Cet amendement de ma collègue Valérie Boyer vise à étendre les dispositions de la lutte contre la haine en ligne, en ajoutant à l’apologie des crimes contre l’humanité la négation et la banalisation des crimes de génocide.
Cette disposition imposerait notamment aux plateformes de lutter contre la diffusion de contenus niant le génocide arménien en ligne, dont la pénalisation reste inconstitutionnelle à ce jour.
En 1990, le législateur a fait du négationnisme un délit de presse. En adoptant la loi Gayssot, il interdisait de contester publiquement un ou plusieurs crimes contre l’humanité « tels que définis par le statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 ».
Conçue à l’origine comme une limite à la liberté d’expression, cette réponse pénale au mal irrationnel qu’est l’antisémitisme s’est cherchée pendant vingt-cinq ans, au gré des combats et inquiétudes de toutes parts. D’un côté, les rescapés de la Shoah qui, après avoir vécu l’invivable, devaient encore entendre, comble du vice, que leur calvaire n’avait jamais eu lieu. De l’autre, les historiens et chercheurs – ceux de bonne foi – qui s’inquiétaient d’être traînés en correctionnelle pour avoir exercé leur métier.
Le 29 mai 1998, l’Assemblée nationale adoptait le principe, selon lequel « la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Ce principe devenait officiellement une loi de la République avec la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. En reconnaissant l’existence du premier génocide du XXe siècle, la République française redonnait symboliquement au génocide arménien une place dans la mémoire collective de l’humanité.
Toutefois, si cette reconnaissance a pu être considérée comme un achèvement pour certains, nous devons désormais aller plus loin, pour éviter toute concurrence des mémoires et toute inégalité de traitement entre les victimes et leurs descendants.
La République se doit en effet de protéger l’ensemble de ses ressortissants. Nombre de descendants du génocide arménien ont trouvé refuge en France et sont Français. Face au négationnisme, y compris d’État, dont ceux-ci sont victimes, on doit s’en remettre non pas à l’arbitraire communautaire, mais bien à la justice de la République, pour garantir leur protection.
C’est pourquoi il faut rechercher les outils juridiques les plus adaptés permettant de donner toute sa portée à la reconnaissance du génocide arménien et, plus largement, de réprimer la négation de l’ensemble des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, dans le strict respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles.