Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 2 avril 2021 à 14h45
Respect des principes de la république — Article 20

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Je ne comprends pas l’absence de M. le garde des sceaux, alors que nous débattons de l’application des procédures de comparution immédiate aux délits de presse. Je ne sais trop de quoi c’est le signe ; en tout cas, ce n’est pas le signe d’un grand intérêt pour ce sujet.

Pourtant, avec cet article, nous nous apprêtons à rompre avec un principe qui existe depuis fort longtemps. En droit français, la comparution immédiate n’est pas applicable dans deux circonstances : les infractions à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, d’une part, toutes infractions impliquant des mineurs, d’autre part.

Aujourd’hui, alors que la fatigue et la durée de nos discussions ont largement vidé notre hémicycle, nous sommes sur le point, en l’absence du garde des sceaux, de trancher le débat de manière défavorable pour ce principe très ancien.

Lors de son audition par la commission des lois, M le garde des sceaux a affirmé qu’il lui semblait nécessaire que les « gamins haineux » puissent être poursuivis rapidement. Telle a été sa défense de la comparution immédiate. Dont acte. Je comprends donc qu’il entend également déroger à la non-application de cette procédure aux mineurs.

Il faut bien savoir que, dès lors que ce régime spécifique n’est pas applicable, les procédures coercitives telles que la garde à vue et la détention provisoire ne le sont pas non plus. Nous allons nous trouver dans une situation où ce que nous appelons désormais « la comparution immédiate » et non plus « les flagrants délits » sera considérablement élargi, dans un système qui met totalement à la poubelle le principe même de protection de ceux qui sont soumis à la loi du 29 juillet 1881. C’est très grave !

Cela l’est déjà dans les circonstances d’aujourd’hui, mais cela pourra l’être plus encore demain : si vous considérez que tel ou tel délit le justifie, vous considérerez alors qu’il y a lieu d’élargir encore ce champ. Dans quelques mois ou quelques années, il n’y aura plus de protection des journalistes.

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