Nous recevons aujourd'hui Mme Isabelle Braun-Lemaire, directrice générale des douanes et droits indirects (DGDDI), qui s'exprime pour la première fois devant notre commission depuis son entrée en fonctions fin août 2019, et M. Jean-Michel Thillier, directeur interrégional des douanes des Hauts-de-France.
Madame, notre commission a souhaité vous entendre au moment où la douane traite sans doute l'un des plus grands défis logistiques de ces dernières années avec le Brexit. Vous nous exposerez les moyens mis en oeuvre par vos services pour assurer une circulation fluide des marchandises et des personnes, et les résultats obtenus. S'il n'y a pas eu d'incident majeur au 1er janvier 2021, du moins du côté français, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Michel Lalande, avait toutefois écrit en janvier dernier au Premier ministre pour l'alerter « de l'impréparation manifeste » du Brexit par les Britanniques. De fait, des points de difficulté semblent perdurer. Vous pourrez sans doute nous en dire plus sur ce point et sur vos constats en la matière.
Tout dysfonctionnement dans nos échanges serait d'autant plus inquiétant que les flux ne sont pas encore, du fait du contexte de crise sanitaire et économique, à leur plein potentiel. Vous pourrez ainsi nous dire comment votre direction et ses 17 000 agents se sont adaptés à cette situation exceptionnelle et quels ont été les impacts de la crise sur les activités de la douane.
Enfin, au-delà du Brexit et de la situation sanitaire, qui conduisent à d'inévitables réajustements, votre direction s'est par ailleurs engagée dans des réformes structurelles avec de profondes transformations de ses missions et de son administration, et nous apprécierions d'en connaître l'état d'avancement.
Vous avez relevé les points principaux qui nous occupent : le Brexit, la crise sanitaire et les réformes. Votre présentation étant très complète, j'exposerai pour ma part le calendrier, la manière et les moyens retenus pour aborder chacun d'entre eux.
Le Brexit, et avec lui le rétablissement de cette frontière transmanche, est un défi particulier en France, compte tenu de la teneur de nos relations avec nos voisins britanniques, qu'il s'agisse de la proximité, de la densité des flux et des délais de circulation des marchandises relativement courts, ainsi que de la situation spécifique des Hauts-de-France. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis accompagnée de Jean-Michel Thillier, mon adjoint jusqu'au mois d'août dernier et qui est devenu directeur interrégional des Hauts-de-France afin de mettre en oeuvre, après avoir été directeur de projet du Brexit, le Brexit et cette bascule en fin d'année.
Nous nous sommes préparés durant plusieurs années et avons déployé beaucoup de moyens, pour un chantier plusieurs fois reporté. À chaque échéance, il fallait avoir recruté les effectifs nécessaires pour préparer le Brexit et, dans le même temps, se préparer à un report de l'échéance, ce qui s'est traduit, l'an dernier notamment, par un report du recrutement des effectifs, en attendant la fin de l'année 2020.
Nous avons commencé par un chantier informatique d'ampleur qui nous a permis d'inventer un système très innovant, automatisé et spécifique aux Hauts-de-France, « la frontière intelligente » - ou smart border -, qui repose sur le traitement automatisé des informations et l'anticipation par les entreprises de leurs déclarations douanières. Au moment du passage de la frontière, les conducteurs sont avertis qu'ils peuvent continuer leur route ou qu'ils doivent s'arrêter, soit pour un contrôle douanier, soit pour compléter leurs formalités douanières. Beaucoup d'expérimentations ont été menées en amont de cette nouvelle frontière totalement innovante, à tel point que de nombreux pays nous l'envient désormais.
Il y a eu en parallèle un deuxième chantier considérable, celui des ressources humaines. Nous avons bénéficié d'un abondement de 700 équivalents temps plein (ETP) répartis progressivement entre 2018 et 2020. La dernière tranche de 100 ETP en 2020 a été reportée à 2021 pour éviter que de trop nombreux douaniers affectés aux postes « Brexit » soient inoccupés, comme c'était le cas avant le 31 décembre. Les reports successifs du Brexit ont en effet rendu beaucoup plus complexes notre « manoeuvre RH » et la gestion de ces effectifs. Ce deuxième grand chantier ne se limite pas à des recrutements, puisqu'il inclut aussi de manière significative la mise en place de formations. Ces douaniers sont essentiellement localisés dans les Hauts-de-France - 270 affectations, qui représentent 40 % de l'abondement -, en Normandie, en Bretagne et en Île-de-France.
Troisième grand chantier : nous avons réinventé une frontière, d'une part grâce à l'informatique et à de nouveaux procédés, et d'autre part en termes d'infrastructures. La frontière était à l'origine totalement fluide ; elle doit désormais accueillir de nombreux parkings et des arrêts pour les contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires. Ce chantier purement logistique, nous avons dû le conduire avec les gestionnaires d'infrastructures.
Dernier chantier, et non des moindres, la communication et l'information auprès des entreprises, leur anticipation étant le fondement de tout notre système. Toutefois, l'intense communication à laquelle nous nous livrons depuis plus d'un an se heurte à une difficulté particulière : les entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni ne sont pas toujours françaises, 80 % du trafic entre l'Union européenne et le Royaume-Uni passe en effet par cette frontière des Hauts-de-France.
L'ensemble de ces chantiers nous a coûté à ce stade 70 millions d'euros, dont 17 millions d'euros pour l'informatique, le reste - 53 millions d'euros - étant lié à des coûts concernant la masse salariale, c'est-à-dire à de la rémunération, mais aussi à de la formation.
La journée du 31 décembre 2020 s'est relativement bien passée. On avait annoncé de possibles engorgements, dans une phase un peu particulière de crise sanitaire, qui nous affecte toujours. Nous avions au préalable déjà subi plusieurs chocs : d'une part, et dans la mesure où le Royaume-Uni importait énormément de marchandises depuis l'Union européenne, nous avons assisté à une anticipation des entreprises vers les mois de novembre et décembre, avec des flux anormalement élevés dans les Hauts-de-France ; d'autre part, la crise sanitaire s'est intensifiée en raison de l'apparition du variant britannique et du confinement du Royaume-Uni. Par conséquent, le flux était en fin d'année incompréhensible et imprévisible. Le 31 décembre, on ne savait pas trop ce qui nous attendait. Le trafic s'est finalement lissé jusqu'à retrouver aujourd'hui un niveau similaire à celui constaté l'année dernière à la même période - ce qui n'avait pas été le cas aux mois de janvier et février.
Certes, nous avons dû poursuivre les ajustements informatiques et avec les différents opérateurs, mais l'efficacité de notre frontière a été démontrée. Je terminerai par l'un des grands axes de progrès. Monsieur le président, vous avez cité les propos du préfet Lalande concernant l'impréparation des Britanniques. Ce sujet continue en effet de nous occuper et de nourrir des échanges techniques importants avec nos voisins outre-Manche. Il y a un deuxième sujet, c'est celui de l'impréparation des entreprises et nous avons donc accentué nos efforts de communication sur lequel mon collègue peut apporter un éclairage.
Nous avons dû régler deux difficultés principales, à commencer par l'impréparation des entreprises, françaises, britanniques ou autres, qui ont cru que l'accord qui avait été signé le 24 décembre 2020 les exonérait de toutes formalités douanières lors du passage à la frontière, alors qu'il s'agissait d'un simple accord de libre-échange. On savait pourtant, depuis l'accord de retrait, et quelle que soit l'issue des négociations ayant abouti le 24 décembre, que le passage de la frontière s'accompagnerait de formalités. Nombre d'entreprises ne s'étaient donc pas suffisamment préparées aux formalités sanitaires et douanières, et beaucoup de camions ont été refoulés au mois de janvier, surtout du côté britannique.
Ce phénomène a bien diminué grâce au travail que nous avons réalisé avec nos homologues britanniques en faveur notamment des entreprises britanniques désireuses d'exporter sur le territoire européen. Ce travail commun, avec nos homologues et avec les entreprises, devra se poursuivre toute l'année, car les Britanniques ont fait le choix d'un Brexit en « plusieurs morceaux » : seules les formalités d'exportation ont été mises en place au 1er janvier 2021 ; les formalités d'importation, sanitaires et douanières, ne seront effectives qu'au 1er janvier 2022. Il sera donc nécessaire, de notre côté, de préparer les entreprises à l'exportation vers le Royaume-Uni au 1er janvier 2022. Il ne faut pas baisser la garde en la matière.
Autre difficulté importante : la désorganisation de l'administration britannique, qui est surtout liée à un effet de taille. Les échanges avec le Royaume-Uni représentent 8 % à 10 % de notre commerce extérieur, nous pouvons donc le gérer. L'inverse est beaucoup plus difficile : pour le Royaume-Uni, le commerce extérieur vers l'Europe représente un peu plus de 50 % de ses exportations totales, ce qui entraîne des impacts décuplés en termes d'organisation et d'informatique.
Au 1er janvier 2021, l'organisation administrative, douanière et sanitaire n'était pas prête du côté britannique : les expertises et les compétences nécessaires manquaient. C'est encore le cas aujourd'hui, en dépit des progrès enregistrés. Les certificats sanitaires à l'exportation ou pour pouvoir entrer sur le territoire communautaire ne peuvent par exemple n'être délivrés que par les inspecteurs sanitaires, qui sont en nombre insuffisant ; de même, les professionnels du dédouanement sont encore trop peu nombreux pour réaliser les formalités déclaratives en vue de l'exportation, de l'importation ou du transit.
La structure administrative n'était pas non plus complètement achevée, ce qui s'est traduit par un goulet d'étranglement à Ashford, seul bureau de douane du Kent compétent pour contrôler tous les flux destinés au territoire communautaire et passant par les Hauts-de-France. Cela s'est traduit, même si la situation s'est nettement améliorée, par des délais d'attente d'une demi-journée, voire d'une journée, pour les chauffeurs pour réaliser les formalités douanières et sanitaires et les tests PCR. En conséquence, les entreprises britanniques ont connu des difficultés importantes pour organiser leurs opérations d'import ou d'export à destination ou en provenance d'Europe continentale, avec, pour beaucoup d'entre elles, des décisions de report ou d'annulation, expliquant la baisse des flux de l'ordre de 20 % à 30 % au mois de janvier par rapport à l'année antérieure. Le retour à la normale est progressif.
La coopération avec les douanes et les services de l'agriculture britanniques nous a permis de régler au cas par cas les problèmes les plus importants. Le réglage des derniers détails, des situations résiduelles, devrait continuer de nous occuper durant tout ce semestre. Nous pourrons ensuite nous livrer plus complètement à notre activité de contrôle, qui est notre mission principale.
Pour conclure, je vous ferai part des axes de travail qui sont les nôtres. L'accord de retrait et le régime préférentiel - les règles d'origine - continuent de nous occuper pour l'information et l'accompagnement des entreprises. Ces dernières doivent bien appréhender toutes les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et de l'accord de retrait. Nous devons également continuer notre travail d'amélioration du processus douanier à la frontière, qui est déjà bien engagé. Les Britanniques ont certes bien progressé sur ce point, mais une asymétrie demeure, car ils ont supprimé les contrôles à l'importation ; ceux-ci seront rétablis en cours d'année. Les processus devront être adaptés en fonction de l'évolution de la réglementation britannique.
Le trafic voyageur reste une inconnue. Aujourd'hui, du fait de la crise sanitaire, la circulation se limite à un Eurostar par jour et à de rares traversées en ferry, très loin des trafics habituels. L'arrivée progressive des voyageurs va sans doute nous conduire à engager des actions de communication et de contrôle. Enfin, j'ai demandé à mes collaborateurs, notamment à ceux qui se trouvent sur la frontière transmanche et en particulier à Jean-Michel Thillier, puisque 97 % du trafic a lieu dans les Hauts-de-France et le reste en Normandie - le bilan est en période ordinaire beaucoup plus homogène - d'établir un bilan RH et organisationnel de ce qui s'est produit. Nous avions prévu des effectifs et une organisation qui tenaient compte de plusieurs paramètres, tels que le trafic de jour et le trafic de nuit. Dans les Hauts-de-France, nous avons décidé de créer trois bureaux, à Dunkerque, à Calais/port et à Calais/tunnel, qui travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n'existe nulle part ailleurs dans le reste des services de la douane française. Résultat, si nos ressources ont été renforcées depuis le démarrage du Brexit, grâce aux sous-activités ailleurs, nos effectifs mériteraient sans doute d'être augmentés, notamment pour soulager les agents soumis à une cadence plus élevée qu'anticipée, et notamment la nuit.
Merci à tous les deux. Je vous poserai quelques questions, avant de donner la parole au rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » qui comprend les moyens de la douane, M. Claude Nougein, puis au rapporteur général, Jean-François Husson. Vous disposerez d'un premier temps de réponse avant le débat général avec l'ensemble des sénateurs.
Pourriez-vous illustrer ce que vous appelez « la frontière intelligente » ? J'imagine que les camions sont tracés et que, au moment de leur passage à la frontière, il suffit de lire leur plaque d'immatriculation pour décider de leur sort. Il y a donc ceux qui peuvent directement passer parce que tout est prêt, ceux qui doivent s'arrêter parce qu'il leur manque, par exemple, un document administratif et ceux qui doivent être soumis à des contrôles plus longs et exhaustifs. Disposez-vous de données sur la fréquence de ces trois situations ?
Comment les choses se passent-elles avec les douanes des autres pays de l'Union européenne, qui doivent se mettre, tout comme leurs entreprises, au diapason ? Des difficultés existent-elles à ce sujet ?
Lors de votre audition devant notre commission au moment de l'examen du projet de finances pour 2021, vous nous aviez indiqué ne pas avoir procédé à tous les recrutements prévus en vue du Brexit par manque de visibilité. Qu'en est-il aujourd'hui ? Il resterait une centaine d'ETP à recruter, mais la situation est biaisée par l'impact de la crise sanitaire qui se poursuit, ce qui n'était pas forcément anticipé. N'avez-vous pas trop recruté pour le Brexit ? Du fait du report de l'accord, les 600 ou 700 personnes embauchées se sont retrouvées très longtemps en formation, voire redéployées sur d'autres activités. Seriez-vous prêts à absorber la reprise des échanges en vous passant des derniers 100 ETP ?
Par ailleurs, la Cour des comptes européenne a souligné l'hétérogénéité des contrôles effectués par les États membres. Lorsqu'il était encore ministre de l'action et des comptes publics, M. Darmanin avait admis que certains services douaniers étaient plus tatillons que d'autres. Où se situent les douanes françaises par rapport à la moyenne européenne ? Ces différences dans la fréquence et dans l'intensité des contrôles menés ne peuvent-elles pas nuire à l'attractivité de certains points d'entrée pour les marchandises et notamment à l'attractivité des points d'entrée français ?
Je reviendrai sur des sujets que nous avons abordés lors des derniers projets de loi de finances, notamment le transfert progressif d'une partie des missions fiscales de la douane à la direction générale des finances publiques (DGFiP), sachant qu'une majorité de ces dispositifs doit être mise en oeuvre par voie d'ordonnance. Pourriez-vous nous exposer l'état d'avancement de ces différents transferts et de l'impact à attendre, notamment pour les services des Douanes ?
Par ailleurs, pour compenser la disparition des frontières commerciales au sein de l'Union européenne avec le marché unique, certaines emprises douanières, notamment au sud et à l'est de la France, s'étaient reconverties en services à fiscalité spécialisée, par exemple à Metz pour la fiscalité routière ou à Nice pour la fiscalité environnementale. Ces transferts en cours auront-ils des conséquences sur ces services spécialisés dans ces territoires, et avec quelles compensations ?
Enfin, la proposition de mise en oeuvre d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, que la Commission européenne devrait publier d'ici à l'été, pourrait voir le jour au 1er janvier 2023, si les États membres donnent leur accord. Quelles en seraient les conséquences pour les services douaniers, à l'échelon national ou européen ?
« La frontière intelligente », c'est d'abord des entreprises qui doivent déclarer en amont du passage de la frontière. Cette déclaration est dématérialisée : le chauffeur doit avoir avec lui le code barre de la déclaration, qui est associé à la plaque d'immatriculation du véhicule. Durant la traversée, on étudie les déclarations, on regarde si elles sont suffisantes et nous vérifions s'il y a matière à contrôle. Avant l'arrivée, on indique au chauffeur s'il doit s'arrêter ou non : à la sortie, des panneaux indicatifs orientent ainsi les chauffeurs, grâce aux plaques d'immatriculation, en leur signalant s'ils sont en « circuit vert » ou en « circuit orange » ce qui correspond à un arrêt au bureau des douanes. Il existe plusieurs motifs à ces arrêts. Il y a tout d'abord les déficits déclaratifs, qui étaient très nombreux au début de l'année : il s'agit soit de l'absence pure et simple de déclaration, soit d'une déclaration partielle qui nécessite un contrôle douanier ou sanitaire. Un chiffre est constant depuis le début de l'année, celui des contrôles sanitaires ou phytosanitaires, à 3 % dans tous les reportings. En revanche, le nombre d'arrêts a beaucoup diminué.
Je vous donne les chiffres du mois de mars, où l'on se situe à 95 % du trafic normal. Dans la région des Hauts-de-France, qui concentre à elle seule 97 % du flux, nous avons reçu 145 000 camions à l'importation et un nombre équivalent à l'exportation. Parmi ceux liés à l'importation, 67 000 camions étaient vides. Habituellement, ces camions vides en provenance du Royaume-Uni représentent 30 % du flux. Cette année, le taux est un peu plus important ; il se situe, aujourd'hui encore, à environ 40 %. Cela montre que le trafic à l'importation du Royaume-Uni n'est pas encore totalement revenu la normale.
Parmi les camions à l'importation, 128 000 ont bénéficié d'un feu vert - ils sont passés comme ils seraient passés avant le 31 décembre 2020 ; 15 000 ont reçu un feu orange - ils se sont rendus sur les parkings créés dans le cadre du Brexit, afin d'y subir soit un contrôle documentaire, soit un contrôle douanier physique des marchandises contenues dans les camions ; enfin, 1 700 camions ont été contrôlés au titre des formalités sanitaires, par les agents du ministère de l'agriculture.
Au total donc, sur les 145 000 camions présentés à l'importation, 17 000 ont subi un contrôle, soit un taux assez classique d'un peu moins de 15 %, sachant que la plupart de ces camions - plus de 80 % - roulent sous le régime du transit et que les opérations de dédouanement sont réalisées au point de destination, celui-ci pouvant se situer en France ou dans 80 % des cas, dans un autre État membre. Dans 20 % des cas, les camions arrivent avec une déclaration d'importation déposée en France ; c'est vers eux que s'orientent la plupart de nos contrôles.
La situation dans les autres États membres concernés par le Brexit - les pays du Benelux, l'Allemagne et, dans un moindre mesure, l'Irlande - n'est pas tout à fait comparable à la situation française. Quelques points, cependant, sont communs à tous et sont régulièrement évoqués dans les réunions auxquelles nous participons avec ces pays et la Commission européenne : le manque de préparation des opérateurs ; les difficultés avec l'administration britannique ; ou encore, la faible qualité des documents sanitaires émis par les autorités sanitaires britanniques, même si tous notent les progrès réalisés dans ce domaine.
En quoi notre situation est-elle différente ? La région des Hauts-de-France concentre 85 % des traversées de ferries ; les enjeux quantitatifs ne sont donc pas les mêmes que pour les autres pays. Nous devons également gérer un important trafic de remorques accompagnées - avec un chauffeur à l'intérieur - et donc une obligation de minimiser les arrêts. Ce n'est pas le cas pour les ferries accostant à Zeebruges, Anvers ou Rotterdam, dans lesquels on retrouve des remorques non accompagnées, induisant une organisation logistique différente. Dans ces pays, non seulement les traversées sont plus longues - plusieurs heures contre 1h30 maximum en France depuis Dunkerque - mais, en plus, ils doivent convoquer un chauffeur pour qu'il vienne récupérer la remorque éventuellement contrôlée, ce qui laisse davantage de temps pour s'organiser.
Parmi les difficultés rencontrées avec les Britanniques, le régime du transit n'est pas très clair mais ces processus techniques sont communs à tous les États membres. C'est pour cette raison que la Commission européenne nous a réunis avec les cinq États membres les plus concernés par le Brexit pour résoudre ces difficultés. Nous ne partageons pas, en revanche, la logistique de la frontière transmanche, propre à la France. Nous sommes cependant plutôt réactifs et, avec la Commission européenne qui suit de près le sujet, nous essayons d'avoir une approche collégiale.
Un élément complémentaire au sujet du Brexit : les recrutements. Nous avions prévu trois vagues de recrutement : la première, lancée en 2018, a permis de recruter 250 personnes ; la deuxième, en 2019, 350 personnes ; la dernière devait se dérouler en 2020. Avec le peu de visibilité dont nous disposions alors sur la date du Brexit, nous avons pris deux décisions, qui concernent notamment les trois bureaux liés au Brexit dans les Hauts-de-France : la première a été de reporter les 100 recrutements prévus pour la dernière vague à 2021 ; la deuxième a consisté à redéployer les effectifs - soit 120 personnes réaffectées sur des postes vacants, ce qui nous oblige d'ailleurs à lancer une nouvelle vague de recrutement pour les Hauts-de-France, et indépendamment de la dernière tranche d'effectifs à recruter.
A-t-on encore besoin de recruter les 100 personnes prévues pour cette année ? La réponse est oui, sans équivoque. Nous avons recruté des personnes pour pallier les effectifs redéployés. Nous avons largement dépassé l'effectif prévu de 700 personnes, qui correspondait à la fourchette basse des estimations. Ce chiffre, aujourd'hui, n'est pas suffisant : la charge et le rythme de travail sont en effet très supérieurs à ce que nous avions imaginé, alors même que le flux voyageurs est encore loin d'être revenu à la normale.
Les Britanniques ont également appris à « lire » l'accord signé le 24 décembre avec l'Union européenne. Ils se sont aperçus que toute une série d'opérations habituellement réalisées par leurs entreprises - des ouvraisons superficielles, du reconditionnement de marchandises, du e-commerce également - s'avèrent compliquées et coûteuses. Le gouvernement britannique a donc demandé à certaines de ces entreprises présentes dans ces secteurs de s'implanter et de créer des filiales sur le territoire communautaire. Dès aujourd'hui, on peut voir les premiers effets de cette demande, avec des trafics dont les opérations douanières ne sont plus réalisées au Royaume-Uni mais en France, et notamment dans les Hauts-de-France. Deux entreprises de e-commerce se sont notamment implantées dans le Pas-de-Calais, mobilisant des flux supplémentaires de 100 000 déclarations par mois, ce qui correspond au flux normal d'un bureau de taille conséquente. De nouvelles activités apparaissent donc, avec de nouvelles charges de travail, du fait de l'adaptation des opérateurs britanniques au Brexit ; ce phénomène risque de s'amplifier dans les mois à venir.
Vous avez posé la question de l'hétérogénéité des contrôles dans les États membres. L'objectif est d'avoir des contrôles proportionnés, de manière à protéger notre territoire sans nuire à la fluidité du trafic. Certains pays sont plus « laxistes », effectuent moins de contrôles.
Prenons l'exemple de la crise sanitaire. Au début de l'année dernière, il a fallu dédouaner des millions de masques, tout en s'assurant de la conformité pour protéger les consommateurs, avec une réglementation très complexe qui avait été adaptée pour pouvoir recevoir des masques d'origine étrangère, et notamment chinois, et une pression forte, des hôpitaux notamment. Nous avons mis en place un processus spécifique et une organisation dédiée afin de fluidifier le trafic. En dépit des échos négatifs sur les arrêts en douane des masques, la grande majorité a été dédouanée en très peu de temps - 90 % en moins d'une journée. Nous avions donc ce dilemme, mais notre organisation a permis d'assurer la fluidité des flux tout en nous permettant d'arrêter des masques non conformes voire contrefaits.
Je peux citer un autre exemple lié à l'attractivité du territoire. On nous a demandé de rendre nos ports plus attractifs et compétitifs. Nous avons créé un système informatique - France Sésame - qui se déploie au Havre, à Marseille et à Dunkerque. Il s'agit d'un portail qui doit permettre de faciliter les démarches avec l'ensemble des administrations et constituer un point de contact unique pour les logisticiens, afin de réduire les délais de traitement et de rendre nos ports plus attractifs. L'objectif sera prochainement de mieux organiser la frontière avec la Suisse, ainsi que la gestion des autres ports et des aéroports, grâce au déploiement de ce portail.
L'idée est bien d'avoir un niveau de contrôle proportionné, avec une interrogation permanente sur le bon niveau de contrôle. Le rapport auquel vous faites référence est assez limité, car il ne présente que les taux de contrôle, pas les taux de contrôle positifs. Beaucoup de nos contrôles s'effectuent désormais par ciblage et c'est ce type d'efficacité que l'on cherche à développer. On a revu nos politiques de contrôles pour déployer nos outils de ciblages et améliorer l'efficacité de nos contrôles.
Un sujet important concerne les transferts des missions fiscales de la douane vers la DGFiP. La dernière loi de finances a donné le calendrier de ces transferts : en 2022, nous aurons le transfert des taxes intérieures de consommation (TIC), du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) import ; en 2023, ce sera le transfert des amendes et, en 2024, celui de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dans son intégralité, ainsi que, pour les contributions indirectes, celui du remboursement.
Cela représente une charge de 702 ETP, répartis de 2022 à 2024. Plusieurs types de services sont touchés : les recettes interrégionales en charge du recouvrement ; les bureaux spécialisés dans la fiscalité énergétique à Strasbourg, Tours, Lyon, Lille, Dunkerque ; les bureaux DAFN également. Nous avons une visibilité assez nette jusqu'en 2024, ce qui nous a permis d'engager le processus Ressources Humaines (RH). Les négociations avec les organisations syndicales ont débuté. Nous nous appuyons notamment sur ce que permet la loi de transformation de la fonction publique. L'objectif, d'ici la fin du semestre, est de finaliser la manière dont ces reclassements vont s'effectuer. Nous avons également lancé un processus ad hoc avec la DGFiP afin que les agents des douanes qui le souhaitent puissent se voir offrir des postes à la DGFiP.
Deux services sont des cas un peu particuliers. L'un, à Nice, concernait la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ; en 2019, les agents ont été reclassés. Un autre service a été restructuré à plusieurs reprises : le service national douanier de la fiscalité routière (SNDFR), en charge du remboursement de la TICPE à Metz et qui sera très fortement affecté par les transferts en 2024. D'ici 2024, nous avons le temps d'y réfléchir, c'est même un peu trop lointain pour apporter l'ensemble des garanties dès à présent, mais nous sommes confiants dans notre capacité à pouvoir reclasser les personnes. Deux raisons expliquent cette confiance : il y a un turnover important à Metz et on a des besoins de douane autour de Metz. La DGFiP pourra également accueillir certains personnels.
Cela ne répond pas à la question de la compensation et notamment aux questions des élus sur l'implantation des services dans leur territoire. Si je prends l'exemple de Metz où 80 personnes seront concernées, la douane ne peut répondre toute seule à cette question. J'ignore si nous pourrons trouver une nouvelle activité douanière, mais nous disposons d'un peu de marge d'ici 2024 pour trouver une solution au sein de l'État.
Concernant l'ajustement carbone, c'est encore prématuré, je n'ai pas de réponse précise à apporter. On y a participé et on en a mesuré les impacts, mais nous attendons encore les résultats définitifs.
Le Brexit a entraîné un certain nombre de travaux et d'aménagements. Avez-vous une idée du montant total de l'investissement pour les douanes ?
Autre question : quel est le montant des taxes récupérées en 2020 concernant les tabacs ?
Ma première question porte sur le système ETIAS - (European Travel Information and Authorisation System) et le sujet des transferts de voyageurs hors de l'espace Schengen. Comment les ports seront-ils accompagnés dans la mise en place de ce dispositif, prévue pour 2022 ?
Vous avez évoqué les questions d'effectifs et de périmètres. La Cour des comptes avait souhaité, au travers d'un plan stratégique, lui-même traduit par un contrat de performance, l'élaboration d'un schéma d'adaptation du réseau territorial de la DGDDI. Où en sommes-nous de ce dispositif ?
La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) participe activement, avec l'organisme Tracfin, à la lutte contre le blanchiment d'argent. Pouvez-vous nous indiquer combien d'avoirs criminels ont été saisis en 2020 ?
En septembre 2020, la Cour des comptes avait estimé que les mutations actuelles devaient pousser la DGDDI à se réorganiser et à faire évoluer ses missions, en se recentrant notamment sur la protection des frontières et le contrôle des flux. Comment, aujourd'hui, sont articulées les missions entre votre direction générale et la police de l'air et des frontières ?
Je souhaite évoquer le sujet des systèmes et des réseaux d'information, perfectibles. La remontée d'informations au niveau national n'était donc pas toujours complète. Le transfert des recouvrements va-t-il s'accompagner d'une amélioration des systèmes d'information, permettant ainsi de préciser le chiffrement des dépenses fiscales sous-jacentes ?
Ma première question concerne l'accroissement du trafic dans le port de Dunkerque. Effet imprévu du Brexit, une nouvelle liaison maritime a été ouverte, le 1er janvier, entre le port de Dunkerque et celui de Rosslare en Irlande. Elle connaît un succès impressionnant, puisque, le 1er avril, un quatrième ferry a été mis en service pour répondre à la demande. Cela nécessite, sur place, un renforcement des équipes de douaniers. Comment avez-vous appréhendé cette croissance de trafic ? Avez-vous initié un redéploiement des moyens humains du port de Calais vers Dunkerque ?
Le Gouvernement britannique a annoncé, fin 2019, la création de huit ports francs sur le territoire britannique. En général, les ports francs sont à proximité des aéroports ou des ports maritimes. Ce sera le cas. Les biens qui sont envoyés dans les ports francs ne sont pas soumis aux droits de douane, et les droits ne sont dus que lorsque les marchandises en question quittent ces ports pour être envoyées vers d'autres destinations, hors du Royaume-Uni. À ma connaissance, il s'agit rarement de produits de première nécessité. Bien plutôt, ce sont des produits de grande valeur, comme des tableaux de maître. Comment allez-vous appréhender ce genre de flux, à destination des ports francs dont le gouvernement britannique a annoncé la création dans les prochains mois ?
On a entendu dire en début d'année que le trafic de marchandises entre la Grande-Bretagne et la République d'Irlande était en augmentation. D'après les informations disponibles sur ce sujet, il était dit que, même si la traversée en bateau pour rejoindre le continent était plus longue, il y a avait un avantage parce que les choses étaient « moins compliquées »... Je ne sais pas ce qu'on met derrière ces deux mots. Comment les contrôles sont-ils effectués sur cette frontière ? Y a-t-il un système de frontière intelligente ? Une forme d'interopérabilité ? Avez-vous une vision du trafic de marchandises qui la traverse ? Ou bien vous interdisez-vous de contrôler le travail fait par les Irlandais sur cette frontière ?
Je voulais vous interroger sur les moyens humains et les effectifs. Nous sommes tous attachés à la présence de l'administration des douanes sur l'ensemble de nos territoires et départements, frontaliers ou non. Partout, en matière de contrôles, l'administration des douanes joue un rôle très complémentaire de celui des autres forces de sécurité intérieure. Il faut que ces effectifs soient maintenus sur l'ensemble des territoires de métropole et d'outre- mer.
Quels sont les dispositifs pour lutter contre les trafics de toutes natures ? Dans mon département des Ardennes, frontalier, je vois de plus en plus de poids lourds, à toute heure du jour ou de la nuit, de toutes origines. Je vois en parallèle régulièrement, aussi, les véhicules de l'administration des douanes, mais celle-ci ne peut pas tout faire en matière de contrôles. Il y a la lutte contre le trafic de stupéfiants, contre le trafic de tabacs ou encore contre la contrefaçon. J'avais vu il y a quelques années un contrôle effectué à l'aide d'un scanner, qui permet d'analyser le contenu de certains poids lourds. Il me semble qu'un tel équipement est rare. Des investissements sont-ils prévus pour en acquérir davantage ?
Ma première question portera sur la mise en oeuvre de la loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc), qui a créé un droit à l'erreur. Votre prédécesseur nous disait il y a un peu moins de trois ans que cette loi devait modifier radicalement les conditions d'exercice de vos missions en matière de fiscalité. Quel bilan pouvez-vous en tirer quant à la charge de travail de vos services, à l'organisation du travail et, surtout, à vos relations avec les entreprises et les assujettis ?
La loi de finances pour 2020 a autorisé votre direction, comme la DGFiP, à collecter et analyser par le biais de traitements informatisés le contenu des plateformes pour déceler d'éventuelles fraudes à la TVA ou contrefaçons. Certes, le décret n'est sorti qu'en février dernier. Pouvez-vous néanmoins nous dire ce que ce dispositif a concrètement apporté - ou ce qu'il va concrètement apporter ?
Le rapport de la Cour des comptes pointe une insuffisance de culture de la performance et de service à l'usager. Il est d'ailleurs assez sévère, puisqu'il rappelle que ces motifs d'insatisfaction demeurent au fil des ans et qu'il témoigne de la réaction des usagers, qui parlent de dysfonctionnements trop fréquents, de pannes, de lenteurs, de déconnexions, de problèmes d'accès, etc. Quelles mesures avez-vous d'ores et déjà prises pour remédier à cette situation ?
Vous parliez tout à l'heure de l'activité intense que vous avez eue durant la période d'acquisition des masques. Je fais partie de ceux qui ont commandé des masques, en ma qualité de président de l'Association des maires ruraux de la Moselle, et je dois dire que j'ai eu très peur à ce moment-là, car les masques ont passé beaucoup plus de temps dans l'entrepôt de l'aéroport qu'ils n'en avaient mis à faire le trajet ! Le douanier préposé considérait qu'ils étaient de trop bonne qualité pour être commandés par des maires - et d'ailleurs, pourquoi des maires auraient-ils commandé des masques ? Bref, j'ai dû faire intervenir le préfet, qui m'a aidé à me tirer d'affaire.
Enfin, sur la restructuration, d'ici à 2024, de l'antenne de douane de Metz, je serai, comme vous, très attentif à ce que les choses se passent pour le mieux.
Dans les outre-mer, les douanes ne sont pas ou peu équipées de scanners. On en a demandé en Guyane, notamment l'ancien ministre Christian Eckert avait décidé d'un programme pour équiper les ports et les aéroports de scanners et, à l'époque, les régions étaient prêtes à les cofinancer avec l'État. Plusieurs années après, on manque encore de ces équipements. Je ne sais pas si on a installé un scanner en Guyane, et je n'en sais pas plus pour les autres territoires. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? Il y a eu des regroupements de brigades, de postes, des suppressions d'effectifs... Le résultat est que des containers qui arrivent dans l'Hexagone ne sont pas contrôlés. Or le trafic de stupéfiants notamment est un vrai sujet.
Enfin, sur le commerce en ligne, on a du mal à appliquer la taxation et l'octroi de mer. Amazon ou d'autres entreprises de France ou d'ailleurs m'ont confirmé qu'elles ne livraient pas dans les outre-mer parce que c'était trop compliqué. Il y a un problème de mutualisation et de centralisation. Pourriez-vous nous éclairer sur l'avenir du commerce en ligne dans les outre-mer ? Il y a là une perte de recettes considérable...
Vous avez évoqué les ferries qui viennent depuis l'Irlande, État membre, vers notre territoire. Ils arrivent essentiellement à Cherbourg et Dunkerque, à raison de mille camions par port - à comparer aux quelque 145 000 camions qui nous arrivent directement du Royaume-Uni, par Dunkerque, par Calais ou par le tunnel. Il ne s'agit donc d'une partie marginale du trafic, mais en croissance, et nous sommes en train de nous pencher sur la question. Il s'agit d'un trafic intracommunautaire, et il n'y a donc pas de formalités douanières à accomplir, puisque la République d'Irlande est un État membre. Il n'y a pas interopérabilité à proprement parler, nous utilisons les systèmes d'information de l'Union européenne de manière différente.
Nous n'avons pas de certitudes sur l'étanchéité de la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Le risque, pour nous, est que des produits arrivent du Royaume-Uni ou de pays tiers sur le territoire communautaire, mais sans les formalités nécessaires et sans remplir les conditions de normes qui s'attachent à certains produits. Nous y sommes attentifs.
La réponse communautaire donnée à cette problématique figure dans le protocole nord-irlandais annexé à l'accord de retrait signé en mars de l'année dernière. Des équipes de supervision de la Commission européenne sont en place depuis le 1er janvier. Elles comptent une dizaine de personnes, en poste en Irlande du Nord pour observer comment le Royaume-Uni, et notamment sa douane, surveille ce qui se passe pour les marchandises qui passent de l'île d'Angleterre vers l'Irlande du Nord. Deux anciens douaniers français font partie de cette équipe, que la Commission a renforcée depuis le 1er avril - un troisième douanier français vient de partir rejoindre ces douaniers allemands, anglais, néerlandais, etc. Le but de cette équipe de supervision est de regarder les flux qui arrivent en Irlande du Nord, et de s'assurer que ce qui entre en Irlande du Nord reste en Irlande du Nord, et ne s'introduit pas de manière subreptice en République d'Irlande. Pour l'heure, on ne nous a pas signalé de fraudes avérées. C'est une priorité de la Commission européenne et des États membres les plus concernés, d'où notre participation à cette équipe qui regarde également comment les Britanniques s'organisent pour gérer cette frontière.
Désormais, les Britanniques ont décidé de reculer de six mois, comme ils l'ont fait pour les formalités d'importation, les formalités d'exportation entre le Royaume-Uni et la République d'Irlande. La réponse de la Commission est en train de s'organiser, pour voir comment l'étanchéité de la frontière nord-irlandaise sera garantie par les autorités britanniques.
Il y a dix projets de ports francs au Royaume-Uni. Ce qui est recherché dans ces ports francs ne relève pas tant du douanier que du domaine fiscal et social. Nous suivons la question avec notre ambassade, pour appréhender les marchandises qui seraient susceptibles d'être concernées en fonction des avantages qui seraient donnés dans ces ports francs. Nous n'en connaissons pas encore le contour réglementaire précis, ni les possibilités de stockage, de manipulation et de livraison qui seront autorisées. Nous serons attentifs aux courants de marchandises qui pourraient ensuite revenir dans les États membres.
Le Brexit nous a coûté 70 millions d'euros : 53 millions d'euros pour la masse salariale et 17 millions d'euros pour l'informatique.
Le transfert des missions fiscales à la DGFiP est l'occasion d'une réingénierie des processus. Les taxes seront traitées en s'appuyant en priorité sur le système d'information de la DGFiP et rejoindront un cycle de gestion, taxation et contrôle proche de celui d'autres taxes gérées par l'administration fiscale. Ces réseaux ne seront pas forcément nouveaux. Plusieurs taxes seront déclarées dans les CA3 (formulaires utilisés pour les déclarations mensuelles de TVA et taxes assimilées), par exemple, et suivront les systèmes d'information correspondants. Ce transfert des missions fiscales nous impose une vraie gestion des ressources humaines, afin de veiller à ce que tous les agents concernés puissent, s'ils le souhaitent, rester dans leur résidence. C'est notre engagement commun avec la DGFiP.
Cela nous a conduit en parallèle à nous demander où allait la douane, et quelles devaient être ses missions. Nous définissons la douane post-transfert de fiscalité comme l'administration de la frontière et de la marchandise. Parmi les sujets qu'elle doit embrasser figure celui du contrôle migratoire, en lien avec la police aux frontières (PAF). Pour assurer pleinement ce contrôle, la douane dispose de marges de progrès, alors qu'elle doit être à l'état de l'art dans ce domaine, et dégager davantage de synergies avec la PAF. Un audit Schengen par la Commission est prévu. Il sera l'occasion de préciser nos axes de progrès. Nos missions comportent aussi, bien sûr, la douane traditionnelle, pour la lutte contre tous les trafics, et la douane facilitatrice, ce qui touche le e-commerce et la réingénierie de nos frontières terrestres, maritimes et numériques. Nous souhaitons faire figurer ces objectifs dans un contrat, qui précisera les moyens qu'on y affecte.
Nous réfléchissons aussi à la manière d'accomplir nos missions. Nous souhaitons être encore plus attentifs aux conditions de travail et d'exercice, avec de meilleurs outils et davantage d'équipement. L'usage des scanners est l'un des sujets qui nous préoccupent, notamment pour le contrôle du e-commerce avec le ciblage des colis, ou dans les ports, où il y a de la fraude et du trafic de stupéfiants.
L'optimisation de nos ressources concerne aussi la géographie de nos services. La Cour des comptes avait en effet appelé à cette rationalisation. Jusqu'en 2018, nous avons fait beaucoup d'efforts en ce sens. Il y a eu la centralisation comptable, et une forte massification. Des fragilités viennent toutefois d'apparaître, liées au transfert de la fiscalité vers la DGFiP : huit sites sont particulièrement affectés. L'apparition de ces fragilités conduit à s'interroger sur le maintien de l'implantation, ce qui ne signifie pas nécessairement une fermeture. Ainsi, en Auvergne, contrairement à ce qu'on avait imaginé par le passé, on a choisi de renforcer notre présence dans ce territoire et nous envisageons d'y implanter un service national, dans le cadre de la « démétropolisation » des services publics des administrations centrales. Pour chaque zone fragilisée, nous nous posons la question du besoin de douane, en fonction également de la géographie terrestre et routière.
La performance fait partie de notre projet stratégique. En termes de suivi de notre activité, nous avons quelques marges de progrès. Nous menons un grand chantier autour des données et de leur valorisation, sur deux volets en particulier. Le premier concerne la façon dont nous pouvons mobiliser l'ensemble des données pour un meilleur ciblage des contrôles. C'est la mission du service d'analyse de risque et de ciblage (SARC). Le second concerne l'amélioration du pilotage de l'activité. De manière générale, nous faisons le constat que nos données ne sont pas encore pleinement utilisées. Nous allons essayer de les mettre davantage au service de nos activités opérationnelles - par exemple, pour conseiller une entreprise, ou pour être en mesure de nous projeter sur un territoire avec tout l'historique des contentieux locaux, afin de construire des dispositifs opérationnels plus efficaces.
Je ne suis pas sûre qu'on puisse encore tirer un bilan de la loi Essoc, car l'année dernière a été très particulière et nous avons dû réorienter certaines de nos activités.
Vous avez évoqué le web scraping et la manière de collecter du contenu sur les réseaux sociaux et d'en faire bon usage, en tout cas pour lutter contre la fraude. Nous examinons les dispositions du décret pour déterminer comment conduire ces expérimentations.
Concernant l'outre-mer, nous n'avons pas de scanners dans les ports mais nous en avons dans les aéroports, pour le contrôle des bagages et du fret lié à l'e-commerce. Les ports des territoires ultramarins sont des zones sensibles car ils sont situés non loin des zones de production et que ce sont également des ports de correspondance, avec des transbordements entre les bateaux. Ils font donc partie de nos priorités en termes d'équipement. Nous analysons les fonds communautaires à disposition pour acquérir ce genre de matériel.
Plus généralement, pour notre équipement, nous mobilisons au maximum les fonds disponibles. Un fonds européen vient d'être créé, notamment, à compter de 2021. Nous sommes donc en train de recenser tous les équipements dont nous aurions besoin pour répondre aux appels à projets de l'Union européenne.
Sur la question de l'octroi de mer, nous sommes très attentifs à sa perception. Il n'y a pas d'impossibilité technique, informatique ou organisationnelle pour percevoir l'octroi de mer, y compris sur des activités de e-commerce. Les difficultés avec les opérateurs de e-commerce surviennent en réalité davantage dans leurs déclarations en douane, car les codes spécifiques liés à cette fiscalité changent d'un département à l'autre.
Vous nous avez enfin demandé le montant des recettes sur les tabacs : 15 milliards d'euros perçus par la douane, essentiellement au titre des droits de consommation, et 4 milliards d'euros de TVA perçus par la DGFiP. S'agissant du blanchiment d'argent, nous avons 217 cas de blanchiment douanier, et 304 millions d'euros redressés.
Merci à tous pour votre participation.
La réunion est close à 16 h 10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.