Intervention de Isabelle Braun-Lemaire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 avril 2021 à 14h30
Audition de Mme Isabelle Braun-lemaire directrice générale des douanes et des droits indirects dgddi

Isabelle Braun-Lemaire, directrice générale des douanes et des droits indirects :

Vous avez relevé les points principaux qui nous occupent : le Brexit, la crise sanitaire et les réformes. Votre présentation étant très complète, j'exposerai pour ma part le calendrier, la manière et les moyens retenus pour aborder chacun d'entre eux.

Le Brexit, et avec lui le rétablissement de cette frontière transmanche, est un défi particulier en France, compte tenu de la teneur de nos relations avec nos voisins britanniques, qu'il s'agisse de la proximité, de la densité des flux et des délais de circulation des marchandises relativement courts, ainsi que de la situation spécifique des Hauts-de-France. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis accompagnée de Jean-Michel Thillier, mon adjoint jusqu'au mois d'août dernier et qui est devenu directeur interrégional des Hauts-de-France afin de mettre en oeuvre, après avoir été directeur de projet du Brexit, le Brexit et cette bascule en fin d'année.

Nous nous sommes préparés durant plusieurs années et avons déployé beaucoup de moyens, pour un chantier plusieurs fois reporté. À chaque échéance, il fallait avoir recruté les effectifs nécessaires pour préparer le Brexit et, dans le même temps, se préparer à un report de l'échéance, ce qui s'est traduit, l'an dernier notamment, par un report du recrutement des effectifs, en attendant la fin de l'année 2020.

Nous avons commencé par un chantier informatique d'ampleur qui nous a permis d'inventer un système très innovant, automatisé et spécifique aux Hauts-de-France, « la frontière intelligente » - ou smart border -, qui repose sur le traitement automatisé des informations et l'anticipation par les entreprises de leurs déclarations douanières. Au moment du passage de la frontière, les conducteurs sont avertis qu'ils peuvent continuer leur route ou qu'ils doivent s'arrêter, soit pour un contrôle douanier, soit pour compléter leurs formalités douanières. Beaucoup d'expérimentations ont été menées en amont de cette nouvelle frontière totalement innovante, à tel point que de nombreux pays nous l'envient désormais.

Il y a eu en parallèle un deuxième chantier considérable, celui des ressources humaines. Nous avons bénéficié d'un abondement de 700 équivalents temps plein (ETP) répartis progressivement entre 2018 et 2020. La dernière tranche de 100 ETP en 2020 a été reportée à 2021 pour éviter que de trop nombreux douaniers affectés aux postes « Brexit » soient inoccupés, comme c'était le cas avant le 31 décembre. Les reports successifs du Brexit ont en effet rendu beaucoup plus complexes notre « manoeuvre RH » et la gestion de ces effectifs. Ce deuxième grand chantier ne se limite pas à des recrutements, puisqu'il inclut aussi de manière significative la mise en place de formations. Ces douaniers sont essentiellement localisés dans les Hauts-de-France - 270 affectations, qui représentent 40 % de l'abondement -, en Normandie, en Bretagne et en Île-de-France.

Troisième grand chantier : nous avons réinventé une frontière, d'une part grâce à l'informatique et à de nouveaux procédés, et d'autre part en termes d'infrastructures. La frontière était à l'origine totalement fluide ; elle doit désormais accueillir de nombreux parkings et des arrêts pour les contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires. Ce chantier purement logistique, nous avons dû le conduire avec les gestionnaires d'infrastructures.

Dernier chantier, et non des moindres, la communication et l'information auprès des entreprises, leur anticipation étant le fondement de tout notre système. Toutefois, l'intense communication à laquelle nous nous livrons depuis plus d'un an se heurte à une difficulté particulière : les entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni ne sont pas toujours françaises, 80 % du trafic entre l'Union européenne et le Royaume-Uni passe en effet par cette frontière des Hauts-de-France.

L'ensemble de ces chantiers nous a coûté à ce stade 70 millions d'euros, dont 17 millions d'euros pour l'informatique, le reste - 53 millions d'euros - étant lié à des coûts concernant la masse salariale, c'est-à-dire à de la rémunération, mais aussi à de la formation.

La journée du 31 décembre 2020 s'est relativement bien passée. On avait annoncé de possibles engorgements, dans une phase un peu particulière de crise sanitaire, qui nous affecte toujours. Nous avions au préalable déjà subi plusieurs chocs : d'une part, et dans la mesure où le Royaume-Uni importait énormément de marchandises depuis l'Union européenne, nous avons assisté à une anticipation des entreprises vers les mois de novembre et décembre, avec des flux anormalement élevés dans les Hauts-de-France ; d'autre part, la crise sanitaire s'est intensifiée en raison de l'apparition du variant britannique et du confinement du Royaume-Uni. Par conséquent, le flux était en fin d'année incompréhensible et imprévisible. Le 31 décembre, on ne savait pas trop ce qui nous attendait. Le trafic s'est finalement lissé jusqu'à retrouver aujourd'hui un niveau similaire à celui constaté l'année dernière à la même période - ce qui n'avait pas été le cas aux mois de janvier et février.

Certes, nous avons dû poursuivre les ajustements informatiques et avec les différents opérateurs, mais l'efficacité de notre frontière a été démontrée. Je terminerai par l'un des grands axes de progrès. Monsieur le président, vous avez cité les propos du préfet Lalande concernant l'impréparation des Britanniques. Ce sujet continue en effet de nous occuper et de nourrir des échanges techniques importants avec nos voisins outre-Manche. Il y a un deuxième sujet, c'est celui de l'impréparation des entreprises et nous avons donc accentué nos efforts de communication sur lequel mon collègue peut apporter un éclairage.

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