Voilà deux ans, en novembre 2018, la Cour des comptes nous alertait sur le fait que les 900 millions d’euros de dépenses fiscales finançant les bonnes œuvres des entreprises se trouvaient consentis en dépit de limites méthodologiques qui ne permettent pas de rendre compte du coût réel des mesures pour l’État.
On ne sait ni vraiment ce que coûte à l’État la réduction d’impôt sur les sociétés de 60 % du montant du don ni quelle est l’efficience de la dépense fiscale et son potentiel de bénéfices pour l’intérêt général.
L’intérêt général est en effet contestable pour bien des fonds de dotation, reconnaît une nouvelle fois la Cour. Cela s’explique par les critères, certes cumulatifs, mais très lâches, rendant possibles des abus, notamment sur la gestion des intéressés, même si, selon une étude 2016 par le cabinet EY, 40 % des répondants déclaraient une rémunération brute des dirigeants des fondations ou des fonds de dotation supérieure à 70 000 euros par an. Sans être désintéressée, cette rémunération ne dépasse pas trois fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 10 284 euros par mois.
Le caractère extensif de la notion d’intérêt général est aggravé par le fait que l’État peine à assurer sa mission de surveillance et de contrôle. Les organismes bénéficiaires du mécénat n’ont pas à justifier d’une habilitation ou d’un agrément préalable de l’administration pour recevoir des dons ouvrant droit à la réduction d’impôt, ce qui singularise la législation française en Europe.
Comme le souligne la Cour, le mécénat est une niche fiscale qui demeure aussi fortement concentrée sur les très grandes entreprises, les vingt-quatre premières bénéficiaires de l’avantage fiscal représentant à elles seules près de la moitié du montant de la créance fiscale en 2016.
Les dérives découlent également de la politique accommodante du Gouvernement, résumée par la vision de la secrétaire d’État chargée des associations, Sarah El Haïry, qui déclarait en 2019 qu’il fallait arrêter d’assimiler le mécénat d’entreprise a une niche fiscale, considérant que cette réduction d’impôt accordée aux fondations constituait non pas une dépense pour l’État, mais un investissement d’avenir.
Actons un désaccord politique profond entre nous : pour notre part, nous pensons que ces 900 millions d’euros d’argent public doivent être évalués et faire l’objet, sinon d’un document budgétaire dédié, a minima d’un rapport. Tel est l’objet de cet amendement.