La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.
La séance est reprise.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Bernard Hugo, qui fut sénateur des Yvelines de 1977 à 1986.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République.
Madame la présidente, je demande la réserve, après l’article 55, de l’article 31, ainsi que des amendements portant articles additionnels après les articles 30 et 31.
La réserve est ordonnée.
Chapitre IV
Dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne
Après l’article 223-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 223 -1 -1. – Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« Lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou titulaire d’un mandat électif public ou d’un journaliste détenteur de la carte de presse, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
« Lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne mineure, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
« Lorsque les faits sont reprochés à une personne mentionnée à l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le régime de responsabilité et les garanties procédurales prévues par ladite loi lui sont applicables. »
Nous abordons de nouveau dans cet hémicycle une discussion sur la liberté de la presse.
Sincèrement, je ne pensais pas, après avoir eu à plaider pour cette liberté au cours des quinquennats de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, qu’elle serait aussi malmenée durant ce quinquennat ! Combien de journalistes ont été empêchés de travailler, voire malmenés dans l’exercice de leur métier et dans la loi ?
L’article 18 du présent projet de loi traite à peu près des mêmes sujets que l’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, sans que le Gouvernement nous ait clairement expliqué le lien entre ces deux articles. Ce ne sont pas les mêmes et ils ne recouvrent pas exactement les mêmes périmètres, mais ils ont un périmètre commun.
Avec cette inflation législative, vous remettez en cause la liberté de la presse, contre l’avis de tous ceux qui la font vivre, qu’ils soient éditeurs ou journalistes.
Le spectre des atteintes visé est très large : toutes les atteintes à la personne ou aux biens sont désormais couvertes par la nouvelle incrimination, dont la portée est considérablement accrue. Une clarification est nécessaire sur l’impossibilité d’utiliser cette qualification pour la liberté d’information et d’expression.
Je pense notamment au fait de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d’images qui ont pour but d’informer le public. Il est nécessaire d’exclure la presse explicitement du champ de cet article. Nous avons déposé un amendement à cette fin.
De nombreux syndicats nous ont fait part de leur inquiétude concernant certains articles, qui pourraient poser de véritables problèmes tant pour les journalistes que pour les lanceurs d’alerte. Faire croire que c’est la liberté de la presse qui pose problème en ce qui concerne la montée du séparatisme est une erreur.
La loi est un outil pour lutter contre le séparatisme, mais c’est grâce à la liberté de la presse à la française que nous vaincrons tous ceux qui veulent remettre en cause la démocratie.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cet article est intéressant. Il illustre selon moi une formule assez célèbre d’Albert Camus, qui disait : « Nous ne pouvons plus choisir nos problèmes. Ils nous choisissent l’un après l’autre. Acceptons d’être choisis. »
Au cours de la construction de la République, le choix a été fait de traiter un certain nombre de problèmes, ou en tout cas de grandes questions : la question sociale au tournant du XIXe siècle, la séparation des Églises et de l’État, etc. La République s’est construite et solidifiée progressivement.
Il y a aussi des problèmes qui nous sautent à la figure, un réel auquel nous sommes confrontés. Je pense notamment à l’apparition aujourd’hui d’un nouvel espace public, l’espace public virtuel.
On vivait en République avec une séparation, que Hannah Arendt avait bien établie, en s’appuyant d’ailleurs sur la philosophie grecque, entre vie privée et vie publique. La grande question était : qu’est-ce qui est public en République ?
Ce qui est public en République, c’est l’espace public. L’espace public est réel, physique, mais il est aussi théorique. C’est ce que l’on appelle l’espace public de la délibération, comme le qualifiait Jürgen Habermas, par exemple.
Aujourd’hui, cet espace public est de plus en plus le lieu d’attaques de haine en ligne. Des personnes sont insultées et attaquées en raison de ce qu’elles disent, de ce qu’elles sont, de leur métier, etc. Cet article doit aussi traiter de cette question.
Ce projet de loi est intéressant en ce qu’il conforte les principes de la République dans un monde qui a changé et où sont apparus des phénomènes qui, par essence, n’étaient pas prévus par la République, telle qu’elle s’est construite initialement. Nous aurons évidemment des débats sur ces sujets.
Il est important de fixer un certain nombre de frontières et de principes, mais aussi de rappeler que nous devons faire face à un imprévu : redéfinir l’espace public dans une République au XXIe siècle.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 316 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 555 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 316.
À peine sorties par la porte, les voilà revenues par la fenêtre : les dispositions de l’article 24 de la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés, autrement connue sous le nom de proposition de loi relative à la sécurité globale, font leur grand retour.
L’article 18 du présent projet de loi, réécrit de manière partielle par la commission des lois du Sénat, crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion ou la transmission d’informations sur internet, assorti de deux circonstances aggravantes : si la victime est dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou si la victime est mineure.
Cet article élargit considérablement le champ d’application de l’article 24, en visant « l’exposition à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens ». Toutes les atteintes à la personne seraient donc visées par cette nouvelle incrimination, sans qu’il soit nécessaire de prouver le caractère volontaire ou non de cette atteinte.
Cette rédaction imprécise et les nouvelles peines extrêmement sévères qui sont prévues sont contraires tant au principe de la légalité des délits et des peines, selon les dispositions de l’article 111-3 du code pénal, qu’au principe de la liberté d’expression, consacrée aux articles X et XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 555 rectifié.
Monsieur le garde des sceaux, tout acte de haine est répréhensible, y compris en ligne ; nous sommes tous et toutes d’accord sur ce point. Toutefois, le droit aujourd’hui nous permet déjà de condamner de tels actes. C’est la réalité.
Vous le savez – je parle sous le contrôle de M. Ouzoulias –, depuis l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, dite « loi Avia », nous débattons de ces questions : nous ne voulons pas que les Gafam – Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft – aient le pouvoir sur nous. Nous considérons que, dans la République française, c’est le juge qui doit condamner.
Cela dit, monsieur le garde des sceaux, l’article 18 du présent projet de loi ressemble comme deux gouttes d’eau à l’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Vous connaissez la position de notre groupe sur cet article, donc sur l’article 18 sur la diffusion des images. La question qui est posée est la suivante : qui aura le droit, ou pas, de diffuser des images ?
Nous considérons que la liberté de la presse peut être attaquée, autant par l’article 24 que par cet article 18. Et ce n’est pas possible pour nous.
C’est pourquoi nous exigeons, comme le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires, la suppression de cet article attentatoire à la liberté de la presse, telle que nous la concevons, telle que la conçoivent également les lanceurs d’alerte ; il faudrait d’ailleurs aujourd’hui légiférer plutôt pour sécuriser ces derniers.
Monsieur le garde des sceaux, nous nous sommes battus contre l’article 24 et nous avons été battus. Aussi, nous vous interrogeons sur l’article 18.
Tout le monde a raison de le dire, nous assistons à une inflation législative. Alors que le Sénat s’est efforcé il y a quinze jours de réécrire l’article 24, sur lequel pour notre part nous sommes en désaccord, l’article 18 aggrave les choses et en quelque sorte réécrit l’article 24, qui a déjà été réécrit entre deux lectures… Plus personne n’y comprend rien !
Nous, nous voulons avoir la garantie que les images qui seront filmées par des journalistes pourront continuer à être diffusées. Il y va de la liberté de la presse, qui est pour nous constitutionnelle.
Monsieur le garde des sceaux, nous attendons votre réponse à notre interrogation.
Cet article permet selon nous de réprimer la diffusion de données destinées à nuire aux personnes, quelles qu’elles soient. Sa rédaction suffisamment précise a, de plus, été complétée en commission pour ne pas attenter à la liberté de la presse.
Nous souhaitons débattre de cet article. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Madame la présidente, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai deux mots sur cet article 18, et d’abord sur sa genèse, si vous le voulez bien.
Après l’assassinat du professeur Samuel Paty, nous nous sommes demandé si nous aurions pu judiciariser plus tôt et comment. Il est toujours difficile de réécrire l’histoire, mais nous nous sommes demandé : qu’est-ce qui aurait permis d’éviter cela, au regard des données factuelles que nous avions et de la législation ? Si je vous réponds : « rien », c’est désespérant, mais c’est la réalité. C’est la raison pour laquelle nous avons conçu l’article 18, et non pas sans concertation, comme cela a été dit.
Vous vous faites le chantre de la liberté des journalistes, comme si nous en étions les destructeurs ! Vous parlez des syndicats – je les ai reçus.
Vous, je ne sais pas, mais moi, c’est sûr. J’ai reçu également les avocats spécialisés dans le droit de la presse, les syndicats et les patrons de presse.
Je tiens à vous rassurer, si tant est bien sûr que vous ayez envie de l’être.
En effet, si vous faites de l’opposition systématique, c’est autre chose. Vous resterez alors avec vos certitudes.
Pour ma part, j’entends vous parler de choses factuelles et de choses qui sont de l’ordre de la légalité. Si vous souhaitez vous placer sur un autre terrain, notamment sur un terrain idéologique, vous en avez naturellement le droit, et je n’entends pas vous contraindre.
Si l’article 18 avait existé, on aurait pu intervenir plus tôt. Ce travail a été fait en coopération avec le parquet national antiterroriste et naturellement avec les services de la Chancellerie. Cet article, je le revendique !
En effet, il y a toute une période, dans le cheminement devant conduire à l’assassinat du professeur Paty, qui fut une sorte de bulle mortifère, dans laquelle, que vous le vouliez ou non, nous ne pouvions pas intervenir, car nous n’avions pas les textes pour cela. Nous les aurons désormais.
Par ailleurs, je n’ai pas le goût, comme vous sans doute, de l’effort inutile. Si vous ne faites pas la différence entre l’article 24, que vous avez réécrit, et l’article 18, c’est à désespérer de tout !
Je ne veux pas perdre mon temps. Il suffit de lire les deux textes pour se rendre compte qu’ils n’ont rien à voir. Alors, on entretient la confusion, là aussi peut-être à des fins politiques. Vous le savez, l’article 24, avant qu’il ne soit réécrit par le Sénat, a beaucoup fait descendre dans la rue. Vous souhaitez entretenir cette confusion. Libre à vous, mais je le répète, il suffit de faire le simple effort de lire les deux articles pour constater à quel point ils sont différents.
Vous avez fait une grande déclaration solennelle, monsieur le sénateur Assouline. Vous nous avez dit que vous aviez défendu la liberté de la presse, sous Chirac, sous Sarkozy, etc., et que vous étiez aujourd’hui au regret de constater que… Mais faites-vous la différence entre la liberté d’informer et l’intention de nuire ? Celle-ci vient d’être faite il y a quelques jours par la Cour de cassation, dans un arrêt que nous avons tous étudié attentivement.
Naturellement, un journaliste qui s’exprime, il informe ; un haineux, il n’informe de rien, il fait du mal. Faites la différence et vous comprendrez pourquoi je suis défavorable à ces amendements identiques.
Je vois que vous entamez ce débat de façon très calme et sereine, monsieur le garde des sceaux…
M. le garde des sceaux n’aime pas les idéologues !
Sachez toutefois que nous défendrons la liberté de la presse et la liberté d’informer contre votre pseudo-pragmatisme, qui se cache derrière un drame nous ayant tous bouleversés, moi particulièrement, en tant qu’ancien professeur d’histoire-géographie et d’éducation civique.
Si l’on examine les faits, on voit que la plateforme Pharos a été alertée bien en amont, cela a été raconté, mais qu’aucune suite n’a été donnée. Combien de magistrats le ministère de la justice compte-t-il pour pénaliser la haine en ligne et suivre les plaintes qui sont déposées et toutes les attaques informatiques qui ont lieu dans notre pays ? Pharos n’a pas assez de moyens, même si, aujourd’hui, cela va mieux.
Ne nous faites donc pas de procès d’intention. Oui, cet article a ému l’ensemble de la presse, car le délit d’intentionnalité sera très difficile à caractériser pour les juges.
Nous vous demandons une chose : pour être pragmatique, excluez explicitement la presse du champ de l’article 18, …
… comme tend à le proposer un amendement que nous examinerons ultérieurement. Si vous êtes pour, il n’y aura pas de problème ; si vous êtes contre, c’est qu’il y a une difficulté.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Le problème, dont je souhaiterais que nous puissions débattre tranquillement, c’est qu’il y a deux articles.
Ne faisons de procès d’intention à personne.
M. le garde des sceaux manifeste son agacement.
Monsieur le garde des sceaux, comme je l’avais d’ailleurs souligné en commission, la coexistence de l’article 24 de la loi Sécurité globale, utilement réécrit par la commission des lois et par la commission mixte paritaire, et du présent article 18 est problématique. Comment ces deux incriminations pourront-elles cohabiter sans s’anéantir, pour que les parquets puissent qualifier valablement ?
Se pose ensuite la question des personnes concernées. La rapporteure de la commission des lois a fort heureusement introduit un alinéa évoquant des dispositions de la loi sur la presse, tout en prévoyant seulement le respect des procédures, ce qui soulève la question du champ de compétence des articles.
Si je me souviens bien de mes cours de droit pénal, monsieur le garde des sceaux, la loi spéciale prime la loi générale. Nous n’avons donc pas de souci à nous faire concernant les poursuites éventuelles contre des journalistes qui, relevant de la loi de 1881, ne se verraient pas appliquer cet article. Si mon interprétation est erronée, monsieur le garde des sceaux, il est urgent de me le dire, car mon inquiétude est grande.
Je pense donc qu’il faudrait ne garder qu’un seul article sur les deux. Le droit pénal en serait plus clair et, surtout, plus efficace.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le garde des sceaux, il importe de séparer le dogme de l’idéologie. Selon moi, l’idéologie met des idées en système, ce qui assure la cohérence de la pensée et n’interdit nullement sa progression.
M. Julien Bargeton s ’ exclame.
Ce qui a manqué à la procédure, dans le martyre de Samuel Paty, je l’ai dit à plusieurs reprises, c’est le déclenchement systématique de la protection fonctionnelle.
Lorsqu’il a été convoqué pour la première fois au commissariat de police, il était seul. Et il n’est pas normal qu’un fonctionnaire se retrouve ainsi seul confronté aux personnes qui l’accusent. Nous n’ambitionnons pas de refaire l’histoire, mais, dans des affaires similaires, il faudrait absolument que le fonctionnaire se trouve dès le départ aidé par une protection fonctionnelle.
Sans l’article 40 de la Constitution, qui me l’interdit, j’aurais prévu dans ce texte une protection fonctionnelle de droit pour tout fonctionnaire attaqué dans l’exercice de ses fonctions. Cela permettrait d’enclencher beaucoup plus efficacement la riposte des services de l’État.
Monsieur le garde des sceaux, nous voulons dialoguer, et je n’ai pas compris votre réaction. Concernant Samuel Paty, nous sommes tous attristés et cherchons tous des solutions pour que jamais un tel drame ne se reproduise.
Notre groupe a déposé plusieurs amendements pour anticiper et renforcer la protection fonctionnelle. Ils ont été refusés, mais nous avons porté ces questions. Vous connaissez notre attachement aux services publics, dont nous avons souhaité renforcer les moyens, notamment ceux des services de renseignements, pour que les informations puissent remonter plus rapidement.
Monsieur le garde des sceaux, sans vouloir créer la confusion ou être dogmatiques, nous avons du mal à faire la distinction entre l’article 24 de la loi Sécurité globale et cet article 18, notamment sur la question de la liberté de la presse.
Je vais jusqu’au bout de mon raisonnement, monsieur le garde des sceaux, et vous pourrez évidemment me répondre.
La loi de 1881 consacre la liberté de la presse, mais aussi sa responsabilité, on a tendance à l’oublier. Nous sommes passés d’un système de cautionnement à un système de contrôle a posteriori : quiconque s’estime diffamé peut attaquer la presse.
Depuis le début de ce quinquennat, un certain nombre de dispositions, de prises de position, d’actes, de lois, notamment celles qui renforçaient le secret des affaires, viennent contrecarrer la liberté de la presse.
Laissez-moi aller au bout de mon raisonnement ! On met à mal le droit d’alerte des journalistes et la liberté de la presse de nous informer.
Après le secret des affaires, viennent ces articles 24 et 18. Nous craignons l’autocensure préalable des rédactions, conduisant à ne pas diffuser telle ou telle image.
M. le garde des sceaux lève les bras au ciel.
Toutefois, nous entamons un dialogue avec vous, monsieur le garde des sceaux : si vous nous rassurez sur ces questions, …
… nous maintiendrons notre amendement, puis chacun prendra ses responsabilités.
Pour répondre sur la presse, nous avons corrigé le texte en commission pour nous assurer, conformément aux propos de Mme de La Gontrie dont la mémoire est juste, que les journalistes seront effectivement protégés.
Par ailleurs, nous aurions pu en effet nous interroger sur le télescopage des articles 24 et 18 : ils étaient initialement assez proches, mais tel n’est plus le cas depuis l’adoption de la rédaction de l’article 24 élaborée par le Sénat.
L’article 18 pénalise la diffusion, la révélation et la transmission de données identifiantes ou permettant la localisation d’une personne, quelle qu’elle soit, avec un quantum de peines renforcé lorsque ces faits visent une certaine catégorie de personnes.
La rédaction initiale de l’article 24 visait effectivement un cas particulier de ce cas général, en ayant pour objet la diffusion d’images ou de données identifiantes.
Toutefois, la rédaction du Sénat, adoptée en commission mixte paritaire, ne fait plus de l’article 24 un cas particulier de l’article 18. En effet, elle crée une infraction dont le libellé montre qu’elle est sans lien avec la diffusion de données. La provocation à l’identification peut s’opérer sans diffusion de données.
Les deux infractions ne visent donc plus la même chose : soit il y a provocation à l’identification pour les catégories de personnes visées par l’article 24, à savoir les policiers, les gendarmes et les douaniers en opération, et celui-ci s’applique, qu’il y ait ou non diffusion de données identifiantes ; soit, toujours dans le cas restreint des personnes visées à l’article 24, il y a diffusion de données identifiantes sans provocation, et l’article 18 s’applique.
La question pourrait éventuellement se poser dans les cas où il n’y a pas de provocation explicite. Dans les exemples donnés par le ministre de l’intérieur et le directeur général de la police nationale, il s’agit de la diffusion de photos sur un site sans autre mention.
La provocation implicite n’existe pas, c’est la raison pour laquelle la deuxième partie de l’article 24, dans la rédaction du Sénat issue de la commission mixte paritaire, réprime la constitution de fichiers destinée à nuire.
Quand quelqu’un cherchera à nuire aux forces de l’ordre par l’identification des agents en opération, s’il appelle à les identifier ou s’il constitue des fichiers, il tombera sous le coup de l’article 24 ; s’il diffuse leurs identités, adresses ou localisations sans rien dire de plus, mais si le juge parvient à prouver l’intention de nuire, alors il tombera sous le coup de l’article 18.
Pour conclure, compte tenu du concours idéal de qualification, le juge choisira la qualification la mieux ciblée pour atteindre son objectif.
Je voudrais tout d’abord dire à quel point il était important, madame la rapporteure, que vous rappeliez les textes.
Monsieur Assouline, je ne dis pas que vous n’avez pas ressenti de l’émotion à l’assassinat de Samuel Paty ; ce serait insupportable, car je n’en ai pas le monopole. Je l’évoque seulement pour vous dire - je n’ai dit que cela, entendez-le - que nous sommes partis des faits en nous demandant comment nous aurions pu intervenir plus tôt, ce qui est une question légitime.
Vous évoquez les choses qui auraient pu, qui auraient dû, qui n’ont pas été faites selon vous, …
… mais elles ne relèvent pas de mon périmètre, accordez-le moi.
Nous avons examiné, avec des professionnels, avec les services concernés, comment nous aurions pu intervenir plus tôt pour éviter ce drame, sachant, hélas, dans cette matière comme dans d’autres, que l’on ne peut pas réécrire l’histoire. Voilà, c’est ainsi qu’est né l’article 18.
De la même façon, entendez, monsieur le sénateur, que je sois blessé à l’idée que vous considériez que la liberté de la presse est votre monopole.
M. David Assouline s ’ exclame.
Vous avez commencé fort, vous aussi, avec une tonalité sans doute différente de la mienne, mais il s’agit peut-être simplement d’une question de tessiture de voix… Vous avez évoqué vos combats sous Chirac, sous Sarkozy et pendant ce quinquennat
M. David Assouline rit.
Mme de La Gontrie dit : « Oh ». Que le compte rendu des débats le note, car c’est très important… Toujours aimable !
Soit, partons de ces a priori : je suis un affreux liberticide et vous êtes la lumière de cet hémicycle !
Mais, de la même façon que je n’ai pas dénié vos émotions s’agissant de Samuel Paty, je ne puis entendre que je serais devenu d’un seul coup le grand liberticide, le grand méchant loup !
J’ai dit au contraire, mais vous ne l’avez pas entendu, que j’avais justement pris toutes les précautions pour être au plus près des journalistes, de leurs représentants, des avocats et des patrons de presse.
L’article 20 en est d’ailleurs la démonstration, mais vous ne voulez pas l’entendre. Vous souhaitez au détour de ce débat vous présenter comme des chevaliers blancs protégeant la presse contre un méchant ministre voulant la museler. Il faut être sérieux, à un moment donné !
L’article 18 ne concerne en rien les journalistes. Il vise les gens qui propagent la haine et qui ne sont justement pas journalistes.
L’article 20 montre à l’évidence que les journalistes ont été mis de côté. Nous avons justement exploré le code de procédure pénale pour ne pas toucher à la loi de 1881. Aussi, de grâce, soyons sérieux ! Lisez l’article 18 et l’article 24 : vous verrez facilement comment ils s’articulent ; ils sont tellement différents, c’est une évidence.
Je le dis pour la dernière fois, même si je n’entends pas vous convaincre, car vous n’avez pas envie d’être convaincus : vous souhaitez faire à l’article 18 le même bruit qu’autour de l’article 24, avant que celui-ci ne soit réécrit. C’est votre responsabilité, assumez-la !
Je vous le dis très clairement, vous n’avez pas le monopole de la sauvegarde de la liberté de la presse dans ce pays : j’y suis, ne vous en déplaise, et souffrez de l’entendre, particulièrement attentif !
Madame de La Gontrie, monsieur Gay, je ne puis vous donner la parole sur les amendements, puisque vous êtes déjà intervenus pour explication de vote. Par ailleurs, je vous rappelle que les faits personnels interviennent à la fin de la séance.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Je souhaite évoquer la tenue de nos débats.
Nous travaillons de manière austère et très impliquée depuis plusieurs jours et plusieurs nuits. Je souhaiterais, indépendamment de l’animosité que le garde des sceaux peut ressentir à l’égard de tel ou tel, …
… afin de ne pas en faire un fait personnel, qu’il soit possible, en tant que parlementaire, d’intervenir ici sans que soient utilisés des qualificatifs grossiers ou insultants.
Voilà, vous en faites une parfaite démonstration !
Le président de mon groupe, ici présent, le rappellera peut-être tout à l’heure, mais je ne puis, en tant que parlementaire, à chaque séance, parce que vous êtes au banc du Gouvernement, parce que je ne suis pas forcément d’accord avec vous, faire l’objet de propos grossiers.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Je veux rappeler au Gouvernement comme aux sénateurs présents dans l’hémicycle qu’il n’est pas de bon usage pour nos débats d’interrompre les orateurs. Chacun dispose d’un temps de parole de deux minutes et demie et chacun doit écouter les autres calmement. Le Gouvernement peut intervenir à tout moment.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a des caricatures qui ne sont pas conformes à la réalité.
Depuis plusieurs semaines, Mme Marie-Pierre de La Gontrie met l’accent sur les problèmes de compatibilité entre l’article 24 de la précédente loi et l’article 18 du présent texte. C’est un débat de fond.
À cet égard, monsieur le garde des sceaux, je voulais vous dire - très calmement, vous le voyez - que notre groupe a beaucoup réfléchi sur cet article 18.
La vie privée des journalistes mis en cause est une vraie question.
Vous aurez sans doute observé, monsieur le garde des sceaux, que notre groupe n’a pas proposé de supprimer l’article 18. Nous avons simplement déposé un amendement de précision, sur lequel nous reviendrons tout à l’heure, auquel nous attachons une extrême importance, parce qu’il vise justement à interpréter l’alinéa précédent dans un sens qui préserve la liberté de la presse.
C’est pourquoi je crois qu’il n’y a pas lieu d’avoir des débats outranciers ; il y a lieu simplement d’examiner les textes, ainsi que notre position, qui n’est en rien caricaturale.
Sans vouloir allonger les débats, je voudrais tout de même revenir sur deux points.
La commission des lois et le Sénat, tenant compte des difficultés rencontrées, ont élaboré une nouvelle rédaction de l’article 24 du projet de loi Sécurité globale, confirmée par les députés et les sénateurs en commission mixte paritaire. Elle offre l’avantage parfait de sortir de la discussion le texte de 1881, répondant ainsi clairement à la problématique des journalistes évoquée précédemment.
Mme la rapporteure Dominique Vérien a excellemment démontré la compatibilité entre l’article 18 du texte que nous examinons et cet article 24. Je n’y reviens pas, car les choses sont parfaitement claires.
En ce qui concerne le cas particulier des journalistes, je vous invite sincèrement à relire l’article 18, en particulier son alinéa 5, qui les exclut clairement des dispositions, en indiquant qu’ils restent, quelle que soit la situation, sous le régime de la loi de 1881.
Sincèrement, il n’y a pas à faire de polémique sur ce point. Les rédactions sont parfaitement rassurantes, pour le monde du journalisme comme pour la compatibilité des deux articles.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 371 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 419 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie, Magner et Sueur, Mme Lepage, M. Leconte, Mmes S. Robert et Harribey, MM. Féraud, Kanner, Kerrouche, Durain, Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette disposition n’a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d’images qui ont pour but d’informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu’elles permettent d’identifier ou de localiser. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Cet amendement vise à compléter l’amélioration incontestable apportée par la commission en mentionnant la loi de 1881. Il tend à préciser un peu mieux le champ d’application, en indiquant que cette disposition ne peut avoir pour objet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, d’images, etc., ayant pour objectif d’informer le public.
Nous le savons, car cela s’est déjà produit et cela a fait la une de l’actualité, ces révélations ne sont pas nécessairement le fait de journalistes. La loi de 1881 protège, au-delà des journalistes, la liberté d’expression. Il n’empêche que, si nous ne voulons pas réprimer la révélation d’un certain nombre de faits, nous devons le préciser.
Cet alinéa complète donc la rédaction, tout à fait bienvenue, de la commission des lois.
À trop exclure, nous rendons le principe inefficace. Nous préférons nous limiter à la rédaction de la commission des lois.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’exigence que l’auteur de la révélation poursuive une intention de nuire afin de caractériser le délit de mise en danger vise à exclure de fait les révélations qui seraient faites dans un but légitime.
J’émets donc également un avis défavorable.
Monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, je suis déçu par le laconisme de vos réponses. Tout, dans notre démarche, a été réfléchi ; rien n’est simpliste.
La protection de la vie privée des personnels de police, de gendarmerie et de sécurité civile, je le répète une nouvelle fois, est assurée par les articles 226-1, 222-33-2, 222-33-2-2, 222-17, 222-7 et 226-8 du code pénal, par les articles 24 et 39 de la loi de 1881 et par la loi Informatique et liberté de 1978. Le sujet est déjà pris en compte, et il doit l’être : la protection due aux personnels de sécurité est indispensable.
Parallèlement, la liberté de la presse doit être intégralement préservée. Nous l’avons dit pour l’article 24, nous le disons pour l’article 18. Nous avons pesé chaque mot de cet amendement, de manière à éviter tout détournement de l’article 18. En effet, nous l’avons observé ensemble, cette nuit : à force de débats, nous sommes parvenus à voter un texte à l’unanimité, et je m’en réjouis.
Je me permets de vous lire, mes chers collègues, l’alinéa que nous vous proposons d’insérer : « Cette disposition n’a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d’images qui ont pour but d’informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu’elles permettent d’identifier ou de localiser. »
Nous avons longuement travaillé à cet alinéa : il est très précis et permet de protéger totalement la liberté de la presse, tout en assurant la nécessaire protection, prévue par les textes que j’ai cités, de la vie privée et la sécurité des personnels assurant notre sécurité.
C’est un travail parlementaire sérieux - je rends hommage à tous ceux qui y ont pris part -, qui perfectionnera le texte déjà amélioré par la commission. Mes chers collègues, l’adoption de cet amendement nous permettrait d’avancer.
Puisqu’il n’y a ici que des défenseurs de la liberté de la presse, je pensais que, face aux inquiétudes exprimées par certains d’entre nous, qui ne sont pas des défenseurs de la liberté de la presse de fraîche date, pour remporter l’adhésion et pour éviter tout procès d’intention, monsieur le garde des sceaux, on nous accorderait cette précision excluant toute ambiguïté.
On nous affirme qu’il n’y a pas de problème, mais les attaques contre la liberté de la presse sont une réalité, au-delà de ce débat ou de l’intentionnalité du Gouvernement ! Il n’y a jamais eu autant de journalistes matraqués, molestés et empêchés de travailler lorsqu’ils couvrent des manifestations dans l’espace public. Pourtant, sous les précédents quinquennats, tout n’a pas toujours été rose ! C’est cela que je voulais dire tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux.
La multiplication de ces agressions témoigne de la volonté d’empêcher, de façon préventive, la prise d’images qui pourraient être diffusées…
Le législateur doit mettre le holà, y compris aux forces de l’ordre, mais aussi aux journalistes, qui n’ont pas à propager la haine, c’est une évidence et c’est puni par la loi. Les journalistes doivent être protégés, parce que l’information professionnelle est la meilleure arme contre la haine, qui circule sur les réseaux sociaux.
Est-ce que j’invente ? En février dernier, Valérie Murat, lanceuse d’alerte ayant montré la présence de pesticides dans vingt-deux vins labellisés « haute valeur environnementale », a été condamnée pour dénigrement à 125 000 euros d’amende et à la suppression de son étude sur son site internet et ses réseaux sociaux.
Voilà, par exemple, comment on peut empêcher ou punir la liberté d’informer, alors que ce texte de loi n’avait pas encore été présenté.
Généralement, le fil du temps court vers l’avenir et non vers le passé… Je suis étonnée de notre débat. En effet, nous avons longuement débattu de la loi Sécurité globale et nous avons élaboré une proposition remarquable qui a éteint tous les feux, y compris la peur justifiée de la presse au sujet de l’article 24.
Le président Buffet vient de le rappeler, la liberté de la presse a été véritablement protégée, si quelqu’un en doutait, par cet article.
Je ne comprends donc pas très bien, mais sans doute des choses m’échappent-elles, pourquoi nous refaisons un débat qui n’a pas lieu d’être, puisque nous l’avons traité. Et apparemment, tout le monde est heureux de ce traitement, puisque l’issue du débat sur la loi Sécurité globale n’a pas suscité d’émotion de la part de la presse ou des partis politiques.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 657, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 de l’article 18.
Marques d ’ ironie sur les travées du groupe SER.
La volonté du Gouvernement de supprimer cet alinéa se fonde sur de vraies raisons de droit. Normalement, au-delà des dogmes ou des idéologies – je ferai désormais le distinguo entre les deux… –, nous devrions tous y être sensibles.
L’alinéa 5 prévoit l’application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour le délit de mise en danger par divulgation d’informations personnelles alors que les faits incriminés ne sont pas commis par voie de presse ; ils peuvent par exemple l’être par messagerie personnelle.
Une telle disposition conduit à appliquer le régime prévu par la loi de 1881, alors que le délit n’est pas commis par des journalistes ou assimilés. Le maintien de cet alinéa rendrait impossible le placement des auteurs de telles infractions sous le coup d’une mesure coercitive, privant ainsi le dispositif répressif de son efficacité.
Si l’intention est évidemment légitime, le nouveau délit n’a pas pour objet de réprimer la diffusion de propos, sons ou images ayant pour objet d’informer le public – c’est le travail des journalistes –, quand bien même ces informations seraient utilisées par des tiers dans le but de nuire.
L’équilibre du dispositif répressif au regard de la liberté d’expression et de la communication réside dans l’existence d’un élément intentionnel spécifique permettant de réserver l’application du délit aux seules personnes ayant intention de nuire.
Madame la rapporteure, les dispositions de votre amendement, dont je comprends le sens, soulèvent des difficultés en droit. Vous souhaitez que soient applicables « les garanties procédurales prévues par la loi du 29 juillet 1881 ». Mais lesquelles ? Ce n’est pas très clair.
Au regard des règles de droit, trois raisons interdisent à cet amendement de prospérer.
Premièrement, quel sera le délai de prescription de l’action publique ? Trois mois ? Un an ? Ce n’est pas précisé. C’est une vraie difficulté. Or nous sommes en train de créer un délit. Quelles sont les pénalités ?
Deuxièmement, la poursuite du délit est-elle conditionnée par une plainte préalable de la victime alors que cette garantie n’est prévue que pour certains délits de presse ? Oui ? Non ? Pas de réponse.
Troisièmement, la détention provisoire, qui est possible alors que la loi de 1881 ne la prévoit que pour certains délits, sera-t-elle ou non applicable ? Nous n’en savons rien.
Quand on parle des garanties procédurales de la loi de 1881, il faut préciser lesquelles ! Je comprends parfaitement le sens de l’amendement de la commission, qui vise à renforcer les protections. Mais je dis qu’il n’est pas possible d’instituer un délit en ignorant comment il serait sanctionné. En l’occurrence, la difficulté en droit est triple.
À ceux qui ricanent quand je dis qu’il faut supprimer l’alinéa 5, je répète que l’on ne peut pas créer un délit avec une prescription aléatoire, une peine aléatoire et une manière d’introduire l’action publique aléatoire. Moi, cela ne me fait pas ricaner.
Je suis donc défavorable à l’amendement de la commission, même si, encore une fois, j’en comprends parfaitement le sens.
L’amendement n° 664, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque les faits reprochés résultent du contenu d’un message placé sous le contrôle d’un directeur de la publication en application de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ou de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le régime de responsabilité et les garanties procédurales prévues par la loi du 29 juillet 1881 sont applicables. »
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 657.
Monsieur le garde des sceaux, si votre critique concerne la première version de l’alinéa 5, c’est-à-dire celle qui figure dans le texte issu des travaux de la commission, vous avez raison.
Cet alinéa avait en effet un périmètre trop large, englobant tous les auteurs de telles infractions, et non les seuls journalistes, ce qui rendait le dispositif quelque peu inopérant. Nous avons donc voulu circonscrire ce périmètre. Et, pour être certains de ne pas faire d’erreur et de bien viser les bonnes personnes, nous avons repris la rédaction que vous aviez vous-même proposée à l’article 20.
Vous nous dites que c’est incomplet ? Je trouve regrettable de ne le découvrir qu’aujourd’hui. Nous aurions probablement ajouté avec plaisir des alinéas supplémentaires.
Je vous propose donc de maintenir cette sécurité – c’est une bonne manière de signifier aux journalistes qu’ils ne sont pas visés par cet article et qu’ils bénéficieront des règles procédurales de la loi de 1881 –, quitte à discuter en commission mixte paritaire des peines applicables.
La commission est donc évidemment défavorable à l’amendement n° 657.
Madame la rapporteure, je suis partiellement d’accord avec vous.
En ce qui concerne les personnes qui sont visées, vous avez raison. Vous reprenez les termes que nous avons retenus à l’article 20. D’ailleurs, la rédaction de cet article a été compliquée : le journaliste, ce n’est pas seulement celui qui a une carte de presse ; certains n’en ont pas. Nous avons donc choisi la responsabilité en cascade, après une très large consultation des journalistes et de leurs représentants.
Néanmoins, la question n’est pas celle des personnes visées ; elle est celle des garanties procédurales qui s’appliquent.
L’article 20 ne crée pas un délit. Sans modifier la loi de 1881 – les journalistes ne le souhaitaient pas, c’est une loi totémique pour eux –, il introduit dans le code de procédure pénale la possibilité d’extraire les haineux, qui n’ont rien à faire dans la loi de 1881 et qui viennent s’y lover, pour faire en sorte que ceux-ci soient immédiatement jugés.
L’article 20 contient une disposition de procédure pénale. Les personnes susceptibles d’être visées par les dispositions nouvelles ont été répertoriées.
L’article 18 crée un délit. Je suis à 200 % d’accord avec vous sur les personnes visées, d’autant que vous avez repris la rédaction que j’avais proposée pour l’article 20. Certes, il arrive que l’on puisse être en contradiction avec soi-même, mais, en l’occurrence, ce n’est pas le cas.
En revanche, ma préoccupation est de connaître le délai de prescription, les pénalités et les modalités de la mise en action de l’action publique. Mais nous pourrons retravailler sur le sujet ; je n’y suis absolument pas opposé.
Dans ces conditions, j’émets un avis de sagesse sur cet amendement.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Le débat permet d’avancer.
L’amendement de suppression proposé par le Gouvernement était un mauvais signe. Et si les améliorations apportées par la commission des lois restent insuffisantes à nos yeux, elles sont une réponse, a fortiori avec la nouvelle rédaction. M. le garde des sceaux a indiqué que tout cela serait très flou. Or la loi pénale ne doit effectivement pas se permettre d’être floue.
Si la loi du 29 juillet 1881 est d’une complexité sans nom, elle est tout de même précise. Je ne crois donc pas que la prescription ou la nature du délit soit un problème. Pour ma part, j’ai fait un peu droit de la presse ; j’ai arrêté dès que j’ai pu, car c’est un nid à nullités de procédure, à difficultés, à mauvaises incriminations…
J’ai entendu les propos de Mme la rapporteure. Le travail va se poursuivre. Je ne suis pas persuadée que le garde des sceaux ait des raisons de s’inquiéter.
La rédaction du texte s’améliore. Elle ne nous satisfait pas encore, mais elle est sur le bon chemin.
Monsieur le garde des sceaux, comme j’ai un peu de mal à suivre, j’aurais besoin d’une clarification, notamment pour le vote à venir.
Nous l’avons bien compris, l’intérêt général est qu’il y ait une certaine maturation et un travail en commission mixte paritaire pour aboutir à un texte susceptible de convenir à tout le monde.
Dans ces conditions, monsieur le garde des sceaux, retirez-vous votre amendement ? Nous pourrions prendre l’amendement de la commission comme point de départ, quitte à retravailler le dispositif en commission mixte paritaire. Tout le monde y gagnerait, me semble-t-il, au moins en sérénité.
Monsieur Karoutchi, je n’ai sans doute pas été clair, ce qui m’arrive assez souvent.
Vous connaissez l’article 18 et vous savez, vous, que l’on ne peut le confondre avec le fameux article 24 d’un autre texte.
Dans la rédaction initiale, j’avais indiqué que l’intention de nuire étant un élément fort du texte, les journalistes n’étaient pas concernés. Mais, par souci de précaution, votre commission a ajouté une protection supplémentaire : s’agissant des personnes visées alors, elle a redéfini qui devait rester sous l’empire de la loi de 1881. Ce faisant, elle a repris la rédaction retenue par le Gouvernement à l’article 20.
Nous savons donc maintenant qui pourra bénéficier des dispositions de la loi de 1881 : non pas les haineux, mais les journalistes, qui ont un statut et sont concernés par la responsabilité en cascade.
Une fois que l’on a dit que le régime de 1881 s’appliquait, il faut définir comment les faits sont prescrits, comment ils sont punis et comment l’action publique se met en œuvre.
Ces trois questions ne sont pas encore tranchées. Il faut que l’on y travaille. Quand on adopte des dispositions pénales, il est extrêmement important de préciser la prescription et les pénalités. C’est le travail que nous devons faire en commun.
Cela dit, si cela peut faciliter les choses, je retire naturellement mon amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 136 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel, Roux, Corbisez et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne en situation de handicap ou dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
La diffusion d’informations d’ordre professionnel, privé, voire intime, peut mettre les personnes en danger dans leur intégrité physique et psychique.
Les personnes souffrant d’un handicap moteur ou mental, ou vulnérables du fait de leur âge, qui sont plus atteignables que toutes les autres, doivent faire l’objet de davantage de protections, car la diffusion d’informations les concernant peut être plus lourde de conséquences.
Par conséquent, cet amendement vise à mettre en place de véritables circonstances aggravantes.
Nous comprenons le souhait de protéger particulièrement les personnes handicapées. Mais, en l’occurrence, les personnes sont visées par rapport à leur mission et à leur rôle, et non à leur statut. Une telle mesure n’apporterait donc ni clarté ni protection supplémentaire.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être excellemment exposées par Mme la rapporteure.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Nous nous apprêtons à voter cet amendement, car la réponse de Mme la rapporteure ne nous semble pas adaptée.
L’article prévoit deux circonstances aggravantes. L’une concerne – vous avez raison – la qualité des victimes potentielles, par exemple les personnes dépositaires de l’autorité publique. Mais l’alinéa précédent concerne l’infraction en général.
L’amendement vise à prévoir une circonstance aggravante lorsque l’infraction est commise au préjudice d’une personne en situation de handicap. Cela ne se superposerait pas à la circonstance aggravante actuellement prévue. Je pense que notre collègue a raison.
Nous voterons donc cet amendement, dont les dispositions nous semblent compléter utilement l’infraction ainsi créée.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
Certes, mes chers collègues, c’est la troisième fois que j’interviens sur cet article, mais il y a une logique à cela.
Nous avons indiqué que notre souci était de parvenir à la meilleure rédaction possible et, surtout, d’empêcher toute remise en cause de la liberté de la presse.
Nous avions demandé l’ajout d’une seule précision : la disposition inscrite au premier alinéa de l’article ne peut avoir pour objet ni pour effet de réprimer la diffusion d’informations visant à éclairer le public, quand bien même celles-ci pourraient être retransmises dans le but de nuire à la personne assurant la sécurité. Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes opposé à ce que cette précision, très importante pour nous, figurât dans le texte.
Pour nous, sur cet article 18, comme sur l’article 24 du projet de loi que nous avons examiné précédemment, il y a une ligne rouge : on ne peut pas porter atteinte à la liberté de la presse, dès lors, bien entendu, que les personnes assurant notre sécurité sont protégées.
Aussi, nous ne pourrons voter cet article.
L ’ article 18 est adopté.
L’amendement n° 137 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier, Cabanel, Roux, Guiol, Corbisez et Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 131-10 est complété par les mots : « soit, lorsque la condamnation a pour fondement l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par tout moyen de communication audiovisuelle » ;
2° Le cinquième alinéa de l’article 131-35 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par un ou plusieurs services de communication audiovisuelle » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « ou les services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : «, les services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les services de communication audiovisuelle ».
La parole est à M. Stéphane Artano.
On a souvent dit que les médias, à l’instar de la télévision, étaient le quatrième pouvoir et que leur diffusion d’informations pouvait ajouter de la culpabilité aux personnes condamnées dans la conscience du public.
Nous proposons ici de donner davantage de visibilité et de connaissance au public, téléspectateurs et auditeurs, quant aux condamnations de personnalités pour crimes ou délits. En fait, cela donne aux juges le pouvoir de prononcer ce qui s’apparente à une peine complémentaire. Nous voulons instituer une véritable peine de diffusion à la télévision de ces condamnations.
En commission, nous nous sommes effectivement dit que, au nom de la neutralité technologique, ce qui se pratique dans la presse et les services électroniques devrait aussi se pratiquer dans l’audiovisuel. J’avoue donc m’être interrogée.
Nous avons donc creusé un peu plus le sujet. Si un journal peut rendre publique une information dans le numéro suivant, on ne voit pas bien la forme qu’une telle mesure pourrait prendre dans l’audiovisuel… Je pense qu’il faut a minima en discuter avec les différents médias audiovisuels. En outre, à mon avis, cela orienterait plus facilement le juge.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. Mais, à titre personnel, je pense que le sujet devra être retravaillé : il me semble normal que tous les médias puissent être concernés par ce genre de prescription.
Les articles 131-10 et 131-35 du code pénal prévoient déjà les modalités de diffusion et d’affichage des condamnations pénales par la presse écrite ou sur internet. Cela m’apparaît largement suffisant.
Au demeurant, on voit mal où la diffusion s’effectuerait dans l’audiovisuel. Il y aurait deux cents diffusions dans la journée sur une chaîne d’informations en continu contre une seule sur une chaîne du service public ! Nous ne maîtrisons rien en la matière.
Nous avons, je le crois, tout ce qui est nécessaire dans notre arsenal législatif. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je partage ce qui vient d’être indiqué.
Toutefois, comme j’ai souvent eu l’occasion de le souligner dans ce type de débats, il faudrait également songer à la communication des non-lieux, relaxes ou autres.
Les condamnations sont annoncées à tire-larigot, et la présomption d’innocence est allégrement violée. Mais quand il y a un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, cela n’intéresse plus personne.
Je puis en parler en connaissance de cause, ayant été traînée dans la boue pour avoir assassiné mon mari, ce qui, vous en conviendrez, n’était tout de même pas grand-chose… §On peut toujours en rire maintenant, mais, sur le moment, ce n’était pas très facile à vivre !
Le jour où il n’y a plus rien d’un point de vue judiciaire, il reste seulement de la boue sur les réseaux sociaux et dans les poubelles de Twitter. Les journalistes, qui font leurs choux gras des enquêtes pendant des semaines ou des mois, ne donnent rien, pas même une demi-ligne, aux personnes relaxées ou acquittées.
Aujourd’hui, la présomption d’innocence n’existe plus. Des gens sont traînés dans la boue pendant des semaines, et il est ensuite absolument impossible de recouvrer la moindre sérénité de la part des médias.
Je veux bien que l’on diffuse les condamnations, mais il me semble plus important de rendre publiques les non-condamnations de personnes dont on a violé la présomption d’innocence. D’ailleurs, reconnaissons-le, pour reprendre une expression chère à un ancien rapporteur général du budget, la présomption d’innocence aujourd’hui, c’est un pipeau péruvien !
Sourires.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Nous considérons que les auteurs de cet amendement soulèvent un véritable problème, mais que la réponse proposée n’est pas adaptée.
Pour autant, est-il satisfaisant de se limiter en la matière à la presse écrite ? Bien sûr que non ! Mais ce sont plutôt les règles relatives au droit de réponse qu’il faut faire évoluer.
J’encourage donc la Chancellerie ou d’autres services à y travailler. Nous savons bien que la situation n’est pas satisfaisante. C’est très bien qu’il y ait parfois des encarts dans la presse écrite, mais, aujourd’hui, les gens sont sur internet ou devant leur télévision. Et de telles condamnations n’y apparaissent jamais.
Si les services de la Chancellerie font preuve de créativité, nous pourrons peut-être trouver une solution.
Madame la sénatrice de La Gontrie, vous êtes cordialement invitée à la Chancellerie. Franchissez-en donc la porte, venez me parler de cette difficulté : vous verrez que nous pourrons travailler ensemble.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 200 rectifié ter est présenté par Mme Doineau, MM. Mizzon et Bonneau, Mmes Saint-Pé, Billon et Férat, MM. P. Martin, Hingray, Chauvet, Cigolotti et Duffourg, Mme Jacquemet, M. Canevet, Mme Dindar, MM. Détraigne, J.-M. Arnaud, S. Demilly, Levi et Le Nay, Mme Morin-Desailly, MM. Delahaye, Kern et Moga et Mme Herzog.
L’amendement n° 423 rectifié est présenté par MM. Sueur et Assouline, Mmes de La Gontrie, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, M. Leconte, Mmes S. Robert et Harribey, MM. Féraud, Kanner, Kerrouche, Durain, Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 226-10 du code pénal, les mots : « ou de non-lieu » sont remplacés par les mots : «, de non-lieu ou de classement sans suite ».
L’amendement n° 200 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 423 rectifié.
Les auteurs de cet amendement proposent qu’un fait classé sans suite ne puisse être dénoncé sans être qualifié de faux.
Or, nous le savons, le classement sans suite ne signifie pas nécessairement la fausseté d’un fait ; il peut être lié à la prescription de l’action publique, notamment.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le classement sans suite peut être décidé par le procureur alors que l’infraction est commise, par exemple après un rappel à la loi. Je comprends les intentions des auteurs de l’amendement, mais, en droit, le dispositif proposé n’est pas pertinent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, monsieur Sueur, je pense que vous avez été bien reçu quand vous êtes venu à la Chancellerie. N’est-ce pas ?
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les invitations, comme les faits personnels, c’est à la fin de la séance !
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Notre groupe votera cet amendement ; je salue l’efficacité de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui l’a présenté de manière extrêmement rapide.
Le problème tient à la complexité du mécanisme de la dénonciation calomnieuse. Pour pouvoir porter plainte en dénonciation calomnieuse, il faut que les faits reprochés aient eux-mêmes fait l’objet d’une procédure arrivée à son terme et ayant donné lieu à une relaxe ou à un acquittement. Mais quid lorsque des faits allégués sont classés sans suite ? Il n’y a pas de base juridique.
Le classement sans suite n’est pas une décision judiciaire ; c’est une décision d’administration – mais le garde des sceaux me corrigera le cas échéant.
Il nous semble intéressant que la personne bénéficiant d’un classement sans suite puisse avancer sur la dénonciation calomnieuse. Certaines juridictions le permettent en tordant un peu le droit, il faut bien le dire, mais pas toutes. Certains d’entre vous se sont peut-être trouvés dans cette situation.
Nous avons donc souhaité adjoindre la situation du non-lieu ou du classement sans suite dans le texte, pour permettre aux personnes de se défendre dans tous les cas de figure.
Je le précise, la prescription de l’action publique, qui débouche sur un classement sans suite, n’implique pas forcément que les faits n’ont pas été commis.
Dans mon département, un violeur n’a pu être condamné pour cause de prescription. Pour autant, il doit rester un violeur et ne pas être innocenté aussi facilement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Non modifié)
Après l’article 2-24 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-25 ainsi rédigé :
« Art. 2 -25. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre les violences, les injures, les diffamations, le harcèlement moral, les discours de haine ou la divulgation d’information dont sont victimes les agents chargés d’une mission de service public peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne et les agressions et autres atteintes, enlèvements et séquestrations réprimés par les articles 221-1 à 221-5-5, 222-1 à 222-18-3, 222-22 à 222-33-1, 223-1-1 et 224-1 à 224-5-2 du code pénal, si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou, si cette dernière est un majeur sous tutelle, de son représentant légal. » –
Adopté.
(Non modifié)
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° L’article 24 est ainsi modifié :
a) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés aux septième et huitième alinéas du présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
b) Au neuvième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « septième et huitième alinéas » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article 24 bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés au présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
3° L’article 33 est ainsi modifié :
a) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas du présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
b) Au cinquième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « troisième et quatrième alinéas » ;
4° À l’article 69, les mots : « n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée » sont remplacés par les mots : « n° … du … confortant le respect des principes de la République ». –
Adopté.
Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au 8 du I de l’article 6, les mots : « au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, » sont remplacés par les références : « aux 1 ou 2 » ;
2° Après l’article 6-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, sont insérés des articles 6-3 et 6-4 ainsi rédigés :
« Art. 6 -3. –
Supprimé
« Art. 6 -4. – Lorsqu’une décision judiciaire exécutoire a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions prévues au 7 du I de l’article 6, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, peut demander aux personnes mentionnées aux 1 ou 2 du même I, et pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par cette décision judiciaire, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne dont le contenu relève des mêmes infractions et est identique ou équivalent à tout ou partie du contenu du service mentionné par ladite décision. Est considéré comme équivalent un contenu qui demeure en substance inchangé par rapport à celui ayant fait l’objet de la décision judiciaire mentionnée au présent alinéa et dont les différences de formulation par rapport à ce dernier n’impliquent aucune appréciation autonome.
« Dans les mêmes conditions et pour la même durée, l’autorité administrative peut également demander à tout exploitant d’un service reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès aux services de communication au public en ligne mentionnés au premier alinéa.
« L’autorité administrative tient à jour une liste des services de communication au public en ligne mentionnés au premier alinéa du présent article qui ont fait l’objet d’une demande de blocage d’accès en application du même premier alinéa, ainsi que des adresses électroniques donnant accès à ces services, et met cette liste à la disposition des annonceurs, de leurs mandataires et des services mentionnés au 2° du II de l’article 299 du code général des impôts. Ces services sont inscrits sur cette liste pour la durée restant à courir des mesures ordonnées par l’autorité judiciaire. Les annonceurs, leurs mandataires et les services mentionnés au même 2° du II de l’article 299 du code général des impôts en relation commerciale, notamment pour y pratiquer des insertions publicitaires, avec les services de communication au public en ligne mentionnés sur cette liste sont tenus de rendre publique au minimum une fois par an sur leurs sites internet l’existence de ces relations et de les mentionner au rapport annuel s’ils sont tenus d’en adopter un.
« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement desdits services en application du présent article, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services.
« Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts identifiables et spécifiques résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la présente loi au titre du présent article.
« Un décret précise les modalités selon lesquelles, s’il est identifiable, l’éditeur du service auquel l’accès est empêché en application du premier alinéa, qui fait l’objet d’une mesure de déréférencement en application du deuxième alinéa, ou qui est inscrit sur la liste établie en application du troisième alinéa, en est informé par l’autorité administrative et mis à même de présenter ses observations. »
Il faut lutter contre les sites miroirs reprenant des contenus jugés illégaux par l’autorité judiciaire, gardienne des libertés fondamentales, afin de prévenir plus efficacement la réapparition de tels contenus.
Il est nécessaire de mettre en place une procédure pour assurer l’effectivité d’une décision de justice constatant l’illicéité d’un site internet et ordonnant son blocage ou son déréférencement, en permettant d’ordonner judiciairement le blocage de sites dédiés à la diffusion de contenus illicites.
Nous pouvons d’ailleurs saluer le rétablissement de la place du juge dans le dispositif prévu à cet effet, à la suite du vote du texte par l’Assemblée nationale.
Toutefois, un véritable problème demeure. Le constat de la similitude entre les contenus du site et du site miroir est laissé à la libre appréciation de l’autorité administrative. De plus, le critère proposé par l’article – avoir un contenu « identique ou équivalent » – manque tout de même de précision.
Ne reposant pas sur le caractère manifeste de la similitude, les décisions pourraient être prises arbitrairement, voire conduire à des atteintes disproportionnées à la liberté d’expression. L’absence du critère du caractère manifeste avait déjà été soulignée comme un problème lors l’examen de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia » ; nous nous en souvenons ici. Un tel critère n’a pas non plus été pris en compte dans cette loi.
Comme le recommande la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, dans un avis, pour respecter l’exigence de prévisibilité de la loi pénale, il conviendrait que les critères à retenir pour apprécier le caractère équivalent soient explicités par la loi et renvoyés à la compétence de l’autorité judiciaire pour en préciser le contenu.
La majorité sénatoriale n’a pas pris ce parti en commission. Nous ne pouvons que le déplorer et essayer de poursuivre la discussion en séance.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 244 rectifié est présenté par M. Mizzon, Mmes Thomas et Belrhiti, MM. Duffourg, Masson, Canevet, Delahaye, P. Martin, Kern, Cuypers, J.-M. Arnaud et Moga, Mme Herzog, MM. Bouchet et Le Nay et Mme Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 570 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour présenter l’amendement n° 244 rectifié.
Tel qu’il est formulé, l’article 19 est purement déclaratif, puisqu’il ne prévoit aucune sanction si les hébergeurs ou les fournisseurs d’accès à internet (FAI) refusent la demande des autorités.
Cet article, qui se contente de rappeler des dispositions déjà existantes, sans rendre obligatoire aucune mesure, risque d’être totalement inefficace dans la lutte contre la propagation de contenus haineux sur internet.
Notre demande de suppression de cet article s’explique donc par l’inefficience de celui-ci.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 570 rectifié bis.
Nous revivons le débat du projet de loi Avia – il s’agissait formellement d’une proposition de loi, mais elle était en réalité déposée à l’instigation du Gouvernement.
Comme vous le savez, mes chers collègues, ce texte a été très largement censuré par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement essaye aujourd’hui d’en sauver un certain nombre de dispositions, alors qu’il aurait fallu réfléchir à la cohérence d’ensemble du dispositif, dans un contexte où, pour une fois, l’Europe s’est saisie du dossier pour envisager une réforme complète de la législation sur le sujet. Ce que vous proposez risque donc malheureusement d’être complètement dépassé par les discussions en cours.
S’agissant du point précis sur lequel porte cet article, j’avais utilisé les dispositions de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information sur les fausses nouvelles en période électorale pour déférer un tweet de M. le ministre de l’intérieur devant le juge des référés, démontrant par l’absurde, malgré ma condamnation, l’inapplicabilité du dispositif.
Twitter France avait témoigné devant le tribunal, en estimant que, en aucun cas, il ne pourrait être poursuivi devant la justice européenne. La maison mère, Twitter Irlande, n’avait pas souhaité être associée au procès. C’est bien la preuve que, faute de pouvoir obliger les portails à communiquer des éléments à la justice, nous sommes malheureusement tout à fait démunis.
Nous devons engager une réflexion plus générale sur le statut d’hébergeur. Ces réseaux sociaux en sont-ils vraiment ? N’interviennent-ils pas également dans le travail éditorial ?
La commission est globalement opposée à ces amendements identiques visant à supprimer l’article 19.
En effet, il nous semble nécessaire de lutter contre les sites miroirs. Le projet de loi permet désormais à l’administration de demander aux intermédiaires techniques, fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs de bloquer l’accès à ces sites, de les déréférencer des moteurs de recherche et de les inscrire sur une liste noire à destination des annonceurs publicitaires.
Lorsque la justice demande le blocage d’un site malveillant, son contenu est immédiatement dupliqué sur un site miroir. Il est nécessaire aujourd’hui d’engager une nouvelle procédure pour obtenir la fermeture du nouveau site, alors même qu’il s’agit des mêmes contenus.
Même si elle aurait préféré une vraie discussion à la réintégration de toute la proposition de loi par voie d’amendement, la commission est donc favorable à cet article 19, qui vise à instaurer une procédure administrative pour pouvoir fermer plus rapidement ces sites miroirs.
Le Digital Services Act, ou DSA, risquant toutefois de ne pas être adopté avant longtemps, la commission a préféré conserver les articles 19 et 19 bis, car il est urgent d’agir, le but étant de transposer par avance les dispositions du DSA en imprimant la marque de la France.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
De façon générale, et pour répondre aux orateurs qui viennent de s’exprimer, notre intervention dans ce texte par voie d’amendement s’explique par des éléments de temporalité que je souhaite rappeler.
Le texte européen a été présenté le 15 décembre 2020, alors même que le projet de loi a été présenté le 8 ou le 9 décembre 2020. La France avait annoncé d’emblée qu’elle déclinerait les principes du texte européen sur la supervision des réseaux sociaux dans son droit national. Mais, par définition, il n’était pas possible de le faire avant la présentation de celui-ci.
Dès que nous avons eu le texte européen, le temps de l’analyser et de le retranscrire en droit français, nous avons déposé un amendement en séance à l’Assemblée nationale. Nous aurions préféré un autre calendrier, mais nous n’avions pas la main sur le processus européen.
Deux sujets doivent, selon moi, être traités aujourd’hui s’agissant du contrôle des contenus haineux.
Votre intervention sur les obligations de supervision renvoie plutôt à l’article 19 bis, me semble-t-il, monsieur Ouzoulias. Je veux en revanche répondre à Mme Bonfanti-Dossat sur la prétendue inutilité de l’article 19. Nous avions déjà eu l’occasion de débattre de ce point lors de l’examen de la proposition de loi sur les contenus haineux.
Un certain nombre de sites illégaux font l’objet d’un blocage par la justice française. Le processus est toujours le même : il faut plusieurs mois à la justice pour bloquer le site – nous avons tous en tête des exemples de sites aux contenus extrêmes –, mais il ne faut que vingt-quatre heures au contenu du site pour revenir en ligne de manière quasiment identique sous une autre extension.
Il y a donc une forme d’inefficacité ou en tout cas d’inadaptation de nos processus judiciaires pour des sites dont les contenus sont identiques ou quasi identiques.
Lors de la discussion de la proposition de loi Avia, le Gouvernement avait proposé que l’autorité judiciaire, à la suite d’une décision de justice, puisse demander aux hébergeurs et aux FAI de bloquer des sites similaires ou identiques aux sites bloqués par la justice. Certains avaient toutefois fait remarquer qu’une telle demande devait impérativement relever d’une décision judiciaire.
Nous considérons donc aujourd’hui que le juge peut déléguer à l’autorité administrative la capacité de bloquer des sites identiques à ceux qu’elle a décidé de bloquer, pour ne pas avoir à reprendre tout le mécanisme judiciaire, et avec évidemment un droit d’appel de la part des sites bloqués ou des FAI.
Je ne crois pas que l’absence de sanctions rende l’article inopérant, pour une raison simple : le Gouvernement français n’a pas aujourd’hui d’exemple de FAI ou d’hébergeurs ayant refusé d’appliquer des décisions de justice ou de l’autorité administrative. Ceux-ci le font systématiquement. La seule chose qu’ils demandent, c’est d’avoir une décision formelle, ce que l’on comprend très bien.
Nous proposons précisément de formaliser cette procédure, une avancée qui me semble absolument indispensable pour bloquer, dans le respect de la loi, un certain nombre de contenus que personne ici ne souhaite voir prospérer sur internet.
Je suis donc évidemment défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 244 rectifié et 570 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 639, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au 8 du I de l’article 6, les mots : « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 » sont remplacés par les mots : « Le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire, à toute personne susceptible d’y contribuer ;
II. – Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
aux personnes mentionnées aux 1 ou 2 du I du même I
par les mots :
à toute personne susceptible d’y contribuer
III. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner
par les mots :
le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire
La parole est à M. le secrétaire d’État.
En l’état, la procédure de blocage des sites prévue à l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, tout comme celle des sites miroirs, prévue à l’article 19 du présent projet de loi, est trop restreinte, donc insuffisamment efficace.
Pour bloquer les sites miroirs, nous visons aujourd’hui les FAI et les hébergeurs.
Sans entrer dans le détail des considérations techniques, il suffit de modifier un certain nombre de dispositions dans votre navigateur pour rendre totalement inefficace le blocage des sites miroirs par les fournisseurs d’accès et les hébergeurs, quelles que soient les mesures légales en vigueur.
Un amendement insuffisamment finalisé a été présenté à l’Assemblée nationale par le député Éric Bothorel. Le Gouvernement en avait confirmé la nécessité, tout en appelant à le retravailler au plan légistique pour le stabiliser juridiquement.
Nous faisons en sorte aujourd’hui que la justice puisse enjoindre à toutes les personnes impliquées dans la procédure technique de bloquer les sites, de façon que la décision judiciaire soit réellement efficace.
Si nous nous contentons de viser les FAI et les hébergeurs, il sera très simple de contourner le blocage, et les décisions de la justice ne serviront à rien.
Le sous-amendement n° 680, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 639
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Alinéa 9
Remplacer les mots :
aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la présente loi au titre
par les mots :
au premier alinéa
La parole est à Mme la rapporteure.
Il s’agit d’un sous-amendement de coordination avec la position de la commission.
Nous serions favorables à l’amendement du Gouvernement, à condition que l’on prenne en compte les surcoûts pour les fournisseurs d’accès comme Orange ou SFR, qui ne tirent pas de bénéfices de ces sites. Le Conseil d’État croit cette précision inutile, mais le Conseil constitutionnel a l’opinion inverse.
Un hébergeur ou un réseau social gagne de l’argent en fonction des contenus qu’il publie, y compris s’il s’agit de contenus haineux.
La demande de blocage d’un site nécessitera un travail pour le fournisseur d’accès, alors même que le site n’aura produit pour lui aucune ressource et qu’il n’a nullement la possibilité d’influer sur son contenu.
L’amendement n° 638, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Cette disposition revient finalement à émettre un avis défavorable sur le sous-amendement de la commission…
Madame la rapporteure, vous demandez que les surcoûts liés au blocage des sites par les FAI ou les autres intermédiaires techniques soient pris en charge par l’État.
Selon une jurisprudence du Conseil constitutionnel, dès lors que les surcoûts sont importants, ils doivent être pris en charge par l’État. Mais le Conseil d’État a indiqué que si les surcoûts étaient négligeables, ils pouvaient être laissés à la charge des FAI, des hébergeurs ou des autres intermédiaires techniques.
Le Gouvernement considère que le blocage d’un site ne représente pas un surcoût rédhibitoire ou dirimant pour l’ensemble des intermédiaires techniques, FAI et hébergeurs. Il ne nous semble donc pas justifié que l’État prenne ces frais à sa charge.
C’est pourquoi nous avons présenté cet amendement de suppression.
La commission est favorable à l’amendement n° 639, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 680.
Elle est, en revanche, logiquement défavorable à l’amendement n° 638.
Par voie de conséquence, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 680, madame la présidente.
Je profite de ce débat pour tenter d’obtenir une réponse à la question que j’ai posée en filigrane au garde des sceaux.
Si l’on se garde de toute idéologie, comme M. Dupond-Moretti le souhaitait tout à l’heure, de quels moyens l’État dispose-t-il réellement pour lutter contre la haine en ligne, notamment pour repérer ou traiter les signalements dont la croissance – 200 000 l’an dernier, beaucoup plus l’an prochain – est exponentielle ?
Trente et une personnes travaillent pour Pharos, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements ; six magistrats sont chargés de traiter l’ensemble des atteintes à la loi sur le net.
Je sais que les moyens ont augmenté. Il n’y avait, par exemple, que quatre magistrats spécialisés voilà peu ; on en compte donc désormais deux de plus. Toutefois, sommes-nous réellement outillés pour combattre la haine en ligne ? L’inflation législative n’est-elle pas un palliatif au manque de moyens effectifs pour repérer, traiter judiciairement et sanctionner ?
Le garde des sceaux ne m’a pas répondu sur ce point. Peut-être le ferez-vous, monsieur le secrétaire d’État.
Le Gouvernement et Mme Avia utilisent ce projet de loi sur le séparatisme pour réintroduire une proposition de loi largement censurée par le Conseil constitutionnel. Ce n’est pas le bon véhicule !
La censure des publications en ligne nécessite un travail de fond et une loi spécifique.
Madame Benbassa, une étude attentive de la décision du Conseil constitutionnel montre que seul l’article 1er de la loi Avia a été censuré sur le fond, pour non-respect du principe de proportionnalité.
Les articles 2 à 4 relatifs aux obligations de moyens, qui étaient les plus proches des dispositions figurant dans le texte que nous examinons aujourd’hui, ont pour leur part été censurés par voie de conséquence. Ils n’ont donc jamais été jugés au fond.
Un fait nouveau est par ailleurs intervenu entre-temps : la présentation des textes européens. On peut certes discuter de la pertinence de prétransposer un règlement européen – je suis disposé à en débattre avec vous –, mais, juridiquement comme politiquement, il me semble quelque peu rapide de soutenir que nous réintroduisons par la fenêtre le contenu de la loi Avia.
Monsieur Assouline, je ne pourrai pas apporter immédiatement des réponses précises à toutes vos questions, mais je souhaite vous livrer deux éléments.
Premièrement, le parquet numérique n’est pas seul compétent sur ces sujets. L’ensemble des parquets et des tribunaux français peuvent se saisir d’un certain nombre d’éléments, et il est donc faux de réduire à la section du parquet de Nanterre spécialisée sur le sujet le nombre de magistrats qui se consacrent à ces questions.
La plupart des jugements qui ont été rendus dernièrement, y compris après l’assassinat de Samuel Paty, ne l’ont d’ailleurs pas été par le tribunal de Nanterre. Nous pouvons certes avoir un débat plus large sur le nombre de magistrats, mais il dépasse le seul sujet du numérique.
Deuxièmement, s’agissant de Pharos, honnêtement, nous ne résoudrons pas le problème par une simple augmentation des effectifs.
L’irruption des réseaux sociaux et d’internet pose des questions principielles de conception et d’application du droit. Doit-on traduire en justice toutes les personnes qui contreviennent à la loi sur internet ? Nous ne pourrions pas le faire même si nous avions 2 500 magistrats affectés uniquement à cette tâche !
Si vous insultez ou menacez une fois quelqu’un dans la rue, le plus souvent, il ne se passe rien. En revanche, si vous insistez un peu trop, vous finissez devant la justice. On peut tous s’en réjouir, d’une certaine manière : le temps fait son affaire, et les paroles s’envolent.
En revanche, sur internet, la contravention à la loi reste en ligne, et elle est potentiellement accessible au monde entier. Elle peut être consultée par trois personnes en un an comme être subitement vue par 100 000 personnes, si elle est exhumée par quelqu’un qui compte beaucoup de followers.
Aussi, la gravité d’une insulte ou d’une atteinte à la loi dépend-elle du fait lui-même ou de sa visibilité et de sa propagation ? La deuxième réponse est plutôt la norme dans l’univers d’internet, mais cela pose un problème essentiel au regard de notre conception du droit.
Accepte-t-on collectivement de ne pas pouvoir tout régler ? Là encore, c’est un sujet extrêmement problématique.
Les magistrats ne sont pas encore assez nombreux, probablement. Monsieur le sénateur, nous appartenions tous les deux à la même majorité il y a quelques années, et nous n’avons sans doute pas fait assez. Ce gouvernement a agi, mais peut-être pas encore assez, et il faudra probablement encore augmenter leur nombre dans les années à venir.
Toutefois, nous ne réglerons pas ainsi le problème principiel de savoir ce qu’est le droit à l’heure des réseaux sociaux et d’internet. Les démocraties doivent mettre à jour leur cadre conceptuel, juridique, éthique et philosophique en fonction d’un outil qui, au fond, n’en est pas seulement un. Le Gouvernement doit prolonger sa réflexion sur ce point.
Je comprends parfaitement votre analyse, monsieur le secrétaire d’État, notamment sur la décision du Conseil constitutionnel. En effet, ces articles sont tombés à la suite de la censure de l’article 1er de la loi Avia et n’ont pas été jugés en tant que tels.
Sur le fond, je partage également votre analyse : nous ne pourrons pas tout régler par le droit.
En revanche, nous défendons ici au Sénat l’idée qu’il est possible de changer le modèle économique d’internet, notamment des Gafam, modèle qui repose sur l’économie de l’attention. Plus un sujet attire l’attention, notamment par la violence, l’exagération ou la diffamation, plus le débit est élevé, ce qui favorise, par le biais des algorithmes, l’attention des personnes connectées au réseau.
À plusieurs reprises dans cet hémicycle – je pense notamment aux propositions de la présidente Sophie Primas –, nous avions suggéré de mettre en place un autre système économique, fondé sur l’interopérabilité, qui consiste à défendre, au sein d’internet, des lieux où d’autres règles seraient favorisées, pour permettre aux usagers de distinguer les bonnes applications des mauvaises.
Je ne développe pas davantage, car c’est un sujet technique, mais cette piste me semble très intéressante, et je regrette que nous discutions de ces amendements au détour d’une loi qui ne concerne pas directement notre matière.
Si nous ne nous attaquons pas aussi au modèle économique, nous n’y arriverons pas !
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 638 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 609, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
reprenant le contenu du service visé par ladite décision en totalité ou de manière substantielle.
La parole est à M. Julien Bargeton.
Cet amendement de compromis vise à trouver une solution intermédiaire entre les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat sur la notion de site miroir.
Nous partageons l’objectif des rapporteures, à savoir ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté de communication.
L’Assemblée nationale avait doublement étendu la notion de site miroir, en mentionnant les contenus équivalant à tout ou partie du contenu du service visé par une précédente décision de justice, et non plus seulement les contenus reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service visé par la décision de justice.
La commission des lois du Sénat a souhaité, utilement, circonscrire le champ d’application de cette disposition.
Cependant, en prévoyant que l’autorité administrative ne peut apprécier de manière autonome le contenu des sites en question, il nous semble qu’elle est peut-être allée un peu trop loin et que la rédaction adoptée restreindrait de façon excessive la portée et l’efficacité du dispositif sur les sites miroirs.
Notre proposition se place donc dans une position intermédiaire entre la rédaction qui nous est arrivée de l’Assemblée nationale et celle qui a été adoptée par notre commission.
La commission se range aux arguments de M. Bargeton et émet un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 19 est adopté.
L’amendement n° 179 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « y compris les crimes de génocide ».
La parole est à Mme Sabine Drexler.
Cet amendement de ma collègue Valérie Boyer vise à étendre les dispositions de la lutte contre la haine en ligne, en ajoutant à l’apologie des crimes contre l’humanité la négation et la banalisation des crimes de génocide.
Cette disposition imposerait notamment aux plateformes de lutter contre la diffusion de contenus niant le génocide arménien en ligne, dont la pénalisation reste inconstitutionnelle à ce jour.
En 1990, le législateur a fait du négationnisme un délit de presse. En adoptant la loi Gayssot, il interdisait de contester publiquement un ou plusieurs crimes contre l’humanité « tels que définis par le statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 ».
Conçue à l’origine comme une limite à la liberté d’expression, cette réponse pénale au mal irrationnel qu’est l’antisémitisme s’est cherchée pendant vingt-cinq ans, au gré des combats et inquiétudes de toutes parts. D’un côté, les rescapés de la Shoah qui, après avoir vécu l’invivable, devaient encore entendre, comble du vice, que leur calvaire n’avait jamais eu lieu. De l’autre, les historiens et chercheurs – ceux de bonne foi – qui s’inquiétaient d’être traînés en correctionnelle pour avoir exercé leur métier.
Le 29 mai 1998, l’Assemblée nationale adoptait le principe, selon lequel « la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Ce principe devenait officiellement une loi de la République avec la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. En reconnaissant l’existence du premier génocide du XXe siècle, la République française redonnait symboliquement au génocide arménien une place dans la mémoire collective de l’humanité.
Toutefois, si cette reconnaissance a pu être considérée comme un achèvement pour certains, nous devons désormais aller plus loin, pour éviter toute concurrence des mémoires et toute inégalité de traitement entre les victimes et leurs descendants.
La République se doit en effet de protéger l’ensemble de ses ressortissants. Nombre de descendants du génocide arménien ont trouvé refuge en France et sont Français. Face au négationnisme, y compris d’État, dont ceux-ci sont victimes, on doit s’en remettre non pas à l’arbitraire communautaire, mais bien à la justice de la République, pour garantir leur protection.
C’est pourquoi il faut rechercher les outils juridiques les plus adaptés permettant de donner toute sa portée à la reconnaissance du génocide arménien et, plus largement, de réprimer la négation de l’ensemble des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, dans le strict respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles.
D’une façon générale, la commission a refusé d’étendre la définition des contenus haineux et d’ajouter telle ou telle cause, ce que chacun pourrait faire. Nous nous en sommes donc tenus au texte initial.
Je rappelle, en outre, que la pénalisation de la négation des génocides, en l’occurrence du génocide arménien, a déjà été rejetée deux fois par le Conseil constitutionnel – jamais deux sans trois, certes, mais ce n’est peut-être pas la peine d’essayer…
Enfin, je note que l’article 19 bis A du projet de loi prévoit déjà d’inclure le négationnisme.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de nous en tenir à la rédaction actuelle et j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 420 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Monier et de La Gontrie, MM. Assouline, Marie et Magner, Mme Harribey, MM. Leconte et Féraud, Mme Lepage, M. Sueur, Mme S. Robert, MM. Kerrouche, Kanner, Durain, Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Après le mot : « humaine », sont insérés les mots : « et au libre choix des personnes à disposer de leur corps » ;
2° La dernière phrase est complétée par les mots : « ainsi qu’à l’article L. 2223-2 du code de la santé publique ».
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
L’article 19 de ce projet de loi entend renforcer l’arsenal législatif contre la haine en ligne et les contenus haineux.
À cet égard, il convient d’apporter la plus grande attention aux atteintes aux valeurs de la République que représentent les tentatives d’entrave numérique à l’interruption volontaire de grossesse.
Nous visons spécifiquement les sites soupçonnés de pratiquer une désinformation sur l’avortement, sous couvert d’une approche neutre. Les conseils et informations dispensés aboutissent à ce que des femmes en recherche d’informations reçoivent des présentations biaisées, qui peuvent conduire à reporter ou mettre en doute leur souhait d’avorter. Les conséquences humaines pour la santé de la femme sont trop graves pour laisser faire.
En 2017, la majorité précédente avait décidé d’instaurer un délit d’entrave numérique contre les sites dispensant ces informations, mais, dans la pratique, les associations de défense des droits des femmes nous alertent sur la persistance des entraves à l’IVG permises par les brèches de l’édifice législatif et l’interprétation restrictive qu’en fait le Conseil constitutionnel.
Ainsi, aucun site de ce type n’a pu être condamné depuis la création de ce délit d’entrave numérique.
C’est un sujet sur lequel il conviendra peut-être de revenir par un autre véhicule législatif. En attendant, il nous semble opportun de réaffirmer, dans le cadre de cet article, la nécessité de garantir le libre choix des personnes à disposer de leur corps et de viser l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, afin que les nouvelles dispositions de l’article 19 soient applicables aux contenus entrant dans le cadre du délit d’entrave numérique à l’IVG.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 250 rectifié sexies, présenté par MM. Malhuret, Chasseing, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, Mme Mélot, M. Decool, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Gold, Mme Vermeillet, MM. Kern, Fialaire, de Belenet, Cigolotti et Mizzon, Mme V. Boyer, MM. Bonne, Milon et Laugier, Mme Loisier, MM. Lévrier, Longuet, Mandelli et Burgoa, Mme C. Fournier, M. Charon, Mmes Drexler et Richer, M. Savin, Mme Puissat, M. Louault, Mme L. Darcos, MM. Brisson, Genet et Delahaye, Mme Saint-Pé, M. Klinger, Mmes Havet et Duranton, M. Buis, Mme Guidez, MM. Laménie, Saury et Yung, Mme Férat, M. Moga, Mme Di Folco, M. Bouchet, Mme Schillinger, M. Lefèvre, Mmes Demas et Billon, MM. Rojouan, Vogel, Levi, Chauvet et Meurant, Mme Herzog, MM. Rohfritsch et Longeot, Mme Doineau, MM. Verzelen, Menonville et Médevielle, Mme Guillotin, MM. Requier et de Nicolaÿ, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme, P. Martin et Houpert, Mme Schalck, M. J.M. Arnaud, Mme Perrot, M. Capus, Mme Jacquemet et MM. Husson et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. Les personnes mentionnées au 2 du présent I sont civilement et pénalement responsables des informations qu’elles stockent pour mise à disposition du public, dès lors qu’elles effectuent sur ces informations un traitement par algorithme, modélisation ou tout autre procédé informatique, afin de classer, ordonner, promouvoir, recommander, amplifier ou modifier de manière similaire la diffusion ou l’affichage de ces informations, à moins qu’il ne soit chronologique, alphabétique, aléatoire ou fondé sur la quantité ou la qualité des évaluations attribuées par les utilisateurs. »
La parole est à M. Claude Malhuret.
Mes chers collègues, les réseaux sociaux sont devenus dangereux ; ils injurient, ils humilient, ils blessent, et parfois pire. Ils commencent à miner la démocratie.
À plusieurs reprises, le législateur, ici même, à l’Assemblée nationale, au Parlement européen ou au Congrès américain, a tenté d’y mettre un peu d’ordre. Pour l’heure, nous avons en grande partie échoué. La dernière fois que nous avons essayé, c’était à l’occasion de l’examen de la proposition de loi Avia, quand nous nous sommes divisés sur le sujet de la liberté d’expression.
De toute façon, les lois de même nature, y compris la loi allemande, beaucoup plus stricte, ne règlent pas le problème, puisqu’elles portent sur la modération a posteriori et qu’aucun juge ne pourra jamais intervenir efficacement sur les millions de messages postés quotidiens sur les réseaux sociaux – c’est exactement ce que vous avez dit il y a un instant, monsieur le secrétaire d’État.
La raison de notre impuissance, c’est que nous avons cédé à l’argumentaire des plateformes numériques et de leurs milliers de lobbyistes, expliquant qu’ils étaient de simples hébergeurs des messages émis par leurs abonnés et non, comme la presse, des éditeurs responsables des contenus.
Ce raisonnement les exonère de la responsabilité des contenus illicites, mais c’est évidemment une fiction : en effet, ces plateformes ne se contentent pas d’héberger des contenus.
Leur business model est même à l’opposé, puisqu’il aboutit, par l’intermédiaire des algorithmes, à sélectionner les contenus les plus discutables, les plus polémiques, les plus violents – ce sont ceux qui génèrent le plus d’émotion, donc le plus de messages et le plus de fric.
Certains disent, en parlant de la modération, que l’on ne peut confier la censure aux plateformes et que nous devons la réserver au juge. Bien sûr, mais c’est dès aujourd’hui que la censure est confiée aux plateformes, qui plus est en amont, puisque c’est par l’usage de ces algorithmes que les plateformes suppriment ou dégradent la visibilité des contenus, disons, normaux, au profit des plus dangereux.
Loin d’être de simples hébergeurs, ces plateformes sont donc bien, par la sélection qu’elles opèrent dans la présentation, des producteurs de contenus ; elles doivent en assumer la responsabilité, comme, par exemple, les éditeurs de journaux qui sont responsables de leurs articles et des courriers des lecteurs qu’ils sélectionnent.
C’est le sens de cet amendement, qui vise à maintenir le régime exonératoire de responsabilité pour les sites dont l’activité n’excède pas celle d’un simple hébergeur et à rendre enfin responsables les autres sites pour les contenus qu’ils diffusent, bien entendu devant un juge.
La responsabilisation des plateformes est un combat qui est cher à M. Malhuret ; je le comprends parfaitement, et il me semble utile de mener ce combat.
Pour autant, cet amendement est contraire au droit européen actuel, puisqu’il tend à ajouter des critères plus restrictifs que la définition posée par la directive dite « e-commerce » et par la Cour de justice de l’Union européenne. S’il était adopté, il exclurait du statut d’hébergeur des plateformes actuellement protégées par le droit européen, dont la loi pour la confiance dans l’économie numérique n’a pu qu’assurer la transposition fidèle.
La redéfinition des obligations des hébergeurs est au cœur des réflexions en cours autour du Digital Services Act, ou DSA. C’est à l’échelle européenne qu’il faut agir pour réformer la directive e-commerce et aboutir à ce que M. Malhuret souhaite. Cela ne peut malheureusement pas se faire au travers de cet amendement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Ce sujet revient assez souvent dans le débat public, et nous avons eu l’occasion d’en discuter ici même lors de l’examen de la proposition de loi Avia.
Mme la rapporteure a avancé des arguments juridiques ; je placerai donc mon avis dans une autre perspective.
Les réseaux sociaux ont permis aux Français et aux autres citoyens du monde de beaucoup plus communiquer entre eux et sans intermédiaire. Le monde s’est-il amélioré pour autant ? La démocratie fonctionne-t-elle mieux depuis l’émergence des réseaux sociaux et de cette formidable désintermédiation ? Notre société s’en porte-t-elle mieux ?
Très honnêtement, je ne suis pas sûr que ce soit le cas et que l’équilibre actuel soit le meilleur qui soit. Dans un premier temps, cette évolution a été très enthousiasmante, mais nous en avons vu les limites au bout de quelques années. C’est pourquoi je ne suis pas sûr que le rapport entre les bénéfices et les inconvénients nous soit in fine favorable.
Pour autant, je ne suis pas non plus certain d’avoir la légitimité pour interdire les réseaux sociaux, parce que les transformer en éditeurs, comme vous le proposez, revient au fond à cela. D’ailleurs, serait-ce vraiment une bonne chose pour la société et la démocratie ? Encore une fois, je ne le pense pas. Mettre fin aux réseaux sociaux ne me semble pas faisable politiquement ou démocratiquement. Il serait d’ailleurs étrange que l’État interdise ce type d’outil.
Si nous décidions de rendre les réseaux sociaux éditeurs, ils seraient responsables de tous les contenus qu’ils publient. Or est-il normal, juridiquement ou éthiquement, de considérer que la plateforme est responsable de ce que moi, Cédric O, par exemple, publie, même si j’en viens à insulter telle ou telle personne, voire la Terre entière ?
De quoi les plateformes sont-elles responsables aujourd’hui ? Pourquoi essayons-nous de mettre en place, dans le cadre du DSA, une forme de tierce responsabilité ?
En fait, elles sont responsables de l’accélération des contenus. Je vous rejoins sur le fait qu’elles ne sont pas que des hébergeurs : elles accélèrent les contenus, elles les éditorialisent, elles vous présentent un contenu plutôt qu’un autre, elles vous enferment très souvent dans un silo informationnel. C’est cette responsabilité d’accélération que le DSA va essayer d’encadrer.
Les plateformes ne sont ni des éditeurs – elles ne sont pas responsables de la production du contenu – ni de simples hébergeurs. Elles éditorialisent les contenus. Elles accélèrent de manière automatique des contenus produits par d’autres.
Est-ce que le DSA et le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui iront au bout de la question de la régulation ?
Probablement pas, mais il me semblerait abusif de considérer que les plateformes sont des éditeurs, parce que cela les forcerait à revoir l’ensemble des contenus qu’elles publient, ce qui tuerait leur modèle. Elles ne peuvent pas, vous l’avez dit vous-même, revoir l’ensemble des contenus publiés ; le leur demander tuerait, je le répète, leur modèle.
Je pourrais bien sûr m’abriter derrière un certain nombre d’arguments techniques, mais sur le fond, je pense que votre approche est discutable, même si elle est éminemment respectable ; nous avons eu l’occasion d’en débattre à plusieurs reprises.
Il me semble que la recherche d’un statut tiers, entre éditeur et hébergeur, est la bonne manière d’approcher le problème. C’est ce que nous essayons de faire au niveau européen. Cela demande du temps et ne fermera pas le débat, mais c’est à mon sens la seule manière d’aborder ce sujet, même si cela ne suffira certainement pas à le régler.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Je ne partage pas du tout votre point de vue, monsieur le secrétaire d’État, et je soutiendrai l’amendement de notre collègue Claude Malhuret.
Vous vous affirmez que nous allons « tuer le modèle », mais c’est plutôt le modèle qui va nous tuer !
Sourires.
Je crois que nous devons absolument prendre position dès maintenant.
De toute façon, chacune de ces plateformes a désormais un comité Théodule pour réguler les choses et pour parfois fermer des comptes. Quoi que l’on pense de la décision de supprimer le compte de Trump, il faut reconnaître que c’est un acte fort.
Dans ce contexte, la disposition qui consiste à rendre ces plateformes civilement et pénalement responsables des informations stockées ou mises à disposition du public sera, à mon sens, un premier pas. Et je ne vais pas aborder maintenant la question de la fiscalité des entreprises du numérique…
Vous nous dites, je le répète, que nous allons tuer le modèle, mais je vous signale que ce n’est pas le nôtre – nous le subissons ! Par ailleurs, nous devons absolument engager des discussions un peu plus fermes avec les dirigeants de ces entreprises.
Je comprends que les réponses passent par l’échelon européen, mais cela ne nous empêche pas de soutenir cet amendement. C’est d’ailleurs ce que je vais faire !
Ce débat est vraiment très complexe, et il est évident que nous n’allons pas le clore maintenant.
Les États n’ont toujours pas trouvé les moyens d’être aussi performants que les réseaux sociaux pour faire la police au sein des publications des plateformes. Ils peinent encore à agir directement. Dans le même temps, nos démocraties sont confrontées à d’importants dangers.
Dans ce contexte, je ne suis pas d’accord pour dire, monsieur le secrétaire d’État, que la seule responsabilité des plateformes est d’accélérer ou de rendre plus visible un contenu illicite. D’autres aspects peuvent être absolument inacceptables : le seul fait de publier un post peut produire des dégâts majeurs ; pourtant, la plateforme se sent tellement irresponsable qu’elle n’agit pas pour le supprimer.
Ce débat a évidemment pris de l’ampleur avec ce qui s’est passé outre-Atlantique, puisqu’une plateforme a décidé de supprimer non seulement les contenus, mais aussi le compte lui-même du président des États-Unis.
Certains y ont vu une mesure liberticide, qui bridait la fonction même des réseaux sociaux ; d’autres ont considéré que la liberté avait bon dos : comment considérer que la plateforme n’a aucune responsabilité lorsque des gens répondent à un appel passant par elle et envahissent le Congrès, l’enceinte de la démocratie américaine ? C’est quelque chose de fou !
Ce précédent doit ouvrir une nouvelle phase de discussions, mais vous avez tendance, monsieur le secrétaire d’État, à être assez complaisant avec ces plateformes, au nom de tel ou tel argument – vous avez parlé tout à l’heure de leur modèle économique –, alors qu’il faut maintenant les mettre au pas.
Je partage totalement les propos qui viennent d’être tenus.
Nous discutons d’un texte pour conforter le respect des principes de la République et nous avons assisté, complètement éberlués, au renversement en direct des principes de la République américaine. Souvenez-vous de ces gens qui sont entrés dans le Capitole pour assassiner nos collègues sénateurs des États-Unis ! Tout cela a été organisé et coordonné sur les réseaux sociaux et a été vu en direct par l’ensemble de la planète.
Quel terrible exemple pour la démocratie ! Quel sentiment d’impuissance et de fragilité par rapport à des monstres qui ont aujourd’hui décidé, nolens volens, de se placer en dehors de toutes les règles démocratiques !
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que ce n’est pas l’heure et qu’il faut attendre. En fait, pour vous, ce n’est jamais le moment !
Or certaines dispositions législatives ne sont pas appliquées à ce jour. Je prends un exemple : la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, Hadopi, a d’ores et déjà la possibilité de demander leurs algorithmes à certaines plateformes, notamment celles qui hébergent des vidéos. Mais la Hadopi ne reçoit pas ces derniers. La loi exige donc déjà une transparence des algorithmes, mais vous ne réussissez pas à la mettre en œuvre.
À un moment, il faut cesser d’être iréniste et de tout accepter. Il faut au contraire envoyer un message politique fort pour dire que l’on ne peut plus tout accepter. C’est pour cette raison que le groupe CRCE votera cet amendement.
On ne peut pas m’accuser en même temps d’être aujourd’hui iréniste et hier liberticide, lorsque je défendais des mesures agressives. Je comprends qu’il existe des oppositions différentes, mais tout de même…
Je voudrais d’ailleurs répondre à M. Assouline. Lorsque nous avons débattu de la proposition de loi Avia, Dieu sait que vous avez été particulièrement virulent à notre égard sur la question d’une éventuelle censure. Or si vous voulez que les plateformes soient responsables de chacun des contenus qu’elles publient, je suis très étonné, car vous défendez alors l’exact contraire de ce que vous disiez pendant les débats sur cette proposition de loi.
En effet, une telle mesure signifie que les plateformes doivent mettre en place un système de filtrage a priori : le filtre devra opérer avant même la diffusion du message !
M. David Assouline s ’ exclame.
Si vous défendez aujourd’hui le fait que les plateformes soient pénalement et juridiquement responsables des contenus, c’est un changement majeur de votre part, parce que vous pouvez être assuré qu’une telle délégation du contrôle du respect de la liberté d’expression à une plateforme privée entraînera à 100 % de la censure. C’est certain !
M. Ouzoulias et vous défendez la supervision des politiques de modération des plateformes. Or c’est précisément ce qui est prévu dans le DSA ! Nous disons simplement : les plateformes ne sont pas responsables de chaque contenu, y compris ceux qui sont publiés par le président des États-Unis ou par tout autre responsable politique, mais elles doivent avoir une politique de modération, sous la supervision de la puissance publique.
Par conséquent, il me semble que la meilleure façon d’atteindre votre objectif, monsieur Assouline, celui que vous avez défendu durant les débats sur la proposition de loi Avia, c’est de soutenir les discussions autour du DSA, et non de transformer les hébergeurs en éditeurs. Pardon de vous le dire !
Je ne serai pas indifférente à l’amendement de M. Malhuret, dont l’adoption permettrait de responsabiliser Facebook et les autres plateformes, notamment à l’égard des propos complotistes, haineux ou racistes. L’utilisation d’algorithmes favorise en effet la profusion de tels contenus.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera donc cet amendement.
Je voudrais répondre en premier lieu à M. le secrétaire d’État. Selon lui, cet amendement va tuer les réseaux sociaux : ils vont disparaître, si nous le votons.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de penser que les réseaux sociaux ont suffisamment de capacité de résistance ou de réaction ! Ils en ont vu bien d’autres… Je ne pense vraiment pas que c’est cet amendement qui va les tuer. D’ailleurs, il vise non pas à les tuer, mais à les responsabiliser, en changeant un business model qui est délétère et qui entraîne toutes les conséquences que nous connaissons.
Ensuite, vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que les discussions autour du DSA ont pour objectif de créer un statut tiers, entre hébergeur et éditeur. Mais mon amendement n’a pas un tel objet. Je me fiche de savoir si les plateformes sont des hébergeurs ou des éditeurs ! Je pense qu’elles sont des éditeurs, mais mon amendement vise simplement à ce qu’elles soient responsables de leurs algorithmes et du contenu qu’elles produisent. Si vous voulez créer un statut tiers, cela ne me pose aucun problème.
Vous nous dites aussi que l’adoption de cet amendement forcerait les hébergeurs et les plateformes à vérifier un par un l’ensemble des contenus. Ce n’est pas non plus ce que je demande !
Nous voulons simplement que leurs algorithmes ne permettent pas la sélection des contenus les plus mauvais et les plus dangereux. Si elles sont responsables, c’est uniquement de leurs algorithmes et, s’il y a une contestation devant un juge – j’espère que cela sera possible un jour ou l’autre ! –, ce dernier appréciera si l’algorithme est à l’origine du problème – le juge peut aussi évidemment apprécier le contenu du message lui-même.
Par conséquent, je ne pense pas que les réponses que vous nous apportez soient pertinentes.
Les plateformes craignent beaucoup que nous n’allions dans le sens de cet amendement. La dernière chose qu’elles souhaitent, c’est que l’on se penche sur leurs algorithmes. Pour l’éviter, elles se cachent derrière le secret de fabrication. C’est ainsi qu’elles évitent les procès. Mais ce prétexte sert juste à protéger les sales petits secrets des algorithmes, que les Gafam ne veulent absolument pas voir dévoilés un jour à l’occasion d’une enquête ou d’un procès.
Ce type de nouvelle régulation est discuté en ce moment même à la Commission européenne et, de façon bipartisane, au Congrès américain.
Or les États-Unis ont toujours la prééminence dans le domaine d’internet. Si nous pouvions faire en sorte que, pour une fois, la France, en particulier le Sénat, soit à l’origine d’une loi de régulation des réseaux sociaux, sans attendre les habituels deux ans des discussions communautaires, il s’agirait une initiative très profitable.
Mme Nathalie Goulet applaudit.
Monsieur le sénateur, votre amendement vise à désigner les plateformes comme pénalement et juridiquement responsables pour les contenus qu’elles produisent. Par conséquent, votre proposition considère chaque contenu comme étant le cœur du problème.
Si vous souhaitez faire la transparence sur les algorithmes et mettre ceux-ci sous supervision publique, votez l’article 19 bis de ce texte, car nous y visons le même objectif. Mais contrairement à vous, nous le faisons de manière systémique, et non contenu par contenu. Les plateformes seront responsables de leurs algorithmes et de la manière dont elles gèrent leurs contenus. En outre, elles devront être transparentes sur tout cela.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 500 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, sont insérés deux articles 6-1-1 et 6-1-2 ainsi rédigés :
« Art. 6 -1-1. – Le fait de retirer, de restreindre ou de suspendre la diffusion d’un contenu ou d’une activité dont l’illicéité n’est pas manifeste sur une plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. Le fait de supprimer, de suspendre ou de restreindre l’accès à cette plateforme en raison de la diffusion d’un contenu ou d’une activité dont l’illicéité n’est pas manifeste est puni des mêmes peines.
« Art. 6 -1-2. – L’autorité judiciaire peut prescrire en référé à tout opérateur de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics de mettre fin sans délai à un fait qu’elle estime relever de l’interdiction mentionnée à l’article 6-1-1 de la présente loi ou aux conséquences de ce fait.
« Elle se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
« La procédure est entièrement dématérialisée et, sauf opposition de l’une des parties, l’audience a lieu par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication permettant de certifier l’identité des personnes et de garantir la qualité de la transmission. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comptez sur la lutte contre la haine en ligne pour endiguer l’islamisme. Pourquoi pas ?
Cependant, pour que la mesure soit équilibrée et pas seulement contraignante pour les utilisateurs, je vous propose également un dispositif législatif visant à interdire les entraves à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux par les géants du numérique.
L’amendement que notre assemblée a l’honneur d’examiner vise à interdire la censure de propos licites et non punis par la loi française sur ces réseaux et à mettre en place une voie de recours spécifique, rapide et dématérialisée, en vue de permettre aux utilisateurs entravés de contester les mesures prises par les réseaux sociaux.
Les entraves à la liberté d’expression par les géants d’internet, propriétaires des réseaux, sont devenues monnaie courante et présentent de vrais problèmes démocratiques, notamment quand il s’agit de censurer les publications de parlementaires ou d’autres élus, d’autant que cette mesure concerne toujours, ou presque, le même sujet : la critique de l’immigration et de l’islamisme.
À la fin du mois de janvier, le compte Twitter de notre collègue Sébastien Meurant a ainsi été suspendu pour avoir diffusé la photo d’une femme en burqa et rappelé la loi.
Notre droit doit s’armer et s’affirmer au fil de la transition numérique et assurer les conditions de la liberté d’expression. Les problèmes de notre société ne se régleront pas en mettant un modérateur, aussi omnipotent soit-il, sur un réseau social, un réseau qui n’est qu’une fenêtre d’expression, souvent révélatrice de malaises profonds du quotidien de nos compatriotes.
Les réseaux sociaux sont devenus de vrais médias d’opinion et d’information que la loi doit réguler, pour y assurer l’égalité de traitement et la sécurité de la liberté d’expression, comme ailleurs dans la société.
Les 26 et 27 mars dernier, les comptes Twitter de Marika Bret, figure de Charlie Hebdo, et de la vice-présidente d’une association pro-laïcité ont été suspendus pour avoir posté la une du journal satirique représentant Erdogan dénudé. Certes, ce n’était pas d’une grande finesse, avouons-le, mais ces méthodes de censeurs sont inacceptables. Le sultan turc n’aurait pas fait mieux !
Il faut assurer le respect de la liberté d’expression pour lutter contre les islamistes, ennemis de la liberté. Le comportement partisan des Gafam doit cesser et votre positionnement, mes chers collègues, doit être un exemple de législation transpartisane, au travers du vote de cet amendement en faveur de la liberté d’expression numérique.
L’amendement n° 169 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 précitée, il est inséré un article 6-… ainsi rédigé :
« Art. 6 -…. – Le fait de retirer, de restreindre ou de suspendre la diffusion d’un contenu ou d’une activité dont l’illicéité n’est pas manifeste sur une plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. Le fait de supprimer, de suspendre ou de restreindre l’accès à cette plateforme en raison de la diffusion d’un contenu ou d’une activité dont l’illicéité n’est pas manifeste est puni des mêmes peines. »
La parole est à Mme Sabine Drexler.
Il s’agit encore d’un amendement porté par ma collègue Valérie Boyer.
L’auteur de propos bloqués par des plateformes de réseaux sociaux ne dispose d’aucune voie pénale spécifique pour faire cesser l’entrave à la liberté d’expression que constitue ce blocage. Il est seulement prévu par la loi pour la confiance dans l’économie numérique que le signalement abusif aux hébergeurs d’un contenu en vue d’en obtenir le retrait peut être sanctionné pénalement, mais la plainte ne vise pas tant la plateforme qu’un autre utilisateur du réseau.
Par cet amendement, il s’agit donc de créer un nouveau délit, sanctionnant la suppression par une plateforme d’un contenu dont l’illicéité n’est pas manifeste.
Ces deux amendements tendent à créer un nouveau délit pour sanctionner la suppression indue par une plateforme d’un contenu dont l’illicéité n’est pas manifeste.
Le risque serait qu’il y ait des censures directes de la part des plateformes pour éviter de courir ce risque.
Par ailleurs, je me dois de rappeler qu’une plateforme n’est pas un service public, donc les responsables doivent pouvoir continuer à y modérer des contenus publiés. Ces derniers, bien que parfaitement licites au regard du droit pénal, ne sont pas autorisés par leurs règles générales d’utilisation.
En outre, les peines proposées sont calquées sur celles qui étaient prévues par la loi Avia, déjà jugée totalement disproportionnée à cet égard.
Enfin, l’imputabilité de la sanction est douteuse. Qui enverra-t-on en prison ? Le P-DG de Twitter ou le modérateur indien ?
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Non modifié)
Le troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Après la première occurrence du mot : « apologie », sont insérés les mots : «, de la négation ou de la banalisation » ;
2° Après la référence : « article 24 », est insérée la référence : « et à l’article 24 bis ». –
Adopté.
Le troisième alinéa de l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont remplacés par les mots : « le Conseil supérieur de l’audiovisuel » ;
b) À la fin, les mots : « dans cette commission » sont remplacés par les mots : « au Conseil » ;
2° La deuxième phrase est supprimée. –
Adopté.
I. – Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa du 7 du I de l’article 6 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre les activités illicites mentionnées au troisième alinéa du présent 7 » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces obligations ne sont pas applicables aux opérateurs mentionnés au premier alinéa de l’article 6-5 pour la lutte contre la diffusion des contenus mentionnés au même premier alinéa. » ;
c) La seconde phrase est ainsi modifiée :
– au début, le mot : « Elles » est remplacé par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 » ;
– les mots : «, d’une part, » sont supprimés ;
– les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au troisième alinéa » ;
– après le mot : « services », la fin est supprimée ;
2° Après l’article 6-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 précitée, il est inséré un article 6-5 ainsi rédigé :
« Art. 6 -5. – Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics mis en ligne par des tiers, à l’exception des prestataires de services d’encyclopédies en ligne à but non lucratif, et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français, concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus contrevenant aux dispositions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi ainsi qu’aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. À ce titre :
« 1° Ils mettent en œuvre des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés permettant :
« a) D’informer, dans les meilleurs délais, les autorités judiciaires ou administratives des actions qu’ils ont mises en œuvre à la suite des injonctions émises par ces autorités relatives aux contenus mentionnés au premier alinéa du présent article ;
« b) D’accuser réception sans délai des demandes des autorités judiciaires ou administratives tendant à la communication des données dont ils disposent, de nature à permettre l’identification des utilisateurs qui ont mis en ligne des contenus mentionnés au même premier alinéa, et d’informer ces autorités dans les meilleurs délais des suites données à ces demandes ;
« c) De conserver temporairement les contenus qui leur ont été signalés comme contraires aux dispositions mentionnées audit premier alinéa et qu’ils ont retirés ou rendus inaccessibles, aux fins de les mettre à la disposition de l’autorité judiciaire pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ; la durée et les modalités de conservation de ces contenus sont définies par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
« 2° Ils désignent un point de contact unique, personne physique chargée de la communication avec les autorités publiques pour la mise en œuvre du présent article, auquel peuvent notamment être adressées par voie électronique les demandes présentées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en application de l’article 62 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ce point de contact unique est notamment chargé de recevoir les requêtes adressées à l’opérateur par l’autorité judiciaire selon les modalités prévues au II de l’article 6 de la présente loi, en vue d’en assurer un traitement rapide ;
« 3° Ils mettent à la disposition du public, de façon facilement accessible, les conditions générales d’utilisation du service qu’ils proposent ; ils y intègrent des dispositions prévoyant l’interdiction de mettre en ligne les contenus mentionnés au premier alinéa du présent article ; ils y décrivent en termes clairs et précis leur dispositif de modération visant à détecter, le cas échéant, à identifier et à traiter ces contenus, en détaillant les procédures et les moyens humains ou automatisés employés à cet effet ainsi que les mesures qu’ils mettent en œuvre affectant la disponibilité, la visibilité et l’accessibilité de ces contenus ; ils y indiquent les mesures qu’ils mettent en œuvre à l’égard des utilisateurs qui ont mis en ligne ces contenus ainsi que les recours internes et judiciaires dont disposent ces utilisateurs ;
« 4° Ils rendent compte au public des moyens mis en œuvre et des mesures adoptées pour lutter contre la diffusion, auprès des utilisateurs situés sur le territoire français, des contenus mentionnés au même premier alinéa, par la publication, selon des modalités et une périodicité fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’informations et d’indicateurs chiffrés, définis par celui-ci, portant notamment sur le traitement des injonctions ou demandes d’informations des autorités judiciaires ou administratives, des notifications reçues et des recours internes des utilisateurs ainsi que, le cas échéant, les critères de sélection des tiers de confiance dont les notifications font l’objet d’un traitement prioritaire et les modalités de coopération avec ces tiers ;
« 5° Ils mettent en place un dispositif aisément accessible et facile d’utilisation permettant à toute personne de porter à leur connaissance, par voie électronique, un contenu qu’elle considère comme contraire aux dispositions mentionnées audit premier alinéa, de préciser clairement son emplacement ainsi que les raisons pour lesquelles elle estime que ce contenu doit être considéré comme illégal et de fournir les informations permettant de la contacter, en l’informant des sanctions encourues en cas de notification abusive ;
« 5° bis Ils s’assurent que les notifications soumises par les entités qu’ils reconnaissent comme tiers de confiance et concernant des contenus illicites mentionnés au même premier alinéa font l’objet d’un traitement prioritaire.
« Le statut de tiers de confiance est attribué, selon des modalités fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans des conditions transparentes, non discriminatoires et à leur demande, aux entités qui disposent d’une expertise et de compétences particulières aux fins de la détection, de l’identification et du signalement des contenus illicites mentionnés au même premier alinéa, qui représentent des intérêts collectifs et présentent des garanties d’indépendance, de diligence et d’objectivité ;
« 6° Ils mettent en œuvre des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés permettant :
« a) D’accuser réception sans délai des notifications relatives aux contenus mentionnés au même premier alinéa, sous réserve de disposer des informations nécessaires pour contacter leur auteur ;
« b) De garantir l’examen approprié de ces notifications dans un prompt délai ;
« c) D’informer leur auteur des suites qui y sont données ainsi que des voies de recours internes et judiciaires dont il dispose, sous réserve de disposer des informations nécessaires pour le contacter ;
« d) Lorsqu’ils décident de retirer ou de rendre inaccessible un contenu pour un motif tiré de la méconnaissance des dispositions mentionnées au même premier alinéa, d’en informer l’utilisateur à l’origine de sa publication, sous réserve de disposer des informations nécessaires pour le contacter :
« – en indiquant les raisons qui ont motivé cette décision ;
« – en précisant si cette décision a été prise au moyen d’un outil automatisé ;
« – en l’informant des voies de recours internes et judiciaires dont il dispose ;
« – et en l’informant que des sanctions civiles et pénales sont encourues pour la publication de contenus illicites ;
« Le présent d ne s’applique pas lorsqu’une autorité publique le demande pour des raisons d’ordre public ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, ainsi que d’enquêtes et de poursuites en la matière ;
« 7° Ils mettent en œuvre des dispositifs de recours interne permettant :
« a) À l’auteur d’une notification relative à un contenu mentionné au premier alinéa du présent article, de contester la décision adoptée par l’opérateur en réponse à cette notification ;
« b) À l’utilisateur à l’origine de la publication d’un contenu ayant fait l’objet d’une décision mentionnée au d du 6° de contester cette décision ;
« c) À l’utilisateur ayant fait l’objet d’une décision mentionnée aux a ou b du 8° de contester cette décision.
« Ils veillent à ce que ces dispositifs soient aisément accessibles et faciles d’utilisation et à ce qu’ils permettent un traitement approprié des recours dans les meilleurs délais, qui ne soit pas uniquement fondé sur l’utilisation de moyens automatisés, une information sans délai de l’utilisateur sur la décision adoptée et l’annulation sans délai des mesures relatives au contenu en cause ou à l’utilisateur mises en œuvre par l’opérateur lorsque le recours le conduit à considérer que la décision contestée n’était pas justifiée ;
« 8° Lorsqu’ils décident de mettre en œuvre de telles procédures, ils exposent dans leurs conditions d’utilisation, en des termes clairs et précis, les procédures conduisant :
« a) À suspendre ou, dans les cas les plus graves, à résilier le compte des utilisateurs qui ont mis en ligne de manière répétée des contenus contraires aux dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article ;
« b) À suspendre l’accès au dispositif de notification à l’égard des utilisateurs qui ont soumis, de manière répétée, des notifications manifestement infondées relatives aux contenus mentionnés au même premier alinéa.
« Lorsque de telles procédures sont mises en œuvre, elles prévoient un examen au cas par cas visant à caractériser de façon objective l’existence d’un comportement mentionné aux a ou b du présent 8°, en tenant compte notamment :
« – du nombre de contenus illicites mentionnés au premier alinéa du présent article ou de notifications manifestement infondées dont l’utilisateur a été à l’origine au cours de l’année écoulée, à la fois en valeur absolue et en proportion du nombre total de contenus ou de notifications dont il a été à l’origine ;
« – et de la gravité et des conséquences de ces abus.
« Lorsqu’elles sont mises en œuvre, ces procédures prévoient que les mesures mentionnées aux a et b du présent 8° sont proportionnées, dans leur nature, à la gravité des agissements en cause et, dans le cas d’une suspension, que celle-ci est prononcée pour une durée raisonnable. Elles prévoient l’avertissement préalable de l’utilisateur et son information sur les voies de recours internes et juridictionnelles dont il dispose ;
« 9° Les opérateurs mentionnés au premier alinéa du présent article dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret et supérieur à celui mentionné au même premier alinéa :
« a) Procèdent chaque année à une évaluation des risques systémiques liés au fonctionnement et à l’utilisation de leurs services en matière de diffusion des contenus mentionnés audit premier alinéa et en matière d’atteinte aux droits fondamentaux, notamment à la liberté d’expression. Cette évaluation tient compte des caractéristiques de ces services, notamment de leurs effets sur la propagation virale ou la diffusion massive des contenus susvisés ;
« b) Mettent en œuvre des mesures raisonnables, efficaces et proportionnées, notamment au regard des caractéristiques de leurs services et de l’ampleur et de la gravité des risques identifiés au terme de l’évaluation mentionnée au a du présent 9°, visant à atténuer les risques de diffusion de ces contenus, qui peuvent notamment porter sur les procédures et les moyens humains et technologiques mis en œuvre pour détecter, identifier et traiter ces contenus, tout en veillant à prévenir les risques de retrait non justifié au regard du droit applicable et de leurs conditions générales d’utilisation ;
« c) Rendent compte au public, selon des modalités et une périodicité fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, de l’évaluation de ces risques systémiques et des mesures d’atténuation des risques mises en œuvre ;
« 10° Les opérateurs mentionnés au premier alinéa du présent article rendent compte au Conseil supérieur de l’audiovisuel des procédures et des moyens mis en œuvre pour l’application du présent article, dans les conditions prévues à l’article 62 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée. »
II. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Au troisième alinéa du 1° du I de l’article 19, les mots : « ainsi que des plateformes de partage de vidéos » sont remplacés par les mots : «, des plateformes de partage de vidéos ainsi que des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés à l’article 62 » ;
2° Au premier alinéa de l’article 42-7, la référence : « et 48-3 » est remplacée par les références : «, 48-3 et 62 » ;
3° Le titre IV est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Dispositions applicables aux plateformes en ligne en matière de lutte contre les contenus haineux
« Art. 62. – I. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille au respect, par les opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des dispositions du même article 6-5, en prenant en compte, pour chacun des services qu’ils proposent, les caractéristiques de ce service et l’adéquation des moyens mis en œuvre par l’opérateur au regard, notamment, de l’ampleur et de la gravité des risques de diffusion par celui-ci des contenus mentionnés au premier alinéa dudit article 6-5 et des risques de retrait injustifié au regard du droit applicable et de ses conditions générales d’utilisation. Il adresse à ces opérateurs de plateforme des lignes directrices pour l’application du même article 6-5.
« Il recueille auprès de ces opérateurs, dans les conditions fixées à l’article 19 de la présente loi, les informations nécessaires au suivi de leurs obligations. À ce titre, les opérateurs mentionnés au 9° de l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée lui donnent accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés auxquels ils ont recours pour répondre à ces obligations, aux paramètres utilisés par ces outils, aux méthodes et aux données utilisées pour l’évaluation et l’amélioration de leur performance ainsi qu’à toute autre information ou donnée lui permettant d’évaluer leur efficacité, dans le respect des dispositions relatives à la protection des données personnelles. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut leur adresser des demandes proportionnées d’accès, par l’intermédiaire d’interfaces de programmation dédiées, à toute donnée pertinente pour évaluer leur efficacité, dans le respect de ces mêmes dispositions. Dans le respect de ces dispositions et aux mêmes fins, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre en œuvre des méthodes proportionnées de collecte automatisée de données publiquement accessibles afin d’accéder aux données nécessaires.
« Il définit les informations et les indicateurs chiffrés que ces opérateurs sont tenus de publier en application du 4° du même article 6-5 ainsi que les modalités et la périodicité de cette publication.
« Il publie chaque année un bilan de l’application des dispositions dudit article 6-5.
« I bis. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel encourage les opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique à mettre en œuvre :
« 1° Des outils de coopération et de partage d’informations entre opérateurs de plateformes, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations, pour lutter contre les infractions mentionnées au même article 6-5 ;
« 2° Des dispositifs techniques proportionnés permettant de limiter, dans l’attente du traitement de la notification d’un contenu mentionné audit article 6-5, le partage de ce contenu et l’exposition du public à celui-ci ;
« 3° Des standards techniques communs d’interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l’état de l’art, documentés et stables, afin de favoriser le libre choix des utilisateurs entre différentes plateformes.
« II. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre un opérateur en demeure de se conformer, dans le délai qu’il fixe, aux dispositions de l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée et de répondre aux demandes qu’il lui a adressées en application du deuxième alinéa du I du présent article.
« Lorsque l’opérateur ne se conforme pas à la mise en demeure qui lui est adressée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la présente loi, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant prend en considération la gravité des manquements ainsi que, le cas échéant, leur caractère réitéré, sans pouvoir excéder 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Lorsque le même manquement a fait l’objet, dans un autre État, d’une sanction pécuniaire calculée sur la base de cette même assiette, le montant de cette sanction est pris en compte pour la détermination de la sanction prononcée en application du présent alinéa.
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent II, le montant de la sanction prononcée en cas de refus de communiquer les informations demandées par le régulateur au titre du deuxième alinéa du I ou en cas de communication d’informations fausses ou trompeuses ne peut excéder 1 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut rendre publiques les mises en demeure et sanctions qu’il prononce. Il détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui sont proportionnées à la gravité du manquement. Il peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’il désigne, aux frais des opérateurs faisant l’objet de la mise en demeure ou de la sanction.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. » ;
4° Après le mot : « résultant », la fin du premier alinéa de l’article 108 est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … confortant le respect des principes de la République. »
II bis
III. – Le présent article s’applique jusqu’au 31 décembre 2023.
Il est important qu’une approche transversale soit adoptée au niveau de l’Union européenne concernant la régulation des services numériques, une approche permettant de préserver les droits et libertés fondamentaux des utilisateurs de ces services.
C’est une bonne chose que la France occupe sa place dans ce débat européen, mais je regrette que la question du respect des droits fondamentaux en matière numérique, qui appelle un grand débat démocratique, soit abordée seulement en urgence et de manière marginale, dans une loi dont ce n’est pas l’objet.
À cet égard, l’article 19 bis reprend certaines obligations qui seront discutées dans le cadre du Digital Services Act européen.
Même si je souscris à l’objectif visé par cet article, je m’interroge sur l’opportunité de proposer dès maintenant des mesures qui ne sont qu’une reprise d’un projet de texte n’ayant pas encore été discuté au Parlement européen, au risque que nous devions légiférer de nouveau sur le même sujet dès que le texte européen sera adopté. Il y a un temps pour tout : les transpositions européennes doivent être réalisées après leur discussion et leur vote, et pas avant !
Une fois encore, le Gouvernement se précipite et ne permet pas de créer les conditions d’un débat au niveau national sur ce sujet de société.
Plus généralement, les mécanismes concourant à la propagation des contenus haineux, ainsi que les instruments qui viseraient à les réguler, ne sont pas suffisamment pris en compte pour une lutte efficace contre la haine en ligne.
De plus, comme dans le reste de cette loi, il y a beaucoup le déclaratif : quid des moyens qui seront réellement mis en place par les plateformes ? Les amendes en cas de non-respect de ces nouvelles obligations seront-elles suffisantes pour que les plateformes respectent ces nouvelles contraintes ?
Enfin, cet article donne au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, de nouvelles missions qui sont assez chronophages et qui nécessitent de nouveaux moyens pour cette autorité, ce dont on ne parle jamais. Or aucun financement supplémentaire, d’après ce que j’ai vu du budget alloué au CSA, n’est envisagé.
Cet article prolonge le débat que nous avons eu.
Il est vrai que ce sujet est très lié à l’actualité européenne. Mais on peut dire, à l’inverse, que, lorsque l’on attend l’Europe, on encourt le reproche de tergiverser trop longtemps – deux ans en l’occurrence. Je suis persuadé que cette critique opposée serait formulée sans action de notre part. Je me réjouis plutôt que l’on pose déjà les termes du débat, puisque, de toute façon, il est en prise avec une actualité.
Au-delà de ce sujet, la question est de savoir si l’on en est encore à la régulation. Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas ce texte, ni même le débat que nous aurons, qui va épuiser l’ensemble des problèmes que posent ces grandes plateformes.
Les chiffres sont tout de même impressionnants : 2, 75 milliards de Terriens sont actifs sur Facebook, 2 milliards sur YouTube, 1, 080 milliard sur Instagram et 330 millions sur Twitter. On voit bien que nous avons affaire, finalement, à des entreprises-États, qui sont devenues très puissantes.
Nous avons tous un tel objet dans nos poches
M. Julien Bargeton montre son smartphone.
En face de ce modèle des entreprises-État, il y a celui de l’État-entreprise, à savoir la Chine, qui a écarté les plateformes californiennes de son territoire et qui met en place le contrôle absolu de l’accès aux réseaux sociaux et de l’utilisation des plateformes.
La question qui se pose à nous est la suivante : arrivera-t-on à inventer un modèle qui évite à la fois Charybde et Scylla, si j’ose dire ? En d’autres termes, quel peut être le modèle de l’État démocratique, qui devient lui-même une plateforme pour faire face à ces deux mastodontes, ces deux modèles répulsifs dont nous ne voulons pas ?
Ainsi, nous en sommes non plus seulement à la régulation, mais à la construction de notre propre voie, dans laquelle la démocratie jouerait pleinement son rôle dans l’utilisation des services apportés par les plateformes.
L’amendement n° 317, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement du groupe Écologiste-Solidarité et Territoires a pour objet de supprimer l’article 19 bis, qui reprend en grande partie le dispositif faisant l’objet de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia ».
Il n’est nul besoin de rappeler que cette loi a fait l’objet de nombreuses censures de la part du Conseil constitutionnel.
Si les dispositions de cet article visent essentiellement à renforcer les pouvoirs de sanction du Conseil supérieur de l’audiovisuel, les auteurs de cet amendement estiment, d’une part, qu’elles n’ont pas leur place dans ce texte, et, d’autre part, qu’elles portent atteinte à la liberté d’expression.
Ne nous trompons pas de combat : internet est un espace de liberté d’expression de ses convictions, de communication de l’information et de critique de l’action des pouvoirs publics. Il est difficile de comprendre en quoi la lutte conte les prétendus séparatismes devrait y être menée.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires demande la suppression de ces dispositions.
Même si nous déplorons la méthode, à savoir le recours à un amendement, ce qui veut dire ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État, ainsi que la fragilité juridique du dispositif au regard du droit européen, puisque l’on prétend transposer quelque chose qui sera négocié, en gardant les éléments qui nous intéressent et pas forcément les autres, nous avons considéré que cette disposition permettait malgré tout d’avancer, notamment en donnant des moyens de sanction pécuniaire au CSA.
Par ailleurs, je voudrais dire à Mme Benbassa que les éléments qui ont été repris de la loi Avia sont ceux qui n’avaient pas été censurés. C’est pour cette raison que le texte n’est pas si épais.
Nous sommes favorables au maintien de l’article 19 bis, tel que nous l’avons modifié, donc défavorables à cet amendement.
M. Cédric O, secrétaire d ’ État. Je ne reviens pas sur l’argumentaire que j’ai déroulé sur l’avis du Conseil constitutionnel. Ce dernier ne me paraît pas applicable en l’espèce, puisque le Conseil ne s’est jamais prononcé au fond sur les éléments qui sont évoqués.
Mme Esther Benbassa s ’ exclame.
On ne peut pas considérer que le Conseil constitutionnel a invalidé ces éléments-là, puisque c’est seulement par voie de conséquence qu’il a été amené à prendre ces décisions d’annulation, comme je l’ai expliqué.
Je rappelle par ailleurs que les articles 2 à 4 de la loi Avia avaient fait l’objet d’un assez vaste consensus dans cette assemblée. C’était l’article 1er qui avait suscité le plus de débats.
Si j’étais un peu taquin, madame la sénatrice, je vous demanderais des précisions sur la position du groupe des Verts au Parlement européen sur le règlement que nous sommes en train de pré-transposer, pour savoir s’il l’estime liberticide…
Le Gouvernement émet donc bien entendu un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 424 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme Harribey, M. Leconte, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie, Sueur et Magner, Mmes Lepage et S. Robert, MM. Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au début, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;
II. – Après l’alinéa 9
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…°Après le même quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu’il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l’objet dans les vingt-quatre heures d’un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu’à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées aux 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.
« Le fait de ne pas respecter l’obligation définie à l’alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Avec cet amendement, nous sommes au cœur de la question qui nous occupe : comment peut-on encadrer d’un point de vue judiciaire le retrait des contenus qui contreviennent aux règles ?
C’est un sujet dont nous avons débattu longuement au moment de l’examen de la proposition de loi Avia.
Notre groupe avait fait valoir que, dès lors que l’on voulait instaurer un retrait dans les vingt-quatre heures, ce qui était la pierre angulaire, me semble-t-il, de la proposition de loi, il fallait l’intervention d’un juge. Nous avions proposé une architecture, que nous soumettons de nouveau à votre vote aujourd’hui, mes chers collègues : obligation de retrait ou blocage dans les vingt-quatre heures, mais à titre provisoire, et validation par un juge statuant en référé.
À l’époque, nous n’avions pas convaincu, mais le Conseil constitutionnel est passé par là, et, pour tout dire, je ne sais plus, je le confesse, si ce motif a été précisément examiné. En tout cas, nous y voilà de nouveau : nous proposons de combiner l’urgence du retrait et l’intervention du juge, qui est le seul garant de la protection des libertés publiques.
L’amendement n° 598 rectifié, présenté par MM. Savin, Brisson, Savary et Kern, Mme Primas, MM. Rapin, Laugier, Mandelli et Belin, Mme Demas, M. Sol, Mmes Vermeillet, V. Boyer et Puissat, MM. Darnaud, Genet, D. Laurent, Boré et Le Rudulier, Mmes Gosselin, Goy-Chavent et Imbert, MM. Chasseing, Laménie, Lefèvre et Regnard, Mme Belrhiti, MM. Decool et Moga, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Bouchet, Mmes Billon et Deroche, MM. Burgoa, Allizard, Vogel et A. Marc, Mmes Gruny et Herzog, MM. Bonne et H. Leroy, Mmes Lassarade et Boulay-Espéronnier, M. Le Gleut, Mmes Ventalon et Di Folco, MM. Hingray et Duffourg, Mmes Schalck, Muller-Bronn, Canayer et Dumont, MM. E. Blanc et Wattebled, Mme Berthet, MM. Segouin, Somon, Longeot et Sautarel, Mme Bourrat, MM. Levi et Malhuret, Mme Saint-Pé, M. Détraigne et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 6 -5. – Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français, sont tenus de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures, tout contenu contrevenant manifestement aux dispositions de l’article L. 222-17 du code pénal ou incitant manifestement à commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Lorsqu’il est saisi dans les conditions prévues au présent article, l’opérateur n’est tenu d’apprécier le caractère manifestement illicite qu’au regard du signalement qui lui en est fait.
« Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français, concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus contrevenant aux dispositions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi ainsi qu’à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. À ce titre :
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
L’amendement n° 608 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11, première phrase
Remplacer les mots :
la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics
par les mots :
le classement, le référencement ou le partage de contenus
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« I. – Les opérateurs définis au premier alinéa qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le partage de contenus mis en ligne par des tiers :
III. – Alinéas 12, 16 à 20, 22 et 32
Supprimer le mot :
Ils
IV. – Alinéa 37
Supprimer le mot :
ils
V. – Alinéa 44
Remplacer la mention :
Par la mention :
II. –
VI. – Alinéa 45
Remplacer la mention :
a)
par la mention :
VII. – Alinéa 46
Remplacer la mention :
b)
par la mention :
VIII. – Alinéa 47
Remplacer la mention :
c)
par la mention :
IX. – Alinéa 48
Remplacer la mention :
par la mention :
III.
X. – Alinéa 56, première phrase
Remplacer la référence :
par la référence :
II
La parole est à M. Julien Bargeton.
Il s’agit là encore d’une recherche de conciliation ou de compromis entre la version de l’Assemblée nationale et celle du Sénat sur la lutte contre des contenus illicites. Cette fois, notre proposition concerne les moteurs de recherche, que la commission des lois du Sénat a exclus du champ de la régulation par le CSA.
Cette exclusion est partiellement bienvenue et justifiée. On comprend certaines des raisons qui ont poussé la commission à aller en ce sens. Plusieurs des obligations introduites n’ont pas vocation à s’appliquer aux moteurs de recherche, puisque ceux-ci ne donnent pas accès à des contenus mis en ligne par leurs propres utilisateurs, qui sont des personnes qui procèdent à des recherches de sites internet.
Effectivement, les obligations tenant aux conditions générales d’utilisation du service, à la notification de contenus, au traitement de ces notifications, aux mécanismes de recours des utilisateurs contre les décisions prises par les plateformes, ou encore à l’utilisation abusive du service, n’ont pas lieu de s’appliquer aux moteurs de recherche. Nous voulons bien en convenir.
En revanche, eu égard au rôle que jouent les grands moteurs de recherche dans l’accès aux contenus en ligne et à la responsabilité qui en découle, nous pensons qu’il faut leur appliquer tout de même plusieurs des obligations qui visent les plateformes en ligne.
Il s’agit surtout des obligations les plus importantes, en réalité, notamment l’évaluation par ces plateformes des risques systémiques liés à leur service et l’adoption de mesures d’atténuation de ces risques sous le contrôle du régulateur. Elles permettront la mise en place par les moteurs de recherche de mesures de lutte contre les contenus illicites, par exemple par l’adaptation de leur algorithme de classement, pour rétrograder de façon systématique ce type de contenu et limiter drastiquement leur visibilité.
Nous en revenions au débat que nous avions précédemment : les algorithmes mettent en avant certains types de contenus pour des raisons commerciales.
Cet amendement vise à maintenir cette obligation, y compris pour les moteurs de recherche. En revanche, nous ne souhaitons pas leur appliquer exactement les mêmes obligations que pour les plateformes, comme la commission des lois l’a décidé.
Voilà un texte d’équilibre, si j’ose dire, entre les deux versions qui nous sont proposées.
Le sous-amendement n° 681, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement 608 rectifié
I. - Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
Après la référence :
« Art. 6-5. –
insérer la référence :
I A. –
et remplacer les mots :
II. - Après l’alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Alinéa 11, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
III. - Alinéa 8
Remplacer la référence :
premier alinéa
par la référence :
I A
et après le mot :
contenus
insérer le mot :
publics
IV - Alinéa 13
remplacer le mot :
le
par les mots
la seconde occurrence du
V. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
… - En conséquence, alinéas 4 (deux fois), 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 26, 33, 38, 39, 41, 44 (deux fois), 45, 48, 55 (deux fois), 59 et 69
remplacer la référence :
premier alinéa
par la référence :
I A
La parole est à Mme la rapporteure.
L’amendement n° 435, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics
par les mots :
le classement ou le référencement au moyen d’algorithmes informatiques ou le partage de contenus proposés ou
La parole est à M. David Assouline.
Conformément à la position qu’il a prise à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souhaite introduire les moteurs de recherche dans le champ de la régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Les moteurs de recherche en ont été exclus par la commission des lois du Sénat, au motif que la nouvelle régulation devait se concentrer sur les réseaux sociaux à fort trafic.
S’il est vrai que les réseaux sociaux constituent les principaux vecteurs d’échanges de propos haineux illicites, nous estimons que cette justification ne suffit pas à retirer les moteurs de recherche du champ de la régulation du CSA. Au contraire, leur intégration dans le dispositif s’impose en raison de leur capacité à accentuer la viralité des contenus haineux sur internet.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir la rédaction de l’alinéa 11 issue des travaux de l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 436, présenté par M. Assouline, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 17
Supprimer les mots :
internes et
II. – Alinéa 18
Supprimer les mots :
et des recours internes
III. – Alinéa 25
1° Supprimer les mots :
internes et
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout contenu notifié dont il apparaît qu’il contrevient manifestement aux dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article doit faire l’objet dans les vingt-quatre heures d’un retrait ou doit être rendu inaccessible, à titre provisoire.
IV. – Alinéa 26
Après le mot :
inaccessible
insérer les mots :
à titre provisoire
V. – Alinéa 29
Supprimer les mots :
internes et
VI. – Après l’alinéa 31
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La décision mentionnée au même d reste en vigueur jusqu’à sa validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par la personne à l’origine de la publication d’un contenu ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de rendu inaccessible. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. »
VII. – Alinéas 32 à 36
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. David Assouline.
La mise en œuvre de droits de recours prévus par l’article 19 bis au bénéfice des personnes qui voient leurs contenus supprimés par les plateformes ne va pas assez loin.
Permettre uniquement un recours en interne auprès de la plateforme est insuffisant. Seule l’autorité judiciaire devrait évaluer au cas par cas les recours formés par les utilisateurs contre les opérations de modération. Il est important de s’appuyer sur les juges pour toute décision de ce genre. Après l’échec cuisant de la loi Avia, il faut être vigilant sur les dispositions destinées à lutter contre la haine en ligne.
C’est pourquoi nous avons décidé de proposer de nouveau cet amendement, déjà soumis lors du précédent texte traitant de ce sujet.
Les citoyens français ont des devoirs, mais également des droits, et la censure est une pente dangereuse. Choisir le juge comme arbitre est judicieux pour éviter des décisions liberticides.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instaurer une obligation de retrait ou de blocage en vingt-quatre heures, à titre provisoire, d’un contenu haineux notifié qui serait manifestement illicite, jusqu’à la validation par le tribunal judiciaire statuant en référé.
Si vous voulez bien, mes chers collègues, je vais traiter ces amendements par thèmes.
L’amendement n° 424 rectifié vise à instaurer une obligation de retrait ou un blocage provisoire en vingt-quatre heures de tout contenu haineux notifié, avec une sorte de référé confirmation.
Les contenus en cause devraient être retirés temporairement par tout intermédiaire technique, qui ferait valider sa décision par le juge des référés. Je note que cette proposition a été déjà été rejetée deux fois par le Sénat lors de la discussion de la proposition de loi Avia, le mécanisme imaginé pour réintroduire le juge ne nous semblant pas totalement opérationnel. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 436 vise à réserver à l’autorité judiciaire l’examen du recours formé par les utilisateurs contre des décisions de modération. Il avait également été rejeté par le Sénat lors de la discussion de la PPL Avia.
Son adoption reviendrait à supprimer toute obligation pour les plateformes de mettre en place des procédures de recours interne, ce qui nous semble totalement inacceptable. Notre avis est donc défavorable.
L’amendement n° 598 rectifié tend à créer un délit de non-retrait en vingt-quatre heures de certains contenus illicites par les opérateurs de plateforme en ligne. C’est très exactement ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel dans la loi Avia.
De plus, prévoir un délai couperet de vingt-quatre heures induirait des risques majeurs de sur-censure de contenus pourtant licites. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 435 vise, quant à lui, à réintégrer les moteurs de recherche dans le champ de la régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel, ce qui est contraire à la position du Sénat.
La nouvelle régulation des plateformes, qui sera valable à peine deux ans, doit se concentrer sur les réseaux sociaux à fort trafic, principaux vecteurs d’échanges de propos haineux illicites. En effet, les moteurs de recherche, dans leur fonctionnement technique, leur finalité et leurs conséquences sur la viralité d’un contenu se distinguent substantiellement des réseaux sociaux, puisqu’ils n’hébergent pas, mais dirigent vers. On ne peut donc leur appliquer le même régime.
Pour autant, nous serons favorables à l’amendement n° 608 rectifié. S’agissant des moteurs de recherche, il vise uniquement ceux qui sont situés au-dessus du second seuil, donc les grandes et très grandes plateformes, et cela uniquement au titre des obligations de vigilance et de remédiation systémique. Cela répond en partie aux problèmes qui sont soulevés par le précédent amendement.
Je le répète, nous serons favorables à cet amendement n° 608 rectifié, sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement de coordination n° 681, qui a pour objet de corriger des problèmes légistiques de forme et de préciser la définition des plateformes, ainsi que la notion de contenus publics.
Madame la présidente, je vais procéder de la même manière que Mme la rapporteure.
Les amendements n° 424 rectifié, 598 rectifié et 436 portent sur la réintroduction de la règle des vingt-quatre heures, avec ou sans le juge. Je ne vais pas refaire ici le débat que nous avions eu, à front renversé d’une certaine manière, lors de l’examen de la proposition de loi Avia. Il ne me semble pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’introduction du juge se justifie.
Que se passe-t-il si, comme nous l’avons évoqué, le juge ne peut pas statuer, compte tenu de l’avalanche de contenus, en vingt-quatre heures ? Dans les faits, la justice ne peut pas décider, même en référé, sur l’ensemble des saisines qui sont aujourd’hui faites sur des notifications de contenus illégaux.
J’y insiste, la justice ne sera pas capable de se prononcer en vingt-quatre heures, et nous reviendrons à ce que vous avez vous-mêmes dénoncé lors de l’étude de la proposition de loi Avia, c’est-à-dire à un risque de sur-censure non pas théorique, mais effective, puisque le juge se donnera le temps de juger, même en référé. C’est pour cette raison que je serai défavorable à ces trois amendements.
Je suis en revanche favorable, pour les raisons évoquées par Mme la rapporteure, à l’amendement n° 608 rectifié.
En conséquence, j’invite M. Assouline à retirer l’amendement n° 435, qui me semble viser le même objectif, au bénéfice de l’amendement n° 608 rectifié.
Enfin, s’agissant du sous-amendement n° 681 de la commission des lois, le Gouvernement a quelques critiques d’ordre légistique à formuler, mais je me propose d’émettre un avis de sagesse, afin que ces éléments soient retravaillés dans le cadre de la navette parlementaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux soutenir avec beaucoup de force l’amendement n° 424 rectifié.
En effet, j’ai bien noté, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez seulement opposé à cet amendement des considérations de fait, en quelque sorte des considérations matérielles. Or, vous le savez, tôt ou tard, et le plus tôt sera le mieux, il faudra revenir à des dispositions de ce type. Pourquoi ?
Lorsqu’il y a une attaque haineuse sur internet, lorsqu’une personne est mise en cause de façon profonde, blessante, diffamatoire, accusatoire, le mal est fait, et il est commis instantanément. Aussi, donner à la personne la possibilité de faire en sorte que le message soit suspendu pendant quatre-vingts heures n’est pas exorbitant. C’est la seule manière de protéger la personne.
Par ailleurs, le fait que la décision de retrait ou de non-retrait soit prise par un juge judiciaire constitue une garantie absolue. On voit bien ce qu’ont donné les dispositifs consistant à demander aux différents organismes éditeurs, auteurs et porteurs d’effectuer une censure des messages haineux. Cela a abouti à des choses parfaitement arbitraires, aléatoires. J’y insiste, seul le juge est ici pertinent.
En résumé, premièrement, il faut aller vite ; deuxièmement, il faut donc donner à la personne la possibilité d’obtenir la suspension dans des délais rapides ; troisièmement, la décision de retrait éventuel ne peut pas être prise par l’organisme ou par la société. Elle doit être prise par un juge. C’est la raison pour laquelle il existe des procédures en référé.
Je veux bien que l’on nous dise que c’est matériellement difficile à mettre en œuvre, mais force doit rester à la loi, et si nous votons ce que proposent Mme de La Gontrie et le groupe socialiste au travers de cet amendement, l’effet dissuasif sera important.
Vous l’aurez compris, madame la présidente, nous plaidons pour cet amendement.
M. le secrétaire d’État nous demande de retirer l’amendement n° 435 au bénéfice de l’amendement n° 608 rectifié, sous-amendé par Mme la rapporteure, ce que je vais faire volontiers.
Néanmoins, vous auriez pu sous-amender notre amendement, monsieur le secrétaire d’État
Sourires sur les travées du groupe SER.
L’amendement n° 435 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 424 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 436 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 665, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
du présent I
II. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
du présent 7
La parole est à Mme la rapporteure.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 434, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline et Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16, seconde phrase
Remplacer le mot :
rapide
par les mots :
dans un délai de quarante-huit heures
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait la mise en place d’un point de contact unique qui offrirait une interface entre les opérateurs et les autorités publiques et judiciaires. On voit bien combien l’efficacité de cet article pourrait être ainsi accrue.
Néanmoins, le délai défini pour le traitement de ces demandes a varié au cours de l’examen du texte, pour n’être plus, dans la version issue des travaux de notre commission, qu’un délai « rapide », ce qui ne veut pas dire grand-chose.
Nous demandons donc que ce délai soit fixé à quarante-huit heures.
S’il est vrai que certaines décisions auraient besoin d’être plus rapides, ce n’est pas forcément le cas pour d’autres. Nous proposons donc de laisser au CSA l’appréciation du caractère urgent de ces décisions, sachant que nous avons été alertés quant au fait que, quand on demande des réponses rapides, les opérateurs ont parfois recours à une simple réponse négative. Si celle-ci est immédiate, elle prive leurs interlocuteurs de toutes les informations demandées. C’est pourquoi nous préférons la rédaction actuelle.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 601, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer les mots :
d’indépendance,
La parole est à M. Julien Bargeton.
Tout comme pour le précédent amendement que j’ai présenté, notre démarche consiste à essayer de trouver des équilibres nouveaux par rapport au texte de la commission des lois.
Celle-ci a utilement renforcé, par l’adoption d’un amendement de ses rapporteures, l’obligation de désigner des « signaleurs de confiance » dont les notifications de contenus font l’objet d’un traitement prioritaire. Cette disposition s’inscrit en pleine cohérence avec le projet de règlement européen du Digital Services Act (DSA) et avec la pratique, dont il faut bien dire qu’elle est assez récente, de plusieurs plateformes qui ont mis en place des procédures techniques de traitement accéléré des signalements provenant de certaines entités publiques, telles que Pharos, ou d’associations de lutte contre la haine en ligne.
Toutefois, la rédaction de la commission impose aux signaleurs de confiance un critère général d’indépendance. Or les tiers de confiance sont un phénomène récent. En pratique, leur organisation est très variable et peut reposer en partie sur des financements extérieurs.
Il paraît donc préférable, afin de garantir le caractère opérant du dispositif utilement introduit par la commission des lois, dispositif que nous ne contestons nullement, de supprimer cette condition. La rédaction que nous proposons conserve cependant les critères de diligence et d’objectivité, ainsi que les exigences de transparence et de non-discrimination, pour la désignation du signaleur de confiance.
Nous comprenons que l’on puisse considérer comme imprécise la rédaction de la commission, qui requiert l’indépendance des signaleurs de confiance sans plus de précision. Cela étant, comme dans le DSA, il faudra bien faire figurer expressément cette exigence d’indépendance.
C’est pourquoi, mon cher collègue, nous vous proposons de rectifier votre amendement : plutôt que de supprimer les mots « d’indépendance », il conviendrait d’ajouter après eux les mots « à l’égard des opérateurs ».
Si vous acceptiez cette rectification, la commission serait favorable à votre amendement.
Monsieur Bargeton, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 601 dans le sens souhaité par Mme la rapporteure ?
Je comprends l’argument de Mme la rapporteure, mais cela me pose une difficulté. En effet, il est des plateformes et des réseaux qui participent au financement de ces signaleurs de confiance.
Dès lors, même si j’entends le souci d’indépendance notamment par rapport aux plateformes elles-mêmes, une telle rédaction serait dommageable, car elle empêcherait les pratiques de financement de ces signaleurs de confiance que certains acteurs mettent en œuvre via les plateformes. On a intérêt, me semble-t-il, à encourager le financement de telles pratiques plutôt qu’à les empêcher.
Je ne répondrai donc pas favorablement à la proposition de Mme la rapporteure, à moins que M. le secrétaire d’État ne me convainque de m’y rallier. Il ne faudrait pas que cette disposition vienne réduire l’ampleur d’une bonne pratique qui est en train de s’installer.
M. Cédric O, secrétaire d ’ État. À la grande surprise de cette assemblée, je suis du même avis que M. Bargeton !
Sourires.
Prenons quelques exemples d’associations qui œuvrent dans le domaine de la protection de l’enfance ou de la lutte contre les contenus racistes ou homophobes. Nombre de ces associations ont des conventions de partenariat avec les plateformes, qui peuvent financer certaines de leurs actions. Ces associations n’en sont pas moins indépendantes.
Néanmoins, si la rédaction proposée par Mme la rapporteure était retenue, ces associations ne pourraient plus continuer à jouer leur rôle, compte tenu du fait qu’elles ne seraient plus considérées comme indépendantes juridiquement dès lors que quelques-unes de leurs actions seraient cofinancées par les plateformes.
Tout comme M. Bargeton, je comprends ce que recherche Mme la rapporteure, mais je pense que ce critère d’indépendance pourrait malheureusement être mal appliqué. Il est donc nécessaire de le retravailler, dans la mesure où tant la rédaction actuelle que celle que propose à présent Mme la rapporteure risqueraient de sortir complètement du jeu de nombreuses associations dont l’action est aujourd’hui absolument vitale pour les victimes.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement non rectifié.
Le critère d’indépendance devra tout de même figurer dans le DSA ; il faudra donc bien s’y soumettre. Ensuite, j’ai tout de même du mal à comprendre comment quelqu’un qui est payé par une plateforme peut en être indépendant !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, dans la mesure où il n’a pas été rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 535 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 26
Après les mots :
d’en informer
insérer les mots :
, avant l’exécution de la décision,
II. – Après l’alinéa 30
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas de protestation motivée de l’utilisateur à l’origine de la publication du contenu notifié, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.
« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.
« En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.
« Les actions fondées sur le présent d sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d’appel déterminée par décret.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne serons pas à fronts renversés, puisque nous avons déjà eu ce débat et que je défends rigoureusement la même position que lors de la discussion de la proposition de loi Avia.
J’ai relu l’amendement n° 250 rectifié sexies de M. Malhuret, que nous avons adopté, et je reste sincèrement persuadé que ses dispositions permettront d’obtenir la transparence des algorithmes de traitement.
L’amendement n° 535 rectifié vise à obtenir la transparence des décisions de contenu. Certaines plateformes ont la capacité exorbitante de faire disparaître, en vingt-quatre heures, l’identité numérique d’un individu, fût-il le président des États-Unis d’Amérique, sans nulle forme de recours.
À mes yeux, ce n’est absolument pas normal, eu égard à la situation monopolistique de ces plateformes : si vous ne pouvez plus paraître sur ces réseaux sociaux, vous disparaissez complètement ! C’est bien ce que l’on observe en ce moment de l’autre côté de l’Atlantique.
Le dispositif de cet amendement a été rédigé par le Barreau de Paris. Je le précise, non pour invoquer sa haute autorité, mais parce qu’il me semble normal, d’un point de vue déontologique, d’indiquer qui fournit tel ou tel amendement.
Il s’agit de permettre à chaque personne qui estime avoir fait l’objet d’un effacement un peu trop violent et intempestif de saisir le juge afin que celui-ci puisse faire valoir au citoyen son droit de recours.
L’amendement n° 437, présenté par M. Assouline, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 43
1° Après la première phrase
Insérer trois phrases ainsi rédigées :
Elles restent en vigueur jusqu’à leur validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par les utilisateurs ayant fait l’objet des mesures mentionnées aux mêmes a et b. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
internes et
La parole est à M. David Assouline.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec nos amendements précédents.
À l’instar des décisions univoques consistant à retirer ou à rendre inaccessible un contenu, les mesures radicales de suspension ou résiliation du compte d’un utilisateur, ou de suspension de l’accès au dispositif de notification, ne peuvent être prises dans l’urgence et unilatéralement par une plateforme que de manière provisoire. Le dispositif de recours reposant sur une procédure interne est insuffisant sans le contrôle de l’autorité judiciaire.
Tout comme pour le retrait ou le blocage, cet amendement a donc pour objet d’appliquer dans de tels cas ce principe élémentaire, afin d’écarter tout risque de suspension ou de résiliation abusive.
Les plateformes ont déjà un pouvoir important ; il est nécessaire que l’autorité judiciaire puisse contrôler les suspensions ou fermetures de comptes avant une décision définitive, afin d’éviter les abus et les phénomènes de censure par les plateformes. Plutôt que d’accomplir un travail minutieux, celles-ci pourraient en effet préférer surréagir, afin de se protéger et de ne pas être éventuellement accusées de ne pas avoir supprimé des contenus haineux.
Vous m’avez déjà partiellement répondu, monsieur le secrétaire d’État. Je vous préciserai donc que nous ne proposons pas d’attendre des mois si, dans les vingt-quatre heures, le juge n’a pas pu rendre de décision. Il s’agit simplement de la confirmation d’une décision, pour que le dernier mot revienne toujours à la justice. En revanche, quand il faut suspendre immédiatement le compte d’un utilisateur, parce que les faits sont avérés pour la plateforme, ces dispositions ne les en empêcheront évidemment pas.
Ces amendements visent, comme les précédents, à réintroduire le juge dans le processus de retrait des contenus haineux. Des amendements d’objet identique ont déjà été rejetés par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi Avia, en raison du caractère impraticable des dispositions proposées et, surtout, des risques d’effets pervers.
Aux termes de l’amendement n° 535 rectifié, la plateforme sera dans l’obligation de rétablir les contenus retirés en cas de contre-notification par leur auteur, à charge pour le notifiant de saisir le juge des référés.
Cela peut poser des problèmes relatifs à l’intérêt à agir du requérant : une notification de contenu haineux illicite peut être adressée à un hébergeur par toute personne, sans qu’elle ait à justifier d’être personnellement lésée par ledit contenu, alors que son action devant le juge devra bien s’appuyer sur un tel intérêt, sauf à permettre une sorte d’action populaire.
Concernant l’articulation avec le régime de responsabilité instauré par la loi pour la confiance dans l’économie numérique, le dispositif envisagé oblige la plateforme à rétablir certains contenus litigieux dans l’attente de la décision du juge, qui peut prendre une semaine et lui donner tort, alors même que la plateforme engage sa responsabilité pénale et civile si elle ne retire pas promptement ces contenus.
Si l’amendement n° 437 était retenu, la plateforme ne pourrait suspendre ou résilier le compte d’un utilisateur que de manière provisoire, à charge pour elle de saisir le juge des référés. Le manque de moyens de la justice rend assez illusoire le délai de quarante-huit heures laissé au juge pour statuer. Précisons par ailleurs que les utilisateurs mécontents de la suppression de leur compte peuvent déjà saisir le juge, y compris en référé, s’ils estiment que c’est à tort que la plateforme a mis fin à leur relation contractuelle.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 438, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline et Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 45, première phrase
Remplacer les mots :
en matière de
par les mots :
favorisant la
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Marques de satisfaction sur les travées du groupe SER.
Sourires.
N’y voyez aucune volonté de frustration de ma part, mais j’ai bien peur que cet amendement ne soit pas purement rédactionnel. Je crains en outre que le dispositif proposé n’aille dans le sens inverse de ce que souhaitent défendre ses auteurs.
En effet, préciser que les opérateurs doivent conduire une évaluation des risques systémiques « favorisant la » diffusion de certains contenus ou d’atteintes aux droits fondamentaux serait plus restrictif que la formule actuelle et conduirait à un contrôle plus restreint des outils des plateformes. La formule « en matière de » a une visée plus favorable que celle que vous proposez.
Il convient donc, selon le Gouvernement, de conserver une disposition large, de manière à s’assurer que les plateformes conduisent l’évaluation de leurs outils la plus complète possible.
Je vous invite donc, madame la sénatrice, à retirer votre amendement ; faute de quoi, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas gentil, pour une fois que l’avis de la commission est favorable !
Sourires.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 602, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 55, première phrase
Remplacer la dernière occurrence du mot :
par
par le mot :
sur
La parole est à M. Julien Bargeton.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
C’est maintenant la commission qui considère qu’il ne s’agit pas d’un amendement purement rédactionnel. Il tend en effet à remplacer la préposition « par » par « sur », alors qu’un texte ou une image n’est pas diffusé sur un opérateur de plateforme, mais bien par lui.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 439, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline et Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 56, deuxième phrase
Supprimer les mots :
principes de fonctionnement des
La parole est à M. David Assouline.
L’article 19 bis prévoit que les plateformes permettent au CSA d’avoir accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés auxquels ils ont recours pour répondre à leurs nouvelles obligations, ainsi qu’aux paramètres utilisés par ces outils.
La question de la transparence des algorithmes est posée. C’est une question démocratique, autour de l’un des prochains enjeux de la révolution numérique, laquelle exige un tant soit peu de régulations. Vous savez bien, monsieur le secrétaire d’État, que ce sera le problème majeur, notamment du fait de l’intelligence artificielle. Il est donc bon que nous nous arrêtions sur ce sujet, y compris par le biais d’amendements déposés sur ce texte.
Lorsque nous demandons à accéder aux outils, on nous oppose le secret des affaires. Cet amendement est une réponse. On demande aux Gafam non pas de remettre ces informations au premier venu, mais de les confier à une instance de régulation chargée de les vérifier. Si ce n’est pas fait, nous ne pourrons pas contrôler la pertinence de ces outils ; même le CSA ne le pourra pas.
L’obligation de transparence proposée dans l’article 19 bis est incomplète. Une fois de plus, ce projet de loi affiche des intentions ou des principes, mais cela ne suffit pas.
Il est crucial de pouvoir juger sur pièces, c’est-à-dire de pouvoir contrôler la conformité des algorithmes aux principes d’un espace public démocratique. Il faut que ces algorithmes puissent être directement audités par les experts techniques du CSA, qui sont en mesure de les analyser et de les tester. Il va de soi que ces experts sont soumis à une obligation de réserve. Il convient donc de prévoir dans la loi un accès direct aux algorithmes.
J’aimerais également évoquer la question des moyens humains dont le CSA a besoin pour accomplir au mieux sa nouvelle mission de contrôle des plateformes. Il lui faudra le financement nécessaire afin de débaucher, si je puis dire, des ingénieurs qualifiés pour ce travail, sachant que les meilleurs d’entre eux se vendent à prix d’or et que les plateformes disposent de moyens quasi illimités. Dans tous les cas, la question est posée pour le CSA.
J’insiste : aujourd’hui, le gros problème est que des compétences sont nécessaires pour contrôler et que ceux qui peuvent les acheter sont les plateformes elles-mêmes, ce qui rend leur contrôle très difficile. En effet, ceux qui pourraient le mieux le faire sont payés par les plateformes elles-mêmes ! L’État doit vraiment faire un effort d’attractivité en la matière, y compris du point de vue financier, pour permettre cette régulation.
En conséquence, il convient de prévoir dans la loi un accès direct aux algorithmes.
Je ne suis pas convaincue que « accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés » soit moins fort que « accès aux outils automatisés ». L’exposé des motifs de votre amendement se termine d’ailleurs ainsi : « En conséquence, il convient de prévoir dans la loi un accès direct aux algorithmes. »
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Assouline, je vais m’efforcer de vous convaincre de l’inopportunité de votre amendement. La rédaction que vous proposez est en effet beaucoup moins puissante que la nôtre !
Dans le machine learning, c’est-à-dire les algorithmes d’intelligence artificielle utilisés la plupart du temps par les plateformes, avoir accès au code ne sert à rien. Je peux vous donner le texte du code : si vous n’avez pas les paramètres de test et de fonctionnement qui ont été rentrés, vous n’avez accès à rien.
Ce que nous cherchons à faire avec cette rédaction est bien ce que vous souhaitez également : avoir accès au code, mais également à son impact. En se restreignant au code et en excluant l’ensemble de son environnement, comme vous le proposez, on se lie les mains et on n’aura accès à rien. On ne saura pas en effet comment cela marche !
Pour le dire en termes un peu triviaux, aujourd’hui, lire le code qui aide un algorithme de reconnaissance d’images à reconnaître un chat ne vous apprend rien : l’algorithme reconnaît dix chats, mais vous ne comprendrez pas pourquoi il ne reconnaît pas le onzième. Si vous voulez comprendre pourquoi il en est ainsi, vous avez besoin des paramètres qui ont été entrés et vous avez besoin de les tester. Vous devez donc avoir accès aux paramètres de test.
La rédaction « aux principes de fonctionnement » permet précisément de faire ce que vous recherchez, au-delà du secret des affaires : avoir une transparence totale sur ce que font les algorithmes des plateformes, mais de manière efficace, sans se limiter au code.
C’est pourquoi, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement, dont l’adoption risquerait d’être contre-productive eu égard à votre but.
Voilà tout de même une façon bizarre de construire la loi.
Je mets en doute le fait que la formule générale – « accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés » – à laquelle on s’en tient signifiera véritablement pour les plateformes qu’elles doivent donner accès aux algorithmes et aux codes. Vous en êtes convaincu ; je ne le crois pas.
Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez vouloir aller dans mon sens, mais mieux que moi. Alors, amendez l’article ! Si vous considérez que l’accès au code n’est pas suffisant, écrivez « accès aux outils automatisés et à leurs principes de fonctionnement ». Alors que telle est votre intention, vous ne le faites pas ! Vous ne m’avez donc pas convaincu de retirer mon amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 603, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 56, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, y compris lorsque l’accès à ces données nécessite la connexion à un compte
La parole est à M. Julien Bargeton.
Cet amendement a pour objet de ne pas restreindre à l’excès la capacité de régulation du CSA par collecte automatisée des données. Dans la mesure où l’on veut lui confier un rôle de régulateur, il ne faut pas trop restreindre ce rôle.
Si l’on tire les conséquences de la décision du 27 décembre 2019 du Conseil constitutionnel, la formule « données publiquement accessibles » pourrait être interprétée comme excluant les données « accessibles seulement après saisie d’un mot de passe ou après inscription sur le site en cause ». Or de nombreux acteurs visés par le champ du dispositif ne présentent rien sur l’internet ouvert, puisqu’il faut avoir un compte soumis à mot de passe pour accéder à leurs contenus. C’est le cas d’un certain nombre de réseaux sociaux. S’il faut un compte et un mot de passe, il ne s’agit plus de données publiquement accessibles ; ce nouveau champ de l’activité du CSA ne pourrait donc plus faire l’objet de contrôles.
Afin de ne pas limiter le caractère opérationnel de la régulation, nous proposons de préciser ce que sont les données publiques accessibles par le CSA dans le cadre de sa collecte automatisée, en expliquant qu’elles comprennent bien celles des sites qui nécessitent la connexion à un compte.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 257 rectifié, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Guérini, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 64, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Stéphane Artano.
Cet amendement a pour objet les sanctions pécuniaires dont sont passibles les opérateurs de plateformes en ligne en cas de manquement à leurs obligations.
S’il est nécessaire de prévoir des sanctions à l’encontre des opérateurs qui ne se conformeraient pas aux mises en demeure du CSA, il ne paraît en revanche pas possible d’admettre qu’ils puissent être exonérés de sanctions pécuniaires dans le cas où un autre pays les aurait déjà condamnés pour un même manquement.
Une sanction de ce type doit être rendue souverainement, sans qu’il faille rechercher si, à l’étranger, une administration ou une juridiction aurait également sanctionné l’opérateur, d’autant que les seuils proposés nous paraissent relativement insuffisants au regard des bénéfices que dégagent ces plateformes numériques.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, même si le problème soulevé prouve que l’on a besoin de disposer, avec le DSA, d’une règle européenne en la matière. Pour autant, ce que vous proposez, mon cher collègue, risquerait d’entraîner une disproportion dans les sanctions.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 19 bis est adopté.
Au premier alinéa de l’article 16 de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, la référence : « à l’article 1er de la présente loi » est remplacée par la référence : « au premier alinéa de l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ». –
Adopté.
(Supprimé)
Je rappelle que l’article 19 ter a été réservé jusqu’au mardi 6 avril, à quatorze heures trente.
(Non modifié)
Après l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 précitée, il est inséré un article 6-6 ainsi rédigé :
« Art. 6 -6. – Les opérateurs de plateforme en ligne mentionnés à l’article 6-5 sont tenus, lors de l’inscription à l’un de leurs services d’un mineur âgé de moins de quinze ans et dans le cas où leur offre de service implique un traitement de données à caractère personnel, de prévoir une information à destination du mineur et du ou des titulaires de l’autorité parentale sur l’utilisation civique et responsable dudit service et sur les risques juridiques auxquels ils s’exposent en cas de diffusion par le mineur de contenus haineux, à l’occasion du recueil des consentements mentionnés au deuxième alinéa de l’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » –
Adopté.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 397-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions des articles 393 à 397-5 sont applicables aux délits prévus aux articles 24 et 24 bis ainsi qu’aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lorsqu’il apparaît que l’auteur du propos poursuivi en est exclusivement responsable. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 804 est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … confortant le respect des principes de la République, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 318 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 421 rectifié est présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mmes Harribey, Monier et Meunier, MM. Marie, Sueur, Magner et Leconte, Mmes Lepage et S. Robert, MM. Kerrouche, Kanner, Durain, Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 571 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 318.
L’article 20 prévoit, par dérogation à l’article 397-6 du code de procédure pénale, que les procédures de comparution immédiate sont applicables pour les auteurs présumés de provocations à la haine et de délits de provocation prévus à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881.
Selon le Conseil national des barreaux, user des procédures rapides de jugement dans le cadre de ces délits revient à méconnaître la technicité de ces dossiers et les garanties procédurales de la loi de 1881. Les infractions de provocation à la haine, notamment en ligne, requièrent une expertise de la part des enquêteurs. Les magistrats rencontrent également plus de difficultés à matérialiser des faits de cyberharcèlement et à qualifier pénalement les infractions du champ virtuel. Dans la pratique, ce type de contentieux se heurte à un manque de personnel formé au sein des services enquêteurs. L’exploitation du matériel informatique et les investigations techniques sont confiées à des experts privés. Ce manque de moyens allonge considérablement les délais d’analyse des données recueillies.
Nous partageons donc le constat que la procédure de comparution immédiate, qui présente un caractère expéditif, n’est pas adéquate pour juger ce type d’infractions.
Enfin, il convient de ne pas nier la spécificité et le caractère sensible des délits mentionnés par la loi du 29 juillet 1881, dont la définition repose sur un équilibre entre la liberté d’expression, la liberté d’opinion et les abus commis. La France, pays très attaché à la liberté d’expression, doit maintenir un cadre spécifique pour ce type de contentieux.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 421 rectifié.
Je ne comprends pas l’absence de M. le garde des sceaux, alors que nous débattons de l’application des procédures de comparution immédiate aux délits de presse. Je ne sais trop de quoi c’est le signe ; en tout cas, ce n’est pas le signe d’un grand intérêt pour ce sujet.
Pourtant, avec cet article, nous nous apprêtons à rompre avec un principe qui existe depuis fort longtemps. En droit français, la comparution immédiate n’est pas applicable dans deux circonstances : les infractions à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, d’une part, toutes infractions impliquant des mineurs, d’autre part.
Aujourd’hui, alors que la fatigue et la durée de nos discussions ont largement vidé notre hémicycle, nous sommes sur le point, en l’absence du garde des sceaux, de trancher le débat de manière défavorable pour ce principe très ancien.
Lors de son audition par la commission des lois, M le garde des sceaux a affirmé qu’il lui semblait nécessaire que les « gamins haineux » puissent être poursuivis rapidement. Telle a été sa défense de la comparution immédiate. Dont acte. Je comprends donc qu’il entend également déroger à la non-application de cette procédure aux mineurs.
Il faut bien savoir que, dès lors que ce régime spécifique n’est pas applicable, les procédures coercitives telles que la garde à vue et la détention provisoire ne le sont pas non plus. Nous allons nous trouver dans une situation où ce que nous appelons désormais « la comparution immédiate » et non plus « les flagrants délits » sera considérablement élargi, dans un système qui met totalement à la poubelle le principe même de protection de ceux qui sont soumis à la loi du 29 juillet 1881. C’est très grave !
Cela l’est déjà dans les circonstances d’aujourd’hui, mais cela pourra l’être plus encore demain : si vous considérez que tel ou tel délit le justifie, vous considérerez alors qu’il y a lieu d’élargir encore ce champ. Dans quelques mois ou quelques années, il n’y aura plus de protection des journalistes.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 571.
Je n’ai rien à ajouter à l’excellent argumentaire de Marie-Pierre de La Gontrie, sinon quelques brèves remarques.
M. le garde des sceaux est venu nous expliquer, avec force envolées et effets de manches, qu’il ne toucherait pas à la loi sur la liberté de la presse ; à présent, il n’est plus là. Son absence est un dur silence pour nous.
Nous comprenons bien que, finalement, ce qui est touché par ce texte est la loi sur la liberté de la presse. J’aurais aimé qu’il la défende avec autant de verve qu’il l’a fait tout à l’heure. Cette tâche vous échoit désormais, monsieur le secrétaire d’État.
Je trouve très triste que l’une des libertés fondamentales de notre République, la liberté de la presse, soit ainsi écornée à la fin d’une journée de débats, un vendredi soir, dans une indifférence totale.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Cet article permet la répression rapide, par la comparution immédiate, des responsables des infractions les plus graves prévues par la loi de 1881 lorsqu’ils agissent comme des individus seuls responsables de leurs actes.
Tout d’abord, je vous prie d’excuser l’absence d’Éric Dupond-Moretti, qui est retenu par une réunion avec le Premier ministre.
Madame la sénatrice, il arrive que, dans une discussion parlementaire, un membre du Gouvernement se fasse représenter par un autre membre du Gouvernement. Comme vous êtes attachée au droit, vous savez que, constitutionnellement, n’importe quel ministre est habilité à représenter le Gouvernement. Il fait partie du jeu politique que l’opposition dénonce l’absence de tel ou tel. Quand cette même opposition est au pouvoir comme vous l’avez été, elle ne le fait pas – là encore, cela fait partie du jeu.
Éric Dupond-Moretti ne s’est défaussé ni de ses obligations ni des débats – y compris piquants, avec vous – depuis le début de l’examen de ce texte. Il continuera à le faire et sera présent au Sénat la semaine prochaine pour la suite de la discussion. Entre-temps, c’est moi qui porte la voix du Gouvernement.
L’article est très clair sur deux points.
En premier lieu, les mineurs sont exclus du champ de cet article : ils continueront à ne pas être jugés en comparution immédiate. Je confirme que cela ne les concernera en rien.
En second lieu, il s’agit bien d’exclure du champ de cet article les contenus éditorialisés, donc les journalistes. Un individu qui insulte ou menace de mort dans un commentaire sur Facebook et un journaliste, qui a sa responsabilité, sa déontologie et son vecteur de presse, feront l’objet d’un traitement différent.
C’est bien ce que, parlementaires et Gouvernement, nous cherchons à faire depuis le début et que permet cet article : pouvoir juger vite des personnes qui sont des auteurs de haine en ligne en excluant les journalistes.
Vous en conviendrez, la capacité à juger vite avec l’intervention du juge est absolument essentielle pour la crédibilité du droit et pour celle de la parole publique et son respect.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
J’apporterai une précision concernant les journalistes.
Monsieur le secrétaire d’État, selon vous, dès lors que leurs contenus seraient éditorialisés, les journalistes ne seraient pas visés. Pourtant, dans le segment de l’article « dès lors qu’il apparaît que l’auteur du propos poursuivi en est exclusivement responsable », le mot important est « exclusivement ».
Il faut savoir que, dans la loi sur la presse, contrairement à ce que l’on pense souvent, l’auteur principal est le responsable éditorial et non le journaliste ; ce dernier n’est poursuivi que pour complicité. Aussi, si je ne me trompe pas dans mon analyse, lorsque l’on y fait référence, on sous-entend bien que le journaliste qui tient des propos, mais qui, de fait, n’est que complice, ne serait pas visé. Fort bien.
Reste qu’aujourd’hui un journaliste s’exprime par de nombreux canaux sans pour autant perdre sa qualité de journaliste. Monsieur le secrétaire d’État, selon vous, un post sur Facebook serait-il moins important ? Cela m’étonne venant de vous, car il s’agit toujours de sa signature. En d’autres termes, le journaliste qui s’exprime en son nom, et non pas comme complice de son directeur de la publication, serait inclus dans le champ de cet article. C’est très dangereux.
J’entends que vous estimiez que, pour ce type de sujet, l’urgence prime sur le respect des droits et sur la procédure extrêmement protectrice. Néanmoins, c’est le début d’une dérive très inquiétante pour l’ensemble de cette législation.
Monsieur le secrétaire d’État, même à cette heure-ci, même dans les conditions de fatigue et de lassitude de cette fin de semaine – nous sommes prêts, bien sûr, à continuer le temps qu’il faudra –, nous ne voulons pas laisser passer, dans une sorte d’apathie, des dispositions rognant la liberté de la presse.
L’article 24 de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, y compris dans la forme qui sera finalement adoptée, rogne la liberté de la presse et y porte atteinte. Dans la mesure où vous n’avez pas voulu y inscrire la garantie que nous avons proposée, l’article 18 du texte que nous sommes en train d’examiner rogne également la liberté de la presse.
Cette question de comparution immédiate n’est pas du tout anodine, vous le savez bien et tous les journalistes le sauront. En effet, comme l’a souligné Mme de La Gontrie, le mot « journaliste » n’apparaît pas à l’article 20 tel qu’il est rédigé.
Or la fabrication d’un journal, et même d’un article, est très souvent une œuvre collective : elle implique le directeur de la publication, mais aussi toute l’équipe, qui s’exprime par différents moyens et sur différents canaux. Dès lors, on n’est presque jamais « exclusivement responsable » de la publication d’un article, celui-ci passant par différents stades : rédaction, correction, révision, publication…
Par conséquent, la rédaction retenue introduit une grande part d’arbitraire et de danger.
Vous savez combien, depuis Beaumarchais et beaucoup d’autres – je ne ferai pas de citation parce que mon temps de parole est épuisé –, la République française est attachée à la liberté de l’expression.
Il est donc très grave de banaliser la comparution immédiate pour les œuvres de l’esprit.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 318, 421 rectifié et 571.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 666, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
dès lors qu’il apparaît que l’auteur du propos poursuivi en est exclusivement responsable
par les mots :
sauf si ces délits résultent du contenu d’un message placé sous le contrôle d’un directeur de la publication en application de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ou de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle
La parole est à Mme la rapporteure.
Cet amendement vise justement à éviter l’application de procédures de jugement rapide dans tous les cas où un organe de presse est concerné.
L’amendement n° 422 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme Harribey, MM. Leconte, Magner et Marie, Mmes Meunier et Monier, M. Sueur, Mme S. Robert, MM. Kanner, Durain, Kerrouche, Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Cette dérogation n’est pas applicable :
« - aux journalistes qui s’expriment dans le cadre de leurs fonctions sur les réseaux sociaux ;
« - aux lanceurs d’alertes, tels que définis par l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;
« - aux mineurs. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Madame la rapporteure, votre présentation de l’amendement n° 666 est intéressante.
Vous cherchez à expliciter des mots qui n’étaient pas forcément clairs pour des non-spécialistes de la loi de 1881 pour définir à qui ils s’appliquent. Cela confirme bien mon analyse : sauf dans les cas où il y a un directeur de la publication, le journaliste est visé.
L’amendement que je présente vise à préciser qui n’est pas concerné par cette dérogation à la non-application de la comparution immédiate : les journalistes qui s’expriment sous leur nom sur les réseaux sociaux, les lanceurs d’alerte – personne, pour l’instant, ne s’est préoccupé de leur sort –, les mineurs.
J’entends d’ailleurs avec plaisir le représentant du Gouvernement – c’est bien à ce titre que vous vous exprimez, monsieur le secrétaire d’État – indiquer que cette dérogation n’est pas applicable aux mineurs. En effet, les propos du garde des sceaux en commission ne le laissaient pas comprendre ainsi.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je confirme que la comparution immédiate ne s’applique pas aux mineurs. L’adoption de notre amendement réglera la question pour les journalistes.
Enfin, ce sont la bonne foi et le caractère désintéressé des lanceurs d’alerte dans la dénonciation d’une atteinte grave à l’intérêt général dont ils ont eu personnellement connaissance qui compteront. Ceux-ci pourront être établis par le juge.
Ces précisions ne paraissent donc pas utiles.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 666 et défavorable sur l’amendement n° 422 rectifié.
L ’ amendement est adopté.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 422 rectifié n’a plus d’objet.
Marques d ’ étonnement sur les travées du groupe SER.
Puisqu’il y a contestation et doute, je mets aux voix l’amendement n° 422 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 20 est adopté.
(Supprimé)
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « les septième et huitième alinéas de » sont supprimés. –
Adopté.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec l’examen du chapitre IV du titre Ier du projet de loi. Je vous rappelle que l’examen du chapitre V est réservé jusqu’au mardi 6 avril à quatorze heures trente.
Nous avons examiné 93 amendements au cours de la journée ; il en reste 338.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Je suis au regret de faire état d’un fait personnel qui s’est déroulé cet après-midi, au cours de la première partie de la séance. Il s’agit d’ailleurs plutôt d’un fait institutionnel.
À deux reprises, j’ai été, mezz a voce, hors micro, interpellée par le garde des sceaux, qui recherchait un échange avec moi sur des éléments n’ayant trait ni à la séance d’aujourd’hui ni à ma présidence.
Ce fait est suffisamment important pour que je le souligne.
Ce n’est pas à moi, à titre personnel, qu’il a ainsi été porté atteinte. C’est à la présidence, à la sérénité de son exercice et à une règle essentielle dans l’exercice de la présidence qu’est la dissociation entre la personne du président et l’exercice de sa fonction. En franchissant la porte qui mène au plateau, nous n’avons plus ni opinion, ni inimitié, ni amitié. Nous espérons qu’il en est de même pour tous ceux qui participent aux débats.
Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 avril 2021 :
À quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures quinze.