Madame la sénatrice Benbassa, je ne répondrai pas à votre explication de vote. Vos propos ont en effet été déjà tenus précédemment, sous une autre forme, par une autre sénatrice, à laquelle j’ai répondu longuement et qui vient de me répondre à son tour. Cet échange a donc déjà eu lieu, et je ne redévelopperai pas mon argumentaire par respect pour les personnes qui étaient présentes.
Je suis choquée d’entendre une personne telle que vous, féministe et engagée, dire que nous sommes des femmes modernes et féministes, et donc opposées aux certificats de virginité, mais qu’il existe des jeunes filles, moins modernes ou moins féministes que nous, qu’il ne faudrait pas protéger. §C’est ce que vous avez dit, madame la sénatrice, ou en tout cas ce que j’ai compris de votre intervention ! Ces propos, vous les avez d’ailleurs exprimés dans le passé sur le même sujet. Je serais ravie d’être démentie…
Tout ce que vous venez d’expliquer revient à faire du relativisme. Vous relativisez les droits des femmes ! Vous considérez qu’il y a des droits pour des femmes modernes, non exposées à la question des certificats de virginité, et pas pour d’autres, au nom d’une forme de relativisme culturel, de l’existence d’une tradition qu’il faudrait comprendre : ces femmes ne seraient pas prêtes à entrer dans cette modernité féministeet il ne faudrait pas les protéger de ladite tradition. §C’est exactement ce que vous avez dit !
Par ailleurs, au sujet du Syngof, je tiens à dire que l’on ne peut pas disqualifier des personnes qui émettent un avis en fonction de la position qu’elles ont prise sur d’autres sujets.
Je rappelle que Mme Ghada Hatem, pour laquelle j’ai beaucoup de respect, n’était pas favorable au fait que nous légiférions contre le harcèlement de rue, et elle n’était pas la seule. Et quand j’ai dit que je voulais agir contre les violences gynécologiques et obstétricales, elle a appelé, à la radio, à ma démission. Rien de moins ! C’était il y a trois ans et demi.
Depuis lors, de nombreux collectifs se sont montés pour agir contre les violences gynécologiques et obstétricales. Maintenant que ce sujet est devenu davantage « grand public », Mme Ghada Hatem est revenue sur sa position en disant qu’il fallait effectivement mieux protéger les jeunes femmes. Je souhaite qu’elle change également d’avis sur le certificat de virginité !
Je comprends qu’il puisse exister une volonté de s’opposer, par nature, au Gouvernement lorsqu’on fait de la politique. Mais je crois qu’il faut aussi rassembler les synergies.
Lorsque les associations de terrain, mais aussi l’Organisation mondiale de la santé, que l’on ne peut pas soupçonner de n’être pas en phase avec les droits des femmes, le Syngof et l’Ordre des gynécologues, qui sont deux organisations différentes, et l’Ordre des médecins appellent à légiférer partout dans le monde sur les certificats de virginité, il est opportun de les écouter, à défaut d’écouter les jeunes femmes.
Enfin, je rappelle que la France a une responsabilité dans le monde : lorsqu’elle légifère, d’autres pays la regardent et s’en inspirent.
C’est le cas de la diplomatie féministe portée par notre pays. À l’occasion du Forum Génération Égalité organisé par ONU Femmes et coprésidé par la France et le Mexique, et lors du G7, la France a décidé qu’un conseil consultatif remettrait la liste des meilleures lois, susceptibles d’inspirer d’autres lois partout dans le monde. Plusieurs pays se sont prononcés à cet égard, disant qu’ils considéraient avec beaucoup d’intérêt le travail mené par la France.
Pour ce qui concerne la remise d’un document par le médecin, permettez-moi de vous faire part de mon étonnement. On nous disait hier, au sujet du contrat d’engagement républicain, que celui-ci ne changerait rien. Et, en l’occurrence, ce document-ci aurait une grande importance ?
À mon humble avis, une telle mesure ne relève pas de la loi. Il est évidemment salutaire qu’un médecin remette un tel document ; voilà pourquoi nous élaborons avec la Fédération nationale GAMS, que nous avons missionnée à cette fin, un guide que ces professionnels pourront donner aux jeunes femmes. Mais détailler dans la loi ce qui doit être expliqué lors de la consultation, par le médecin à sa patiente, ce n’est pas forcément opérant.
Je ne vous apprendrai rien, madame la sénatrice, en vous disant que la discussion, l’échange et la consultation sont plus efficaces que la simple remise d’un document, laquelle peut donner le sentiment que l’on se dédouane, sans aborder les sujets.