Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 1er avril 2021 à 15h00
Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Le même dilemme se pose aujourd’hui avec une intensité décuplée par des courbes qui remontent, par des critiques qui fusent de nouveau et, enfin et peut-être surtout, par les pressions pour des mesures radicales d’une partie du corps médical, peut-être déçue que l’on ne suive plus ses prescriptions à la lettre.

Loin de moi la prétention de nier les difficultés extrêmes, et qui s’aggraveront dans les jours qui viennent, que connaissent les services de soins intensifs, loin de moi l’idée de minimiser le dévouement inlassable des soignants, dont beaucoup sont, eux aussi, au bord de l’épuisement, mais il faut rendre à César ce qui est à César et au politique ses prérogatives.

La première d’entre elles est la responsabilité de juger des moyens de tenir dans l’adversité, en prenant en compte les préoccupations, les possibilités, les capacités de résistance ou les cauchemars de tous les Français, en ayant à l’esprit que le choix est rarement entre une bonne et une mauvaise solution, mais, plus souvent, entre une mauvaise solution et une autre, pire encore.

Ce choix est d’autant plus difficile que les médecins eux-mêmes sont partagés, il suffit de regarder les plateaux de télévision, de jour comme de nuit, pour s’en convaincre.

Ces derniers jours, quarante et un médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont affirmé, dans une tribune du journal Le Monde, que nous n’avions jamais connu une telle situation, même durant les pires attentats de ces dernières années ; le président de l’Association des médecins urgentistes de France répondait le lendemain que, pour l’instant, ce n’était pas la Bérézina et qu’il était totalement faux de faire croire que l’on allait sélectionner et trier les malades ; un patron de la Pitié-Salpêtrière appelait avant-hier à la fermeture immédiate des écoles ; la Société française de pédiatrie lui répondait le lendemain qu’il fallait tout faire pour éviter de fermer des écoles.

C’est dans ce contexte que le Président de la République a dû prendre une décision que j’imagine déchirante. Camper sur des mesures dont il apparaît désormais qu’elles ne suffisent plus à réduire l’épidémie, c’était la certitude de perdre la course de vitesse contre le virus ; reconfiner totalement, c’était une capitulation, c’était prendre aussi le risque d’une révolte d’une partie de nos concitoyens, nous le voyons tous dans nos départements.

L’exécutif a choisi l’accentuation des mesures de freinage plutôt que le retour à un confinement strict : étendre à l’ensemble du territoire métropolitain les mesures qui prévalaient déjà dans les territoires les plus touchés et prolonger les vacances scolaires de quinze jours tout en laissant ouvertes les crèches et les écoles primaires.

Ces mesures seront sans doute douloureusement ressenties dans des régions qui pouvaient se sentir à l’abri, mais qui, en réalité, et chaque jour nous le démontre un peu plus, ne le sont pas, par des commerçants déjà durement éprouvés et par des parents épuisés, se demandant comment ils pourront concilier profession et garde des enfants ; elles seront en réalité ressenties douloureusement partout, mais je ne vois guère d’alternative.

La clé de notre avenir, ce sont désormais les vaccins et, surtout, la campagne pour les délivrer. Le début de cette campagne a donné lieu à beaucoup de critiques, sur sa lenteur, sur la décision de s’en remettre à l’Europe, sur la crainte d’un rejet par les Français. Je les partage pour une part. Vous vous souvenez sans doute qu’ici même, l’an dernier, alors que l’on prétendait que les Français étaient vaccinosceptiques, j’ai dit à plusieurs reprises qu’il fallait aller plus vite, que le principe de précaution ruine parfois ceux qu’il prétend défendre et que ma crainte n’était pas que les vaccins restent dans les congélateurs, mais, au contraire, qu’il n’y en ait pas assez.

Le Président de la République, dans son discours d’hier, a pris la mesure de cet enjeu crucial. L’accélération est impérative, nous devons nous donner les moyens d’y parvenir. Le Gouvernement n’a désormais d’autre choix que de réussir. Le succès de la vaccination est entre les mains de l’exécutif, tenu à une obligation de résultat. Il sait qu’il peut compter sur l’ensemble des élus locaux, qui ne cessent de faire la preuve de leur dévouement et de leur efficacité.

Plusieurs groupes de notre assemblée ont annoncé leur intention de ne pas participer au vote qui conclura ce débat. Je comprends leur agacement et, pour certains, leur irritation. La Ve République n’est pas tendre pour le Parlement et ce n’est pas la première fois que nous nous plaignons de la façon dont nous sommes traités par l’exécutif.

Toutefois, la question qui nous est posée aujourd’hui est d’une telle importance pour l’avenir de nos concitoyens, pour les mois et, peut-être, pour les années à venir, pour notre santé, pour notre économie, pour notre futur en un mot, qu’il ne nous paraît pas possible, en plein milieu de la pire crise sanitaire depuis des années, de ne pas prendre nos responsabilités. Les Français ont le droit de connaître l’opinion de leurs élus lorsque l’essentiel est en jeu. C’est la raison pour laquelle nous participerons à ce scrutin.

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