Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 2 avril 2021 à 14h45
Respect des principes de la république — Articles additionnels après l'article 19

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Mes chers collègues, les réseaux sociaux sont devenus dangereux ; ils injurient, ils humilient, ils blessent, et parfois pire. Ils commencent à miner la démocratie.

À plusieurs reprises, le législateur, ici même, à l’Assemblée nationale, au Parlement européen ou au Congrès américain, a tenté d’y mettre un peu d’ordre. Pour l’heure, nous avons en grande partie échoué. La dernière fois que nous avons essayé, c’était à l’occasion de l’examen de la proposition de loi Avia, quand nous nous sommes divisés sur le sujet de la liberté d’expression.

De toute façon, les lois de même nature, y compris la loi allemande, beaucoup plus stricte, ne règlent pas le problème, puisqu’elles portent sur la modération a posteriori et qu’aucun juge ne pourra jamais intervenir efficacement sur les millions de messages postés quotidiens sur les réseaux sociaux – c’est exactement ce que vous avez dit il y a un instant, monsieur le secrétaire d’État.

La raison de notre impuissance, c’est que nous avons cédé à l’argumentaire des plateformes numériques et de leurs milliers de lobbyistes, expliquant qu’ils étaient de simples hébergeurs des messages émis par leurs abonnés et non, comme la presse, des éditeurs responsables des contenus.

Ce raisonnement les exonère de la responsabilité des contenus illicites, mais c’est évidemment une fiction : en effet, ces plateformes ne se contentent pas d’héberger des contenus.

Leur business model est même à l’opposé, puisqu’il aboutit, par l’intermédiaire des algorithmes, à sélectionner les contenus les plus discutables, les plus polémiques, les plus violents – ce sont ceux qui génèrent le plus d’émotion, donc le plus de messages et le plus de fric.

Certains disent, en parlant de la modération, que l’on ne peut confier la censure aux plateformes et que nous devons la réserver au juge. Bien sûr, mais c’est dès aujourd’hui que la censure est confiée aux plateformes, qui plus est en amont, puisque c’est par l’usage de ces algorithmes que les plateformes suppriment ou dégradent la visibilité des contenus, disons, normaux, au profit des plus dangereux.

Loin d’être de simples hébergeurs, ces plateformes sont donc bien, par la sélection qu’elles opèrent dans la présentation, des producteurs de contenus ; elles doivent en assumer la responsabilité, comme, par exemple, les éditeurs de journaux qui sont responsables de leurs articles et des courriers des lecteurs qu’ils sélectionnent.

C’est le sens de cet amendement, qui vise à maintenir le régime exonératoire de responsabilité pour les sites dont l’activité n’excède pas celle d’un simple hébergeur et à rendre enfin responsables les autres sites pour les contenus qu’ils diffusent, bien entendu devant un juge.

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