La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est d'un très grand intérêt pour notre transition énergétique. Elle porte sur une source d'énergie trop souvent ignorée, et même parfois dépréciée : l'hydroélectricité.
L'énergie hydraulique présente un caractère historique indéniable, puisqu'elle fut utilisée, à des fins économiques, dès le XIIIe siècle, et de production d'électricité dès le XIXe siècle : nos moulins et nos barrages représentent une richesse patrimoniale incommensurable.
Ancrée dans le passé, l'hydroélectricité est tournée vers l'avenir.
Face à l'urgence climatique, c'est aujourd'hui notre première source d'énergie renouvelable. En effet, la moitié de notre électricité renouvelable est produite par des installations hydroélectriques. Représentant une puissance de 25,5 gigawatts (GW), l'hydroélectricité est portée par 2 500 installations hydrauliques, dont 400 concédées et 2 100 autorisées. C'est une source d'énergie peu émissive, puisqu'elle ne génère que 10 grammes environ de dioxyde de carbone par kilowattheure. C'est aussi une source d'énergie stockable et modulable, qui contribue à garantir l'équilibre entre la production et la consommation d'énergie et à renforcer la flexibilité et la sécurité du système électrique. Surtout, les installations hydrauliques sont de véritables leviers de développement économique pour nos territoires ruraux, en particulier en zones de montagne.
En dépit de son intérêt, l'hydroélectricité est confrontée à plusieurs freins : la faiblesse de son cadre stratégique, la complexité normative et la pression fiscale ; c'est ce que nous ont dit les vingt personnalités que nous avons entendues.
Cette proposition de loi vise à développer l'hydroélectricité par trois leviers : en consolidant le cadre stratégique, en simplifiant les normes applicables et en renforçant les incitations fiscales. C'est nécessaire et utile.
Le chapitre premier vise à consolider le cadre stratégique en faveur de l'hydroélectricité.
L'article 1er conforte, quantitativement et qualitativement, les objectifs en matière de production et de stockage de l'énergie hydraulique, inscrits dans le code de l'énergie. Il relève à 27,5 gigawatts la cible de capacités installées d'ici à 2028, un quart de cette croissance devant être réservée à la « petite hydroélectricité ». Il consacre la nécessité de « maintenir notre souveraineté énergétique, garantir la sûreté des installations et favoriser le stockage de l'électricité ». La revalorisation de notre ambition en matière d'hydroélectricité me semble tout à fait opportune : tous les acteurs de terrain en ont convenu.
L'article 2 intègre pleinement la production et le stockage de l'énergie hydraulique dans la « loi quinquennale » qui fixera, à compter de 2023, l'ensemble de nos objectifs énergétiques et climatiques. De la sorte, le législateur pourra déterminer lui-même nos prochaines cibles de capacités installées, pour les installations hydrauliques concédées ou autorisées, ainsi que pour les stations de transfert d'électricité par pompage (STEP). Le Parlement s'en trouvera placé au coeur de la politique énergétique conduite en direction de l'hydroélectricité.
L'article 3 élargit la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), notre principal document programmatique en matière d'énergie, au suivi du déploiement des objectifs fixés pour l'hydroélectricité.
L'article 4 complète le rapport annuel sur l'impact environnemental du budget, devant être annexé à chaque projet de loi de finances initiale, d'un état évaluatif des moyens mis en oeuvre pour l'hydroélectricité.
Le chapitre II vise à simplifier les normes applicables aux projets d'énergie hydraulique.
Je laisserai notre collègue Laurence Muller-Bronn présenter l'article 5, dont l'objet est de conforter la dérogation à l'application des règles de continuité écologique dont disposent nos « moulins à eau ».
L'article 6 facilite les augmentations de puissance des installations hydrauliques autorisées, jusqu'à 25 %, sans qu'elles ne relèvent pour autant du régime de la concession. C'est un article majeur car la croissance de notre parc hydraulique, déjà ancien, réside davantage dans la rénovation des installations que dans leur création.
L'article 7 prévoit la détermination, par un arrêté, d'un modèle national pour les règlements d'eau, pour les installations hydrauliques autorisées comme concédées.
L'article 8 applique le principe « silence gardé par l'État vaut acceptation », à plusieurs procédures relatives aux concessions : les augmentations de puissance, la participation des collectivités à des sociétés d'économie mixte hydroélectriques, la prorogation des concessions contre travaux, le regroupement des concessions par chaîne d'aménagements.
L'article 9 renforce l'information et l'association des élus locaux aux évolutions des concessions : d'une part, il abaisse de 1 000 à 500 mégawatts le seuil au-delà duquel doit être créé un comité de suivi de l'exécution de la concession et de la gestion des usages de l'eau ; d'autre part, il prévoit l'information sans délai des maires et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de toute évolution dans l'organisation des concessions. Dans un contexte très incertain pour le devenir de nos concessions, l'information et l'association des élus locaux sont primordiales.
L'article 10 introduit une expérimentation pour les installations hydrauliques autorisées ou concédées, dont la puissance est inférieure à 10 mégawatts. Elle ouvre aux porteurs de projets ou aux gestionnaires plusieurs souplesses : un référent unique dans le département ; un large certificat de projet, c'est-à-dire un cadrage préalable sur les procédures et calendriers ; un rescrit, soit une position formelle de l'administration sur une question de droit ; un médiateur, en cas de difficultés ou de conflits avec l'administration. C'est un article très attendu par les professionnels, pour remédier concrètement aux situations de complexité et d'instabilité normatives.
L'article 11 institue un portail national de l'hydroélectricité, offrant aux professionnels un accès, à partir d'un point unique et dématérialisé, à l'ensemble des documents utiles.
Le chapitre III a pour objet de renforcer les incitations fiscales afférentes aux projets d'énergie hydraulique.
Je laisserai notre collègue Christine Lavarde présenter les articles 12 à 16, qui consistent en des exonérations, obligatoires, d'impôts nationaux, ou facultatives, d'impôts locaux, pour les professionnels de l'hydroélectricité ou les propriétaires de moulins, notamment pour se conformer aux règles de continuité écologique.
L'article 17 plafonne à 3 % du chiffre d'affaires les redevances frappant les installations hydrauliques autorisées pour prise d'eau ou occupation du domaine public fluvial de l'État, à l'image de ce qui existe pour les collectivités territoriales.
Au total, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui propose un cadre de soutien très complet en direction de l'hydroélectricité. C'est nécessaire, pour aider nos entreprises et nos collectivités à développer leurs projets. C'est opportun, pour diversifier notre mix énergétique face à l'urgence climat.
Plutôt que de discourir sur le climat, le Gouvernement devrait soutenir concrètement l'hydroélectricité car nos barrages et nos moulins sont indispensables pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050, que notre commission a adopté à l'occasion de la loi « Énergie-Climat ».
Dans ce contexte, les dix amendements que je vous proposerai visent à consolider le texte, dans le sens voulu par l'auteur. Ils complètent les objectifs et les outils proposés, afin de renforcer les incitations économiques. Ils ajustent certaines procédures, dans un souci de simplification normative et de sécurité juridique.
Je veux remercier les rapporteurs pour avis ainsi que l'auteur, pour les excellentes relations de travail que nous avons nouées. C'est une belle initiative sénatoriale dont j'invite le Gouvernement à se saisir.