitement du professeur Raoult, à Marseille, traitement qui avait pour seul tort non pas d’être dangereux, mais de soigner quasiment gratuitement : un véritable cauchemar, un virus, un empêcheur de se goinfrer en rond pour les grands laboratoires ! Le professeur Raoult a été banni en même temps que son traitement, dont nombre d’élus marseillais et personnalités de haut rang ont pu bénéficier !

Tout cela est-il le résultat de votre incompétence, monsieur le Premier ministre, ou d’une véritable stratégie ? On en vient à croire que ces décisions vous conviennent.

Le confinement comme l’état d’urgence sont une solution de facilité pour ne pas régler les problèmes structurels de l’hôpital, de la recherche, de l’industrie et de la souveraineté, gage de la liberté de décision.

En ces temps d’enfermement tous azimuts, la vérité nous rend libres. Or, à la vérité, le retour – la résurrection, si j’ose dire – de nos libertés n’est annoncé ni pour dimanche, ni pour lundi, ni pour les semaines à venir.

Quant à moi, je ne saurais cautionner cet enfer économique, social et autoritaire dans lequel vous souhaitez enfermer le pays un mois de plus.

M. Alain Duffourg applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, une fois de plus, la vague est montée ; une fois de plus, l’hôpital est submergé ; une fois de plus, le Président a parlé ; une fois de plus, le Parlement est pris en otage ; une fois de plus – la troisième –, la France est confinée.

Monsieur le Premier ministre, dans quelques instants, vous allez nous demander de voter, mais ce sera un vote pour rien, parce que c’est un vote sur rien. Vous allez nous demander de voter sur des annonces qui ont déjà été faites ; vous allez nous demander de voter sur des mesures à prendre qui ont déjà été prises !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Hervé Marseille a raison : nous avons l’électricité et la télévision, nous avons regardé hier les annonces faites par le Président à la télévision.

À quoi bon voter, si tout est décidé ? Il y a là un paradoxe : c’est trop facile de vouloir nous faire voter quand tout est décidé et, lorsque nous aimerions avoir des votes, de nous les refuser.

Souvenez-vous : au moment de l’un des débats sur la reconduction de l’état d’urgence, le Parlement, ou plus précisément le Sénat a proposé qu’un vote soit organisé lorsque le confinement devrait être prorogé d’un mois. C’était normal, c’était un contrôle démocratique, mais vous nous aviez refusé ce vote, monsieur le Premier ministre. Votre ministre de la santé nous l’avait refusé, à l’en croire, pour notre bien ; il nous avait dit que c’était pour empêcher l’embolie des chambres. Merci pour une telle sollicitude ! §C’est là qu’un vote aurait pu être utile.

En réalité, si j’ai employé les mots de « prise d’otages », c’est parce que, me semble-t-il, vous souhaitez que le Parlement – cet après-midi, le Sénat – soit une sorte de faire-valoir. Eh bien, le Sénat, mes chers collègues, n’est pas le faire-valoir de l’exécutif ou du Président de la République !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous ne sommes pas, à l’évidence, des greffiers appliqués du verdict de Jupiter ! La Ve République, ce n’est pas ceci : le Président parle à la télévision et, le jour suivant, le Parlement s’exécute dans l’hémicycle. Ce n’est pas cela, la Ve République !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je voudrais partager avec vous, monsieur le Premier ministre, ce que de nombreux collègues, parmi lesquels les présidents d’autres groupes, et moi-même avons sur le cœur. Vous disposez, avec votre gouvernement, de pouvoirs extrêmement étendus. La contrepartie de ces pouvoirs immenses serait de veiller au contrôle démocratique et notamment parlementaire. Pour autant, vous vous ingéniez méticuleusement à marginaliser le Parlement. Vous avez recours aux ordonnances : depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, 298 ordonnances ont été prises.

Vous me rétorquerez que c’est plus rapide ainsi. Non : c’est plus long !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous avons démontré ici qu’il faut en moyenne 336 jours pour une ordonnance, contre 235 pour une loi. La loi est plus rapide ! Mais la différence essentielle, ce n’est pas la vitesse, c’est le contrôle du Parlement.

Ajoutons-y, bien sûr, le recours aux conseils de défense, et à leur opacité, ainsi que le recours à des procédures législatives expéditives : tous les textes, sauf le projet de loi relatif à la bioéthique, sont examinés selon la procédure accélérée, parce que, encore une fois, le temps du Parlement serait un temps perdu !

Ajoutons-y, enfin, la floraison des comités Théodule.

On ne peut pas s’en réjouir, même au sein de l’exécutif, monsieur le Premier ministre. Je vous mets en garde, parce que la démocratie, ce sont aussi des contre-pouvoirs. Ce serait pour le Président de la République céder à une illusion dangereuse que de conforter les Français dans la croyance naïve en un homme seul qui serait capable de tout, capable de tout prendre en charge.

En effet, quand il y a défaillance dans la prise en charge et que, parallèlement, les mécanismes démocratiques parlementaires ne sont plus au rendez-vous, que se passe-t-il ? La nature a horreur du vide ! On met en place un face-à-face, on ubérise la politique, on supprime tous les intermédiaires, jusqu’au Parlement, et que se passe-t-il ? Comme la nature a horreur du vide, d’autres mécanismes se mettent en place.

La démocratie consiste à rendre des comptes. Aux heures les plus graves de notre histoire, pendant la Première Guerre mondiale – relisez votre histoire ! –, cette démocratie n’a pas été un obstacle à la gestion d’une crise énorme : elle a été une ressource.

M. Roger Karoutchi renchérit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Or quels sont ces mécanismes qui se mettent en place ? Ce sont les réseaux sociaux, où chacun peut, l’espace d’un temps, s’efforcer de devenir un procureur, un Fouquier-Tinville. Vous le savez bien ! Voilà ce que l’on risque quand on veut le face-à-face avec le peuple, comme le rappelait l’un des orateurs qui m’ont précédé.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vous rends ainsi un peu de cette sollicitude dont vous aviez fait preuve en nous protégeant de l’embolie, monsieur le ministre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Quel est l’autre mécanisme qui se met en place, puisque la responsabilité démocratique devant le Parlement est insuffisante ? On appelle les ministres à la barre. Je désapprouve cette judiciarisation, comme j’ai désapprouvé les perquisitions menées, à six heures du matin, chez un ministre de la santé qui a évidemment autre chose à faire ! §

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Cela n’a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mais si, monsieur le Premier ministre, on est là au cœur du mécanisme ! Écoutez-moi donc un instant, car c’est important, au moment où notre démocratie en est.

Cette judiciarisation encourage la bureaucratisation parce que, quand on fait un protocole, tous les niveaux de responsabilité gèrent le risque pénal et ouvrent le parapluie. La judiciarisation équivaut à toujours plus de bureaucratisation !

M. Philippe Pemezec applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le Premier ministre, et il est important que vous l’entendiez.

Vous avez eu, parce que nous vous les avons confiés, des pouvoirs très étendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mais qu’en avez-vous fait ? Quel en a été le résultat ? Je voudrais pour y répondre prendre deux exemples, que d’autres orateurs ont déjà évoqués : les lits de réanimation, dont l’importance tient à ce qu’ils permettent de piloter les mesures de freinage de l’épidémie, et la vaccination.

Qu’avez-vous fait de ces pouvoirs énormes en matière des lits de réanimation ? J’ai écouté, comme tant d’autres, le Président de la République. Le 28 octobre dernier, avant le deuxième confinement, il évoquait le chiffre de 10 000 lits. Il a promis le même chiffre hier !

Il y a un problème : soit la promesse du 28 octobre était une tromperie, soit l’engagement pris n’a pas réalisé, puisqu’on continue de promettre ces 10 000 lits, que l’on n’a pas ! Vous savez très bien que les lits supplémentaires disponibles aujourd’hui résultent de déprogrammations : ce sont autant de pertes de chances pour ceux qui devaient être opérés et ne le seront pas.

Je discutais ces derniers jours avec plusieurs chefs de service de grands hôpitaux parisiens…

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Le professeur Juvin !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Tous m’ont dit qu’il fallait pratiquement le personnel de deux blocs opératoires pour créer un lit de réanimation. C’est énorme !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Certains affirment même que, quand on soigne pour une quinzaine de jours un patient atteint du covid-19, ce sont environ 150 patients qui verront leur opération reportée. Ce sont des pertes de chances !

Alors, pourquoi n’a-t-on rien fait ? J’avais entendu le Président de la République évoquer le nombre de 7 000 soignants formés : infirmiers, infirmières et médecins. Mais où sont-ils ? Où est la réserve sanitaire ? Sur le terrain, dans les départements et les régions que l’on connaît, on ne la voit pas. Alors, pourquoi en parler ? Cela fait un an qu’on en parle, mais qu’avez-vous fait des pouvoirs énormes qui vous ont été confiés ?

J’en viens à la vaccination. Moi aussi, monsieur le Premier ministre, je vous ai entendu au mois de décembre évoquer un chiffre : à la mi-mars, 14 millions de personnes, si je ne me trompe, devaient être vaccinées. Désormais, on parle plutôt de 10 millions à la mi-avril !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le Premier ministre, il y a une valse des chiffres et une valse du calendrier ! Je vous assure qu’il n’y a pas un Français qui s’y retrouve, tellement il y a eu de changements de pied !

Alors, vous allez me répondre que c’est de la responsabilité de l’Europe. Eh bien, il y a quinze jours, j’ai entendu un haut responsable européen – allemand, d’ailleurs – me répondre que mieux vaut vacciner lentement, mais dans un cadre européen. Voilà l’idéologie ! Voilà ce que nos compatriotes ne sauraient entendre. C’est vous, monsieur le Premier ministre, qui êtes chargé de la protection des Français, de la nation française ; aucun commissaire européen ne fera pour le peuple français ce qu’un élu du peuple peut faire pour protéger les Français. Cela me paraît une évidence.

Le pouvoir que nous vous avons confié, vous l’avez exercé, mais pour de maigres résultats. J’entendais rappeler tout à l’heure la fameuse phrase : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. » Mais non, mes chers collègues : aujourd’hui, quand on se compare, on se désole ! Nous sommes en matière de vaccination au cinquante et unième rang : nous faisons moins bien que le Chili, le Maroc, la Serbie, la Hongrie et tant d’autres pays encore !

L’Allemagne a subi un peu plus de 75 000 morts pour 82 millions d’habitants, quand nous allons atteindre 100 000 morts. Chacun d’entre nous a une pensée pour ceux qui ne sont plus là et pour leurs familles qui souffrent toujours. Voilà les résultats ! C’est à cela que l’on doit juger une politique, même si je sais – je veux le répéter aujourd’hui à cette tribune – que les circonstances sont difficiles.

Voilà ce que nous attendons : plus d’efficacité. Et on ne peut pas, en la matière, toujours pointer du doigt la responsabilité de la bureaucratie.

En effet, dès le départ, il y a eu un manque de volonté au plus haut niveau de l’État. Il me faut évoquer M. Trump : en mai 2020, il se disait confiant : il y aurait un vaccin avant la fin de l’année. Quelques jours plus tard, le Président de la République française répondait que personne de sérieux ne lui disait que nous disposerions d’un vaccin à la fin de l’année. Or, dans notre organisation hyperprésidentialisée, hypercentralisée, quand la tête ne croit pas en la possibilité de disposer de vaccins, elle ne met pas en tension la chaîne de commandement. Alors, il ne faut pas s’étonner par la suite qu’il y ait des loupés ! La vérité est là : c’est d’abord un manque de volonté politique et un manque de stratégie !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il y a eu deux stratégies gagnantes dans le monde. La première est celle des démocraties asiatiques, le « zéro covid ». On n’a pas pu la suivre, par manque d’efficacité du traçage et de l’isolement. Dans ces pays, on compte moins de 20 000 morts ! La seconde, qu’ont suivie des pays qui avaient loupé la première marche dans la gestion de l’épidémie – le Royaume-Uni, les États-Unis et d’autres encore –, est la vaccination rapide et massive.

Or nous n’avons eu ni l’une ni l’autre de ces deux stratégies. La bureaucratie parisienne est venue s’ajouter à la technocratie bruxelloise et le « trou de souris » d’Emmanuel Macron s’est transformé pour beaucoup de Français en souricière !

Aujourd’hui, ce que veulent les Français, c’est qu’on puisse leur donner des preuves de l’efficacité de notre stratégie ; ainsi, on reconstituera l’antidote qu’est la confiance, ce qui ne pourra être fait qu’à trois conditions.

La première condition de la confiance, c’est l’efficacité, que j’évoquais il y a quelques instants. S’il faut commander des vaccins en dehors de la procédure européenne, faites-le ! L’ambassadeur d’Allemagne a confirmé au Sénat – c’est dans un compte rendu ! – que 30 millions de doses du vaccin Pfizer avaient été commandées en dehors du cadre européen. Ce n’est pas interdit, alors faisons-le ! Pourquoi ne le ferions-nous pas ? Arrêtons de considérer que chaque vague est la dernière et anticipons, en matière de formation de soignants et de lits de réanimation !

La deuxième condition de la confiance est l’humanité, comme je l’ai déjà souligné l’autre jour. Vous avez sans doute vu comme moi des personnalités artistiques et culturelles se faire les porte-voix des témoignages de familles qui ont écrit de très belles lettres. Attention à ne pas laisser mourir dans la solitude, derrière les portes closes d’Ehpad, mais aussi d’hôpitaux ! Cela se fait peut-être de moins en moins, mais nous en recevons de nouveaux témoignages chaque semaine. Cet aspect humain est déterminant.

Enfin, la troisième condition de la confiance est la lucidité. Il faut avoir la lucidité de reconnaître ses limites. Chacun d’entre nous, monsieur le Premier ministre, a ses limites !

M. le Premier ministre renchérit ironiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Dans une crise, le pire, la limite qui ne doit pas être franchie est justement le fait de ne pas reconnaître ses limites. J’estime qu’un Président de la République, fût-il Jupiter, fût-il un expert universel, fût-il un épidémiologiste en même temps qu’un philosophe, eût-il été doté de la plus belle intelligence et d’une pensée complexe, ne peut rien seul ! C’est une évidence absolue.

Je crois donc que les institutions représentatives de notre démocratie doivent être respectées. Ne faites pas du Sénat ou de l’Assemblée nationale un théâtre d’ombres, monsieur le Premier ministre, n’en faites pas le lieu d’une fausse concertation, d’un simulacre de décision !

Comme d’autres groupes, nous ne participerons pas à ce vote. Ce geste politique n’est pas un mouvement de mauvaise humeur ou un caprice, mais tout simplement un message : la démocratie représentative, c’est l’assurance pour tous les Français, quels qu’ils soient et quels que soient leurs sentiments politiques, que le sort de tous ne repose pas dans les mains d’un seul ! Voilà ce qu’est la démocratie, voilà pourquoi elle a été inventée.

Alors, oui, monsieur le Premier ministre, il nous faut reconstruire ensemble la confiance, et nous sommes disponibles pour ce faire. Mais ce doit être la confiance par la preuve et par l’efficacité.

J’ose espérer que cette nuit sans fin aura une aube nouvelle et que, comme l’a déclaré le Président de la République, ce sera une jolie aube du mois de mai. Vous n’en avez pas parlé, contrairement à lui, mais j’espère que vous croyez à cette promesse présidentielle. D’ailleurs, si vous croyez que, en mai, les choses iront mieux, iront assez bien pour que les bars et les restaurants rouvrent, pourquoi alors ne voterions-nous pas en juin ? S’il n’y avait plus d’élections, ce serait l’échec de la promesse faite par le Président de la République hier soir.

En tout cas, nous voulons une nouvelle espérance. C’est en abandonnant les vieux démons, me semble-t-il, mais surtout en écoutant le Parlement et en redonnant confiance aux Français que vous y parviendrez.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis l’annonce inespérée de la découverte de vaccins en quelques mois seulement par des chercheurs que nous ne remercierons jamais assez, la course est lancée entre l’acquisition de l’immunité collective qui nous sauvera de la pandémie et la dissémination des nouveaux variants du virus qui signerait notre défaite.

Cette équation à deux inconnues est une ordalie pour le Gouvernement comme pour les Français, parce qu’elle se complique de deux paramètres qui en font l’effroyable complexité.

Le premier est le retentissement immédiat de toute mesure sanitaire sur l’économie du pays qui, dans le cas extrême d’un confinement total, s’écroule aussitôt, nous l’avons vécu.

Le second est le désastre psychique causé par une crise interminable pour tous nos concitoyens, dont beaucoup sont désormais au bord de l’effondrement, ou tout au moins de l’épuisement. Jamais la situation n’a été aussi tendue ; c’est pourquoi, même si nous entrevoyons la lumière au bout du tunnel, nous sentons tous que les semaines qui viennent seront cruciales.

C’est sans doute la raison pour laquelle la décision du Président de la République de ne pas reconfiner en janvier dernier, mais de prendre des mesures graduelles, s’exemptant pour la première fois des injonctions scientifiques, a été très majoritairement approuvée par les Français, malgré ceux qui ont souligné les risques, les insuffisances ou l’aspect hasardeux de ce pari.

Je le dis clairement : je fais partie, avec beaucoup d’autres ici, de ceux qui ont approuvé cette stratégie et je ne peux donc aujourd’hui critiquer le Président de la République en me demandant s’il n’aurait pas dû prendre il y a deux mois les décisions qu’il prend ce jour, voire des décisions plus radicales encore. Ce serait oublier aussi que, depuis des mois, les enfants sont allés à l’école, que les entreprises ont tourné et que la plupart des Français on put mener une vie presque normale…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Ce serait oublier encore que, en raison des nouveaux variants, la certitude d’une efficacité absolue d’un confinement n’était pas acquise, contrairement à l’année dernière.

Avec des mesures plus radicales que les nôtres depuis deux mois, l’Allemagne est aujourd’hui quasiment au même nombre de décès quotidiens que nous, l’Italie en a presque le double.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Le même dilemme se pose aujourd’hui avec une intensité décuplée par des courbes qui remontent, par des critiques qui fusent de nouveau et, enfin et peut-être surtout, par les pressions pour des mesures radicales d’une partie du corps médical, peut-être déçue que l’on ne suive plus ses prescriptions à la lettre.

Loin de moi la prétention de nier les difficultés extrêmes, et qui s’aggraveront dans les jours qui viennent, que connaissent les services de soins intensifs, loin de moi l’idée de minimiser le dévouement inlassable des soignants, dont beaucoup sont, eux aussi, au bord de l’épuisement, mais il faut rendre à César ce qui est à César et au politique ses prérogatives.

La première d’entre elles est la responsabilité de juger des moyens de tenir dans l’adversité, en prenant en compte les préoccupations, les possibilités, les capacités de résistance ou les cauchemars de tous les Français, en ayant à l’esprit que le choix est rarement entre une bonne et une mauvaise solution, mais, plus souvent, entre une mauvaise solution et une autre, pire encore.

Ce choix est d’autant plus difficile que les médecins eux-mêmes sont partagés, il suffit de regarder les plateaux de télévision, de jour comme de nuit, pour s’en convaincre.

Ces derniers jours, quarante et un médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont affirmé, dans une tribune du journal Le Monde, que nous n’avions jamais connu une telle situation, même durant les pires attentats de ces dernières années ; le président de l’Association des médecins urgentistes de France répondait le lendemain que, pour l’instant, ce n’était pas la Bérézina et qu’il était totalement faux de faire croire que l’on allait sélectionner et trier les malades ; un patron de la Pitié-Salpêtrière appelait avant-hier à la fermeture immédiate des écoles ; la Société française de pédiatrie lui répondait le lendemain qu’il fallait tout faire pour éviter de fermer des écoles.

C’est dans ce contexte que le Président de la République a dû prendre une décision que j’imagine déchirante. Camper sur des mesures dont il apparaît désormais qu’elles ne suffisent plus à réduire l’épidémie, c’était la certitude de perdre la course de vitesse contre le virus ; reconfiner totalement, c’était une capitulation, c’était prendre aussi le risque d’une révolte d’une partie de nos concitoyens, nous le voyons tous dans nos départements.

L’exécutif a choisi l’accentuation des mesures de freinage plutôt que le retour à un confinement strict : étendre à l’ensemble du territoire métropolitain les mesures qui prévalaient déjà dans les territoires les plus touchés et prolonger les vacances scolaires de quinze jours tout en laissant ouvertes les crèches et les écoles primaires.

Ces mesures seront sans doute douloureusement ressenties dans des régions qui pouvaient se sentir à l’abri, mais qui, en réalité, et chaque jour nous le démontre un peu plus, ne le sont pas, par des commerçants déjà durement éprouvés et par des parents épuisés, se demandant comment ils pourront concilier profession et garde des enfants ; elles seront en réalité ressenties douloureusement partout, mais je ne vois guère d’alternative.

La clé de notre avenir, ce sont désormais les vaccins et, surtout, la campagne pour les délivrer. Le début de cette campagne a donné lieu à beaucoup de critiques, sur sa lenteur, sur la décision de s’en remettre à l’Europe, sur la crainte d’un rejet par les Français. Je les partage pour une part. Vous vous souvenez sans doute qu’ici même, l’an dernier, alors que l’on prétendait que les Français étaient vaccinosceptiques, j’ai dit à plusieurs reprises qu’il fallait aller plus vite, que le principe de précaution ruine parfois ceux qu’il prétend défendre et que ma crainte n’était pas que les vaccins restent dans les congélateurs, mais, au contraire, qu’il n’y en ait pas assez.

Le Président de la République, dans son discours d’hier, a pris la mesure de cet enjeu crucial. L’accélération est impérative, nous devons nous donner les moyens d’y parvenir. Le Gouvernement n’a désormais d’autre choix que de réussir. Le succès de la vaccination est entre les mains de l’exécutif, tenu à une obligation de résultat. Il sait qu’il peut compter sur l’ensemble des élus locaux, qui ne cessent de faire la preuve de leur dévouement et de leur efficacité.

Plusieurs groupes de notre assemblée ont annoncé leur intention de ne pas participer au vote qui conclura ce débat. Je comprends leur agacement et, pour certains, leur irritation. La Ve République n’est pas tendre pour le Parlement et ce n’est pas la première fois que nous nous plaignons de la façon dont nous sommes traités par l’exécutif.

Toutefois, la question qui nous est posée aujourd’hui est d’une telle importance pour l’avenir de nos concitoyens, pour les mois et, peut-être, pour les années à venir, pour notre santé, pour notre économie, pour notre futur en un mot, qu’il ne nous paraît pas possible, en plein milieu de la pire crise sanitaire depuis des années, de ne pas prendre nos responsabilités. Les Français ont le droit de connaître l’opinion de leurs élus lorsque l’essentiel est en jeu. C’est la raison pour laquelle nous participerons à ce scrutin.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

C’est toujours lorsque l’on est sur le point de réussir que la tentation de renoncer est la plus forte ; c’est toujours le dernier effort qui est le plus douloureux ; c’est celui qui nous est demandé aujourd’hui. Pour la première fois, il est accompagné d’un message d’espoir crédible qui permet de fixer des échéances précises et annoncées.

Cette crise est une épreuve, mais ce n’est qu’une épreuve et l’humanité en a surmonté de bien plus graves. Dans quelques mois, grâce aux vaccins, grâce à notre respect des règles, grâce à notre solidarité, 2021 sera l’année où nous surmonterons à notre tour l’épreuve qui nous est assignée.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – M. Gérard Longuet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le Premier ministre, un an de pandémie et bientôt 100 000 morts en France, près de 3 millions dans le monde ; un an de pandémie et 4, 6 millions de malades ; un an de pandémie et un personnel soignant à bout de souffle ; un an de pandémie et des inégalités sociales qui explosent ; un an de pandémie et plus de 10 millions de pauvres dans notre pays ; un an de pandémie et une entreprise sur trois menacée de faillite, malgré les aides gouvernementales ; un an de pandémie et de détresse psychologique ; un an de pandémie et une jeunesse aux abois ; un an de pandémie et une vie sociale et culturelle sous cloche ; un an de pandémie et des perspectives toujours aussi incertaines.

Le bilan sanitaire, social et économique du covid-19 est dramatique et ses conséquences se feront ressentir pendant des années. Ce bilan n’est toutefois pas celui du Gouvernement. Vous avez agi, le plus souvent, du mieux que vous pouviez, monsieur le Premier ministre, et il serait prétentieux et malvenu d’expliquer que nous aurions fait beaucoup mieux, mais il n’est pas non plus possible de vous exonérer de votre responsabilité, et en particulier d’exonérer le Président de la République de la sienne.

Monsieur le Premier ministre, je relisais les propos que j’ai tenus lors du débat organisé dans de pareilles circonstances le 29 octobre dernier et cette lecture m’a désespéré : rien n’a changé depuis un an, rien n’a changé depuis cinq mois.

Jupiter l’épidémiologiste, Jupiter le roi thaumaturge, Jupiter le maître des horloges décide de tout, tout seul, et vous venez ensuite faire le service après-vente devant nous. La pertinence de cet exercice pose question.

Puisque nous sommes là, vous ne m’en voudrez pas de reprendre quelques propos de mon intervention du 29 octobre, je déplore toujours, voire davantage, qu’ils soient encore d’une vibrante actualité.

Vous n’avez pas su construire l’union nationale, indispensable à la période. Rien n’a changé et le Président de la République continue vainement de l’invoquer comme on crie dans le vent.

Il aurait été opportun et intelligent d’associer la représentation nationale aux décisions permettant de faire face à la situation sanitaire, économique et sociale, tout en protégeant les libertés individuelles. C’est comme cela que fonctionne une démocratie normale. Si l’on avait encore un doute quant au fait que la Ve République n’est pas une démocratie normale, celui-ci est levé depuis un an !

Le Parlement aurait dû retrouver toute sa place, il était dans votre intérêt, dans notre intérêt collectif, d’associer réellement l’opposition aux prises de décisions. Encore moins que d’habitude, l’exécutif ne peut avoir raison tout seul.

La complexité du défi auquel nous faisons face aurait nécessité, et nécessite toujours de s’appuyer sur l’intelligence et sur la responsabilité collective des élus du peuple plutôt que sur l’intelligence d’un seul homme – aussi supérieure soit-elle –, qui n’est responsable devant personne, selon notre bancale Constitution.

En la matière, vous auriez également dû associer beaucoup plus étroitement les élus locaux. Hélas, la consultation des territoires au préalable de décisions d’ampleur nationale comme celles que vous présentez aujourd’hui est toujours inexistante.

Quand les élus sont responsables et de bonne composition à votre endroit, je pense par exemple au maire de Lyon, vos ministres les récompensent par des accusations fallacieuses et des polémiques médiocres, au lieu de consacrer leur temps et leur énergie à la résolution de la crise.

La gouvernance demeure solitaire et erratique. Ce manque total de visibilité affaiblit chaque jour davantage l’acceptabilité des mesures qui sont prises et leur efficacité. C’est un cercle vicieux qui nous dessert toutes et tous collectivement.

En un an, vous n’avez jamais été capables de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français. Certes, la situation est instable et difficilement prévisible, mais d’autres pays ont fait beaucoup mieux, je pense notamment à l’Afrique du Sud, pourtant très durement touchée par le virus, qui a pris le temps d’élaborer un mode de gouvernance intéressant.

En lien avec le parlement, le gouvernement y a mis en place un barème à cinq niveaux d’alerte, à la manière de notre barème Vigipirate. À chaque niveau correspond progressivement un certain nombre de mesures de distanciation et de restriction de la liberté de mouvement et d’activité. Le changement de niveau est activé par le gouvernement, sur la base de critères objectifs : circulation du virus, nombre de décès, niveau d’occupation des hôpitaux.

Monsieur le Premier ministre, qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de mettre en place un tel dispositif, qui permettrait de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français, aux élus locaux et aux entreprises, de renforcer l’acceptabilité des mesures et de soulager notre démocratie ?

Enfin, qu’est-ce qui empêche également de demander à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), comme l’ont d’ailleurs fait aussi l’Afrique du Sud et l’Inde, la levée des brevets sur les vaccins, car pour vacciner, il faut des vaccins et il faut en produire.

Ce constat longuement posé, c’est désabusé et sans grand espoir que vous entendiez mon message que je vais néanmoins formuler quelques demandes pour accompagner les mesures que vous présentez cet après-midi et dont je ne conteste pas, faute d’alternative, le bien-fondé.

Il faut, d’abord, renforcer les moyens de l’hôpital. Le Ségur de la santé est insuffisant, les soignants sont exsangues, on peine à recruter des infirmières et des infirmiers. Il faut les récompenser davantage pour les efforts de la période et revaloriser leurs salaires de manière pérenne et significative.

Il faut aussi renforcer les moyens matériels et humains. Le Président de la République promettait jusqu’à 12 000 lits de réanimation en octobre, nous en sommes, selon ses dires, à 7 000. À Lyon, à Bordeaux, les hôpitaux militaires ferment alors qu’ils auraient pu accueillir des malades.

Monsieur le ministre, entendez enfin la lassitude et l’exaspération des soignants sans lesquels le bilan de la pandémie serait catastrophique. Comment cette crise n’a-t-elle pas encore débouché sur un plan Marshall pour l’hôpital public ?

D’autre part, il est plus que temps de prendre des mesures d’urgence sociale dignes de ce nom. Nous avons déjà des mois de retard : 10 millions de pauvres, des étudiants qui vont à la soupe populaire, votre dogmatisme néo-libéral est incompréhensible. Il faut abroger la réforme de l’assurance chômage, augmenter les minimas sociaux et automatiser leurs versements, élargir le RSA aux moins de 25 ans, rétablir les contrats aidés, aider les associations et tendre, demain, vers un revenu universel.

Nous vous demandons également une vigilance accrue envers tous les publics exposés par le confinement : les personnes seules, les personnes psychologiquement fragiles, les victimes de violences conjugales, tout particulièrement les femmes.

Vous fermez les écoles un mois, le temps des vacances de Pâques. Nous vous faisions cette proposition la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Nous sommes aujourd’hui soulagés que l’évidence ait fini par s’imposer.

Le retard de la vaccination explique, en partie, cette situation et les personnels scolaires doivent devenir un public prioritaire, car le manque de moyens, notamment humains, et les difficultés à trouver des remplaçants en sont aussi responsables.

Hier, le Président de la République évoquait le « combat du siècle » à propos du décrochage scolaire et des retards d’apprentissage de notre jeunesse. Espérons que, pour une fois, il ne s’agisse pas de ces propos incantatoires dont il a tant l’habitude, car il faut des moyens considérables pour notre école, pour dédoubler les classes, pour recruter et pour revaloriser les traitements des enseignants.

Pour financer cet effort national sans précédent, les hauts revenus doivent être mis à contribution. Enfermé dans votre idéologie, vous vous y refusez depuis le printemps dernier, pourtant, c’est indispensable d’un point de vue financier comme d’un point de vue moral pour garantir l’unité du pays.

Il faut mettre en place une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus dont la richesse s’accroît encore malgré la crise. Il en faut une autre sur toutes les entreprises qui ont fait des bénéfices grâce à la crise, notamment les géants de la vente en ligne et les grandes surfaces.

Monsieur le Premier ministre, les écologistes n’ont cessé d’être constructifs durant cette crise qui nous engage toutes et tous. Nous continuerons à l’être, quand vous voudrez bien nous consulter en amont. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, je le regrette, et vous comprendrez que nous ne prenions pas part, non plus, à cette mascarade démocratique.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

M. François Patriat . Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au-delà des talents d’orateur qu’ont déployés ceux qui m’ont précédé, la dureté de certains propos, la véhémence de certaines attaques, les sarcasmes faciles, les procès sans appel m’ont conduit à interroger certains d’entre vous, qui m’ont répondu : « C’est le jeu ! »

Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Croyez-vous, mes chers collègues, que le moment que nous vivons soit un moment de jeu ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Cela fait un an que l’inquiétude du covid-19 frappe l’ensemble des pays du monde, bouleversant les échanges, endeuillant les familles, transformant nos vies. Chacun d’entre nous a vécu dans sa ville, dans son entourage, dans son intimité, le doute, l’éloignement, la solitude et parfois le décès.

Un an pour mieux comprendre ce virus nouveau, c’est désormais le cas ; un an pour s’armer face à lui, pour lutter, chacun, mois par mois, contre l’évolution de la maladie, avec, en perspective, la vaccination en première ligne ; un an durant lequel nous avons tous dû prendre, en conscience, des décisions cruciales avec pour objectif d’agir en responsabilité et, pour nous tous, de tenir ensemble.

La question qui nous est posée aujourd’hui, après l’Assemblée nationale, est d’apporter ou non notre adhésion aux mesures prises par le chef de l’État et par le Gouvernement. J’entends parler de fausse concertation, de mise en demeure. Je peux vous dire que j’ai participé à tous les comités de liaison et que je n’ai jamais entendu de propositions de la part de présidents de groupe de cette assemblée. Jamais !

Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains. – M. Bernard Jomier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

On ne peut prétendre aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de consultations, les décisions prises par le Gouvernement hier l’ont été après de nombreuses consultations, monsieur Jomier, je vous le dis ! Hier encore, vous évoquiez un homme seul au pouvoir ; vous tombez dans une irresponsabilité qui vous déshonore quelque peu.

Vives protestations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Il y aura eu bien des anathèmes, bien des mises en demeure, bien des caricatures, beaucoup de « y’a qu’à, faut qu’on ». Il est facile, sur un plateau, de réclamer la fermeture des écoles, puis de dire, le même jour, qu’il serait inhumain de confiner les Français. Derrière ces mots, pourtant, il existe une multitude de réalités, des parents débordés, des enfants seuls face à leurs difficultés, d’autres, entourés par des tuteurs.

En laissant les écoles ouvertes, monsieur le ministre de l’éducation nationale, pendant 42 semaines, le choix a été fait de pallier ces inégalités, ce qui nous préserve aujourd’hui du drame éducatif que relève l’Unesco. Plutôt que de critiquer la France tous les jours, vous feriez mieux, parfois, d’en saluer les bienfaits !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Ce n’est pas la France que nous critiquons !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

M. François Patriat. Aujourd’hui, plus encore qu’il y a un an, l’humilité me semble essentielle.

Rires et applaudissements ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Pourrions-nous enfin sortir du jeu politique et des postures binaires qui, trop souvent, dénaturent notre débat ? Notre rôle impose que chacun de nos mots soit choisi avec responsabilité, dans ce climat où il est si facile de les user comme des leçons, des reproches ou des menaces.

J’entends qu’il y aurait d’un côté, ici ou là, ceux qui critiquent, qui savent, qui prédisent, qui écoutent et qui ne décident jamais et, de l’autre, ceux qui ignorent, qui sont arrogants, qui ne consultent pas, qui n’entendent pas, qui décident et dont les décisions sont toujours contestées. Non, ce jeu-là ne fait pas avancer notre pays, non plus que la lutte contre le virus.

Nous pouvons en sortir, parce que l’expérience de cette année de drame épidémiologique nous a apporté un certain nombre d’enseignements. Quels sont-ils ? Tout d’abord, l’évolution de l’épidémie a toujours été une suite d’aléas, de mauvaises surprises, d’événements venant contredire ce qui était, la veille encore, perçu comme une vérité. Chaque mesure nouvelle est un choix difficile, mais nécessaire.

Nos décisions, si nous les regardons rétrospectivement, ont montré leurs effets. J’ai à l’esprit, par exemple, la décision prise par le chef de l’État, il y a un an, en avril 2020, de rouvrir la vie au mois de mai. Celle-ci avait été contestée, y compris sur ces travées, qualifiée de prématurée et de dangereuse, mais elle s’est révélée efficace, juste et adaptée. Elle a été saluée à l’époque comme un modèle de déconfinement, que vous avez conduit, monsieur le Premier ministre.

On nous a reproché ensuite, au mois d’octobre, d’avoir pris la décision de confiner sans concertation, alors que nous étions, je vous le rappelle, à 50 000 contaminations par jour. À cette époque, au mois de novembre, j’ai un jour entendu, dans cet hémicycle, durant les questions d’actualité, sept questions demandant de rouvrir les commerces, les librairies, les discothèques, les salles de gym, etc.

Oui ! sur les travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

J’ai entendu cela, alors que, dans le même temps, nous peinions à diminuer le nombre de contaminations, qui était de 50 000, et que nous sommes malgré tout arrivés à 20 000. Pendant ce temps, vous demandiez des mesures de liberté et vous accusiez le Gouvernement d’être liberticide.

Depuis trois mois, j’ai entendu tellement d’avis contraires ! Certains indiquaient qu’il fallait confiner, préventivement. Monsieur Retailleau, c’est pourtant une méthode qui n’a réussi dans aucun des pays où elle a été mise en œuvre. Le confinement préventif, cela n’existe pas, ce n’est utile que quand le virus est là. Ainsi, cela n’a pas empêché l’Allemagne d’avoir une forte contamination. Confiner préventivement n’est donc pas la bonne solution.

Il y a ceux qui auraient voulu, au contraire, laisser la France sans coercition, sans obstacle, dans une irresponsabilité que nous retrouvons parfois dans certains comportements. Ce qui s’est passé le week-end dernier dans telle ou telle ville que je ne citerai pas, ce que je vois au quotidien dans les métropoles, ne m’incite pas à affirmer sans réserve que la responsabilité irait de soi.

Certains s’adonnent à des comparaisons hasardeuses avec d’autres pays, les bonnes mesures étant apparemment souvent prises ailleurs. La fascination pour l’étranger qui sévit aujourd’hui me surprendra toujours ! Probablement oublient-ils de mentionner le nombre de morts aux États-Unis, où le covid-19 est la troisième cause de mortalité en 2020, où le taux de chômage atteint 14 % en avril, ou de préciser que le déconfinement réussi au Royaume-Uni se résume à la possibilité de se retrouver dans un parc à six personnes ?

Non, le Gouvernement ne prend pas de demi-mesures, il prend des mesures appropriées, graduées, pour faire face à l’explosion virale actuelle, et qui permettront de passer le pic dans quelques jours puis, dans quelques semaines, de revenir, grâce à la vaccination, à une vie presque normale.

Cette vaccination, certains n’en voulaient pas, au Rassemblement national, par exemple. J’ai ainsi entendu Mme Le Pen indiquer qu’elle ne se ferait jamais vacciner. M. Mélenchon et des membres de la France insoumise ont tenu les mêmes propos sur les plateaux

Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Tel sénateur ici présent recommandait à tous les Français de se faire soigner à la chloroquine et disait, début janvier, dans un tweet, qu’on ne pouvait pas le prendre pour un cobaye ! Il se reconnaîtra.

Je rappelle que début janvier, 60 % des Français ne voulaient pas se faire vacciner. Pourtant, le Gouvernement a tenu. Il avait anticipé, il avait choisi de produire et d’acheter des vaccins dans le cadre européen. Heureusement que ce cadre a été respecté, sinon, je ne sais dans quelle guerre d’achat de vaccins nous nous trouverions aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Vous avez douté de nous voir atteindre un million de personnes vaccinées en janvier, nous avons dépassé ce chiffre ! Vous avez douté de nous voir atteindre 4 millions de personnes vaccinées en février, nous avons dépassé ce chiffre ! Vous doutez que nous parvenions à 10 millions au mois d’avril et nous les dépasserons encore.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Vous doutez des 30 millions fin juin et nous y arriverons, et vous doutez encore que les Français puissent être vaccinés à l’été, c’est votre responsabilité !

Au moment de prendre une décision, aujourd’hui, on peut toujours contester toutes les mesures et, si j’en crois ce que disait ce matin un leader de l’opposition, il ne faut fermer ni les écoles ni les commerces. Mais alors, que faut-il faire face à cette situation explosive ?

Les mesures que propose le Gouvernement me semblent sages, elles pourront nous permettre de passer les trois ou quatre semaines difficiles qui précèdent l’embellie, sous l’effet de la vaccination. C’est la raison pour laquelle nous apporterons notre soutien aux décisions prises.

J’ai beaucoup entendu parler de Jupiter aujourd’hui, mais, en ce jour particulier et en vous entendant refuser de voter, c’est à Ponce Pilate que je pense et nous ne ferons pas partie de ce camp-là !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le Premier ministre, à l’écoute de votre déclaration, j’ai – soyez sûr que je le regrette ! – la sensation d’un déjà-vu. Vos propos sont dans la droite ligne des annonces du Président de la République, sans surprise. Depuis maintenant une année que ces déclarations se suivent, avec les prorogations de l’état d’urgence sanitaire, deux impressions sont devenues des certitudes.

Tout d’abord, celle d’un Président de la République qui décide, comme si la Ve République avait atteint son plafond de verre en ces instants dramatiques ; celle, ensuite, d’un exécutif qui parle des « choix collectifs que nous avons faits ». Je vous le demande : quel choix collectif a été fait ? Le confinement, le déconfinement, le reconfinement, le confinement limité, la fermeture des commerces, le couvre-feu à dix-huit heures, à dix-neuf heures, le rayon de vingt kilomètres, puis de dix kilomètres, le conseil de défense ?

Je crains, monsieur le Premier ministre, que nous n’ayons pas la même définition de ce qu’est un choix collectif dans une démocratie parlementaire.

M. Max Brisson applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Une république moderne, comme la réclamait Pierre Mendès France en son temps, aurait nécessité que le débat parlementaire ait lieu avant l’allocution du Président de la République et que l’ensemble du corps législatif soit étroitement associé à toutes les décisions prises depuis maintenant un an.

Depuis un an, c’est – hélas ! – le même schéma qui se reproduit sans qu’aucune leçon ait été retenue. Je constate que le Président de la République a demandé aux soignants un effort pour augmenter nos capacités de réanimation, mais ce qui est nécessaire, avant tout, c’est de disposer de plus de main-d’œuvre et de moyens.

Le Président s’est voulu rassurant, mais le constat est tout autre : l’épidémie a bondi, la vaccination, si elle est effective, est encore trop lente et nous payons tous le pari d’avoir privilégié temporairement l’économie, au risque d’un rebond fulgurant de la contamination.

Je le dis sans ambiguïté : il n’y a aucune intention pour notre part de soulever des polémiques inutiles, mais nous avons l’impression, avec regret, que l’ensemble des mesures prononcées hier auraient pu, et auraient dû, être prises en amont et que nous avons perdu un temps précieux.

Sur ces mesures, je crois que nous pouvons tous partager l’objectif initial qui était de maintenir les écoles ouvertes. Maintenir ce lien entre l’école de la République et ses enfants était nécessaire, car on connaît les conséquences désastreuses d’un éloignement prolongé de l’école pour les élèves, notamment pour les plus défavorisés d’entre eux.

Toutefois, si le virus ne circule pas plus à l’école qu’ailleurs, il n’y circule pas moins non plus, aussi, la fermeture annoncée était devenue inévitable. Face à cela, la simple annonce d’un calendrier de réouverture est insuffisante.

Oui, vous avez annoncé le droit au chômage partiel pour l’ensemble des Français qui ne pourraient pas télétravailler, et ils sont nombreux, notamment dans les territoires ruraux. Pensez-vous pour autant qu’il soit aisé de télétravailler avec des enfants à la maison ? Il faut aller plus loin en proposant des alternatives de garde, en prenant plus largement en compte les 8 millions de familles monoparentales de notre pays.

Il faut, enfin, se servir de ces trois semaines de fermeture pour vacciner prioritairement les professeurs et les encadrants, ce qui permettra de concilier une réouverture rapide des classes et la protection sanitaire que nous devons à nos équipes éducatives.

Sur la vaccination, toujours, on ne peut que souscrire au « Vacciner, vacciner, vacciner » et à la volonté de voir l’ensemble de la population vaccinée au plus tôt.

Pour autant, là encore, on ne peut que regretter les atermoiements concernant la stratégie vaccinale.

Atermoiements, d’abord, sur la commande européenne, plus que timide.

Atermoiements, ensuite, sur le rythme de vaccination des plus âgés et des patients à risque.

Atermoiements, enfin, quant à l’utilisation du vaccin AstraZeneca ou sa suppression temporaire, alors même que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé la poursuite de sa prescription, ce qui a créé la défiance et nourri les scepticismes.

Résultat, l’OMS – encore elle – a jugé que le rythme de vaccination en Europe est « inacceptable ».

À ce titre, même si nous sommes des Européens convaincus, il nous faut militer pour la levée des brevets concernant les vaccins et adapter notre appareil productif afin d’avoir la maîtrise de notre destin vaccinal. En somme, il nous faut agir plutôt que réagir pour atteindre nos objectifs de sortie de crise.

Concernant l’extension des mesures sanitaires à l’ensemble du territoire métropolitain et les règles des dix et des trente kilomètres, je crains que leur application ne soit matériellement difficile.

D’abord, dans les zones rurales, nombre de commerces et de services publics ou même de santé ne se situent pas dans un tel cercle, ce qui mettra automatiquement nombre de nos concitoyens hors la loi.

Ensuite, comment vérifier une adresse lorsque celle-ci n’est pas la même que celle du papier d’identité ? Et lorsque l’adresse est la bonne, comment être sûr que le cercle des dix kilomètres est bien respecté ? Les agents de police et les gendarmes ne sont pas dotés de décamètres !

Vous le savez, ce rayon de dix kilomètres sera tout aussi difficile à respecter dans les zones urbaines : si les services essentiels y sont sans doute plus proches, le besoin de s’aérer n’en est pas moins plus grand, d’autant que tout le monde n’a pas la chance d’avoir une résidence secondaire ou un pied-à-terre à la mer, à la montagne ou la campagne.

Enfin, si l’on a appris une chose de ce virus, c’est bien qu’il est imprévisible. Aussi, bien que nous le souhaitions et l’appelions de nos vœux, il nous paraît prématuré de parler de réouvertures diverses pour la mi-mai.

Monsieur le Premier ministre, un an après la mise en place de politiques diverses pour tester, tracer et isoler, que nous avons votées – ou non d’ailleurs – dans cet hémicycle, ce sont là autant d’éléments sur lesquels nous ne disposons pas d’évaluations, ce qui nous porte à douter de leur efficacité.

Un an après, des millions de Français ont toujours autant d’incertitudes : ils ne savent pas s’ils pourront un jour se soigner, travailler, étudier, aller au cinéma, au restaurant ou au café, bref, reprendre une vie normale et décente.

Au final, ce qui a manqué, c’est un débat préalable au Parlement, car c’est bien notre rôle de voter la loi et de contrôler votre action, conformément à l’article 24 de notre Constitution.

Ce qui a manqué aussi, c’est la confiance dans les élus locaux, qui, souvent, sont les plus à même de prendre des décisions pour leur territoire. Mettons-nous à la place du maire de Cahors, de Tarbes ou de Mende, qui voient les décisions arriver d’en haut et subissent du jour au lendemain la fermeture de leurs commerces non essentiels sans avoir été consultés.

Ce qui manque, au fond, c’est la confiance de nos concitoyens, des élus des territoires et de la majorité des membres du RDSE, dont vous connaissez pourtant l’attachement à nos institutions et la volonté de placer l’intérêt du pays au-delà de toute querelle partisane.

L’unité aurait été de mise, ainsi que l’image d’une nation rassemblée face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Hélas, monsieur le Premier ministre, l’unité nationale ne se décrète pas : elle se construit. Aussi, vous comprendrez que notre groupe, non pas à l’unanimité, mais dans sa très grande majorité, ne prendra pas part au vote.

Applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le Premier ministre, si la vie de milliers de nos compatriotes ne tenait pas aujourd’hui à un fil, si la vie sociale et économique du pays n’était pas bouleversée, le débat auquel vous nous convoquez aujourd’hui s’apparenterait à une mauvaise blague.

Une nouvelle fois, le Président de la République a présenté seul, hier, des mesures pour lutter contre la pandémie, dont il a décidé seul, accompagné par le seul Conseil de défense. Le Parlement est donc définitivement perçu comme une chambre d’enregistrement, écartée progressivement depuis le début de la crise, et aujourd’hui, définitivement mise sur la touche.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous sommes donc convoqués aujourd’hui pour vous écouter nous expliquer les décisions présidentielles, au cas où nous n’aurions pas bien compris. De surcroît, vous nous demandez de voter sur des propositions, d’une part, qui n’ont absolument pas été débattues préalablement, et, d’autre part, dont nous ignorons les motivations. En clair, nous ne savons pas pourquoi Emmanuel Macron a décidé certaines mesures qu’il rejetait quelques jours plus tôt, et pourquoi il en a écarté d’autres.

Dès le début de la crise, le 19 mars 2020, nous avons alerté, ici même, au Sénat, sur le risque de dérive autoritaire que comportait l’état d’urgence sanitaire. Depuis des mois, nous demandons de renoncer à cet état d’exception qui met le couvercle sur la démocratie. Rappelez-vous, mes chers collègues, de la dernière prorogation : nous avons rappelé que l’état d’urgence n’était plus une justification et que la gravité de la situation exigeait de rendre au Parlement sa capacité permanente de décision.

La représentation nationale, c’est la représentation du peuple, monsieur le Premier ministre. Le Parlement, c’est cela, et non un aréopage de gens inutiles, comme au temps du Conseil des Cinq-Cents. M. Macron et vous-même renvoyez à l’opinion publique cette conception qui serait la vôtre du Parlement.

Le mépris du Parlement est patent, et nous tenons à exprimer solennellement notre désaccord profond avec cette pratique institutionnelle. C’est même de la colère, monsieur le Premier ministre, car nous constatons la mise en pratique de la volonté jupitérienne d’écarter le Parlement de sa route, alors que la révision constitutionnelle préparée par le chef de l’État n’a pu être imposée ni ici ni au pays.

Cette dérive autocratique que beaucoup ont soulignée et dénoncée dès les premières heures du quinquennat prend une dimension inquiétante aujourd’hui, le Président de la République écartant tout de son chemin : Parlement, Conseil des ministres, puisque le Conseil de défense, détourné de son objet initial fixé par l’article 15 de la Constitution relatif au rôle de chef des armées du Président le supplée, et même le Conseil scientifique, puisque Emmanuel Macron, si l’on en croit les éloges de M. Blanquer, détient la connaissance, voire la science infuse en matière épidémiologique.

L’exercice solitaire du pouvoir n’est jamais une bonne chose pour la démocratie ; en temps de crise, cela peut générer des drames. La reprise en main par le Parlement, par le collectif, par la démocratie devient une nécessité absolue.

Hier soir, M. Macron nous a donc présenté ses choix : nouveau changement de pied avec la fermeture, brève pour l’instant, des établissements scolaires et l’abandon de la stratégie territoriale. On aura d’ailleurs noté cette étonnante initiative, au nom de la « respiration », d’autoriser la circulation dans tout le pays jusqu’au 5 avril, pour permettre sans doute aux propriétaires de résidences secondaires en particulier, de passer trois semaines ou le mois à venir au vert.

Ces évolutions, manifestes pour l’école, alors qu’au cours des jours qui ont précédé les ministres MM. Véran et Blanquer expliquaient que la situation était maîtrisée, sont justifiées par la nouvelle donne qu’impose le variant anglais.

Monsieur le Premier ministre, le 29 janvier, lorsqu’a été prise la décision de ne pas reconfiner et de préférer des mesures de freinage, qui ont échoué, vous saviez que le variant anglais pouvait avoir des effets dévastateurs dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Vous ne m’avez pas dit de reconfiner !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le 19 janvier, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a mis en ligne une modélisation estimant que le variant anglais « deviendrait dominant entre fin février et mi-mars ». L’Inserm avait également annoncé le niveau d’hospitalisation auquel nous allons parvenir dans les jours à venir.

Nous avons noté le scepticisme, au sein même du Gouvernement, concernant les annonces de Boris Johnson le 22 janvier sur un variant potentiellement plus mortel. Le 10 mars, une étude incontestée affirmait que ce variant anglais était « 64 % plus mortel ». M. Macron le savait, vous saviez ; pourtant, vous avez attendu d’être dos au mur, celui de la saturation des services de réanimation, pour agir. L’avenir nous dira si ces décisions sont suffisantes.

Nous ne détenons pas la vérité sur cette épidémie, ou du moins, pas plus que vous, monsieur le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les rebondissements dramatiques invitent, me semble-t-il, à l’humilité. Mais il y a une vérité que M. Macron a dissimulée hier en demandant encore plus d’efforts aux soignants : c’est cette saturation et les tris déjà engagés, puisque, ne jouons pas sur les mots, déprogrammer des opérations, c’est bien trier des malades et les mettre en danger. Vous savez très bien que la question du tri des malades de la covid se posera très vite.

M. Macron a annoncé, par un retour de la pensée magique, que 10 000 lits de réanimation allaient être ouverts rapidement, sans plus de précisions, de délai. Monsieur le Premier ministre, je vous ai interrogé ici même, au Sénat, il y a quinze jours sur la promesse non tenue depuis un an d’ouverture de ces lits de réanimation. Vous avez indiqué que de tels lits ne pouvaient se commander chez Ikea ni être créés en un claquement de doigts.

Vous ne pouviez pas ; M. Macron l’a fait. Qu’en pensez-vous ? Le Président cherche-t-il à faire oublier qu’avec vous il poursuit, contrairement à ses dires depuis un an, la fermeture des lits ?

Ce qui a été annoncé hier, c’est l’absence totale d’anticipation, soulignée par la Cour des comptes, en matière de réanimation. Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le Premier ministre, mais votre gouvernement est resté les deux pieds dans le même sabot en la matière, engoncé dans le dogme libéral d’économie de la dépense publique. Les conséquences sont aujourd’hui dramatiques. Le « quoi qu’il en coûte » n’a pas été appliqué pour l’hôpital.

Monsieur le Premier ministre, l’espoir, c’est le vaccin. Là aussi, vous avez failli et, avec vous, le système tout entier, cette fameuse loi du marché que dénonçait Emmanuel Macron dans son discours du 12 mars 2020. Le retard mortifère pris en matière de vaccination trouve son origine dans le fléau de la concurrence, du profit, des gains réalisés grâce à la maladie.

Les petits mensonges et autres travestissements de la vérité, les vaccinodromes que l’on moque puis que l’on convoque en urgence, les élus municipaux que l’on critique, que l’on bride mais qui sauvent la situation : tout cela n’aurait pas eu lieu si le vaccin avait été promu comme un bien commun, sorti des logiques capitalistes pour servir l’intérêt général, sans autre profit que la protection de l’humanité.

Pourquoi la France n’agit-elle pas pour la levée des brevets ?

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J’en viens, enfin, à l’école.

Oui, maintenir les écoles ouvertes est un souhait largement partagé, et nous le partageons ; mais à quel prix ? Donnez-nous les éléments : combien de vies ont-elles été perdues ? Chacun ici a un proche ou un ami malade ou décédé du fait du retard pris pour limiter l’expansion du variant anglais. Les jours et les semaines à venir apporteront cette réponse.

Monsieur le Premier ministre, ce débat – je l’ai dit d’emblée – ne respecte pas le Parlement. Nous devrions débattre des mesures à prendre, mais elles sont déjà prises. C’est la confiance que vous devriez aujourd’hui demander au Parlement et, croyez-moi, nous ne vous l’aurions pas accordée tant la gestion de cette épidémie est contraire aux intérêts de notre pays, de notre peuple.

C’est pourquoi aujourd’hui, avec la quasi-totalité des groupes politiques du Parlement, nous avons décidé, en toute responsabilité, de ne pas participer au vote sur votre déclaration, car cette consultation n’est pas respectueuse de la Constitution et, qui plus est, elle est marquée, monsieur le Premier ministre, d’une certaine hypocrisie.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier pour la qualité de ce débat. À l’écoute de vos interventions, j’ai compris que peu de groupes se prononceront. C’est votre choix de voter ou de ne pas voter.

En revanche, madame la présidente Assassi, le fait de provoquer un débat suivi d’un vote comme celui qui nous réunit est bien conforme à la Constitution. Si ce n’était pas le cas, vous seriez comme nous occupée à d’autres affaires.

Sur le fond, un certain nombre de questions ont été posées. Monsieur le président Marseille, vous nous avez tout d’abord interpellés sur la priorisation de la vaccination, notamment à destination des enseignants.

Comme vous le savez, depuis le début nous avons vacciné de manière prioritaire les publics les plus fragiles par tranche d’âge. À ce jour, 92 % des résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont protégés. La vaccination a ensuite progressé chez les plus de 75 ans, puis chez les plus de 70 ans, et elle sera bientôt ouverte aux plus de 60 ans.

À un moment donné, nous aurons suffisamment protégé les publics les plus vulnérables, celles et ceux qui vont en réanimation et qui décèdent des formes graves du covid. Nous observons déjà – et c’est heureux – que la vaccination permet d’enregistrer une baisse de la mortalité par rapport à l’intensité de l’épidémie. Nous pourrons ensuite vacciner des publics prioritaires.

Vous posez une question très légitime : qui est considéré comme appartenant à un public prioritaire et qui ne l’est pas ? Le Président de la République a souhaité que les enseignants, eu égard au fait que les classes sont restées ouvertes beaucoup plus longtemps que dans les pays qui nous entourent, puissent être vaccinés rapidement. Il a également évoqué les forces de l’ordre, qui peuvent être amenées à intervenir, y compris physiquement, auprès de personnes potentiellement contagieuses sans pouvoir forcément garantir le respect des distances.

Jean-Michel Blanquer, qui se mobilise à juste titre depuis des semaines en faveur de la vaccination des enseignants, a proposé – je trouve l’idée très bonne – de commencer par vacciner les enseignants au contact des enfants en situation de handicap. Chacun, dans cet hémicycle, pourra, me semble-t-il, reconnaître que c’est une proposition aussi juste que pragmatique. Je souhaite que nous puissions la concrétiser très rapidement.

Plusieurs questions ont ensuite été posées sur les autotests.

Je précise d’abord que, si vous voulez comparer la France et l’Allemagne en termes de nombre de tests réalisés – c’est votre droit –, il faut aller au bout de la comparaison. La France réalise 3 millions de tests par semaine, dont un tiers, soit 1 million, sont des tests antigéniques, qui sont réalisés en laboratoire, en pharmacie, par des médecins de ville, par des infirmiers et par tous types de soignants. Ces tests sont gratuits et sans ordonnance.

Outre-Rhin, les tests antigéniques ont été introduits en population générale il y a à peu près un mois, à raison d’une livraison de 40 000 tests remboursés, le reste faisant appel à du reste à charge pour les populations. L’Allemagne disposera désormais de tests PCR et d’autotests, alors que nous disposons pour notre part de tests PCR et de tests antigéniques depuis des mois et des mois, et que nous allons introduire des autotests.

Je dis bien des autotests, et non pas les autotests, car il faut distinguer les autotests de bonne qualité qui n’ont pas encore de marquage CE mais que nous allons autoriser en fast track afin de les rendre disponibles le plus vite possible, et des autotests de mauvaise qualité, dont la sensibilité est telle que, si vous jetez une pièce en l’air, vous avez plus de chance de tomber sur un bon résultat. Si nous mettions de tels autotests à disposition des Français, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne manqueriez pas de nous en faire reproche d’ici à quelques semaines, considérant que nous aurions joué avec la santé des Français.

Depuis le début de cette crise, le leitmotiv est qu’il faut aller vite – vous avez raison –, qu’il faut aller fort, qu’il faut refuser tous les blocages, tous les obstacles quand ils sont inutiles, mais qu’il ne faut pas faire n’importe quoi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si certaines des propositions qui ont émané du Sénat étaient de bonnes propositions, d’autres, qui s’apparentaient à des formes de saine pression, ne se sont pas avérées gagnantes. Monsieur le président Retailleau, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les débats que nous avons eus sur un médicament dont on sait aujourd’hui qu’il ne fonctionne pas.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

J’ai même été rendu coupable de ne pas vouloir le prescrire comme des bonbons à tous les Français.

Après avoir distribué ce médicament dans des sachets en plastique à des dizaines de milliers de personnes, le président du Brésil, Jair Bolsonaro – que je ne cite pas souvent –, a indiqué que, s’il ne fonctionnait pas, ce médicament n’avait sans doute tué personne…

Monsieur le sénateur, je n’ai pas à rougir d’avoir tenu tête à des discours, qui, bien que futiles, furent parfois assez virulents et qui, dans la bouche de certains de vos collègues – pas dans la vôtre, bien sûr –, confinaient parfois à la démagogie.

J’en viens aux lits de réanimation.

Nous avons évoqué ce sujet ensemble il y a plusieurs mois de cela, monsieur Retailleau, et vous avez bien compris la situation car vous savez comment fonctionne la montée de lits de réanimation : vous savez qu’on mobilise les équipes et qu’on les transfère d’une unité de soins vers des unités de réanimation éphémères ou durables pour soigner les malades.

Des unités durables ont été ouvertes, par exemple à Paris ; 150 lits de réanimation ont été créés à l’hôpital Henri-Mondor l’année dernière et 60 seront encore créés cette année. Nous augmentons donc nos capacités durablement.

Parallèlement, nous transformons également des blocs opératoires et des salles de réveil pour augmenter ponctuellement nos capacités. Cela suppose de mobiliser du personnel – nous recrutons les étudiants, les retraités, la réserve sanitaire, les libéraux, les salariés, et toutes ces personnes traversent le pays quand il le faut pour venir en aide à leurs collègues –, mais cela nécessite aussi des déprogrammations. Il y a un an, nous sommes ainsi montés à 10 400 lits, mais nous n’avons pu le faire qu’au prix d’une déprogrammation intense.

Il y a un an, j’avais demandé l’activation du plan blanc dans tous les hôpitaux, en exigeant la déprogrammation de tous les actes dans toute la France pour que nous soyons prêts, parce que nous ne savions pas à quelle vitesse monterait la vague. Aujourd’hui, nous savons à quelle vitesse monte la vague : entre 50 et 100 patients sont admis en réanimation chaque jour. Nous déployons donc entre 50 et 100 lits de réanimation supplémentaires chaque jour.

Si je demandais aux établissements publics et privés de déprogrammer tous les soins pour monter d’un seul coup à 10 000 lits, créant ainsi 3 000 lits de réanimation vacants dans l’attente de patients qui ne seraient pas encore malades, vous ne manqueriez pas de me demander si je n’aurais pas perdu la boule et de pointer que tous les patients qui n’auraient pas été opérés pendant des semaines auraient pu l’être si j’avais procédé à la montée des lits de réa au dernier moment.

Mesdames, messieurs les sénateurs, faites confiance à nos soignants !

Eux sont en permanence au contact des malades. Ils savent quand ça devient chaud et qu’il faut ouvrir de nouveaux lits ou de nouvelles unités. Ils sont accompagnés au quotidien, jour et nuit, dans les plans de déprogrammation qui nous permettent d’augmenter nos capacités d’accueil.

Vous nous avez également interrogés sur le pass sanitaire.

Notre pays a une passion de l’égalité, à raison d’ailleurs. Un débat démocratique doit avoir lieu, notamment au sein des chambres parlementaires ; mais ma conviction personnelle est que, le jour où l’on pourra rouvrir des lieux pour le public, ils devront rouvrir pour tous. Je considère qu’on ne peut pas permettre à des Français qui seraient vaccinés d’aller manger au restaurant et l’interdire à ceux qui ne le sont pas. J’ai peut-être tort. Je n’en prends pas le pari, je vous livre simplement une opinion qui n’a pas de conséquence à l’heure à laquelle je vous parle. Nous menons actuellement des travaux préparatoires à la fois juridiques, sanitaires, scientifiques et légistiques. À leur issue, nous pourrons avoir ce débat crucial pour l’avenir de notre pays.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Enfin, vous avez, non pas posé la question, mais affirmé qu’il était trop tard pour confiner et qu’il aurait été préférable de le faire plus tôt.

Je vais vous dire très exactement ce que nous nous serions dit si le pays avait été confiné le 29 janvier : nous serions aujourd’hui en train de parler du confinement, car confiner le 29 janvier n’aurait pas suffi à empêcher le variant de monter. Le confinement n’a empêché le variant de monter ni en Allemagne, ni en Italie, ni dans les autres pays qui ont confiné pendant des semaines et des mois.

Aujourd’hui, nous pouvons constater que nous avons gagné du temps, du temps de liberté, certes sous contrainte et avec un couvre-feu, mais du temps de liberté quand même. Les commerces et les écoles sont restés ouverts en France beaucoup plus longtemps qu’à l’étranger.

Monsieur Retailleau, vous nous avez demandé si le risque juridique qui pouvait peser sur nos épaules était susceptible de nous freiner dans certaines décisions. Permettez-moi de vous répondre par une métaphore tirée d’un vieux film, Bienvenue à Gattaca, que j’apprécie beaucoup parce qu’il m’effraie autant que je le trouve esthétique.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Une nuit, deux frères s’affrontent à la nage en mer. L’un, qui souffre pourtant d’un handicap, parvient à aller plus loin que son grand frère en pleine forme. Ce dernier lui demande : « Comment as-tu fait ? » Son petit frère lui répond : « Je n’ai jamais économisé mes forces pour le retour. »

Quand on gère une crise sanitaire comme nous le faisons depuis treize mois, monsieur le sénateur, on ne peut économiser ni ses forces ni son énergie. Nous faisons ce que nous pensons être bon, car l’enjeu est de protéger les Français.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Tout au long des sessions, nous en administrons d’ailleurs la preuve.

Ne pas respecter le Parlement, donc le Sénat, ce serait le priver des droits et des prérogatives qu’il tient de notre Constitution et des institutions de la Ve République. Libre à certains – ils ne s’en privent pas, et c’est leur droit – de critiquer cette Constitution et ces institutions, mais on ne peut tout de même pas reprocher au Gouvernement de la République d’appliquer la Constitution de la République.

En application de l’article 34 de la Constitution, tout ce qui dans la gestion de cette crise sanitaire relève du Parlement est soumis au Parlement. Comme je l’ai dit ce matin devant l’Assemblée nationale, je vous demande aujourd’hui de vous prononcer – car la démocratie, c’est la clarté et la responsabilité – sur des prérogatives du pouvoir exécutif.

De vous à moi, je ne suis pas certain que le général de Gaulle, auquel je voue un immense respect, n’aurait pas trouvé iconoclaste qu’un gouvernement vînt demander au Parlement l’approbation de dispositions relevant de son autorité. C’est pourtant ce que nous faisons.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

De la même façon, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis, la gestion de cette crise est extrêmement transparente. §Jamais les données – toutes les données, ce qu’on appelle l’open data –, tant sanitaires, économiques qu’épidémiologiques, n’ont été autant mises en ligne. Elles sont ainsi à la disposition non seulement – cela va sans dire – de la représentation nationale, mais de l’ensemble de nos concitoyens. Vous avez sans doute observé comme moi qu’ils ne se privent pas de s’en saisir pour commenter et critiquer – c’est leur droit élémentaire en démocratie – l’action des pouvoirs publics et du Gouvernement.

Chaque fois que le Parlement nous pose des questions, nous répondons.

Chaque fois que le Parlement, dans le cadre des pouvoirs légitimes de contrôle qui sont les siens, nous interroge, nous répondons.

Telle est d’ailleurs l’instruction que je donne quotidiennement aux ministres.

En ce sens, nous appliquons cette procédure : ce n’est pas moi qui l’ai inventée, ce n’est pas vous, et nous savons tous qui l’a inventée. Nous l’appliquons parce que la gestion d’une crise suppose toujours des prérogatives spécifiques pour le pouvoir exécutif, en France comme ailleurs, et que le moment est grave.

Ce n’est pas la première fois que j’applique cette procédure : je l’ai fait au moment du deuxième confinement, je l’ai fait pour venir vous présenter la stratégie vaccinale – ou plutôt, je me suis fait représenter car, étant cas contact, je n’ai pu venir moi-même –, et je le fais aujourd’hui.

Dans ces moments graves, en considération de la représentation nationale, je viens expliquer les tenants, les motivations et le contenu des mesures difficiles que le Gouvernement s’apprête à prendre en vertu des pouvoirs que la Constitution démocratique de notre pays lui a attribués. Rien de plus, mais rien de moins.

Je vous le dis sans le commenter, car c’est votre choix : prendre part à ce vote, dans le sens qu’en votre âme et conscience vous auriez souhaité lui donner, aurait été un exercice de clarification et de responsabilité, qui, pour autant – je n’en espérais pas tant – ne vous aurait pas rendus coresponsables de l’action des pouvoirs publics.

Cette action – vous le savez – est très difficile. Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, derrière les grands principes, je note d’ailleurs finalement beaucoup d’interventions mesurées de votre part

Murmures prononcés sur de nombreuses travées.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

L’épidémie s’accélère, elle est plus dangereuse et elle va, ici comme ailleurs, plus vite que la vaccination. Elle nous oblige à prendre des mesures complémentaires sur lesquelles je suis venu vous rendre des comptes.

Mais soyons clairs ! Le président Kanner, que j’écoute toujours attentivement comme j’écoute attentivement chacun d’entre vous, a indiqué que le résultat de tout cela, c’est-à-dire de l’action du Président de la République et de son gouvernement, était un « nouveau confinement ».

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Vous aviez l’air de vous en désoler, cher président, mais dans le même temps, vous nous reprochez de ne pas l’avoir fait plus tôt.

Comprenne qui pourra !

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Quand j’interroge les uns et les autres, on m’enjoint souvent de prendre des mesures plus difficiles. Mais comme le président Retailleau l’a souligné, tout est dans l’art d’exécution. Or qu’est-ce qu’un confinement ? Allons-nous fermer les commerces ? « Surtout pas, monsieur le Premier ministre ! » Allons-nous fermer les écoles ? « Mais c’est le dernier rempart ! » « D’ailleurs, vous seriez peut-être inspiré de rouvrir des établissements publics culturels, des universités, des pistes de ski… »

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. J’ai même entendu : « des discothèques » !

Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif du Gouvernement, c’est de prendre des mesures toujours proportionnées, qui reposent d’abord, j’y insiste, sur des critères sanitaires, mais pas seulement, car c’est le rôle des politiques de considérer aussi des critères autres que sanitaires.

Vous le savez bien, et l’exemple qu’a donné le président Malhuret, parmi d’autres, est extrêmement illustratif. Certains médecins expliquent qu’il faut fermer les écoles, quand leurs collègues pédiatres et non moins médecins, me semble-t-il, recommandent l’inverse.

Rien ne nous permet d’être catégoriques ; tout nous invite à être mesurés, progressifs et proportionnés. Face à la gravité de la situation, nous devons prendre des mesures plus lourdes ; c’est ce que nous faisons. Nous en mesurons, croyez-le bien, l’impact pour nos concitoyens, et vous avez souligné qu’il était considérable.

En particulier, je le dis devant tous les groupes et devant M. le ministre de l’éducation nationale, il y a un consensus : fermer les écoles, c’est la dernière extrémité. Nous avons été, quasiment dans le monde entier, parmi les derniers pays à recourir à cette extrémité. Par conséquent, si nous le faisons, c’est que malheureusement la situation l’exige.

En outre, pardonnez-moi de vous le dire, mais le faire à la veille des vacances n’a pas tout à fait les mêmes incidences scolaires que si nous l’avions fait il y a quinze jours. Dire le contraire ne serait pas vrai ! La mesure a quand même été calculée.

Il va falloir nous serrer les coudes. Je ne le dis pas forcément à titre politique, car je ne suis pas naïf. Je le dis pour notre pays, pour faire face à cette nouvelle épreuve. Je vous trouve toutes et tous, et je vous le dis tel que je le pense, particulièrement sévères.

C’est votre droit.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Mais acceptez que de mon côté j’aie le droit de vous faire part de ma pensée.

Au sujet de la vaccination, ne faisons pas croire à nos compatriotes qu’on pourrait trouver des doses n’importe où ! Monsieur le président Retailleau, l’ambassadeur d’Allemagne, avez-vous dit, et je connais bien le sujet, vous a affirmé qu’on pouvait commander des doses unilatéralement. L’Allemagne l’a-t-elle fait ? Vous savez bien que non ! Pourquoi ? Parce que, parallèlement, l’Europe a commandé beaucoup plus de doses. C’était je crois le vaccin Pfizer, je parle sous le contrôle des ministres compétents. Cet exemple est très illustratif. §Ne dites pas non, car c’est la vérité !

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous savez bien ce qui arriverait si tous les États, comme quelques rares d’entre eux l’ont fait, commandaient chacun de leur côté des doses de vaccin. Le résultat serait non pas qu’on en produirait plus, mais que les prix monteraient. C’est une évidence !

Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Laisser accroire à nos concitoyens…

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Oui, les faits sont là !

… qu’on pourrait trouver plus de doses qu’il n’y en a, cela n’est ni raisonnable ni responsable.

Notre devoir, en revanche, c’est de vacciner autant que possible dès que toutes les doses seront là. Le devoir de l’Europe, c’est de faire respecter les contrats qu’ont souscrits les industriels et les laboratoires. Croyez bien que nous nous y employons avec la dernière énergie !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le système de santé est très éprouvé. Je le redis à ceux qui se sont exprimés : là non plus, ne faisons pas croire qu’on peut créer des lits de réanimation en un an ; ce n’est pas possible.

Vives protestations à droite comme à gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Ce sont pourtant les annonces du Président de la République !

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Ne faites pas semblant de ne pas avoir compris ! On peut reconvertir des forces au service de la réanimation, mais on ne peut pas former un anesthésiste-réanimateur en un an, ni même une infirmière-anesthésiste.

Mme Éliane Assassi s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Tout cela vient de loin, et je dois le redire au président Kanner qui nous reproche de fermer encore des lits. Je suis obligé de rappeler devant le Sénat ce que j’ai dit ce matin à l’Assemblée nationale : les moyens à l’hôpital ont un nom, il s’agit de l’Ondam hospitalier exécuté.

Je voudrais vous en redonner les chiffres, monsieur Kanner : en 2012, 2, 6 % ; en 2013, 2, 1 % ; en 2014, 1, 7 % ; en 2016, 1, 5 %. §À la fin de l’année 2009, 8, 9 % ; et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, 10, 2 % !

Soyons donc tous raisonnables et humbles ! Les difficultés de l’hôpital ne datent pas d’aujourd’hui, nous le savons toutes et tous.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

L’Ondam était encore supérieur à ce moment-là, cher sénateur Milon, je peux vous donner tous les chiffres.

Ne laissons pas accroire que ces difficultés viennent d’aujourd’hui et, surtout, que, s’agissant de postes aussi techniques que ceux d’anesthésistes-réanimateurs, on va pouvoir recruter et former du personnel dans un délai aussi court ! Ce n’est pas vrai.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. En revanche, comme vous l’a très bien expliqué et répété M. le ministre de la santé et des solidarités, nous faisons tout pour renforcer ces postes, pour les reconvertir, pour les redéployer, et pour faire appel à des réserves afin que ceux qui les tiennent puissent continuer de faire face, comme ils le font si admirablement depuis maintenant quatorze mois.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Conformément à l’article 39, alinéa 6 de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants45Nombre de suffrages exprimés41Pour l’adoption39Contre 2Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Rires moqueurs. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (proposition n° 461, résultat des travaux de la commission n° 477, rapport n° 476).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui en nouvelle lecture d’un texte majeur, pour concrétiser les engagements du Ségur de la santé dans un contexte sanitaire particulier.

Si nous voulons accroître les capacités de prise en charge des soignants, qui sont particulièrement mobilisés dans les établissements de santé, nous devons leur accorder encore plus qu’auparavant la confiance et les marges de manœuvre sur lesquelles nous nous étions engagés dans le cadre du Ségur de la santé.

Le Ségur de la santé, ce sont des sommes d’un montant sans précédent qui ont été mises sur la table, des revalorisations ambitieuses depuis septembre et des investissements pour l’ensemble du système de santé, dans les secteurs sanitaire, médico-social et numérique. À cet égard, avec le Premier ministre, nous avons lancé un premier projet, le 9 mars dernier.

Ces revalorisations ont été signées le 13 juillet dernier à Matignon, et elles profitent à l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux de l’hôpital et des Ehpad publics. Elles ont été étendues aux personnels des établissements et des services sociaux et médico-sociaux rattachés aux hôpitaux publics par un accord, le 16 février dernier. Des négociations se poursuivent pour rendre ces métiers du public plus attractifs. Il n’y aura pas d’oubliés du Ségur !

Au-delà de ces revalorisations salariales, attendues depuis longtemps, par-delà les âges et les alternances, le Ségur de la santé a permis de partager un diagnostic d’ampleur. Qu’il s’agisse d’investissements pour regarder l’avenir avec confiance, qu’il s’agisse de gouvernance pour assurer une juste participation de ceux qui soignent, qu’il s’agisse de l’élargissement des compétences des professionnels de santé, nous n’avons éludé aucun sujet.

Certaines des avancées introduites par la Haute Assemblée ont été conservées par l’Assemblée nationale. Cependant, au cours des travaux parlementaires, nous avons tenu à maintenir un équilibre avec ceux qui ont été réalisés pour l’ordonnance prévue à l’article 37 de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Cette ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoires (GHT) et à la médicalisation des décisions de l’hôpital a été présentée en conseil des ministres le 17 mars dernier. Les commissions médicales de groupements seront demain des instances décisionnelles dans la vie de ces établissements.

Par conséquent, les missions des commissions médicales d’établissement et de groupement, et leur président sont ainsi revus, conformément aux recommandations du rapport du professeur Claris, qui ont fixé le cap que nous suivons.

Par ailleurs, le Ségur a préconisé la réhabilitation « du rôle et de la place du service au sein de l’hôpital », en reprenant notamment une préconisation du rapport Claris.

Cette proposition de loi répond également, vous le savez, à la revendication ancienne des acteurs locaux, qui souhaitent disposer d’une plus grande liberté d’organisation interne, s’agissant par exemple des établissements de santé.

La crise a montré, et nous démontre encore, que les collectifs de soins savent s’adapter, s’organiser et surmonter des situations extrêmement sensibles, sans attendre pour cela un accord, une validation ou un feu vert venu d’en haut.

Si, dans un hôpital, les communautés sont d’accord pour adapter l’organisation médicale et pour avoir une gouvernance un peu différente de l’établissement d’à côté, comment justifier qu’on les en empêche ? L’enjeu est la confiance et le Gouvernement nourrit une grande confiance à l’égard des acteurs de terrain.

Nous devons continuer de progresser en matière de démocratie hospitalière. Ce texte propose justement de faire siéger au directoire des établissements publics hospitaliers un représentant des personnels non médicaux, un représentant des étudiants en santé et un représentant des usagers dont nous avons à apprendre. C’est une liberté donnée aux acteurs et nous y tenons, car c’est encore un gage de confiance.

Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé fortement dans la lutte contre le mercenariat de l’intérim médical, qui désorganise l’offre de soins dans nos territoires et met à mal les finances de nos hôpitaux. Vous aviez eu un débat intéressant, en première lecture, qui a démontré les limites des dispositions actuelles et la nécessité d’aller plus loin dans le contrôle de l’intérim pour mettre fin aux dérives.

Le texte ainsi rédigé permet une bonne fois pour toutes de rendre effectif le plafond réglementaire de l’intérim médical en obligeant le comptable public à rejeter tout paiement au-delà de ce plafond.

Cette proposition de loi renforce également un certain nombre de mouvements nés cet été avec le Ségur de la santé. L’un de ces mouvements est l’extension du champ de compétences de certaines professions. Je pense en particulier aux sages-femmes, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et aux ergothérapeutes.

Ouvrir le champ des actes ouverts à ces professions, c’est faire le choix de la confiance et de l’efficacité. Nous faisons le pari que notre système de santé ne sera en mesure de relever les défis auxquels il fait face qu’en rompant avec les querelles de chapelles et les prés carrés dans lesquels certains souhaiteraient nous enfermer.

De la même manière, nous avons élargi l’étendue du rapport sur les protocoles de coopération et pratiques avancées à la question spécifique de l’accès à des pratiques avancées aux infirmiers spécialisés, notamment aux infirmiers anesthésistes, afin de reconnaître leurs compétences.

J’ai tenu à revenir sur les principaux axes de cette proposition de loi, car ils constituent autant d’évolutions attendues par les acteurs et pour notre système de santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de voir ce texte, qui traduit les recommandations du Ségur de la santé, revenir dans cet hémicycle. J’ai hâte que nos débats deviennent des réalités concrètes sur le terrain. Je tiens à saluer le travail de toutes celles et tous ceux qui ont enrichi ce texte et contribueront à lui donner la force d’une promesse tenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les principales observations de la commission des affaires sociales en remplacement de notre rapporteur Alain Milon, qui ne peut être présent du fait du bouleversement de l’ordre du jour de cet après-midi.

Nous entamons l’examen en nouvelle lecture d’une proposition de loi sans ligne directrice forte, texte dont nous avions pour beaucoup sur ces travées regretté le manque d’ambition et le caractère décousu.

Alors que notre système de santé est soumis à une pression inédite, le texte, à ce moment de nos discussions, laisse un goût d’inachevé : sans vraiment tirer les enseignements de la crise, il peine à répondre aux vives attentes exprimées lors du Ségur de la santé comme aux promesses de son intitulé – faire confiance et simplifier.

En raison d’un trop grand nombre de divergences entre l’approche du Sénat et celle de l’Assemblée nationale, à l’origine de cette initiative, la commission mixte paritaire réunie le 2 mars dernier n’est pas parvenue à établir un texte commun.

La poursuite de la navette a confirmé certains apports de la Haute Assemblée : l’élargissement de la vaccination aux biologistes, la prescription d’aides techniques par les ergothérapeutes, la désignation d’une sage-femme référente dans le parcours de grossesse ou celle de référents handicap dans les hôpitaux.

Nous avons aussi convergé pour rejeter le bénévolat individuel dans le contexte sensible des établissements de santé ou pour autoriser les professionnels hospitaliers des établissements de santé privés à intérêt collectif (Espic) à maintenir des dépassements d’honoraires sans menacer l’accès aux soins.

De même, sur la gouvernance hospitalière, les députés ont retenu la clarification opérée par le Sénat entre la fonction de chef de service et celle de chef de pôle, ainsi que la mesure favorisant une meilleure association de la commission des soins infirmiers à la conception du projet d’établissement.

Cependant, si nous saluons ces convergences ponctuelles, trop de dispositions formant le cœur de ce texte nous opposent, sans que la navette ait permis à ce stade de faire émerger des sujets de compromis.

Plus qu’à des désaccords de fond, madame la ministre, c’est à la publication voilà seulement quinze jours de deux des onze ordonnances promises par la loi Santé sur les GHT et sur l’attractivité des carrières hospitalières que nous devons le rejet systématique, et quelque peu contraint, par l’Assemblée nationale des dispositions que nous avions introduites en première lecture. C’est là une curieuse façon de légiférer, qui fait d’un projet d’ordonnance encore en gestation le censeur politique a priori de nos amendements sur des dispositions connexes.

Tel a donc été le sort de nos articles, qui prévoyaient un maillage plus pertinent et mieux intégré de l’offre de soins, en rendant notamment obligatoire l’élaboration du projet territorial de santé, afin que la structuration de l’offre suive une trajectoire réellement ascendante.

De la même façon, et malgré la volonté revendiquée dans le texte initial de traduire par voie législative les recommandations issues des concertations du Ségur de la santé, la demande exprimée par les personnels paramédicaux d’une participation accrue à la direction de l’établissement et d’une plus grande représentativité du président de la commission des soins infirmiers, que nous avions satisfaite en première lecture, n’a pas été acceptée par l’Assemblée nationale.

Nous avons en revanche été davantage surpris que l’Assemblée nationale, en ressuscitant l’article 8 bis, que nous avions préalablement supprimé, charge la commission des affaires sociales du Sénat de désigner, à partir de critères non définis, la sénatrice ou le sénateur qui aura qualité pour siéger au conseil de surveillance de l’établissement principal des établissements publics de santé. Cette disposition nous semble inapplicable en l’état et, sur la forme, assez discourtoise. Nous aurons à cœur de la supprimer dès que possible.

Enfin, madame la ministre, je veux rappeler solennellement devant vous notre position au sujet de la lutte contre l’intérim médical. Animés de la même intention que vous, nous avions néanmoins tenté de vous alerter sur les faux espoirs que suscite l’idée, juridiquement bancale, d’un contrôle de légalité de la dépense d’intérim par le comptable public opéré à l’issue de l’engagement de cette dernière.

Le circuit de la dépense publique, qui oblige ses ordonnateurs à l’égard des prestataires qu’ils sollicitent, ne permet pas que le contrôle d’opportunité de la dépense intervienne au moment de son paiement. Les intérimaires ayant signé, le plus souvent avec des directeurs d’hôpitaux contraints, des conventions de prestations parfaitement légales contesteraient ce défaut de paiement devant les tribunaux administratifs et remporteraient leur contentieux.

L’Assemblée nationale a considéré que le recours aux instruments budgétaires ordinaires de l’hôpital, dont on déplore souvent l’excès de détails, n’était pour l’occasion pas assez précis pour détecter en amont un recours abusif à l’intérim. Notre commission l’a contredite : elle a bel et bien proposé de faire figurer ces dépenses individuelles facturées par intérimaire au compte financier de l’établissement, pour que l’ARS empêche une dépense irrégulière, dès le stade de l’engagement, et neutralise le risque de contentieux ultérieur. L’avenir seul dira si nos craintes étaient justifiées et si la solution que vous proposez est opérante.

Permettez-moi, mes chers collègues, de conclure ce propos par un sujet qui, bien que ne figurant pas explicitement dans la proposition de loi, ne peut être passé sous silence, alors que nous débattons de l’avenir de l’hôpital public. Je veux évoquer les craintes nombreuses et légitimes qu’expriment en ce moment, à l’approche des épreuves de sélection pour l’entrée en deuxième année, les étudiants en santé de première année, qui achèvent cette première étape de leur parcours en faisant face, pour un nombre de places identique, aux anciens étudiants de la Paces de l’an dernier admis au redoublement.

Le prédécesseur de l’actuel ministre de la santé avait fort bien anticipé ce problème, en promettant lors du vote de la loi Santé que, pour cette seule année, un pourcentage supplémentaire d’étudiants admis en deuxième année soit spécifiquement dédié à la gestion de ces redoublants, afin de ne pas créer d’inégalités au détriment des étudiants primants.

Les chiffres progressivement arrêtés par les différentes universités, dont la transparence s’est malheureusement dégradée depuis la mise en place du numerus apertus, confirment que cet engagement ne sera malheureusement pas respecté. De très nombreux parlementaires ont tenté de saisir de cette question, et par tous les moyens, votre collègue Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, laquelle n’a pour l’heure fourni que des réponses évasives à la représentation nationale. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous partager sur ce sujet des éléments susceptibles de nous rassurer.

Pour l’heure, alors que le Sénat se prononce en nouvelle lecture sur ce texte, la commission des affaires sociales a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable et vous demandera, mes chers collègues, de l’adopter.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier, mercredi, le Président de la République a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la pandémie de covid-19. Aujourd’hui, le Sénat débute l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à améliorer notre système de santé. Or nous savons toutes et tous que notre système de santé souffre, plus que jamais avec cette pandémie, d’un manque de lits, de personnels et de services surchargés. Nous savons pertinemment que les personnels soignants, qui sont en première ligne, sont épuisés.

La tension est tellement forte que bon nombre de médecins nous alertent sur le risque d’un tri des patients dans les services de réanimation, mais également sur les déprogrammations d’interventions chirurgicales, entraînant des pertes de chance. D’ailleurs, les nouvelles restrictions annoncées par le Président de la République sont en partie liées à l’insuffisance de nos capacités hospitalières, ce qu’il n’a pas caché. Notre groupe ne cesse de dénoncer les politiques menées depuis plus de vingt ans, qui, de coupes budgétaires en coupes budgétaires, sont responsables de l’état de nos hôpitaux publics et de l’affaiblissement de notre système de santé.

Cette proposition de loi n’est pas à la hauteur des enjeux : elle est déconnectée de la réalité des hôpitaux et n’est pas de nature à redresser la barre. Pis, certaines mesures vont encore aggraver la situation.

Ainsi, en renforçant l’autonomie des hôpitaux et des groupements hospitaliers de territoire, ce texte affaiblit encore davantage le service public national de santé. On le voit déjà dans les projets en cours. Pour ne prendre qu’un exemple, la création programmée à Saint-Ouen d’un hôpital-cathédrale pour remplacer les hôpitaux Bichat et Beaujon va entraîner la suppression de près de 400 lits et de 1 200 emplois. Comment justifier que la modernisation indispensable de ces hôpitaux provoque une réduction des capacités d’hospitalisation dans une zone qui souffre déjà d’un manque de structures hospitalières ?

Ce que demande la coordination composée de personnels, de syndicalistes, d’élus, de patients, d’habitantes et d’habitants du secteur, c’est non seulement de moderniser Bichat et Beaujon, mais également de construire un nouvel hôpital. J’étais encore à leurs côtés ce matin devant l’hôpital Bichat pour faire entendre leurs exigences.

Outre ces raisons structurelles, permettez-moi de m’arrêter sur trois questions traitées dans le cadre de cette proposition de loi.

Premièrement, nous nous opposons à l’élargissement des missions des psychologues de l’éducation nationale. Aujourd’hui, à l’école, on observe une pénurie de médecins et de psychologues scolaires. Il faut donc embaucher, revaloriser ces professions et non modifier leurs missions.

Deuxièmement, concernant la demande ancienne des orthophonistes visant à autoriser l’accès direct aux soins orthophoniques, afin de mieux orienter un certain nombre de patients et de fluidifier leur parcours de soins, nous regrettons les reculs du Gouvernement face à la pression de certaines corporations, qui a entraîné la suppression de l’amendement adopté par le Sénat dans un très large consensus. Madame la ministre, je vous alerte sur ce point.

Troisièmement, je veux redire ici qu’il y a urgence à inclure dans les objectifs du projet social des hôpitaux la lutte contre les comportements sexistes, racistes et homophobes. Je vous renvoie, madame la ministre, mes chers collègues, à une enquête de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), publiée 18 mars 2021, selon laquelle un tiers des étudiants et étudiantes en médecine ont déjà été victimes de harcèlement sexuel lors de leur stage et selon laquelle, dans neuf cas sur dix, le harceleur était un supérieur.

Beaucoup de manques, des propositions qui confortent les politiques menées jusqu’à présent : autant de raisons pour nous opposer à cette proposition de loi en nouvelle lecture comme en première lecture.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la ministre, j’aurais aimé partager votre satisfaction, mais, lors de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 2 mars dernier, j’étais avant tout mal à l’aise face à la proposition de loi de Mme la députée Stéphanie Rist. Si je salue évidemment l’intention et la mise en place du Ségur de la santé, avouons-le, il reste de trop nombreux oubliés.

Nous étions en conférence avec un certain nombre de professionnels de santé du département de la Mayenne, et je peux vous assurer qu’il ne se passe pas une semaine sans que mes collègues et moi-même soyons interpellés sur le sujet. Il n’est pas tout à fait logique que certains professionnels ne bénéficient pas de la même rémunération ou, en tout cas, de la même revalorisation salariale que les autres. Des personnels de Ssiad m’ont même indiqué que, cette année, ils auront du mal à remplacer les infirmiers pendant les vacances.

Le texte issu de l’Assemblée nationale a donc suscité beaucoup d’interpellations émanant de toutes les professions de santé. En première lecture, le texte de la rapporteure a subi de nombreuses transformations à l’Assemblée nationale, ce qui était déjà une alerte en soi.

D’autres modifications sont intervenues au Sénat. Jusqu’aux dernières heures précédant la réunion de la commission mixte paritaire, nous recevions encore, les uns et les autres, quantité de demandes au sujet de ce texte.

Je suis donc très ennuyée par une proposition de loi dont la rédaction ne semble pas convenir à de nombreuses professions. C’est particulièrement problématique.

Avec les membres de mon groupe, nous avions approuvé et salué les mesures budgétaires du Ségur, tout en soulignant que certains professionnels avaient été oubliés. Aujourd’hui, cette proposition de loi, qui se voulait la traduction des mesures non budgétaires du Ségur de la santé, n’atteint que très partiellement cet objectif.

Je retiens néanmoins de ce texte les avancées bienvenues concernant la profession de sage-femme. Le chapitre II lui est majoritairement consacré. Il prévoit notamment la possibilité pour la patiente de désigner une sage-femme référente, afin de favoriser la coordination des soins en lien avec le médecin.

Il sera aussi désormais possible pour une sage-femme d’adresser ses patientes à un médecin spécialiste, sans pénaliser ces dernières pour ce qui est du remboursement des soins par l’assurance maladie. Il s’agit d’une mesure de simplification du parcours de santé là encore bienvenue. Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi.

Je rappelle enfin le point de vigilance que j’avais soulevé en première lecture : nous ne pouvons étendre indéfiniment le champ d’intervention des professionnels sans améliorer leur statut, qui est actuellement hybride, puisqu’il est médical devant la loi, mais souvent paramédical pour l’administration. Une réflexion devrait être menée pour faire converger statut et compétences.

Quatre journées de mobilisation se sont déjà tenues depuis le début de l’année : le 26 janvier, les 10 et 24 février et, dernièrement, le 8 mars. Les sages-femmes sont à bout : l’heure est aux mesures concrètes. Elles demandent notamment une augmentation des effectifs, la reconnaissance de leur statut de profession médicale à l’hôpital, un alignement des salaires sur les autres professionnels de santé, ainsi que l’ouverture de négociations conventionnelles dans le cadre du rapport des 1 000 premiers jours.

Je souhaite que la mission de l’IGAS, qui devrait remettre ses conclusions d’ici à l’été, puisse aboutir à des mesures à la hauteur des enjeux lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je ne m’étendrai pas davantage sur le fond du texte. Je vous redis mon malaise et ma perplexité, après toutes les auditions et le travail mené sur cette proposition de loi. Je regrette que le Sénat et l’Assemblée nationale n’aient pu s’entendre. De nombreux points de divergence nous séparent. Aussi, je ne vois pas ce qui peut nous réunir au-delà de quelques articles consensuels que le Sénat a améliorés.

Je partage l’analyse de notre rapporteur Alain Milon : « sur le cœur des dispositions, l’Assemblée nationale a rétabli, pour l’essentiel, son texte de première lecture », notamment en matière de gouvernance hospitalière, alors que le Sénat avait adopté des propositions constructives sur des points concrets de cette évolution.

Dans ces conditions, poursuivre le débat n’aurait pas tellement de sens et risquerait en définitive de créer de faux espoirs chez les professionnels de santé. Aussi, les sénateurs du groupe Union Centriste prennent acte de l’échec de la commission mixte paritaire et voteront la motion tendant à opposer la question préalable.

Je veux rappeler combien les collègues de mon groupe sont très attentifs à ce que vous puissiez améliorer la situation de l’ensemble des professionnels concernés par le Ségur de la santé, notamment sur un plan budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Aujourd’hui, M. Laforcade, qui a été missionné sur le sujet, a rendu ses conclusions. Nous aimerions connaître les résultats de ce rapport.

Pour ce qui est des mesures non budgétaires, on a le sentiment que certaines professions restent frustrées, si l’on en juge par tous les mails et les appels que nous recevons.

Les membres du groupe Union Centriste ne peuvent cautionner ce texte : cela signifierait qu’ils acceptent qu’il y ait des oubliés et des frustrés du Ségur de la santé.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons à nouveau pour étudier cette proposition de loi dans un contexte marqué par la crise que nous connaissons.

Il y a un an, les Françaises et les Français applaudissaient spontanément le personnel soignant. Après une année très difficile, un dévouement sans précédent de ces personnels, le décès de beaucoup d’entre eux, tous avaient imaginé une prise de conscience collective et un appui ferme et unanime des pouvoirs publics. Ils auront entendu le chef de l’État hier soir leur demander de nouveaux efforts.

En contrepartie, pour répondre à leurs demandes, le Gouvernement propose un texte largement insuffisant, d’ailleurs marqué par des rétropédalages et des ajouts de dernière minute, un texte qui ne répond qu’à une infime part des demandes, et qui n’y répond du reste pas toujours bien.

Cette proposition de loi apparaît plus que jamais en décalage avec les besoins matériels et humains dont notre système de soins a besoin. C’est la raison pour laquelle l’écrasante majorité des syndicats et des associations de professionnels de santé s’est positionnée contre son adoption.

Vous avez fait le choix de légiférer dans une certaine forme de précipitation. Malgré d’importantes contributions du Sénat, l’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, rétabli in fine son texte.

La proposition de loi avait pour ambition de réaffirmer le rôle des services et du chef de service dans la gouvernance de l’hôpital. Nous pensons en effet qu’ils constituent une unité pertinente dans la prise de décision, dans l’organisation et la mise en œuvre de l’offre de soins, et que les réformes successives de l’hôpital les ont trop éloignés des instances décisionnelles.

Mais, au fond, ce texte ne procède ni à un réel changement de cap ni à une nouvelle répartition des compétences entre les pôles d’activité et les services qu’attendent pourtant les personnels hospitaliers. Avec cette loi, la gouvernance de l’hôpital ne répondra toujours pas au besoin de reconnaissance des soignants, pas plus qu’elle ne tirera vraiment les leçons de la crise. Par exemple, vous n’avez pas tiré les enseignements du printemps dernier lorsque l’hôpital, malgré la surcharge extrême, fonctionnait mieux, car l’administration était au service des soignants, et non dans la complication et la limitation permanente de leur action.

« Confiance et simplification », dites-vous, quand le 17 mars dernier, à l’issue du conseil des ministres, le Président de la République a signé deux ordonnances déclinant les dispositions de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. L’une de ces ordonnances est « relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital », quand l’autre vise « à favoriser l’attractivité des carrières médicales hospitalières ».

Sur la forme, vous ne respectez pas le principe de l’ordonnance. En juillet 2019, le Parlement vous donnait sa confiance pour légiférer de la sorte, afin de vous donner le temps d’un travail rigoureux associant l’ensemble des représentants des professions concernées. À l’arrivée, comment pouvez-vous estimer que les concertations ont été menées dans de bonnes conditions, alors qu’il en résulte un rejet massif des organisations syndicales ?

Un collectif regroupant un grand nombre de médecins a dénoncé dans un récent communiqué des ordonnances « écrites à marche forcée ces derniers mois, aboutissant lors du Conseil supérieur des personnels médicaux, pour la première, à un vote unanimement défavorable de l’ensemble des représentants des praticiens et, pour la seconde, à un vote majoritairement défavorable de cette représentation ». Voilà comment les premiers concernés jugent cette loi.

Sur le fond, ces deux ordonnances reprennent les thématiques de la proposition de loi que nous examinons actuellement. Quelle crédibilité accordez-vous au Parlement pour le traiter ainsi ? C’est entre autres pour cette raison que, en première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a proposé une motion tendant au renvoi du texte en commission.

Ce n’est pas surprenant : les leçons de la pandémie ne sont toujours pas tirées. En vérité, soignants comme parlementaires, nous attendons une loi Santé à la hauteur de l’engagement de nos professionnels de santé, des transformations nécessaires du système de soins. Nous en sommes tellement loin que la poursuite de ce débat ne nous semble pas utile. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons en nouvelle lecture prévoit un ensemble de mesures non budgétaires issues des conclusions du Ségur de la santé. Je regrette, comme beaucoup d’entre nous, l’échec de la commission mixte paritaire le 2 mars dernier et la suppression par l’Assemblée nationale de la plupart des mesures adoptées par le Sénat.

Les désaccords portent essentiellement sur trois points : les protocoles de coopération et la création d’une profession médicale intermédiaire, les moyens de lutter contre les dérives de l’intérim médical et la gouvernance hospitalière.

L’amendement de notre collègue Alain Marc visant à étendre le dispositif d’exercice en pratique avancée aux infirmiers anesthésistes a été supprimé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. La disposition proposée par Franck Menonville tendant à renforcer le rôle des élus au sein du conseil de surveillance des établissements de santé a également été supprimée.

D’autres mesures importantes ont connu un sort similaire. Je pense notamment à l’autorisation de primoprescription et à la délivrance du traitement de prévention du VIH par les médecins de ville et les pharmaciens, que le Gouvernement a jugé prématurées. Lorsqu’il est question de la santé de nos concitoyens, je pense qu’il n’est jamais trop tôt pour agir.

La navette parlementaire a néanmoins contribué à enrichir le texte. La possibilité de désigner une sage-femme référente a été maintenue, ainsi que l’extension de l’acte de vaccination aux pharmaciens et aux biologistes. Les orthophonistes, les masseurs-kinésithérapeutes et les ergothérapeutes auront bientôt la possibilité d’adapter des prescriptions médicales. Ces mesures concrètes contribueront à faciliter le parcours de soins des patients.

Je partage la réflexion de notre rapporteur, Alain Milon, sur l’article 1er instituant une nouvelle profession médicale. L’exercice en pratique avancée répond précisément à l’objectif d’ajouter un maillon supplémentaire dans l’offre de soins, sans pour autant la rendre plus complexe et, donc, moins accessible.

En revanche, je suis favorable à certaines avancées plus volontaristes de l’Assemblée nationale en matière d’accès à la santé : le renouvellement des arrêts de travail de plus de quinze jours par l’ensemble des sages-femmes, la prescription de traitements des IST aux partenaires, ainsi que leur autorisation à orienter leurs patientes vers la médecine spécialisée.

En outre, la création de la plateforme numérique d’accès au droit pour les personnes en situation de handicap est une disposition importante de cette proposition de loi. Mon collègue Daniel Chasseing avait proposé en séance publique d’étendre le bénéfice de cette plateforme aux personnes âgées dépendantes. L’examen du projet de loi Grand Âge sera l’occasion de réexaminer cette mesure.

Le texte contient des avancées intéressantes. Conformément aux usages de notre groupe, nous avons choisi de ne pas voter la motion déposée par la commission, car nous souhaitons poursuivre les discussions et l’examen des amendements que nous avons déposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture, nous avions relevé la déception et les inquiétudes de la majorité des acteurs de santé quant à cette proposition de loi : le texte marquait une véritable incapacité à se saisir des enseignements de la crise sanitaire pointés lors du Ségur de la santé.

Sur le versant financier, malgré un début de rattrapage du décrochage des rémunérations, le Gouvernement n’en poursuit pas moins aujourd’hui les projets de fermeture de lits. De même, le versant dit « non financier » du Ségur témoigne d’un rendez-vous en grande partie manqué.

Aujourd’hui même – ce n’est pas un poisson d’avril ! –, l’hôpital militaire Desgenettes de Lyon ferme ses urgences alors que son service de médecine, sous-employé, pouvait accueillir les patients covid ne nécessitant pas ou plus de réanimation, à deux pas de l’hôpital public Édouard-Herriot désormais saturé. La casse continue.

Comme les acteurs de santé, nous avons apporté notre contribution pour que cette crise ouvre sur une rénovation profonde de notre système de santé.

Au Sénat, le travail parlementaire avait permis de supprimer les articles unanimement contestés lors des auditions. Le groupe écologiste avait ainsi salué quelques avancées. Je pense bien sûr à la possibilité pour la femme enceinte de désigner une sage-femme référente et à l’accès direct aux soins d’orthophonie, défendu largement sur nos travées.

La majorité des articles les plus contestés ont été rétablis par l’Assemblée nationale, notamment l’article relatif à la compétence de recrutement donnée à l’établissement support du GHT pour le compte des établissements parties. Ce rétablissement valide l’analyse et les craintes des acteurs locaux de santé. Ces derniers redoutent une intégration principalement au service d’une logique d’économies et non, malheureusement, pour construire une offre hospitalière efficiente maillant l’ensemble du territoire.

Le bilan de la réforme de la gouvernance hospitalière reste bien pauvre. Ainsi, l’Assemblée nationale valide la suppression de la concertation interne préalable à la nomination du chef de service, demandée par la majorité sénatoriale, mais elle n’a pas l’audace d’expérimenter l’élection de ce même chef de service par ses pairs.

L’article qui renforce la lutte contre le recours abusif à l’intérim, objectif qui fait l’unanimité, ne s’attaque nullement aux causes de ce phénomène. La pénurie dans certaines spécialités médicales, aggravée par le décrochage des rémunérations des praticiens hospitaliers – au point que certains préfèrent l’exercice en clinique privée –, explique le recours aux dépassements d’honoraires jusqu’au mode le plus dégradé, l’intérim, avec les abus qu’il implique.

Les injonctions paradoxales faites aux directeurs – continuité du service, refus du chantage ou fermeture des services – ne sauraient constituer la seule réponse, pour ne pas dire la défausse du Gouvernement.

Enfin, le comble a été atteint au sujet de l’accès direct aux soins en orthophonie. Cette disposition avait reçu le soutien des deux commissions des affaires sociales, de la rapporteure de l’Assemblée nationale et de la majorité du Sénat. Non seulement elle a été supprimée par un amendement de dernière minute du Gouvernement, mais l’autonomie de la profession a subi une régression inédite quant au diagnostic orthophonique et à l’élaboration du traitement.

Une telle impéritie, un tel passage en force nous conduisent à condamner la méthode en plus du fond : nous ne voyons plus, nous non plus, l’intérêt de poursuivre l’examen de ce texte. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en conséquence la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Bernard Jomier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, « les plus grands artistes sont ceux qui possèdent le don de simplification à l’usage des autres », a écrit Claude Lelouch. C’est également vrai des décisions en matière de politiques publiques.

La confiance mutuelle des acteurs de la santé est le préalable nécessaire à toute simplification dans ce domaine. La simplification, elle, est devenue un enjeu majeur pour permettre à chaque soignant d’effectuer sa mission au mieux et à chaque patient d’être soigné et remboursé efficacement.

Pendant cette crise sanitaire, cette simplification a prouvé sa nécessité absolue : d’une part, pour désengorger les urgences ; d’autre part, pour permettre la continuité des soins habituels. À ce titre, l’élargissement de la télémédecine remboursée pour tous, quel que soit le département du médecin, a permis d’assurer l’accès aux soins, notamment dans les zones sous-dotées, comme mon département de l’Eure. J’ai d’ailleurs écrit il y a quelques jours à M. le ministre des solidarités et de la santé pour lui demander la pérennisation de cette simplification au-delà de la crise sanitaire.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui constitue la traduction législative des mesures issues des conclusions du Ségur de la santé, pour la partie non budgétaire.

Le texte a été enrichi lors de sa première lecture au Sénat, et je souhaite souligner le travail du rapporteur, Alain Milon, et de la commission des affaires sociales. Certaines des mesures introduites par le Sénat ont été conservées par l’Assemblée nationale. Je pense à l’ouverture du droit de vaccination aux pharmaciens et biologistes ou encore aux dépassements d’honoraires des professionnels libéraux en Espic.

En outre, deux articles provenant d’amendements défendus par le groupe RDPI ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux chambres, et nous nous en félicitons : l’article 7 bis B, visant à assurer l’interopérabilité du système d’information au sein des groupements hospitaliers de territoire ; et l’article 14 bis A, permettant la mise en place d’un référent handicap au sein de chaque établissement de santé.

L’Assemblée nationale a rétabli les dispositions supprimées par le Sénat, notamment certaines mesures soutenues par notre groupe en première lecture, qu’il s’agisse du rapport sur la création d’une profession intermédiaire, de la lutte contre les dérives de l’intérim médical ou encore du projet managérial.

Face à ces modifications, une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée. Or il serait regrettable d’arrêter ici les échanges : ce texte contient des mesures essentielles, demandées par les soignants depuis des années. D’autres méritent sans doute encore un travail d’amélioration, mais elles ne justifient pas un tel rejet en bloc.

Les demandes des professionnels de santé ont été entendues, avec notamment 754 millions d’euros supplémentaires engagés en faveur des urgences pour la période 2019-2022. Le rapport Claris et le Ségur de la santé ont permis de préciser ces demandes.

Cette proposition de loi représente ainsi plusieurs avancées concrètes : l’élargissement des protocoles locaux de coopération ; l’évolution du rôle des sages-femmes, qui pourront notamment prescrire des arrêts maladie et les prolonger ; l’élargissement du droit de prescription pour elles et les masseurs-kinésithérapeutes ; la réinstallation de la fonction de chef de service ; la lutte contre les dérives de l’intérim médical ; ou encore la prise en compte des étudiants en santé dans l’élaboration du projet social.

Pour défendre toutes ces avancées, et parce que nous croyons profondément en la valeur des débats dans cet hémicycle, nous sommes favorables à ce texte : le groupe RDPI votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis pour examiner la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.

Après l’échec de la réunion de la commission mixte paritaire du 2 mars dernier, l’Assemblée nationale a rétabli son texte, pour l’essentiel, en le complétant.

Concernant le statut des sages-femmes, l’Assemblée nationale a décidé de déroger quelque peu au respect du parcours de soins centré sur le médecin traitant, qui, pour nous, devait demeurer le principe.

En matière de gouvernance hospitalière, le Sénat avait exclu la présence d’étudiants au sein des directoires des établissements publics de santé. Cette possibilité a été rétablie par l’Assemblée nationale, et nous nous en réjouissons. Elle permettra de faire connaître la vision et les attentes des jeunes. C’est un signal positif que nous leur adressons.

Pour lutter contre les dérives de l’intérim, l’Assemblée nationale a rétabli le dispositif permettant aux directeurs généraux des ARS de déférer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers tout en donnant des pouvoirs au comptable public. Certains considèrent qu’un tel dispositif peut mettre les directeurs d’établissement en difficulté. Nous pensons au contraire qu’il leur enlève une responsabilité et les protège. Un bilan d’étape sera nécessaire sur ce point, qu’il faudra évaluer avec prudence et pragmatisme.

A également été rétablie l’intégration d’un projet managérial au projet d’établissement des établissements publics de santé ; nous sommes convaincus de son utilité. On ne saurait réduire la maîtrise des techniques managériales à des enjeux de rentabilité. Bien au contraire, elles permettent d’améliorer le fonctionnement des équipes et des services.

Je salue le maintien par l’Assemblée nationale de plusieurs de nos propositions. Je pense notamment à l’extension des compétences des professions paramédicales : l’idée était d’étendre le champ de leurs prérogatives. Ainsi, les ergothérapeutes, les orthophonistes et les masseurs-kinésithérapeutes ont vu leurs droits de prescription étendus. Je pense également à la possibilité donnée aux pharmacies à usage intérieur et aux laboratoires d’analyses de biologie médicale d’effectuer certains actes de vaccination, propositions que le groupe du RDSE avait introduites.

Néanmoins, nous déplorons la suppression de certains apports du Sénat, comme le déploiement de l’exercice en pratique avancée des infirmiers anesthésistes, que notre groupe a défendu.

Nous aurions souhaité faire plus pour l’attractivité des métiers, parvenir à une équité entre secteurs public et privé d’intérêt collectif. Nous avions proposé à ce titre de permettre aux praticiens salariés d’un Espic de pratiquer des dépassements d’honoraires, dans la limite des dispositifs prévus par la convention médicale. À notre regret, cette possibilité n’a été retenue que pour les professionnels les pratiquant déjà au 24 juillet 2019, date de promulgation de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Ce choix risque d’avoir pour effet de créer une nouvelle inégalité, au sein des Espic cette fois-ci.

À l’issue du Ségur, qui avait suscité beaucoup d’espoirs, force est de constater que le présent texte répond insuffisamment aux ambitions. Il vient tout de même compléter des mesures qui étaient attendues – il ne faut pas le nier – et contribue à la remédicalisation de la direction de l’hôpital. Il est évident que nous pourrions encore l’améliorer. Voilà pourquoi la grande majorité du groupe du RDSE s’abstiendra de voter contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la nouvelle lecture, en séance publique, de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Cette lecture devrait être assez rapide – sans préjuger, bien sûr, le résultat du vote de la motion tendant à opposer la question préalable.

Après une commission mixte paritaire elle-même rapide, témoignant ainsi des profondes divergences qui opposent la chambre haute et la chambre basse, nous avions toutefois secrètement l’espoir que la majorité gouvernementale daigne conserver certains apports votés au Sénat. Dire que nous avons été déçus est un euphémisme, mais cela n’est rien à côté de la déception des professionnels de santé ; déception d’autant plus grande que leur engagement au service des patients est sans faille depuis le début de la pandémie.

Le présent texte partait pourtant d’une bonne intention. Nous ne pouvions que souscrire à l’idée de traduire dans la loi les conclusions du Ségur de la santé, même si, par sa composition, ce dernier annonçait un texte hospitalo-centré.

Madame la ministre, y a-t-il un sujet plus transversal et consensuel que la santé ? Pourtant, vous avez réussi à fédérer l’ensemble des groupes d’opposition des deux assemblées contre ce texte, pas toujours pour les mêmes raisons, mais avec un constat partagé : cette proposition de loi ne résout pas l’essentiel.

Face au mécontentement croissant des professionnels de santé, il était devenu impératif d’agir avec détermination afin de répondre à cette détresse, révélée au grand jour par la pandémie de la covid-19. Un calendrier particulièrement serré ne vous a pas laissé le temps de préparation nécessaire à l’élaboration d’un texte complet et abouti. Toutefois, la méthode employée par le Gouvernement et la majorité présidentielle lors du second passage de ce texte à l’Assemblée nationale n’est pas excusable.

Le Sénat avait voté un certain nombre de dispositions visant à améliorer notre système de santé, pour reprendre la terminologie de l’intitulé de cette proposition de loi. Or, avec une méthode quasi binaire, vous avez alterné rétablissement de la version votée en première lecture par l’Assemblée nationale et suppression des articles additionnels votés par le Sénat. Je pourrais concevoir de telles manières de faire sur des sujets très clivants, mais, sur un sujet qui doit nous rassembler et faire consensus, je ne peux me résoudre à comprendre cette méthode, qui remet directement en cause les vertus de notre système bicaméral.

Certes, quelques points de convergence demeurent, mais de manière ponctuelle. À titre personnel, je me réjouis tout de même que la vaccination par les biologistes et les pharmaciens hospitaliers ait été conservée dans la version votée par l’Assemblée nationale.

Cela étant, le cheminement de ces amendements est assez symptomatique de l’impréparation et des hésitations de l’exécutif face à cette crise sanitaire. L’amendement visant à permettre aux biologistes de vacciner a été voté en séance publique au Sénat. Par la suite, il a été supprimé par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, avant de revoir le jour en séance publique avec une forme de bienveillance de la part du Gouvernement. Même si je suis satisfaite du résultat, ces péripéties m’interrogent sur la capacité du Gouvernement à déterminer un cap clair et précis et, surtout, à s’y tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

De la même manière, je m’interroge quant au cheminement de l’amendement tendant à permettre une prise de rendez-vous directement chez les orthophonistes. Cette disposition, votée par la Haute Assemblée, répondait à un principe de réalité – notre collègue vient de le rappeler. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait conservé cet apport de bon sens. Pourtant, le Gouvernement est revenu sur le consensus obtenu en modifiant cette disposition en séance publique.

Madame la ministre, je regrette ce type de méthode, qui ne respecte pas le travail des commissions concernées.

Les difficultés structurelles de notre système de santé ne sont en rien résolues : on reporte inlassablement ces sujets vers des textes futurs et hypothétiques, dont les titres sont vecteurs d’espoir et les contenus parfois créateurs de désespoir. J’en veux pour preuve une question que vous connaissez bien, celle du bien vieillir : à force d’attendre le projet de loi Grand Âge et autonomie, il sera bientôt trop tard pour les personnes concernées. Et qu’en est-il de la différenciation territoriale en matière d’accès aux soins ? On évoque un projet de loi 4D, dont l’intitulé futuriste cache votre capacité à résorber les difficultés du quotidien.

Vous l’aurez compris, cette méthode ne nous satisfait pas ; ce texte ne nous satisfait pas. Pis encore qu’une divergence idéologique profonde qui justifierait une opposition frontale de notre part, cette proposition de loi n’est tout simplement pas à la hauteur. Plus qu’un rendez-vous raté, c’est un rendez-vous manqué.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi, par M. Milon, au nom de la commission, d’une motion n° 18.

Cette motion est ainsi rédigée :

Considérant, d’une part, que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs articles de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, des points de désaccord importants subsistent sur des aspects aussi décisifs que le refus par l’Assemblée nationale d’une territorialisation de l’offre de soins hospitaliers plus attentive à l’expression des besoins directs des acteurs locaux de santé ou encore sa réticence à reconnaître à la commission des soins infirmiers la qualité d’organe représentatif des personnels paramédicaux de l’hôpital ;

Considérant, d’autre part, les problèmes réels que soulève l’article 8 bis introduit en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, qui charge la commission des affaires sociales du Sénat d’une mission difficilement réalisable de recensement exhaustif de l’ensemble des établissements publics de santé et de désignation, sur des critères non définis, du sénateur qui pourra siéger au conseil de surveillance de leur établissement principal, cette dernière notion ne renvoyant par ailleurs à aucune réalité juridique déterminée ;

Considérant également qu’aucune disposition du droit en vigueur ne s’opposant à ce qu’un parlementaire sollicite du président du conseil de surveillance de n’importe quel établissement public de santé sis dans sa circonscription le droit de siéger ponctuellement ou non audit conseil de surveillance, le Sénat s’engage à proposer la suppression du présent article 8 bis à la faveur d’un prochain véhicule législatif ;

Considérant enfin les doutes que continuent d’inspirer au Sénat, malgré son intention louable, l’article 10 sur la lutte contre le recours abusif à l’intérim médical et les risques élevés de contentieux que suppose un transfert au comptable public d’un contrôle de légalité d’une dépense d’intérim déjà engagée par l’établissement ;

Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme la présidente de la commission, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

En application de l’article 44, alinéa 3, de notre règlement, la commission des affaires sociales a déposé sur ce texte une motion tendant à lui opposer la question préalable, afin de manifester l’opposition du Sénat à l’ensemble de ses dispositions. Bien entendu, il ne s’agit pas pour la Haute Assemblée de rejeter le détail de toutes les mesures contenues dans la proposition de loi – certaines d’entre elles sont d’ailleurs le fruit de réflexions que nous avons conduites –, mais de prendre acte de l’incompatibilité des positions de nos deux assemblées et, ainsi, de l’inutilité de poursuivre plus avant nos débats.

La discussion générale a montré en termes éloquents que les espoirs initialement soulevés par ce texte, gros de la belle unanimité sortie des accords du Ségur, ont été cruellement déçus par la modestie de ses dispositions.

Je considère pour ma part que la nette aggravation de la situation sanitaire, dont nous venons de débattre devant le Gouvernement, oblige désormais à adapter nos discussions à la gravité des enjeux. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette question préalable, dont les considérants figurent dans le document qui vous a été remis.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande la parole contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Je regrette évidemment le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption nous empêcherait de poursuivre nos riches débats, qui – les orateurs l’ont rappelé – ont permis d’améliorer le texte sur certains aspects en première lecture. Je pense notamment aux ouvertures de compétences à certains professionnels.

Par souci de concision, je ne fournirai que quelques éléments complémentaires.

S’agissant de la territorialisation de l’offre de soins hospitaliers, nous maintenons que nous souhaitons faire confiance aux professionnels et leur laisser le temps de mettre en place dans les territoires les organisations que nous avons déjà votées. Nous pensons également aux hôpitaux de proximité, qui représentent une réelle avancée pour la structuration des soins hospitaliers : ils répondent à la demande des acteurs de terrain, que vous-mêmes relayez régulièrement.

S’agissant de la lutte contre l’intérim médical, menée à travers l’article 10, je tiens à rappeler une nouvelle fois la position du Gouvernement : les dérives de l’intérim médical sont aujourd’hui un fléau, et vous le savez. Aussi, nous vous proposons avec ce texte de contrôler cet intérim a priori, par le contrôle d’un comptable public sur le montant de la rémunération engagée par l’ordonnateur.

Nous ne pouvons laisser peser cette responsabilité sur le seul directeur d’établissement, comme c’est le cas aujourd’hui : dans certaines situations, celui-ci n’a d’autre choix que de répondre à la demande du professionnel pour maintenir une activité. Il pourra désormais rappeler que le plafond réglementaire s’applique avec un contrôle a priori par le comptable public et qu’il n’y a aucune dérogation possible. C’est un dispositif puissant, qui répond à un engagement fort.

Enfin, s’agissant des compétences professionnelles, les deux chambres ont permis des avancées concrètes pour plusieurs professions. Je pense en particulier aux sages-femmes, citées par Mme Doineau, qu’il s’agisse de la prescription d’arrêts de travail sans limitation de durée, de l’actualisation de la liste des médicaments dont la prescription leur est ouverte, de l’adressage par la sage-femme à un médecin spécialiste ou encore de la déclaration d’une sage-femme référente. Je pense également aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes : le renouvellement de l’accès à ces professionnels dans l’année qui suit la prescription est rendu possible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, cette proposition de loi comporte de nombreuses avancées pour les professionnels et pour le système de santé. Ces dernières sont particulièrement attendues. C’est pourquoi je suis défavorable à cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

En première lecture, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Vous ne l’aviez malheureusement pas votée, mes chers collègues. La suite du cheminement de cette proposition de loi montre pourtant que nous avions raison.

Une autre motion est aujourd’hui présentée par la majorité de droite de la commission des affaires sociales. Elle contient un certain nombre de considérants avec lesquels nous ne sommes absolument pas en désaccord.

Je tiens simplement à appeler votre attention sur un point que j’ai mentionné lors de la discussion générale : pour des raisons fondamentales et structurelles, cette proposition de loi va dans le sens d’un affaiblissement du système de santé ; cet affaiblissement provient en partie des budgets qui nous sont proposés au titre des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Or notre groupe vote toujours contre ces budgets de restriction et d’austérité, qui mettent à genoux notre système de santé : ils ont conduit à la situation que connaissent aujourd’hui nos hôpitaux. C’est important de le souligner une fois de plus, car certains ont parfois la mémoire courte : les protestations ponctuelles ne suffisent pas, il faut avoir de la suite dans les idées !

Les politiques d’austérité menées depuis vingt ans sont responsables de l’affaiblissement de notre système de santé. C’était vrai avec Mme Bachelot ; c’était vrai avec Mme Touraine ; c’était vrai avec Mme Buzyn ; et c’est vrai aujourd’hui avec M. Véran !

Tout en continuant à dénoncer ces politiques de restriction budgétaire, de quelque travée qu’elles viennent, parce qu’elles nuisent gravement à la santé publique, nous allons voter cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Certains points soulevés par notre collègue Laurence Cohen m’ont paru pertinents. Son groupe avait effectivement proposé de voter d’emblée une question préalable. Pour notre part, au sein de la commission, nous avions fait le choix d’une stratégie : la discussion. En voyant comment notre travail a été traité, nous sommes en droit de nous interroger et d’avoir des regrets.

Nous avons été considérablement déçus, et nous n’avons pas été les seuls. Ce texte porte un titre extraordinaire – confiance et simplification –, qui nous a fait rêver, au point que nous avons peut-être été piégés. On est forcément tenté de voir de près ce qui se trouve derrière un tel intitulé. Mais, je le répète, nous avons été vite déçus.

J’ai participé à un certain nombre d’auditions. J’ai vu aussitôt que les partenaires doutaient de cette proposition de loi. Toutes les organisations que nous avons reçues se sont aperçues que la confiance n’était pas tout à fait au rendez-vous ; quant à la simplification, on a eu du mal à la trouver. Nous avons fait des propositions qui auraient pu la favoriser, mais le Gouvernement ne les a pas retenues. C’est donc sans état d’âme que nous voterons cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

La motion est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (projet n° 369, texte de la commission n° 455 rectifié, rapport n° 454, avis n° 448 et 450).

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen de l’article 6.

TITRE Ier

GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE ET DES EXIGENCES MINIMALES DE LA VIE EN SOCIÉTÉ

Chapitre II

Dispositions relatives aux associations, fondations et fonds de dotation

Après l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art. 10 -1. – Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :

« 1° À respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;

« 2° À ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;

« 3° À s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public.

« Cette obligation est réputée satisfaite par les associations agréées au titre de l’article 25-1 ainsi que par les associations et fondations reconnues d’utilité publique.

« L’association ou la fondation qui s’engage à respecter les principes résultant du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit en informe ses membres par tout moyen.

« Lorsque l’objet que poursuit l’association sollicitant l’octroi d’une subvention ou que son activité est illicite, ou que les activités ou modalités selon lesquelles l’association ou la fondation les conduit sont incompatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.

« S’il est établi que l’association bénéficiaire d’une subvention poursuit un objet ou exerce une activité illicite, ou que les activités ou modalités selon lesquelles l’association ou la fondation les conduit sont incompatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède au retrait de cette subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, et enjoint au bénéficiaire de lui restituer, dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter de la décision de retrait, les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.

« L’autorité ou l’organisme mentionnés au premier alinéa du présent article qui procède au retrait d’une subvention dans les conditions définies au huitième alinéa communique sa décision au représentant de l’État dans le département du siège de l’association ou de la fondation. Celui-ci en informe, le cas échéant, les autres autorités ou organismes concourant, à sa connaissance, à son financement.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 492, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art. 10 -1. – Lorsque l’objet que poursuit une association ou une fondation sollicitant l’octroi d’une subvention, au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, ou que son activité est illicite, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.

« S’il est établi qu’une association ou une fondation, bénéficiaire d’une subvention, poursuit un objet ou exerce une activité illicite, ou de nature à troubler l’ordre et la paix publics en provoquant des tensions et divisions au sein de la communauté nationale, en incitant des personnes ou des groupes à s’en séparer ou à s’affranchir des règles communes édictées par la loi, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède au retrait de cette subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, et enjoint au bénéficiaire de lui restituer, dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter de la décision de retrait, les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.

« Lorsque l’association ou la fondation bénéficiaire d’une subvention est enjointe de restituer les sommes versées au titre d’une subvention, l’autorité judiciaire compétente peut y assortir une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros.

« L’autorité ou l’organisme, mentionné au premier alinéa du présent article, qui procède au retrait d’une subvention dans les conditions définies au deuxième alinéa, communique sa décision au représentant de l’État dans le département du siège de l’association ou de la fondation. Celui-ci en informe, le cas échéant, les autres autorités ou organismes concourant, à sa connaissance, à son financement. »

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Cet amendement vise à réécrire complètement l’article 6 et, ainsi, à supprimer le contrat d’engagement républicain pour les associations et les fondations.

Le terme « contrat » est profondément mal employé. Il laisse entendre qu’une association pourrait exister sans respecter nos principes et lois communes. En outre, cette charte n’empêchera nullement un élu local d’islamo-clientélisme – elle pourrait même le couvrir. De même, elle n’aura aucune contrainte réelle sur les agissements d’une association séparatiste ou islamiste qui l’aurait signée en pratiquant une stratégie de taqîya, c’est-à-dire de dissimulation. Il existe déjà beaucoup trop de chartes non appliquées : n’en rajoutons pas ! Notre peuple n’a jamais vaincu ses ennemis en leur faisant signer une charte, mais en établissant un plan de guerre et de résistance !

Par ailleurs, cet amendement tend à renforcer la législation afin d’autoriser le retrait de subventions aux associations et aux fondations qui favorisent notamment le communautarisme islamiste ou qui sont inspirées par des idéologies de nature à troubler l’ordre et la paix publics en provoquant des tensions et divisions au sein de la communauté nationale, en incitant des personnes ou des groupes à s’en séparer ou à s’affranchir des règles communes édictées par la loi. De plus, il convient de donner le pouvoir à l’autorité judiciaire d’assortir tout retrait de subvention effectué auprès d’une association d’une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros, notamment s’il s’agit d’une association islamiste qui aurait obtenu une subvention en usant d’un objet trompeur. Cette mesure financière punitive est bien plus dissuasive que le contrat d’engagement républicain prévu par cet article.

Nous devons en finir avec la dilapidation de l’argent public auprès d’associations qui participent au délitement de notre nation et nourrissent nos ennemis. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter mon amendement, qui se veut réaliste, réactif, pragmatique et efficace. Je le résumerai par ces quelques mots : moins de chartes, plus de charters !

Exclamations scandalisées sur les travées du GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

M. Ravier propose de réécrire complètement l’article 6, alors que la commission souhaite le conserver, même si elle y a apporté quelques modifications. La réécriture suggérée retirerait toute référence aux principes républicains que nous soutenons aujourd’hui. L’avis est donc défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je rappelle que la séance de demain est ouverte. Étant donné que nos travaux avancent désormais relativement bien, je suggère que nous ne siégions que le matin et l’après-midi, jusqu’à dix-neuf heures, et pas le soir.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Si nous conservons un rythme soutenu, sans renoncer au débat, qui est bien évidemment nécessaire, nous pourrions achever la discussion de ce texte jeudi prochain, le soir ou la nuit. À défaut, nous devrions ouvrir la séance de vendredi prochain.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Le Gouvernement est en phase avec ce que propose le président de la commission des lois, y compris pour ce qui concerne l’ouverture éventuelle de la séance du vendredi 9 avril.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, à la demande de la commission et en accord avec le Gouvernement, nous pourrions donc poursuivre la discussion de ce texte demain jusqu’à dix-neuf heures, sans siéger le soir.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Comme tout le monde semble d’accord et que, je le rappelle, il reste juste 500 amendements à examiner, je ne doute pas que vous ferez tous preuve de synthèse…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de vingt et un amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 443 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 11

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. 10 -1. – Les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial peuvent conditionner l’octroi de subventions à des associations à la signature de la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités locales du 14 février 2014.

« Lorsque l’objet que poursuit l’association dont émane la demande est manifestement illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne sont manifestement pas compatibles avec la charte précitée, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.

« S’il est manifeste que l’association bénéficiaire d’une subvention poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la charte mentionnée à l’alinéa premier du présent article, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède, par une décision motivée et après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.

« Le texte de la charte précitée est annexé à la présente loi.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Nous ne sommes pas favorables au contrat d’engagement républicain. Il existe déjà une charte des engagements réciproques, qui a été très minutieusement et laborieusement élaborée en 2001, à l’occasion du centenaire de la loi de 1901. Elle a ensuite été réactualisée en 2014.

La charte, contrairement au dispositif prévu à l’article 6, a été élaborée de manière véritablement concertée avec le monde associatif. Il est essentiel de s’appuyer sur cette charte, d’autant qu’elle ne comporte aucun élément stigmatisant à l’égard des associations, lesquelles doivent bien entendu affronter toutes les conséquences attendues lorsque leurs activités sont contraires aux objectifs fixés par la loi.

Dans la mesure où nous soutenons tant la liberté d’association que la liberté des collectivités territoriales, nous estimons que la charte des engagements réciproques constitue la réponse intelligente à la question posée. Nous sommes de fervents défenseurs des associations – Jean-Pierre Sueur a eu l’occasion de le rappeler hier soir. Nous disons donc oui à la charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités locales et non au contrat d’engagement républicain !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 442 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 9

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 10 -1. – Toute personne morale qui sollicite l’octroi d’une subvention, d’un prêt ou d’une garantie de prêt auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage à respecter les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de non-discrimination, de fraternité et de respect de la dignité de la personne humaine.

« Lorsque l’objet que poursuit la personne morale dont émane la demande est illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne sont pas compatibles avec les principes de la République, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la demande.

« S’il est manifeste que la personne morale bénéficiaire d’un avantage défini au premier alinéa poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec les principes républicains, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède, par une décision motivée et après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations, au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Cet amendement de repli vise à étendre le champ de l’application du dispositif prévu à l’article 6.

Il n’y a aucune raison de limiter l’engagement à respecter les principes de la République aux seules associations, alors qu’elles concourent, au quotidien, à leur mise en œuvre. Aussi proposons-nous d’étendre ce dispositif à l’ensemble des personnes morales sollicitant une subvention, un prêt ou une garantie de prêt auprès d’une autorité publique. Les entreprises qui bénéficient de subventions, de prêts ou de garanties de prêts publics devraient également s’engager à respecter ces principes. Il s’agit d’une mesure d’équité vis-à-vis des associations et des fondations, que celles-ci ont réclamée.

Les associations sont déjà tenues à des obligations comptables et fiscales très lourdes par rapport aux sociétés de droit commun. Elles doivent notamment faire appel à un commissaire aux comptes dès lors qu’elles bénéficient de subventions publiques supérieures à 153 000 euros par an. Il n’est pas opportun d’accentuer ces différences de régime, en soumettant les associations, et elles seules, à de nouvelles obligations relatives au respect de principes républicains lorsqu’elles demandent l’octroi de subventions publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 440 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Supprimer les mots :

ou fondation

2° Remplacer les mots :

s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :

par les mots :

prend l’engagement de respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect de la dignité humaine.

3° Alinéas 3 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai déjà rappelé la nuit dernière cette évidence : les principes républicains s’appliquent à tous les citoyens et, donc, à toutes les associations en vertu de la Constitution de la République française. Si ma proposition avait été adoptée, nous aurions gagné beaucoup de temps dans nos débats. Il ne serait pas non plus nécessaire de demander au 1, 3 million d’associations que compte ce pays de signer un contrat pour appliquer ce qui est tout simplement exigé à chacune et chacun d’entre nous par la Constitution.

Cet amendement, il faut le dire, est inspiré par une proposition de la Fédération protestante de France. Il vise à supprimer la notion de « contrat d’engagement républicain » et à indiquer que les associations s’engagent à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect de la dignité humaine.

Le fait d’enserrer les associations dans un contrat d’engagement est totalement inutile. Je m’étonne d’ailleurs de ne pas avoir encore entendu d’argument en sa faveur.

Mme la ministre déléguée s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai beaucoup réfléchi à ce que vous avez dit hier soir, tard, madame la ministre. Vous avez affirmé que le contrat d’engagement républicain constituait une garantie, car, si une association manque à l’appliquer, elle se verra privée de subvention. Or si une association est peu respectueuse des principes d’honnêteté, si elle s’écarte de ce que la loi républicaine impose, les élus peuvent déjà la priver de subvention. Aucun élu n’est obligé de verser des subventions ! Elle aura eu beau signer tous les papiers que vous voulez, cela n’y changera rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 410 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing, Médevielle, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Verzelen et Capus, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la référence :

insérer les mots :

ou toute forme d’aide en nature

La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Cet amendement, déposé par mon collègue Franck Menonville, a pour objet d’intégrer à la notion de « subvention » toutes les formes d’aides en nature, comme le prêt de matériels ou de salles.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 399 rectifié, présenté par M. C. Vial, Mmes Deroche, Boulay-Espéronnier et Borchio Fontimp, MM. Somon, Tabarot, Charon et Laménie, Mme Joseph, MM. Le Rudulier et Savary, Mmes Drexler, Belrhiti et Gruny, MM. Bascher et H. Leroy, Mme Lassarade, M. Chatillon, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Boré et Bonhomme et Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après le mot :

public

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les prescriptions des articles 1er et 2 de la Constitution.

II. – Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Marc Laménie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

L’alinéa 2 de l’article 6 gagnerait en sobriété, gage de clarté, en renvoyant aux articles 1er et 2 de la Constitution, qui énoncent mieux qu’on ne saurait le faire les principes fondamentaux auxquels la France est attachée. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 101 rectifié, présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Féraud et Marie, Mme Meunier, MM. Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain

par les mots :

signe avec la personne auprès de laquelle elle requiert la subvention, la charte des engagements réciproques qui engage les deux parties à respecter les principes de liberté, de fraternité, de laïcité et de respect de la dignité de la personne humaine et les symboles fondamentaux de la République

II. – Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit

par les mots :

de la charte des engagements réciproques qu’elle a signée

IV. – Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention constate que l’association ou la fondation bénéficiaire poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la charte des engagements réciproques, elle informe celle-ci du manquement constaté et la met en demeure d’y remédier dans un délai de quinze jours. L’association ou la fondation peut présenter ses observations dans les conditions prévues. À l’issue de ce délai, si le manquement persiste, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention notifie à l’association ou à la fondation sa décision de procéder au retrait de la subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration.

« L’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial qui a procédé au retrait de la subvention, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent peut demander au juge administratif de prononcer la restitution de tout ou partie des subventions attribuées.

V. – Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce décret fixe le montant minimal annuel de subvention en deçà duquel une association ou une fondation n’est pas tenue de signer la charte des engagements réciproques.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Il s’agit de nouveau d’un amendement de repli.

Depuis une vingtaine d’années, les associations qui demandent une subvention à caractère public doivent souscrire à la charte des engagements réciproques, signée entre l’État, les associations d’élus et le mouvement associatif en 2001 et rénovée en février 2014. Elle est ainsi jointe au formulaire Cerfa de demande de subvention.

Cette charte porte déjà l’engagement de promouvoir et de faire respecter toutes les valeurs de la République, ainsi que d’ouvrir à tous les actions financées sans distinction d’origine, de religion ou de sexe. Tout manquement à ces principes peut conduire à la dénonciation de la subvention et à son reversement au Trésor public. L’intérêt de la mise en place d’un contrat d’engagement républicain pose donc légitimement question.

En vertu des engagements liés à cette charte, du code pénal, du code des relations entre le public et l’administration, ainsi que de la loi de 2000, les collectivités constatant qu’il est fait mauvaise utilisation de leurs subventions ou de leurs locaux peuvent demander à l’association bénéficiaire d’y remédier, voire supprimer cette subvention. Il peut s’agir d’une subvention de toute nature, qui est donc susceptible d’être octroyée sous forme de mise à disposition de locaux.

Le problème est que les élus ne savent souvent pas comment faire appliquer les règles existantes, ou ne le souhaitent pas pour des motifs divers. Il ne sert donc à rien de créer un contrat d’engagement républicain : il ne changera rien aux problèmes rencontrés par les élus ! Loin de constituer une solution miracle, il aura pour effet de stigmatiser une certaine catégorie d’administrés et d’obliger toutes les associations souhaitant obtenir une subvention publique à compléter leur objet pour coller aux termes de ce contrat.

Nous préférons conférer une base légale à la charte des engagements réciproques. Nous proposons d’aménager une procédure plus respectueuse du droit des associations et des fondations subventionnées, dans le cas où l’autorité publique entend supprimer l’octroi de la subvention en raison de la méconnaissance des engagements par l’association ou la fondation concernée, les préservant ainsi davantage de l’arbitraire.

Enfin, il est spécifié que le décret précisant les modalités d’application de l’article fixera un seuil de montant de la subvention en deçà duquel l’adhésion à la charte ne sera pas requise. Il est inadmissible d’entamer la liberté d’association au point de mettre des bâtons dans les roues de très petites structures associatives, qui ne disposent que de peu de moyens et de temps pour remplir de la paperasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 520, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

d’un contrat d’engagement républicain :

par les mots :

de la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales.

II. – Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit

par les mots :

de la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales qu’elle a souscrite

IV. – Alinéas 8 et 9

Remplacer les mots :

le contrat d’engagement républicain souscrit

par les mots :

la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales souscrite

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérémy Bacchi

Au-delà des questions constitutionnelles soulevées par l’article 6, nous devons nous demander en quoi le contrat d’engagement républicain apporte une garantie supplémentaire à l’État et aux collectivités territoriales.

Premièrement, comme le dit l’avis du Conseil d’État, le contrat d’engagement républicain n’a de contrat que le nom, en ce qu’il ne s’accompagne d’aucune garantie contractuelle. Étant unilatéral, il n’est ni négocié ni exécuté de bonne foi, contrairement à ce que prescrit le code civil. Le contrat reste une faculté, mais inverse la logique d’obligation puisque ce n’est pas l’émetteur qui s’engage.

Deuxièmement, en lien avec l’absence de négociation, ce contrat n’est aucunement plus protecteur que la charte des engagements réciproques signée entre l’État, les collectivités territoriales et les associations. Pourtant, cette dernière, qui a au moins le mérite d’exister et de faire l’objet d’un consensus, inscrit, elle aussi, la question des valeurs républicaines en son cœur.

Troisièmement, la jurisprudence en matière de subventionnement des associations prévoit déjà largement l’obligation du respect des valeurs fondamentales. Ainsi, les collectivités publiques ne peuvent légalement subventionner que des activités présentant un intérêt public. Cette condition n’est pas satisfaite si l’action de l’association s’avère incompatible avec les principes fondamentaux de l’ordre juridique ou des valeurs essentielles de la société. Les collectivités ont même le pouvoir de retirer une subvention en s’appuyant notamment sur des conventions d’objectifs et de moyens, bornées par la loi.

Je concède que la commission du Sénat a légèrement amélioré le texte en définissant le contrat d’engagement républicain – le décret prévu après examen du texte à l’Assemblée nationale était largement insatisfaisant. Demeure toutefois la question délicate de la condition vis-à-vis de l’ordre public.

Si ce contrat avait existé en 2006, la Cimade ou l’association Les Enfants de Don Quichotte auraient-ils pu le signer ? Pourtant, c’est leur mobilisation qui a abouti à l’adoption de la loi instaurant le droit au logement opposable. De même, que penser des associations qui, dans leur mode d’action, peuvent troubler l’ordre public – je pense notamment au DAL –, alors qu’elles cherchent, justement, à faire appliquer la loi ? Considérons-nous comme antirépublicaines des associations comme Anticor exigeant une application stricte de la loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 411 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing et Médevielle, Mme Mélot, MM. Wattebled, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Capus, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le maire peut à tout moment se déplacer sur les lieux des associations présentes sur le territoire de sa commune afin de contrôler le respect du contrat d’engagement républicain signé par ces dernières. Au cours de sa visite, il peut demander au président de l’association ou à son représentant légal de lui fournir toutes les informations et tous les documents qu’il juge utiles afin de procéder au contrôle. Il peut être accompagné d’un représentant de l’État dans le département ainsi qu’un de ses adjoints. Il peut autoriser l’un de ses adjoints à procéder en son nom au déplacement au sein de l’association. En cas de refus par le président ou le représentant légal de l’association de procéder à la visite des locaux ou de présenter les documents et les informations demandés par le maire, ce dernier avertit sans délai le représentant de l’État dans le département.

La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Cet amendement, déposé par notre collègue Menonville, vise à autoriser le maire ou l’un de ses adjoints à procéder à des visites inopinées au sein des associations présentes sur le territoire de sa commune, afin de contrôler le respect du contrat d’engagement républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 119 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud et Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Après les mots :

d’égalité,

insérer les mots :

notamment entre les hommes et les femmes,

2° Après le mot :

fraternité,

insérer les mots :

de laïcité

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Cet amendement de repli tend à clarifier et à préciser les obligations contenues dans le contrat d’engagement républicain.

En premier lieu, nous souhaitons rétablir la rédaction initiale du Gouvernement qui visait le principe d’égalité entre les femmes et les hommes – je sais qu’il vous est très cher madame la ministre ; plusieurs d’entre nous y sont aussi attachés –, qui a été supprimée par un amendement adopté à l’Assemblée nationale pour s’en tenir à un engagement générique d’égalité.

En second lieu, nous proposons d’introduire le principe de laïcité, après celui de fraternité, parmi ceux que les associations subventionnées doivent respecter. Comme l’a souligné l’Association des maires de France dans un communiqué du 8 février dernier, « dans un texte principalement destiné à conforter la laïcité, il serait paradoxal que celle-ci ne soit pas explicitement incluse dans la charte d’engagement qui s’imposerait à toutes les associations percevant des subventions publiques ».

À cet égard, on ne saurait objecter que des associations ayant une orientation religieuse ne pourraient respecter le principe de laïcité. Cette dernière vise, avec la séparation entre l’État et les cultes, à garantir le respect absolu de la liberté de conscience.

On ne peut exonérer de ce respect une association signataire du contrat d’engagement républicain, quelle que soit la philosophie qui l’inspire. On peut même souhaiter qu’une association subventionnée par une autorité administrative, peu importe son orientation philosophique, soit expressément tenue de respecter la liberté de conscience dans l’exercice de sa mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 39 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 94 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy et Bascher, Mme Garnier, MM. Genet, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré, Bouchet, Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes de Cidrac et Dumont, M. Favreau, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie et Mandelli, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et M. Saury, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

fraternité

insérer les mots :

, de laïcité sauf lorsque ces associations ont exclusivement comme objet l’exercice d’un culte,

La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Le ministre de l’intérieur s’est exprimé à de nombreuses reprises sur ce fléau qu’est le séparatisme, au premier rang duquel figure le séparatisme islamiste. Selon les mots qu’il a employés, ce dernier « gangrène notre unité nationale ». Il a ajouté qu’il fallait savoir « nommer la maladie ». Dès lors, je vous propose un médicament : la laïcité. L’examen de ce projet de loi doit être l’occasion d’affirmer et d’expliciter cette notion.

La liberté, l’égalité et la fraternité sont des principes qui sont d’ores et déjà consacrés ; il devrait en être de même de la laïcité. C’est pourquoi cet amendement vise à l’adjoindre au respect de ces trois principes fondamentaux comme condition à l’octroi de subventions au sens de l’article 9-1 de la loi du 12 avril 2000, sauf lorsque l’objet de l’association est exclusivement porté sur l’exercice public d’un culte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 306 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 444 rectifié est présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 306.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement de repli tend à supprimer l’un des engagements prévu par le contrat d’engagement républicain : « s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public ».

S’il est légitime d’attendre des associations qu’elles s’abstiennent de commettre des infractions pénales, leur demander de s’engager de manière explicite sur des principes qui, rappelons-le, découlent de prérogatives de puissance publique, du maintien de l’ordre public en l’espèce, est tout de même déconcertant. Je pose donc la question suivante à la Haute Assemblée : la puissance publique française s’est-elle affaiblie au point d’être contrainte de solliciter le concours de nos associations pour mener à bien sa mission première ? Je me permets humblement d’en douter.

En outre, l’appréciation de la notion d’ordre public et les restrictions qui en découlent ne peuvent se faire que sous le strict contrôle du juge et du Conseil d’État.

Les associations lanceuses d’alerte, les associations militantes de défense de l’environnement et de la condition animale, ainsi que les associations d’aide aux migrants seront mises en péril par l’établissement d’un tel contrat, dont les appréciations subjectives de menace à l’ordre public pourraient leur être opposées. Les associations sont des tiers essentiels à la vitalité de notre démocratie. Nous devons préserver leur liberté d’action et leur capacité de plaidoyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 444 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 634, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° À respecter l’ordre public.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Le respect de l’ordre public est légitimement inclus dans les principes du contrat d’engagement républicain. Il n’est pas envisageable que des crédits publics puissent financer une association qui porterait atteinte à la sécurité, par exemple. Toutefois, nous estimons que la formulation retenue par la commission des lois va au-delà de cette obligation de respect de l’ordre public.

C’est un sujet qui a été longuement débattu lors des nombreuses consultations que nous avons menées avec les associations. Il en ressort qu’une « menace » peut être qualifiée préventivement à un trouble effectif à l’ordre public. Les termes « de nature à » nous semblent renforcer encore ce caractère hypothétique.

Cette formulation est susceptible de porter une atteinte excessive à la liberté associative. Nous proposons donc de la remplacer par la notion plus clairement délimitée de « respect de l’ordre public », répondant ainsi aux interpellations de plusieurs d’entre vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 659, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

de nature à constituer une menace pour

par les mots :

portant atteinte à

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Après discussion avec le Gouvernement, nous proposons, par cet amendement, une formulation qui semble mieux correspondre à l’objectif recherché.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 307, présenté par M. Dossus, Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … À œuvrer pour la préservation et l’amélioration de l’environnement et à s’assurer du respect du principe de précaution, tels que définis par la Charte de l’environnement du 24 juin 2004.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Vous l’avez compris, nous ne sommes pas adeptes du contrat d’engagement républicain.

Dans tous les articles de ce projet de loi et à travers la majorité des amendements déposés, il n’est quasiment fait mention que d’un seul principe : la laïcité, qui plus est avec une conception assez étriquée, voire un détournement de son objet. Nous, écologistes, défendons une République écologique, capable de faire face aux défis du siècle.

Le Gouvernement souhaite ajouter à l’article 1er de la Constitution que la République garantit la préservation de l’environnement et la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. Ces principes existent déjà dans la Charte de l’environnement, ajouté au préambule de la Constitution en 2005. Ces principes nous obligent collectivement, dans leur ensemble. Conforter l’un ou l’autre des principes, en oubliant les autres, n’est que le reflet d’obsessions. Les six heures de débat sur le voile n’ont fait qu’affermir une vision stigmatisante de la République.

Si nous sommes opposés au principe même du contrat d’engagement républicain, nous souhaitons qu’il soit tout de même enrichi. Nous proposons d’inscrire dans les obligations des signataires du contrat la nécessité de respecter la Charte de l’environnement. Les dérèglements du climat et l’effondrement de la biodiversité vont aussi fragiliser et mettre en tension notre République. La préservation de nos biens communs doit devenir un principe républicain unanimement partagé.

Si aucun euro d’argent public ne doit aller à des structures qui remettent en cause la laïcité, aucun euro d’argent public ne doit non plus aller à celles et ceux qui s’attaquent à des espèces protégées ou qui saccagent notre environnement. Voilà un principe républicain à même de rassembler notre nation autour d’un but commun, plutôt que de la diviser, comme on le fait aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 163 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge et Meurant, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat d’engagement républicain ne saurait étendre l’application du principe de laïcité au-delà de l’administration et des services publics. Les associations d’inspiration confessionnelle peuvent obtenir et utiliser des subventions pour leurs activités d’intérêt général dans le cadre d’un tel contrat.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Nous le répétons sur toutes les travées de cet hémicycle depuis plusieurs jours : nous sommes pour la promotion de la laïcité. Celle-ci ne saurait être affirmée contre les religions, dès lors que ces dernières respectent les règles de vie commune.

Il convient de garantir expressément aux associations à vocation confessionnelle qui défendent des projets d’intérêt général leur liberté d’exprimer les fondements religieux de leurs actions. La question dépasse très largement les associations qui ont une activité cultuelle accessoire. Elle concerne aussi des associations telles que Les Petits Frères des pauvres, Emmaüs, le Secours catholique, le Centre d’action sociale protestant et bien d’autres. Leurs statuts font référence à des valeurs spirituelles alors que leur pratique est avant tout sociale et culturelle.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractère propre de l’enseignement privé, les associations qui ont une aspiration spirituelle et qui s’expriment publiquement à ce titre doivent pouvoir continuer à le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 133 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Requier, Cabanel, Fialaire et Guiol, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les dirigeants de l’association qui s’engage à respecter les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain sont tenus de participer à une formation à la laïcité et au respect des principes républicains.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Cet amendement, déposé par Mme Delattre, vise à instituer une formation à la laïcité pour tous les dirigeants d’une association, afin de lutter contre l’entrisme.

Contrairement à plusieurs ministres, qui ont jugé lors des débats à l’Assemblée nationale qu’il s’agissait là d’une obligation qui ferait peser des contraintes trop lourdes, nous considérons que cette formation est nécessaire. Il y a lieu de mettre en place une formation gratuite en ligne, à l’image de ce que fait le CNFPT, pour les dirigeants d’association qui s’engagent à respecter les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 611, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

ou la fondation

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Cet amendement vise à supprimer l’obligation pour les fondations d’informer leurs membres de leur engagement à respecter les principes républicains résultant du contrat d’engagement républicain, introduite lors de l’examen du texte en commission. En effet, les fondations correspondant à un rassemblement de biens, elles ne possèdent pas de « membres » à proprement parler, contrairement aux associations, qui, elles, constituent un rassemblement de personnes. La coordination à laquelle il a été procédé ne semble donc pas opportune.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 134 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Requier, Cabanel, Guiol et Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle forme ses dirigeants aux principes mentionnés au présent article, à la laïcité et à la prévention de la radicalisation.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

L’amendement vise à rendre obligatoire le suivi d’une formation sur la laïcité et les principes républicains par tout dirigeant associatif demandant l’octroi d’une subvention publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 607 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéas 8 et 9

Après la première occurrence du mot :

association

insérer les mots :

ou la fondation

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Si vous le voulez bien, je regrouperai les avis par thèmes.

Je commencerai par évoquer une première série d’amendements, qui a pour objet de remplacer le contrat d’engagement républicain par la charte des engagements réciproques. Il s’agit des amendements n° 443 rectifié de M. Sueur, 101 rectifié de M. Magner et 520 de Mme Assassi.

L’amendement n° 443 rectifié de M. Sueur vise à rendre facultatif le respect de cette charte et à l’annexer à la loi, tandis que l’amendement n° 101 rectifié de M. Magner ne la rend obligatoire que pour les associations percevant des subventions excédant un seuil fixé par décret.

Nous nous sommes interrogés : pourquoi un contrat et non pas une charte ? En fait, l’avantage du contrat, c’est qu’il permet clairement de caractériser le manquement le cas échéant. Dès lors qu’on touche une subvention publique, on signe un contrat réel. Si on ne respecte pas le contrat, non seulement on ne perçoit plus de subvention publique, mais on peut aussi se voir réclamer par la collectivité la restitution de ladite subvention, le contrat ayant été rompu. Voilà ce qui explique la nécessité du contrat.

Nous émettons donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

Une deuxième série d’amendements vise à supprimer le contrat d’engagement républicain et à affaiblir la portée juridique du dispositif. L’amendement n° 440 rectifié de M. Sueur vise à imposer le respect de certains principes républicains, sans toutefois prévoir de sanctions. Cela ne nous paraît pas répondre à la problématique. En revanche, l’amendement n° 442 rectifié du même auteur vise à étendre le respect des principes républicains à toute personne morale subventionnée. Je salue votre ouverture d’esprit et votre volonté à la fois de réduire et d’étendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est de la dialectique, madame la rapporteure !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements, car vous placez sur le même plan les subventions aux associations et les aides publiques attribuées aux entreprises, alors que ces dernières sont très encadrées et interviennent dans un autre contexte.

Une troisième série d’amendements porte sur le principe de laïcité. L’amendement n° 119 rectifié de Mme Conway-Mouret tend à préciser dans le contrat d’engagement républicain que le principe d’égalité s’applique « notamment entre les hommes et les femmes ». Surtout, il vise à étendre le respect du principe de laïcité aux associations et fondations, comme l’amendement n° 94 rectifié de Mme Borchio Fontimp.

Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements, car nous nous sommes posé les mêmes questions concernant la laïcité.

Sur l’égalité entre les hommes et les femmes, nous considérons que le terme « égalité » est beaucoup plus large et plus complet employé seul que suivi d’un « notamment ». Au demeurant, le Sénat n’est pas très friand de cet adverbe.

Concernant la laïcité, l’amendement est satisfait par le texte, car la laïcité s’impose à l’État et lui impose notamment la neutralité. En revanche, elle ne s’impose pas à nous, qui pouvons avoir nos propres opinions en tant que personnes et qui disposons d’une liberté de conscience et de la liberté de choisir notre religion.

Pour autant, effectivement, la République est laïque. C’est pourquoi nous proposons, pour que la laïcité apparaisse malgré tout dans ce texte, d’imposer aux associations de ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République, sans leur imposer évidemment d’être laïques elles-mêmes. Cette disposition devrait satisfaire l’amendement n° 163 rectifié de Mme Boyer. Les associations d’inspiration confessionnelle peuvent tout à fait porter des projets d’intérêt général et être subventionnées pour la partie non cultuelle de leurs activités.

Nous demandons donc le retrait des amendements n° 119 rectifié, 94 rectifié et 163 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° 399 rectifié de M. Vial tend à prévoir le respect des articles 1er et 2 de la Constitution. Or ces articles ne comprennent pas tous les principes républicains inclus aujourd’hui dans le contrat d’engagement républicain. Nous trouvons que le projet de loi est plus complet. Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Les amendements n° 133 rectifié et 134 rectifié de Mme Delattre tendent à imposer aux dirigeants d’association une formation à la laïcité et au respect des principes républicains, ainsi qu’à la prévention de la radicalisation. L’intention est louable, on la comprend, mais il n’est pas certain que les 1, 5 million d’associations existantes soient toutes concernées par ces sujets. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.

Une quatrième série d’amendements concerne l’ordre public. Les amendements identiques n° 306 de Mme Benbassa et 444 rectifié de M. Sueur tendent à supprimer l’obligation faite aux associations subventionnées de ne pas contrevenir à l’ordre public.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Peut-être la rédaction actuelle de l’article ne vous convient-elle pas et préféreriez-vous que l’on indique « de s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public », comme tend à le prévoir l’amendement de la commission. Cela étant, objectivement, des associations dont l’objectif et l’action viseraient à porter atteinte à l’ordre public ne sauraient être financées par de l’argent public, on ne le comprendrait pas. Nous émettons donc un avis défavorable sur ces amendements.

L’amendement n° 659 de la commission tend justement à réécrire l’alinéa 5 de l’article et à préciser que toute association s’engage « à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ». Nous espérons que cette rédaction sera de nature à répondre aux inquiétudes formulées par le Gouvernement dans son amendement n° 634, dont nous souhaitons le retrait au profit du nôtre.

J’en viens à la dernière série d’amendements.

L’amendement n° 307 de M. Dossus tend à intégrer dans le contrat d’engagement républicain l’obligation pour les associations d’œuvrer pour la protection de l’environnement et, surtout, de s’assurer du respect du principe de précaution. Je rappelle qu’il existe 1, 5 million d’associations et qu’il n’est pas certain qu’elles puissent toutes s’assurer du respect du principe de précaution, de manière générale et absolue. La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 410 rectifié bis de M. Menonville vise à intégrer les aides en nature dans les subventions. En fait, cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, car sont en réalité considérés comme des subventions tant les transferts financiers que les apports en nature. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 411 rectifié bis, de M. Menonville également, tend à permettre aux maires de contrôler la bonne utilisation des subventions en effectuant des visites inopinées. Cher collègue, je ne suis pas sûre que les maires le demandent, mais le fait est qu’ils peuvent déjà le faire. Cet amendement est satisfait, l’article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales précisant que « toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle des délégués de la collectivité qui l’a accordée ». Le maire peut faire appel à un professionnel ou à la chambre régionale des comptes en vue de vérifier les comptes de gestion de l’association. Je ne pense pas qu’il les contrôlera lui-même. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Enfin, j’en viens aux deux amendements de Thani Mohamed Soilihi, qui tendent à apporter deux précisions utiles. L’amendement n° 611 a pour objet de supprimer l’information des membres d’une fondation. Les fondations n’ayant effectivement pas de membres, la commission est évidemment favorable à cet amendement, de même qu’à l’amendement de coordination n° 607 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

J’indique d’emblée que le Gouvernement retire son amendement n° 634 au profit de l’amendement n° 659 de Mmes les rapporteures, qui est plus clair, nous en convenons.

Je vais donner l’avis du Gouvernement de manière aussi groupée que possible, si cela vous convient.

Je m’étonne que différents amendements émanant du même groupe visent à la fois à supprimer et à étendre le contrat d’engagement républicain, j’y vois là une marque d’intérêt. Je me réjouis par ailleurs que des amendements visent à enrichir et à améliorer ce contrat.

Je ne reviendrai pas sur les argumentaires que j’ai développés cette nuit, d’abord pour ne pas allonger les débats, ensuite parce que ceux qui se sont exprimés cet après-midi étaient déjà là hier soir.

Monsieur le sénateur Sueur, pardonnez-moi, mais je ne peux pas vous croire lorsque vous me dites que vous n’avez pas entendu un seul argument en faveur de ce contrat d’engagement républicain. Peut-être qu’ils ne vous convainquent pas, c’est une possibilité – je l’entends, et c’est votre droit le plus strict –, mais il me semble avoir défendu ce contrat jusqu’à tard cette nuit, avec les arguments qui sont les miens, que je trouve convaincants, comme certains manifestement. Ce n’est pas votre cas, je le déplore.

Je rappellerai simplement que, initialement, ce contrat répondait à une demande des élus. Pour ma part, j’agrée la charte des engagements réciproques. Je ne dis pas du tout qu’il faille la bannir, je pense que les deux dispositifs peuvent coexister. Cela étant, si la charte des engagements réciproques était suffisante, Mme la présidente de la région Île-de-France aurait réussi à imposer une charte de la laïcité dans sa région. Si elle était suffisante, M. le maire Michaël Delafosse de Montpellier ne serait pas en ce moment même traîné devant les tribunaux pour avoir créé une charte de la laïcité. Si elle était suffisante, M. Éric Piolle à Grenoble pourrait se faire rembourser l’argent qu’il a donné au CCIF. Ce contrat d’engagement républicain, outre le fait qu’il aura une valeur juridique, sera véritablement concret pour les maires.

Par ailleurs, il a été dit de nouveau que ce contrat n’avait pas fait l’objet de concertation. Rien n’est plus faux ! Ce sont les consultations qui ont conduit au dépôt de plusieurs amendements, à la fois du Gouvernement, mais aussi de parlementaires, afin d’améliorer ce contrat. Ce sont les consultations qui ont permis aux associations agréées de ne pas avoir à s’engager de nouveau avec ce contrat.

Certaines associations nous ont dit que ce contrat entraînerait trop de paperasse, d’autres considèrent qu’il faudra juste cocher une case. La vérité est peut-être entre les deux. En tout état de cause, il sera assez simple pour une association, lorsqu’elle demandera une subvention, d’adhérer à ce contrat. Ce contrat sera simple également pour les élus, au regard des bénéfices qu’il leur apportera.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 443 rectifié, 520, 101 rectifié, ainsi que sur les amendements n° 440 rectifié et 442 rectifié.

Je ne veux pas non plus laisser dire que ce contrat d’engagement républicain serait stigmatisant, comme je l’ai entendu. Quand tout est stigmatisant, plus rien ne l’est. Il ne me semble pas que ce soit injurieux ou stigmatisant de dire à des associations : « Nous allons ensemble nous engager. » Nous demandons, en contrepartie de subventions publiques, le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Si c’est stigmatisant de dire à des associations « d’accord, on vous donne des subventions, mais on attend de vous que vous respectiez l’égalité entre les femmes et les hommes et les grands principes de la laïcité », alors les mots n’ont plus de valeur et rien n’est stigmatisant !

Sur la question de la liberté d’association, idem : j’ai répondu hier. Je ne vous relis pas l’avis du Conseil d’État, je rappelle simplement que le Conseil d’État lui-même considère que nous n’entravons pas la liberté d’association avec ce contrat d’engagement républicain. Il ne s’agit pas de dissoudre des associations ou d’empêcher la création d’associations ; il s’agit simplement de contrôler l’usage de l’argent public et de lutter contre le faux nez de l’islamisme qui crée de fausses associations prétendument sportives ou d’aide aux devoirs, comme l’ont démontré de nombreuses enquêtes journalistiques, des rapports parlementaires, mais aussi différents retours de terrain. Ces associations existent : certaines ont été financées avec de l’argent public, certaines le sont probablement encore, et nous voulons effectivement mettre fin à de telles situations.

Sur la Cimade, j’ai répondu hier à une question de Mme la sénatrice Benbassa. Bien évidemment, nous souhaitons pouvoir continuer à financer des organisations qui défendent les droits des migrants et des organisations d’activistes. Je l’ai dit hier lorsqu’on m’a demandé s’il ne serait plus possible de subventionner des associations qui ne sont pas d’accord avec le Gouvernement : il sera bien évidemment possible de le faire. Chacun fera des choix. J’espère que mes réponses à cet égard ont été claires.

Nous considérons que l’amendement n° 410 rectifié bis, qui vise à inclure dans les subventions les aides en nature, est satisfait. À cet égard, nous avons beaucoup parlé lors de différentes auditions des prêts de salles à des associations. C’est un point fondamental.

J’en viens à l’amendement n° 119 rectifié de Mme la sénatrice Conway-Mouret. Je suis très favorable, madame la sénatrice, à la partie de votre amendement qui porte sur l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, je suis réservée sur l’ajout du respect de la laïcité dans le contrat d’engagement républicain. Nous craignons que cela ne provoque des dommages collatéraux. Nous voulons pouvoir continuer à subventionner des scouts, le Secours catholique ou d’autres organisations. Si c’était possible, j’émettrais un avis favorable sur la première partie de votre amendement et je m’en remettrais à la sagesse du Sénat sur la seconde, mais je pense que cela ne l’est pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Non, c’est déjà assez compliqué comme ça !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 94 rectifié.

De même, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 133 rectifié et 134 rectifié sur la formation obligatoire, non pas parce que nous considérons qu’il ne faille pas de formation – il en faut, bien sûr –, mais parce que nous pensons que la liberté d’association implique la liberté de définir son objet. On ne va pas imposer une formation sur les questions de laïcité ou de lutte contre l’islamisme à une association de joueurs d’échecs ou à une association de femmes enceintes.

L’amendement n° 307 tend à prévoir que les associations bénéficiant de subventions doivent œuvrer pour la préservation et l’amélioration de l’environnement et s’assurer du respect du principe de précaution défini dans la Charte de l’environnement. Nous sommes bien évidemment favorables à tous ces principes. Nous émettons toutefois une réserve sur le fait qu’un contrat renvoie à une charte, qui en renvoie à une autre, ce qui provoque des mises en abyme en cascade. Nous craignons par ailleurs que cette proposition ne soit inadaptée pour les mêmes raisons que celles que je viens d’évoquer : je ne suis pas certaine que l’on doive imposer une telle démarche à une association de joueurs d’échecs ou de parents d’élèves. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement, pour ne pas émettre un avis défavorable sur le principe de la défense de l’environnement, mais ce n’est pas un avis favorable pour autant.

Nous considérons que l’amendement n° 411 rectifié bis, qui tend à prévoir des visites inopinées par le maire, est déjà satisfait. Nous demandons donc son rejet.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement qui a été défendu par M. le sénateur Julien Bargeton visant à supprimer l’obligation pour les fondations d’informer leurs membres de leur engagement à respecter le contrat d’engagement républicain. Il est en revanche défavorable à l’amendement n° 607 rectifié bis.

Enfin, si je n’ai pas émis d’avis sur certains amendements, c’est parce que je partage celui de Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ce n’est pas grave, l’essentiel est que chacun y retrouve ses petits…

L’amendement n° 634 est retiré.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. Je veux revenir sur une question que j’ai déjà posée hier

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

On ne sait pas ce que prévoira le contrat d’engagement républicain. Que prévoira le décret ? Franchement, on ne le sait toujours pas !

Vous parlez toujours de respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Qu’entendez-vous par là ? Est-ce la parité ? J’aimerais bien le savoir. Il me semble qu’il vaut mieux demander la parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Je ferai une remarque sur un argument que j’ai souvent entendu, notamment de la part de M. Jean-Pierre Sueur, selon lequel la Constitution se suffirait à elle-même. Si la Constitution se suffisait à elle-même tout le temps, cela se saurait ! Par définition, les lois doivent y être conformes, sinon elles sont censurées par le Conseil constitutionnel, y compris a posteriori si une question prioritaire de constitutionnalité est posée.

Par définition, les lois que nous votons viennent appliquer la Constitution, dans de nombreux domaines, pas uniquement régaliens. C’est le cas des lois sur la laïcité, mais aussi des grandes lois sur les libertés publiques, des lois en matière de sécurité. Je ne vais pas toutes les détailler.

Si la Constitution suffisait, un bon nombre de lois dont nous débattons ici – pas toutes, mais un certain nombre – n’auraient plus d’objet. Il me semble que cet argument pourrait être utilisé quasiment chaque fois. Il suffirait de dire : « C’est dans la Constitution ! » pour considérer qu’une loi n’est pas nécessaire.

Il s’agit ici de dire la façon dont on travaille avec les associations : elles doivent respecter un certain nombre de principes de la République, que l’on détaille et que l’on inscrit dans un contrat. Cela me semble être une avancée, laquelle, je le redis, était attendue, depuis un certain temps d’ailleurs.

Telle est ma position sur cet argument qui est souvent employé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Madame la ministre, pour moi, c’est très clair : je soutiens M. Sueur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

… ainsi que M. Magner et Mme Conway-Mouret, bien évidemment.

Vous faites partie d’un gouvernement qui, de manière régulière, systématique, essaie de cornaquer les libertés qui ont été durement acquises au cours des siècles précédents. Je vous le dis très simplement.

Le monde associatif représente 1, 5 million d’associations, 13 millions de bénévoles et 1, 8 million de salariés. Ces salariés sont d’ailleurs souvent qualifiés, occupent des emplois pérennes et non délocalisables. C’est une force et une richesse pour notre pays.

Aujourd’hui, vous êtes dans une logique de défiance à l’égard de ce monde, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

… qui s’est construit lentement, à partir d’une loi exceptionnelle de liberté, celle de 1901, enrichie par la charte des engagements réciproques, durement négociée avec le monde associatif en 2001, puis enrichie en 2014.

Je ne doute pas un seul instant que vous puissiez penser que le monde associatif abrite quelques millions de djihadistes potentiels, mais vous apportez systématiquement la même réponse à tout le monde, quel que soit le contexte.

La charte des engagements réciproques, que j’ai portée lorsque j’occupais d’autres responsabilités dans un précédent gouvernement, a suscité un consensus parfait au sein du monde associatif. Je vous poserai donc une question simple : votre projet a-t-il le soutien du monde associatif ? La réponse est non, mais vous voulez avoir raison contre tout le monde. C’est un peu là aussi la marque de fabrique du gouvernement auquel vous appartenez. Il a raison tout seul contre tout le monde !

Je vous le dis, si vous vous entêtez en la matière, non seulement le monde associatif montera au front, ce qui serait tout à fait dommageable pour notre démocratie, mais surtout vous n’empêcherez pas ceux qui ont des mauvaises intentions à l’égard de la République de signer ce contrat, simplement pour se planquer. Arrêtons de corseter le monde associatif ! Essayez pour une fois de travailler dans la confiance et non pas dans une logique de défiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Sans vouloir empêcher qui que ce soit de s’exprimer, j’indique que cinq ou six orateurs souhaitent encore prendre la parole. Mes chers collègues, si vous souhaitez que les amendements soient mis aux voix avant la suspension à vingt heures, je vous invite à faire preuve de concision.

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Pour répondre à votre invitation, monsieur le président, j’interviendrai une seule fois sur l’ensemble de ces amendements, sur lesquels je m’en remets à la sagesse de notre rapporteure. J’ajouterai toutefois une chose qui me paraît importante.

Je veux bien laisser passer cet article 6, mais je ne veux pas en être dupe. Je considère que cet article est une illusion, un coup d’épée dans l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il contribue à me faire penser que l’ensemble de ce texte est un tigre de papier. Tout le monde signera le contrat d’engagement républicain.

Je tiens à préciser, compte tenu du fait que nos débats servent à l’interprétation des textes – c’est ce qu’on appelle les travaux préparatoires –, que toutes les associations de France, qu’elles signent ce contrat ou qu’elles ne le signent pas, parce qu’elles n’ont pas besoin de subventions, soit l’écrasante majorité des associations de ce pays, doivent respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République, au sens de l’article 2 de la Constitution. Toutes les associations de France doivent s’abstenir de remettre en cause le caractère laïque de la République. Toutes les associations de France doivent s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public.

Si seules celles qui signent le contrat d’engagement étaient assujetties à ces obligations, qui s’imposent à tout citoyen français à vrai dire, alors la République serait sens dessus dessous. Ce serait très grave ! Je ne voudrais pas que notre texte puisse avoir une implication si dangereuse.

Alors, oui, laissons passer cet article 6. Donnons sa chance au Gouvernement. Il va arrêter la déferlante de l’islamisme radical grâce aux employés de bureau des préfectures qui vérifieront le contrat d’engagement. Les Français peuvent être rassurés, moi pas !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

Après le plaidoyer de notre collègue Philippe Bas, je m’en voudrais d’en rajouter. Je partage bien évidemment en tout point ce qui vient d’être dit, et j’ai les mêmes inquiétudes sur l’intérêt de cet article.

Je m’interroge aussi sur la subdélégation. On va certes contrôler l’association qui aura signé le contrat d’engagement et qui percevra la subvention, mais un certain nombre d’associations ont la possibilité de reverser une partie de leur subvention à des associations qui, elles, n’auront pas signé le contrat d’engagement.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’a dit M. Bargeton, la loi n’applique pas la Constitution. La Constitution est le cadre dans lequel nous exerçons le pouvoir législatif. Nous avons besoin de ce cadre et des principes constitutionnels. L’un des objectifs de ce projet de loi est d’ailleurs le respect de la Constitution.

L’article 1er et l’article 2 de la Constitution sont assez clairs sur les valeurs que nous souhaitons défendre, alors que ce contrat, et je rejoins Mme Benbassa, l’est un peu moins. Surtout, il est beaucoup plus facilement modifiable que la Constitution. Il nous semble donc que les valeurs que l’on veut défendre et que les engagements que l’on demande aux associations de prendre auraient plus de sens et une plus grande portée si l’on se référait à la Constitution.

Je m’en remets moi aussi à la sagesse de la commission, à regret, et je retire l’amendement n° 399 rectifié, que M. Laménie, et je l’en remercie, a défendu précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 399 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Lorsqu’elle a donné l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements, Mme la rapporteure a argué que l’intérêt du contrat par rapport à la charte était, en résumé, sa nature contractuelle. Il permettra à l’autorité administrative, du fait de sa valeur juridique, de contester la subvention, voire, éventuellement, d’en demander la restitution. C’est ainsi que j’ai compris le propos.

Je rappellerai simplement, mais chacun d’entre vous, je pense, s’en souvient pour avoir souvent été à la tête d’un exécutif, que la loi de 2000 prévoit qu’une convention doit être signée entre la collectivité qui accorde une subvention et la structure qui en bénéficie. Le décret de 2001 – ces dispositions ont été prises par décret – prévoit que cette obligation s’applique à compter du seuil de 23 000 euros, au motif, sans doute, que, en dessous, la signature d’une convention est ridicule et infaisable. Si j’ai précisé que ces dispositions ont été prises par décret, c’est pour rappeler que rien n’empêche de modifier le seuil.

Après l’enterrement de première classe de l’article 6 et du contrat d’engagement républicain par Philippe Bas, j’en reviens à la charte.

Alors qu’une charte existe, dont le président Kanner a rappelé l’existence et la puissance dès lors qu’elle a été négociée avec le monde associatif, alors que la loi de 2000 et le décret rendent obligatoire la signature d’une convention et la restitution de la subvention en cas de non-respect par l’association de ses obligations, pourquoi vouloir inventer autre chose ? Cela m’intrigue. Si c’est incomplet, renégociez la charte pour la compléter avec le monde associatif, mais ne repartez pas de zéro !

Je ne comprends pas que nous acceptions finalement l’article 6 en l’état après avoir entendu les propos qui viennent d’être tenus. Je pense, c’était notre proposition à l’amendement n° 101 rectifié, que des points évoqués seraient de nature à être intégrés. Ne soyez pas caricaturaux, pour ceux qui soutiennent le Gouvernement : nous ne sommes pas contre la laïcité, ou avez-vous vu cela ? Le président Bas a bien rappelé que, au-delà de tout, il y a des principes de la République.

Appuyez-vous sur la charte, complétez-la si vous l’estimez insuffisante, mais ne recommencez pas en partant de zéro un travail considérable avec le monde associatif qui, à cette heure, ne vous soutient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Mon explication de vote concerne l’amendement n° 659 de la commission des lois. Comme Philippe Bas, je fais confiance aux rapporteures.

L’article 6 parle de la vie associative, qui est aussi une richesse morale, intellectuelle. Les chiffres concernant les associations, les bénévoles, les salariés également pour les grosses structures, ont été rappelés. Philippe Bas a évoqué le lien avec les services de l’État.

Les assemblées générales sont une obligation pour les associations, quelle que soit leur taille, mais certaines n’envoient pas forcément à leurs membres la composition du nouveau conseil d’administration, du bureau ou les statuts modifiés, etc. La situation est d’autant plus complexe, dans ce contexte sanitaire, que tout le monde ne peut plus accéder à une préfecture ou à une sous-préfecture. Tout est dématérialisé, ce qui pose problème.

J’ai été maire d’un village et, à l’occasion de l’organisation de fêtes patronales, pour préserver l’ordre public ou la sécurité, je signais une charte de confiance avec le président de l’association et le représentant de l’État. La notion de confiance est importante.

Bien entendu, je soutiendrai l’amendement n° 659 concernant l’atteinte à l’ordre public. C’est aussi un principe figurant aux articles 1er et 2 de la Constitution, comme l’a rappelé notre collègue Cédric Vial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Je serai bref : au regard des arguments avancés par Mme la rapporteure, nous retirons l’amendement n° 94 rectifié de Mme Borchio Fontimp.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 94 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Je souhaite répondre brièvement aux questions qui m’ont été posées.

Madame la sénatrice Benbassa, vous le savez, la parité et l’égalité femmes-hommes sont deux choses différentes. Nous n’imposerons évidemment pas la parité, c’est-à-dire un nombre égal de femmes et d’hommes aux associations. Il serait absurde, par exemple, de demander à une association de femmes enceintes d’être composée pour moitié d’hommes. Le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes est différent : il s’agit de traiter les femmes comme les hommes, avec leurs droits et leurs devoirs de citoyens ou de citoyennes, de respecter la dignité de la personne, etc. La mixité est encore un autre concept, mais n’ouvrons peut-être pas ce débat.

M. le sénateur Kanner vient de m’expliquer ce que sont les associations, et je l’en remercie très chaleureusement. J’en ai présidé plusieurs, dont une pendant dix ans, j’ai été élue locale, j’ai la charge des associations en tant que ministre déléguée à la citoyenneté, j’ai géré pendant trois ans et demi 1 600 associations dans le champ de l’égalité entre les femmes et les hommes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Moi, j’ai été ministre de la vie associative, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

… je vois donc à peu près ce qu’est une association, mais je vous remercie pour votre petit brief.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Vous m’interpellez avec un ton très méprisant, ce qui est d’ailleurs votre habitude, je vous réponds…

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

J’ai le droit de manier l’ironie ! Vous me parlez avec mépris, je vous réponds avec ironie.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Vous nous accusez par ailleurs de choses fausses. Vous affirmez que les associations sont contre nous, mais, « les associations », cela n’existe pas.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Il n’existe pas un bloc monolithique formé par les associations de ce pays qui seraient toutes d’accord entre elles. Il est vrai que certaines sont sceptiques sur le contrat d’engagement républicain, mais il est vrai aussi qu’une grande majorité le soutient.

Le CER a été voté à l’Assemblée nationale, et la montée au front des associations que vous invoquez ne s’est pas produite. Au contraire, nous avons poursuivi, avec Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, notre travail de consultation des représentants des associations pour arriver à ce contrat d’engagement républicain avec toutes celles qui s’engagent dans le cadre des valeurs de la République.

N’essayons pas, je le répète, de monter un front opposant, d’un côté, les associations et, de l’autre, les responsables politiques. Certains souhaitent peut-être que les associations se liguent et montent au front, comme vous dites, contre le Gouvernement, mais ce n’est pas la réalité. L’AMF a plébiscité ce contrat d’engagement républicain, dont les élus qu’elle représente ont besoin.

Je veux rappeler que l’État verse 6, 5 milliards d’euros par an de subventions aux associations, ce qui est bien normal, et jamais suffisant, car elles mènent un travail difficile, souvent avec peu de moyens et souvent sur la base du bénévolat, dont une majorité de femmes, nous disent d’ailleurs les études de France bénévolat. Ce montant mérite d’être souligné ; ainsi, 60 % des associations de ce pays reçoivent des fonds de l’État.

Enfin, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la charte n’a pas de valeur contraignante. Le contenu du contrat d’engagement républicain est public, nous l’avons adressé aux présidents des groupes parlementaires et il a été largement repris dans la presse. Le projet est justement en phase de concertation avec les élus et les associations. Le contrat n’est pas finalisé, sinon les débats parlementaires n’auraient pas d’utilité. La version finale du contrat d’engagement républicain sera prise par décret en Conseil d’État en fonction de ce que le Parlement aura décidé. In fine, vous voterez, et c’est sur cette base que le Conseil d’État statuera.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérémy Bacchi

Je serai synthétique, rassurez-vous, d’autant que notre collègue Philippe Bas a déjà formulé dans son intervention des arguments que je partage. Bien sûr, toutes les associations pourront signer le CER, mais le respecteront-elles et sous quelles modalités ?

En cette période de crise sanitaire, sociale et économique, le signal envoyé aux associations est profondément regrettable. Là où le Gouvernement et la Nation tout entière devraient s’appuyer sur les associations pour relever collectivement le défi de la crise, on instaure une suspicion à leur égard qui est de notre point de vue extrêmement préjudiciable.

En revanche, madame la ministre, je me réjouis que vous trouviez insupportable de donner de l’argent public à des associations qui ne respecteraient pas l’égalité femmes-hommes. Je me demande cependant pourquoi le Gouvernement n’a pas la même exigence quant à l’égalité salariale et l’égal accès aux postes à responsabilités dans les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Nous suivons l’avis de la commission et retirons les amendements n° 410 rectifié bis et 411 rectifié bis de M. Menonville.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les amendements n° 410 rectifié bis et 411 rectifié bis sont retirés.

Je mets aux voix l’amendement n° 443 rectifié.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ amendement est adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 163 rectifié est retiré.

Monsieur Requier, l’amendement n° 133 rectifié est-il maintenu ?

L ’ amendement est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet . Je voudrais être certain que l’article 6, une fois voté, me permettra de continuer à financer des associations, la France n’existant pas seulement depuis 1792, qui évoquent des personnages de la fondation. Ainsi, Vaucouleurs, qui a armé Jeanne d’Arc, a l’habitude de célébrer la mémoire de cette héroïne nationale, qui n’est ni laïque, puisqu’elle est une sainte pour certains Français, ni républicaine, puisqu’elle s’est justement mobilisée pour obtenir le sacre du roi à Reims. Cela fera-t-il l’objet d’une interdiction ou acceptera-t-on une tolérance ?

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

L ’ article 6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.