Je remercie la commission des affaires économiques de nous avoir délégué au fond l'examen de l'article 5 de cette proposition de loi, qui concerne les dérogations applicables aux moulins hydroélectriques en matière de continuité écologique.
La continuité écologique, pour les milieux aquatiques, se définit par la circulation non entravée des espèces aquatiques et le bon déroulement du transport des sédiments, en vue d'assurer la préservation de la biodiversité et le bon état des masses d'eau.
Notre commission est très investie sur ce sujet : notre collègue Guillaume Chevrollier a présenté hier les conclusions du travail qu'il a conduit sur ce thème à l'issue d'un cycle d'auditions, qui donnera très prochainement lieu à la publication d'un rapport d'information.
Inspirée par ses constats et les auditions que j'ai menées, il m'a paru essentiel d'oeuvrer à la meilleure conciliation possible entre le potentiel hydroélectrique des moulins à eau et les règles de continuité écologique : les ouvrages construits sur nos cours identifiés comme des réservoirs biologiques et ceux faisant l'objet d'un classement doivent être aménagés et équipés pour leur franchissement, avec l'aide financière des agences de l'eau. La préservation de la biodiversité aquatique est une nécessité.
Cependant, il est extrêmement regrettable que la destruction des ouvrages hydrauliques et des seuils soit devenue une modalité de restauration de la continuité écologique. Le sujet constitue un irritant fort pour les propriétaires d'ouvrages : en audition, on nous a parlé de « continuité écologique destructive ». Les propriétaires de moulins peuvent ainsi bénéficier de subvention de l'ordre de 80 % pour l'arasement des seuils, alors que les solutions de franchissement - passe à poissons notamment - ne sont financées qu'à hauteur de 40 % maximum.
Avec la nouvelle rédaction de l'article 5 adoptée hier, notre commission a souhaité mettre fin à ces pratiques, clarifier la portée et le sens de la dérogation aux règles de continuité écologique pour les moulins hydroélectriques, tout en contribuant au développement du potentiel productible de la petite hydroélectricité.
Notre nouvelle rédaction clarifie les règles applicables aux acteurs. En effet, une certaine confusion existe encore sur la portée de la dérogation aux règles de continuité écologique accordée aux moulins à eau installés sur les cours d'eau de catégorie 2. Notre commission a précisé, à l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, que la dérogation bénéficie à l'ensemble des moulins existants équipés pour produire de l'électricité, indépendamment du moment où le projet d'équipement pour la production hydroélectrique a été mis en oeuvre. Nous avons donné toute sa portée à la règle adoptée par le Parlement dans la loi « Autoconsommation »de 2017.
Les propriétaires de moulins à eau engagés dans un projet hydroélectrique m'ont fait part en audition de diverses difficultés quant au champ d'application de la dérogation. La notion de moulin n'est pas définie en droit français, et la notion d'installation régulière sur les cours d'eau soulève des difficultés. En conséquence, notre commission a précisé que la dérogation qui bénéficie aux moulins à eau s'applique également « aux forges et à leurs dépendances » et remplacé la notion de « régulièrement installé », parfois source de difficultés pour les ouvrages anciens qui ne peuvent produire la preuve de leur installation régulière, par la notion d'ouvrages « autorisés » : tout en restant dans le cadre de la légalité, cela permet d'inclure les moulins fondés en titre et sur titre, qui font l'objet d'une autorisation attestée de longue date.
Nous avons enfin précisé, à l'article L. 214-17 du code de l'environnement, que le respect des obligations en matière de continuité écologique ne peut servir de motif pour justifier la destruction des moulins à eau. Cela nous a semblé essentiel de le mentionner, car si cette disposition n'est actuellement pas codifiée, elle n'est pas non plus interdite, pour la bonne raison que cette pratique n'a jamais constitué la volonté du législateur.
À l'article 7, notre commission a adopté un amendement identique à celui de votre rapporteur, à la suite des échanges fructueux qui ont eu lieu entre nos deux commissions.
La limitation des prescriptions contenues dans les règlements d'eau aux seules dispositions relatives à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et à la sécurité des ouvrages, en tenant compte de la viabilité économique de ces installations, nous est apparue équilibrée. Elle évite les hétérogénéités territoriales, sans pour autant fixer un cadre trop rigide.
Notre commission a également adopté un amendement de Laurent Duplomb visant à dispenser les seuils aménagés de l'application des règles de continuité écologique pour une durée de dix ans. Il faut assurer la sécurité juridique des propriétaires d'ouvrages hydrauliques réalisant les travaux de mise en conformité, dans le cadre d'une approche réaliste des conséquences économiques qui réduisent la rentabilité des équipements : la durée de 10 ans permet l'amortissement de l'équipement tout en tenant compte de l'éventuelle évolution hydromorphologique des cours d'eau.