Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cet article est intéressant. Il illustre selon moi une formule assez célèbre d’Albert Camus, qui disait : « Nous ne pouvons plus choisir nos problèmes. Ils nous choisissent l’un après l’autre. Acceptons d’être choisis. »
Au cours de la construction de la République, le choix a été fait de traiter un certain nombre de problèmes, ou en tout cas de grandes questions : la question sociale au tournant du XIXe siècle, la séparation des Églises et de l’État, etc. La République s’est construite et solidifiée progressivement.
Il y a aussi des problèmes qui nous sautent à la figure, un réel auquel nous sommes confrontés. Je pense notamment à l’apparition aujourd’hui d’un nouvel espace public, l’espace public virtuel.
On vivait en République avec une séparation, que Hannah Arendt avait bien établie, en s’appuyant d’ailleurs sur la philosophie grecque, entre vie privée et vie publique. La grande question était : qu’est-ce qui est public en République ?
Ce qui est public en République, c’est l’espace public. L’espace public est réel, physique, mais il est aussi théorique. C’est ce que l’on appelle l’espace public de la délibération, comme le qualifiait Jürgen Habermas, par exemple.
Aujourd’hui, cet espace public est de plus en plus le lieu d’attaques de haine en ligne. Des personnes sont insultées et attaquées en raison de ce qu’elles disent, de ce qu’elles sont, de leur métier, etc. Cet article doit aussi traiter de cette question.
Ce projet de loi est intéressant en ce qu’il conforte les principes de la République dans un monde qui a changé et où sont apparus des phénomènes qui, par essence, n’étaient pas prévus par la République, telle qu’elle s’est construite initialement. Nous aurons évidemment des débats sur ces sujets.
Il est important de fixer un certain nombre de frontières et de principes, mais aussi de rappeler que nous devons faire face à un imprévu : redéfinir l’espace public dans une République au XXIe siècle.