Intervention de Cédric O

Réunion du 2 avril 2021 à 14h45
Respect des principes de la république — Articles additionnels après l'article 19

Cédric O :

Ce sujet revient assez souvent dans le débat public, et nous avons eu l’occasion d’en discuter ici même lors de l’examen de la proposition de loi Avia.

Mme la rapporteure a avancé des arguments juridiques ; je placerai donc mon avis dans une autre perspective.

Les réseaux sociaux ont permis aux Français et aux autres citoyens du monde de beaucoup plus communiquer entre eux et sans intermédiaire. Le monde s’est-il amélioré pour autant ? La démocratie fonctionne-t-elle mieux depuis l’émergence des réseaux sociaux et de cette formidable désintermédiation ? Notre société s’en porte-t-elle mieux ?

Très honnêtement, je ne suis pas sûr que ce soit le cas et que l’équilibre actuel soit le meilleur qui soit. Dans un premier temps, cette évolution a été très enthousiasmante, mais nous en avons vu les limites au bout de quelques années. C’est pourquoi je ne suis pas sûr que le rapport entre les bénéfices et les inconvénients nous soit in fine favorable.

Pour autant, je ne suis pas non plus certain d’avoir la légitimité pour interdire les réseaux sociaux, parce que les transformer en éditeurs, comme vous le proposez, revient au fond à cela. D’ailleurs, serait-ce vraiment une bonne chose pour la société et la démocratie ? Encore une fois, je ne le pense pas. Mettre fin aux réseaux sociaux ne me semble pas faisable politiquement ou démocratiquement. Il serait d’ailleurs étrange que l’État interdise ce type d’outil.

Si nous décidions de rendre les réseaux sociaux éditeurs, ils seraient responsables de tous les contenus qu’ils publient. Or est-il normal, juridiquement ou éthiquement, de considérer que la plateforme est responsable de ce que moi, Cédric O, par exemple, publie, même si j’en viens à insulter telle ou telle personne, voire la Terre entière ?

De quoi les plateformes sont-elles responsables aujourd’hui ? Pourquoi essayons-nous de mettre en place, dans le cadre du DSA, une forme de tierce responsabilité ?

En fait, elles sont responsables de l’accélération des contenus. Je vous rejoins sur le fait qu’elles ne sont pas que des hébergeurs : elles accélèrent les contenus, elles les éditorialisent, elles vous présentent un contenu plutôt qu’un autre, elles vous enferment très souvent dans un silo informationnel. C’est cette responsabilité d’accélération que le DSA va essayer d’encadrer.

Les plateformes ne sont ni des éditeurs – elles ne sont pas responsables de la production du contenu – ni de simples hébergeurs. Elles éditorialisent les contenus. Elles accélèrent de manière automatique des contenus produits par d’autres.

Est-ce que le DSA et le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui iront au bout de la question de la régulation ?

Probablement pas, mais il me semblerait abusif de considérer que les plateformes sont des éditeurs, parce que cela les forcerait à revoir l’ensemble des contenus qu’elles publient, ce qui tuerait leur modèle. Elles ne peuvent pas, vous l’avez dit vous-même, revoir l’ensemble des contenus publiés ; le leur demander tuerait, je le répète, leur modèle.

Je pourrais bien sûr m’abriter derrière un certain nombre d’arguments techniques, mais sur le fond, je pense que votre approche est discutable, même si elle est éminemment respectable ; nous avons eu l’occasion d’en débattre à plusieurs reprises.

Il me semble que la recherche d’un statut tiers, entre éditeur et hébergeur, est la bonne manière d’approcher le problème. C’est ce que nous essayons de faire au niveau européen. Cela demande du temps et ne fermera pas le débat, mais c’est à mon sens la seule manière d’aborder ce sujet, même si cela ne suffira certainement pas à le régler.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

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