Vous avez raison : il est difficile d'entendre des messages trop rapides, trop brutaux et surtout inadaptés aux attentes. La bonne information est celle qui est adaptée. Elle ne correspond pas forcément à l'intégralité de la vérité scientifique du jour, toujours susceptible d'évoluer. Nous avons probablement formé à l'idée de la vérité et pas à celle de l'incertitude. Or, c'est dans l'incertitude que vont se nicher l'espoir et la progression de la réponse thérapeutique. Dire qu'il n'y a « plus rien à faire » conduit à établir une vérité scientifique, alors que cela n'a pas de réalité dans une grande partie de la médecine. Il faut redonner de la valeur à cette zone grise, à la connaissance de ces limites, inhérentes à l'exercice de la médecine. En cancérologie, le discours pendant de nombreuses années a été combattant, ce qui a accompagné un effort majeur de recherche. Mais le discours entre humains, l'échange entre deux subjectivités, ne se situe pas au même niveau.
Il n'y aurait pas de plan soins palliatifs si tout allait bien. Je fais partie du comité de pilotage de ce plan en préparation et nous conduisons un travail en étroite synergie avec le centre. L'un des axes du plan est d'améliorer la connaissance des droits, ce qui s'inscrit en cohérence avec les missions du centre. La lutte contre les inégalités territoriales constitue un autre axe stratégique. Cela est notamment relié au développement de formations médicales et paramédicales, largement insuffisantes au regard de l'ampleur des enjeux. Un autre axe est d'améliorer la prise en charge coordonnée et adaptée aux souhaits des patients.
Vous évoquez une personne suivie depuis 35 ans en soins palliatifs. Nous ne pouvons pas tirer d'exemple de ces situations singulières, qui dépendent de l'interaction entre un patient, son médecin, sa maladie et son contexte. La notion d'obstination déraisonnable a un caractère intersubjectif. Toutefois, nous ne pouvons nier le fait que certaines situations se passent mal.
Sur l'éventuelle corrélation entre développement des soins palliatifs et accès à l'euthanasie, le centre vient de mettre en ligne un panorama des législations sur l'aide active à mourir dans le monde et publiera début mai un panorama sur le développement international des soins palliatifs, ce qui permettra d'établir des comparaisons.
En matière de développement des soins palliatifs, la France se situerait au 10è rang mondial sur la base d'un panel de 20 indicateurs quantitatifs et qualitatifs, au 5è rang pour la qualité des soins et au 22è rang pour l'accès aux soins.
Sur les difficultés de l'anticipation, la crise de la covid-19 offre un très bon exemple de notre difficulté à travailler dans un contexte d'incertitude. Le centre publiera prochainement une documentation sur la thématique « fin de vie et covid ». Cette crise a poussé notre dispositif dans ses retranchements : les manques en termes de directives anticipées ou d'échanges avec la personne de confiance se sont faits cruellement ressentir.
Le vieillissement de la population nécessite de déployer des moyens pour que, mathématiquement, la loi puisse être applicable, par le développement d'équipes mobiles ou en valorisant le travail fait à domicile par les médecins généralistes.
Des indicateurs sont en effet nécessaires. Le prochain plan en comportera, à commencer par la création d'un acte médical correspondant aux sédations profondes, qui ne sont pas codées aujourd'hui.
Nous avons un grand travail à faire en direction des aidants, y compris des jeunes aidants. Le centre a publié un guide à leur attention, sur leurs droits et les possibilités d'aides. Il ne faut pas uniquement les considérer comme des auxiliaires du soin. Tous ne peuvent pas ou ne souhaitent pas aider, pour préserver la qualité d'une autre relation avec leur proche. Nous devons aborder toutes ces situations sans jugement. Plus généralement, sur les situations de la fin de vie qui peuvent vite nous plonger dans des clivages, nous devons aborder les demandes des patients sans jugement, et entendre une demande d'aide à mourir comme une demande d'aide.
J'userai de mon joker sur votre question concernant mon vote sur la proposition de loi. Il ne m'appartient pas de me prononcer. Quelle que soit l'évolution souhaitée pour l'avenir, nous constatons, y compris ces derniers mois, une inadéquation des réponses pour que les patients accèdent à leurs droits actuels.
Les associations ont un rôle majeur à jouer dans l'information et l'accompagnement, car elles représentent la société civile. Pour le patient, elles portent la parole du « même », de celui qui lui ressemble à la différence du soignant.
Le centre a prévu des travaux sur l'accès à des populations spécifiques, parmi lesquelles les personnes âgées qui nécessitent une information adaptée.