Je voudrais tout d'abord revenir sur l'année 2020, qui a fortement mobilisé l'Agence des participations de l'État (APE) avant de vous faire part de l'évolution de notre stratégie de gestion du portefeuille, laquelle a été affectée par la crise sanitaire.
Revenons d'abord rapidement sur l'année 2020, et sur la façon dont l'État actionnaire a été amené à intervenir. De façon immédiate, il a fallu assurer un suivi de la gestion opérationnelle du Covid-19 par les sociétés du portefeuille. Lors du premier confinement en mars 2020, nous sommes intervenus de concert avec les ministères concernés et les entreprises du portefeuille sur la continuité des activités, la gestion du chômage partiel, etc. Dès la fin du mois de mars, nous avons effectué un suivi hebdomadaire des besoins de financement des entreprises du portefeuille de l'État actionnaire, pour s'assurer qu'elles ne se retrouvent pas dans une situation délicate. À la demande du Gouvernement, nous sommes aussi intervenus sur les rémunérations des dirigeants et des membres de conseil d'administration. Comme vous le savez, la plupart ont soit renoncé à leur part de rémunération variable, soit consenti une forte diminution.
Surtout, nous avons fait un très gros travail pour identifier les entreprises stratégiques - qu'elles soient à participation publique ou non - rendues très vulnérables par la crise. C'est ce que nous avons appelé le « projet Gaïa ». Il en est ressorti une liste d'une vingtaine de grandes entreprises françaises. En complément, le Parlement a voté à l'occasion de la deuxième loi de finances rectificative une ouverture exceptionnelle de vingt milliards d'euros pour accompagner la recapitalisation de ces entreprises.
Au-delà, l'APE a directement participé aux négociations relatives aux évolutions successives du cadre temporaire des aides d'État défini par la Commission européenne en réponse à la crise sanitaire. C'est dans ce cadre que les négociations ont été entreprises avec les services de la Commission européenne, notamment pour Air France-KLM. De façon spécifique, nous avons accompagné la mise en place des prêts garantis par l'État octroyés à Renault et à Air France-KLM, et nous sommes intervenus directement en capital au sein de la SNCF en fin d'année dernière. Enfin, l'année dernière, nous avons souscrit à des fonds dédiés aux filières aéronautiques et automobiles.
Bien évidemment, notre stratégie de gestion du portefeuille a été fortement affectée sous l'influence de la crise sanitaire. Je distinguerai quatre inflexions. La première concerne notre politique de gestion du portefeuille. Désormais, notre priorité est le sauvetage et la sécurisation des entreprises en difficulté et dont le modèle économique est bouleversé. Il s'agit du secteur des transports, de l'aéronautique ou de l'automobile. Pour certaines entreprises, nous sommes déjà intervenus de façon parfois massive, avec plus de 4 milliards d'euros d'augmentation de capital de la SNCF, 3 milliards d'euros d'avance d'actionnaire à Air France-KLM au printemps 2020 puis désormais une opération de renforcement des fonds propres.
Mais il nous revient aussi d'accompagner les entreprises qui se portent bien. Certaines entreprises du portefeuille n'ont pas été spécifiquement affectées par la crise. Je pense par exemple à Orange : le secteur des télécommunications a été très résilient et a connu un fort développement. Je pense aussi à la Française des jeux, qui a vu son activité préservée et sa valeur s'apprécier. Nous devons aussi accompagner les entreprises qui ont des opportunités de développement.
La deuxième inflexion concerne la protection des intérêts économiques français. La crise a révélé la fragilité de la situation financière de certaines entreprises, que l'État soit présent au capital ou non. Je pense aussi à des entreprises à capitaux intégralement privés, pour lesquelles la dispersion du capital constitue une source de fragilité : des prédateurs pourraient profiter de leur forte baisse de valorisation pour effectuer des opérations inamicales et non souhaitées. Vous avez suivi les débats concernant Carrefour ou Danone : je ne dis pas que l'État interviendra, mais il apparaît clairement que la question de la souveraineté économique des grandes entreprises françaises a été renforcée par la crise. C'est dans cet état d'esprit que le fonds « Lac d'argent » pourra être amené à intervenir dans des entreprises françaises cotées pour lesquelles il paraît nécessaire de conserver des intérêts économiques français - même si ce fonds a été créé par Bpifrance avant la crise sanitaire.
La troisième inflexion relève davantage d'une accélération : loin de diminuer les exigences environnementales, la crise les a renforcées. Ce mouvement a d'ailleurs été souhaité et appuyé par le Parlement à l'occasion des lois de finances rectificatives successives en 2020, en plaçant l'éco-conditionnalité comme une référence des objectifs des grandes entreprises du portefeuille. C'est une caractéristique qui constitue dorénavant un pilier de nos interventions de gestionnaire de portefeuille public.
La dernière inflexion concerne la maîtrise des risques, exigence renforcée par la crise. L'APE gère un portefeuille de 85 entreprises : nous intervenons dans tous les conseils d'administration et dans toutes les instances de gouvernance de ces sociétés, dont les comités des risques. Notre vigilance en matière de maîtrise des risques sera renforcée, à la fois pour les risques opérationnels et pour d'autres types de risques - cyber, financiers, etc.