De façon générale, et pour répondre aux orateurs qui viennent de s’exprimer, notre intervention dans ce texte par voie d’amendement s’explique par des éléments de temporalité que je souhaite rappeler.
Le texte européen a été présenté le 15 décembre 2020, alors même que le projet de loi a été présenté le 8 ou le 9 décembre 2020. La France avait annoncé d’emblée qu’elle déclinerait les principes du texte européen sur la supervision des réseaux sociaux dans son droit national. Mais, par définition, il n’était pas possible de le faire avant la présentation de celui-ci.
Dès que nous avons eu le texte européen, le temps de l’analyser et de le retranscrire en droit français, nous avons déposé un amendement en séance à l’Assemblée nationale. Nous aurions préféré un autre calendrier, mais nous n’avions pas la main sur le processus européen.
Deux sujets doivent, selon moi, être traités aujourd’hui s’agissant du contrôle des contenus haineux.
Votre intervention sur les obligations de supervision renvoie plutôt à l’article 19 bis, me semble-t-il, monsieur Ouzoulias. Je veux en revanche répondre à Mme Bonfanti-Dossat sur la prétendue inutilité de l’article 19. Nous avions déjà eu l’occasion de débattre de ce point lors de l’examen de la proposition de loi sur les contenus haineux.
Un certain nombre de sites illégaux font l’objet d’un blocage par la justice française. Le processus est toujours le même : il faut plusieurs mois à la justice pour bloquer le site – nous avons tous en tête des exemples de sites aux contenus extrêmes –, mais il ne faut que vingt-quatre heures au contenu du site pour revenir en ligne de manière quasiment identique sous une autre extension.
Il y a donc une forme d’inefficacité ou en tout cas d’inadaptation de nos processus judiciaires pour des sites dont les contenus sont identiques ou quasi identiques.
Lors de la discussion de la proposition de loi Avia, le Gouvernement avait proposé que l’autorité judiciaire, à la suite d’une décision de justice, puisse demander aux hébergeurs et aux FAI de bloquer des sites similaires ou identiques aux sites bloqués par la justice. Certains avaient toutefois fait remarquer qu’une telle demande devait impérativement relever d’une décision judiciaire.
Nous considérons donc aujourd’hui que le juge peut déléguer à l’autorité administrative la capacité de bloquer des sites identiques à ceux qu’elle a décidé de bloquer, pour ne pas avoir à reprendre tout le mécanisme judiciaire, et avec évidemment un droit d’appel de la part des sites bloqués ou des FAI.
Je ne crois pas que l’absence de sanctions rende l’article inopérant, pour une raison simple : le Gouvernement français n’a pas aujourd’hui d’exemple de FAI ou d’hébergeurs ayant refusé d’appliquer des décisions de justice ou de l’autorité administrative. Ceux-ci le font systématiquement. La seule chose qu’ils demandent, c’est d’avoir une décision formelle, ce que l’on comprend très bien.
Nous proposons précisément de formaliser cette procédure, une avancée qui me semble absolument indispensable pour bloquer, dans le respect de la loi, un certain nombre de contenus que personne ici ne souhaite voir prospérer sur internet.
Je suis donc évidemment défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.