Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 2 avril 2021 à 9h30
Respect des principes de la république — Article 16

Marlène Schiappa :

Madame la sénatrice, je suis en profond désaccord avec votre argumentaire. Permettez-moi de vous expliquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement veut agir contre les certificats de virginité.

Tout d’abord, je suis très attaché à un principe assez peu courant dans la vie politique, ce que je déplore, celui des accords toltèques, selon lesquels il convient de parler non pas de façon générale et empirique, mais de façon personnelle. Je suis donc toujours très étonnée quand j’entends dire « tout le monde » ou « personne ».

Je ne crois pas que personne ne demande l’interdiction des certificats de virginité, comme vous venez de le dire, madame la sénatrice. Au contraire ! Nous écoutons les professionnels. Considérez les prises de position, depuis des mois, de l’ordre des médecins ou, depuis des années, de l’OMS, qui demande que le monde entier adopte des lois pénalisant cette pratique barbare, antique et indigne des certificats et des tests de virginité.

Certes, une gynécologue, sans aucun doute éminente, n’est pas d’accord. Si sa parole doit être entendue, celle de la présidente de l’Ordre des gynécologues, de la présidente du Syndicat des gynécologues, des centaines de gynécologues et de sages-femmes qui ont signé des pétitions, et des associations de femmes et de jeunes filles vivant dans des quartiers difficiles, qui sont aux prises avec la contrainte sociale, la norme, du certificat de virginité, doit également l’être.

Comme la France a dit « non » à l’excision voilà des années, elle doit dire non au certificat de virginité. À l’époque, certains disaient qu’il ne fallait pas interdire l’excision, au risque de voir se développer la pratique d’exciseuses hors des cabinets médicaux.

Fort heureusement, le gouvernement de l’époque, que je félicite – il me semble que cela se passait sous la présidence de Jacques Chirac –, a tenu bon. Sinon, c’était la porte ouverte à tous les relativismes ! On aurait réfléchi à des excisions propres, effectuées dans des cabinets ! C’est la même chose pour ce qui concerne le certificat de virginité.

Je suis en profond désaccord avec l’argument de Mme Ghada Hatem, que je respecte en tant que personne. Elle nous dit qu’elle veut pouvoir donner des certificats de virginité pour sauver la vie des filles. Quelle inversion des valeurs ! Que se produira-t-il quand la jeune fille rentrera chez elle avec sa petite enveloppe et son petit certificat de virginité à l’intérieur ? Elle épousera une personne qui a choisi comme acte fondateur du mariage, une institution dans laquelle on est censé s’engager en termes de respect, de secours et d’assistance mutuelle, la vérification de la virginité de la femme, dans le cadre d’un examen invasif. Et cette vérification donne lieu à un certificat, comme on le ferait pour un cheval dont on examinerait les dents. Si elle est bien vierge, on daignera l’épouser !

Je trouve tout cela scandaleux. Je pense que la jeune fille qui rentre chez elle avec son certificat de virginité n’a pas la vie sauve. Elle n’entre pas dans un mariage respectueux et elle n’est pas protégée par son certificat de virginité, bien au contraire ! Car on l’envoie épouser une personne qui a exigé un tel certificat. Elle sera donc aux prises avec des pressions terribles. On peut gager que sa dignité de femme ne sera pas particulièrement respectée le reste de sa vie, s’il a fallu ce petit papier, ce certificat de virginité.

Je préfère que la République soit courageuse et qu’elle dise clairement ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Dans la République française, je souhaite donc que les certificats de virginité ne soient pas permis.

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