Chacun a eu connaissance du rapport du conseil scientifique remis la semaine dernière sur la tenue des élections régionales et départementales prévues en juin prochain. Dans la loi du 22 février 2021, qui a permis de reporter les élections régionales et départementales en juin, le législateur avait demandé que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la situation sanitaire, au vu d'un avis du conseil scientifique Covid-19. Ce rapport a été transmis le 2 avril dernier. Parallèlement, le Gouvernement a demandé aux présidents des assemblées ainsi qu'aux présidents des groupes parlementaires une contribution écrite pour le 8 avril. Enfin, le Gouvernement a annoncé la tenue d'un débat au Parlement la semaine prochaine, sur le fondement des dispositions de l'article 50-1 de la Constitution - il devrait être organisé au Sénat mercredi prochain dans l'après-midi.
Dans ce contexte, il m'a semblé utile que la commission des lois, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets électoraux, formule quelques préconisations.
Permettez-moi de rappeler au préalable les mesures que nous avons déjà votées au mois de février dernier et de vous présenter ensuite quelques mesures à caractère réglementaire, que nous pourrions suggérer au Premier ministre.
Dans le cadre de la loi du 22 février 2021, le législateur a augmenté de 20 % le plafond des dépenses électorales des candidats ainsi que le montant des remboursements de l'État. Cette mesure est destinée à compenser l'allongement de la durée des comptes de campagne, qui a débuté le 1er septembre dernier, mais également permettre aux candidats de développer de nouveaux outils de propagande électorale.
À titre exceptionnel, la loi autorise les candidats à mettre en place des numéros verts, que les électeurs peuvent appeler pour se renseigner sur les programmes proposés.
La durée de la campagne officielle est allongée d'une semaine : les panneaux électoraux des communes devront être installés trois semaines avant le premier tour, contre deux semaines habituellement.
En ce qui concerne les modalités de vote, cette loi autorise exceptionnellement les doubles procurations. Elle prévoit aussi que des équipements de protection adaptés soient mis à disposition des électeurs et des personnes participant à l'organisation ou au déroulement du scrutin au sein des bureaux de vote, ces dépenses étant à la charge de l'État.
Telles sont les mesures législatives en vigueur. Le Gouvernement, dans son avis, affirme que les élections sont à ce stade maintenues - il émet une petite réserve en cas de pandémie aggravée.
Plusieurs mesures supplémentaires, qui relèvent du domaine réglementaire, peuvent néanmoins être utiles au maintien de ces élections.
Concernant la campagne électorale, nous pourrions demander le renforcement de la couverture médiatique des scrutins. Le Gouvernement n'a pas suivi le Sénat dans sa proposition d'instaurer des clips de campagne, comme ce fut le cas pour les élections législatives ou européennes. La loi de février dernier oblige toutefois les chaînes de radio et de télévision du service public à diffuser des programmes destinés à expliquer le rôle et le fonctionnement des conseils régionaux et départementaux, au moins trois semaines avant le premier tour. Plus globalement, les chaînes du service public se sont engagées à organiser une série de débats en amont de chaque tour de scrutin dans des créneaux horaires et sous des formes diverses selon les offres TV. Demandons au Gouvernement de veiller à ce que cet engagement soit tenu et d'inciter les chaînes à préciser le dispositif qu'elles entendent mettre en oeuvre.
Pour faciliter les réunions électorales, il pourrait être envisagé d'autoriser des réunions de plus de six personnes, dans la limite d'une trentaine de personnes, sous réserve de respecter un protocole sanitaire validé par le conseil scientifique.
Concernant la campagne sur internet, le rapport Debré préconise d'utiliser les moyens numériques pour faire campagne, en recourant si besoin à des prestataires spécialisés. C'est effectivement souhaitable.
Le référencement reste interdit : un candidat ne peut pas rémunérer un réseau social pour donner plus de visibilité à sa page ni lancer une campagne de publicité commerciale. Interrogé pendant le débat parlementaire, le Gouvernement n'a pas souhaité revenir sur cette interdiction prévue par l'article L. 52-1 du code électoral.
Comme pour toutes les élections, le Gouvernement publiera les professions de foi des candidats sur un site internet dédié. En raison de la crise sanitaire, les fonctionnalités du site pourraient être enrichies pour qu'il devienne une sorte de « panneau électoral virtuel ». Les candidats pourraient, par exemple, publier chaque semaine des messages à vocation électorale, afin de préciser leur programme ou de faire de nouvelles propositions. Les électeurs pourraient s'abonner au site pour recevoir toutes les informations relatives à leur circonscription.
On pourrait également doubler la taille des professions de foi. Celles-ci sont aujourd'hui imprimées en format A4, en application de l'article R. 29 du code électoral. Le rapport Debré propose de doubler leur dimension pour permettre aux candidats d'y insérer davantage d'informations ou de photographies. Le ministère de l'intérieur évalue le coût de cette mesure entre 50 et 100 millions d'euros, en sachant qu'il sera également nécessaire d'adapter la procédure d'envoi.
Le Gouvernement doit faire oeuvre de pédagogie auprès des candidats en précisant les actions de propagande possibles après consultation, le cas échéant, du conseil scientifique. À titre d'exemple, la distribution de tracts sur la voie publique ou au domicile des électeurs peut être envisageable dès lors que les gestes barrières sont respectés.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) doit formaliser un guide du candidat et du mandataire actualisé et spécifique aux élections régionales et départementales, en tenant compte de leurs conditions d'organisation. Ce guide actualisé, qui n'a pas encore été publié à ce jour, doit permettre aux élus sortants de bien distinguer leur propagande électorale, d'une part, et les actions de communication de leur collectivité territoriale, d'autre part. Il doit être suffisamment clair pour aider les candidats dans leurs démarches.
Nous pourrions également proposer d'allonger la durée des prêts accordés par les personnes physiques. Aujourd'hui limitée à dix-huit mois, leur durée pourrait passer à 24 mois, comme ce fut le cas pour le second tour des élections municipales de juin 2020.
Concernant les modalités de vote et l'organisation des scrutins, un service public des procurations pourrait être créé pour faciliter les choses, et les collectivités locales pourraient prévoir des modalités pratiques permettant d'aider à la rédaction des procurations.
Il convient bien évidemment de garantir la sécurité sanitaire le jour des scrutins.
Le conseil scientifique recommande de faire appel par priorité à des personnes vaccinées pour tenir les bureaux de vote, ou de demander aux membres non vaccinés de réaliser un test de dépistage la veille ou l'avant-veille du jour du scrutin.
Les maires pourraient être encouragés à ouvrir des bureaux de vote dans d'autres lieux que ceux qui sont prévus habituellement pour assurer la sécurité.
Les horaires des bureaux de vote pourraient être allongés pour étaler le flux des votants.
Le protocole sanitaire mis en place lors du second tour des élections municipales de juin 2020 devrait être reconduit : limitation à trois du nombre de votants présents simultanément dans le bureau de vote ; port du masque obligatoire et mise à disposition d'une solution hydroalcoolique ; nettoyage régulier du bureau de vote ; orientation spécifique des isoloirs et limitation du nombre de personnes présentes au dépouillement.
Enfin, le décret du 4 février 2021 prévoit la possibilité de regrouper les bureaux de vote, sur décision des communes, en cas de double scrutin.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler.