Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 2 avril 2021 à 9h30
Respect des principes de la république — Article 13

Marlène Schiappa :

La commission des lois a supprimé l’article 13 du présent projet de loi, qui avait été voté en l’état par l’Assemblée nationale. Elle estime, en effet, que le texte n’apporte pas de réelle plus-value par rapport à l’état du droit actuel.

Permettez-moi de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne partageons pas son point de vue.

Par exemple, un père ou une mère de famille peut actuellement décider de déshériter ses enfants si la loi étrangère applicable à sa succession le permet. Il ou elle peut, par exemple, décider de tout laisser à son fils, et rien à sa fille, déshériter des enfants nés d’une précédente union ou des enfants dits « adultérins », etc. Ces enfants ne sont pas protégés.

Le présent amendement vise non seulement à combler ce vide juridique, qui permet des discriminations potentielles, mais aussi à rendre la protection tout à fait concrète et effective.

Grâce à cette disposition, l’enfant déshérité pourra récupérer sa part de réserve sur les biens situés en France directement devant le notaire, à l’occasion du partage, sans avoir à recourir au juge – je me permets d’insister sur ce point, qui est important.

Je ne vous apprendrai évidemment pas que, dans de nombreux pays du monde, les femmes et les enfants dits « naturels » ou « illégitimes » ne sont pas protégés par la réserve héréditaire : ils sont souvent déshérités sur le fondement de pratiques coutumières.

Mesdames les rapporteures, je sais que vous craignez que la disposition ne s’applique aussi aux lois anglo-saxonnes, qui ne connaissent pas non plus la réserve héréditaire. Très sincèrement, je ne vois pas de raison de les en exclure si des discriminations entre enfants sont aussi faites par les testateurs dans ces pays.

Je veux néanmoins préciser que les pays anglo-saxons connaissent eux aussi, dans une certaine mesure, des mécanismes protecteurs des enfants. Les Anglais ont, par exemple, les Family Provisions, quipermettent à l’enfant mineur ou à l’enfant dans le besoin de réclamer une part de la succession. Ainsi, si l’enfant est déjà protégé dans les faits par le droit étranger, le droit de prélèvement ne jouera pas en France.

Notre amendement tend en effet à préciser, contrairement à la rédaction initiale, que la loi étrangère ne doit permettre aucun mécanisme réservataire. Il autorise ainsi une appréciation concrète et factuelle de la loi étrangère, qui permet de vérifier si l’enfant est protégé ou non dans les cas d’espèce.

Enfin, votre commission a supprimé l’obligation d’information renforcée des héritiers réservataires qui avait été mise à la charge du notaire.

Le Gouvernement propose également de la rétablir, afin que les enfants puissent exercer leur droit en pleine connaissance de cause et à l’abri des pressions familiales. Nous considérons qu’il est inadmissible qu’en 2021, en France, des filles soient déshéritées parce qu’elles sont des filles et que certains veuillent appliquer des lois coutumières au mépris des lois de la République.

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