Intervention de François Bonhomme

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 7 avril 2021 à 9h00
Proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur :

Ce texte tend à apporter des modifications ciblées à la procédure de déclaration de parcelle en état manifeste d'abandon prévue par le code général des collectivités territoriales (CGCT). Il s'agit d'une procédure exorbitante qui permet aux communes d'accéder à la propriété en dehors de toute cession à titre onéreux, au même titre que les dons et legs ou l'acquisition des « biens sans maître ».

La procédure de reconnaissance d'état manifeste d'abandon est originale, puisque le transfert de propriété au bénéfice de la commune n'est pas sa seule finalité. Dans un premier temps, ce transfert est un moyen de pression sur le propriétaire, qui est invité à mettre fin à l'abandon manifeste de son fonds une fois que celui-ci est constaté par le maire. Le transfert de propriété n'intervient que dans un second temps, si le propriétaire ne s'exécute pas. En ce sens, il peut s'agir pour le maire d'une alternative intéressante aux mesures de police administrative spéciale en matière d'habitat insalubre ou d'immeubles menaçant ruine s'il souhaite, in fine, que la commune s'approprie le bien.

En l'état actuel du droit, cette procédure ne peut porter que sur certains biens. Le CGCT vise les immeubles, les parties d'immeubles, les installations, les terrains et les voies privées assorties d'une servitude de passage public. Ces biens doivent être localisés à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune, ce qui, selon la jurisprudence, exclut les périmètres extérieurs des constructions groupées ou des enclos qu'ils joignent immédiatement. Enfin, comme son nom l'indique, cette procédure ne concerne que les biens abandonnés, c'est-à-dire qui ne sont manifestement pas entretenus et sont dépourvus d'occupants à titre habituel.

L'abandon manifeste de la parcelle est constaté en deux temps. Dans un premier temps, le maire établit un procès-verbal provisoire d'abandon manifeste après avoir déterminé la parcelle concernée et identifié les titulaires de droits réels et autres intéressés. Ce procès-verbal fait l'objet d'une notification et d'une très large publicité. Si, dans un délai de trois mois, les propriétaires n'ont pas mis fin à l'état d'abandon ou ne se sont pas engagés à le faire, la procédure peut se poursuivre. Un procès-verbal définitif est alors établi par le maire, qui saisit le conseil municipal afin qu'il déclare la parcelle en état manifeste d'abandon en vue de son expropriation. Cette déclaration ne peut bénéficier qu'à la commune elle-même, un organisme y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement.

Cette démarche ne peut avoir pour objet que la construction ou la réhabilitation aux fins d'habitat ou tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement.

Dans l'hypothèse où le conseil municipal a déclaré la parcelle en état manifeste d'abandon, l'expropriation est mise en oeuvre selon une procédure simplifiée prévue par le CGCT.

Le maire constitue un dossier qui est tenu à la disposition du public pendant une durée minimum d'un mois afin qu'il puisse formuler d'éventuelles observations. Cette phase remplace d'une certaine manière l'enquête publique mise en oeuvre dans le cadre des procédures habituelles d'expropriation. Si le dossier n'est pas constitué dans les six mois suivant le procès-verbal définitif déclarant l'état manifeste d'abandon ou si le maire le demande, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou du conseil départemental peut poursuivre la procédure. À la suite de celle-ci, le préfet prend un arrêté qui déclare l'utilité publique du projet. Le transfert de propriété se fait alors selon les règles de droit commun du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

L'article unique de la proposition de loi tend à introduire des modifications ponctuelles au sein de la procédure que je viens de décrire.

La première vise à supprimer la condition selon laquelle le fonds concerné doit se situer à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune. La procédure pourrait donc concerner des biens sis sur l'ensemble du territoire communal.

La deuxième serait de permettre à la commune de prévoir, dès le stade du procès-verbal définitif, que l'expropriation se fasse au profit d'un EPCI sans attendre le stade de la constitution du dossier.

Enfin, la dernière tendrait à étendre les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d'état manifeste d'abandon par le conseil municipal, mais, ensuite, à restreindre ceux de ces projets qui pourraient donner lieu à expropriation simplifiée. Seuls les projets en lien avec l'habitat pourraient alors ouvrir droit à expropriation simplifiée, avec, le cas échéant, la possibilité de constituer une réserve foncière en ce sens.

Je vous propose de souscrire à la volonté de l'auteur de la proposition de loi afin de simplifier cette procédure pour en améliorer l'efficacité. Ce souhait est d'ailleurs partagé par le Gouvernement, puisque l'article 18 de l'avant-projet de loi « 4D » contient des mesures allant en ce sens.

Je suis très favorable à la suppression de l'exigence relative au périmètre d'agglomération de la commune, qui facilitera l'accès des communes au foncier de leur territoire. Cette suppression permettra également de reconnaître l'abandon de parcelles isolées, notamment lorsqu'elles se situent à l'entrée de certaines villes ou de certains villages.

En outre, la suppression de ce critère permettrait aux communes ou aux EPCI d'utiliser cette procédure pour créer des locaux techniques en lien avec les compétences qu'ils exercent, à l'extérieur des centres-bourgs. Nous aurions tort de ne pas nous saisir de cette opportunité.

Je suis également favorable à ce que la commune puisse faire bénéficier l'EPCI de l'immeuble exproprié dès le début de la procédure, sans remettre en cause la possibilité qui lui est laissée de « reprendre » une procédure engagée par une commune, mais qui ne serait pas conduite à son terme.

En revanche, je ne suis pas favorable à la modification technique qui tendrait à ouvrir les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d'état manifeste d'abandon, mais à restreindre ensuite ceux de ces projets qui pourraient donner lieu à une expropriation simplifiée. Je ne pense d'ailleurs pas qu'elle aille dans le sens recherché dans l'exposé des motifs, puisqu'elle limite les cas permettant une expropriation simplifiée aux seuls projets en lien avec l'habitat.

La jurisprudence nous montre que, avec le droit actuel, un conseil municipal peut déclarer une parcelle en état manifeste d'abandon pour construire, par exemple, un chantier naval en passant par une expropriation simplifiée, puisqu'il s'agit d'un projet d'intérêt collectif. Avec la proposition de loi, ce projet pourrait toujours donner lieu à une déclaration d'état manifeste d'abandon, mais il faudrait passer par une expropriation classique, car le projet n'est pas en lien avec l'habitat. La procédure de déclaration d'état manifeste d'abandon perdrait tout son sens pour ce type de projets.

Aussi, je vous présenterai un amendement qui revient sur cette modification procédurale tout en reprenant la possibilité de mettre en oeuvre la procédure pour la création de réserves foncières, comme la proposition de loi le préconise.

Dans la mesure où cette proposition de loi ne concerne que la procédure de déclaration de parcelles en état d'abandon, je vous propose de considérer que les amendements qui pourraient être déposés en séance ne devront concerner que cette seule procédure, à peine d'irrecevabilité.

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