Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 8 avril 2021 à 15h10
Respect des principes de la république — Article 26

Gérald Darmanin :

Nous serions du reste bien incapables de le faire, dans la mesure où l’innovation, en matière de croyance, est sans bornes…

Je le rappelle, pour l’État, pour la République et sans doute pour le législateur, la croyance est une opinion, comme l’édicte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

C’est pour cela que cet article est ainsi rédigé et qu’il se trouve en conformité avec l’esprit de la loi de 1905. On peut exercer un culte sur une base juridique, ce qui est le cas des associations loi de 1901 et loi de 1905. Nous souhaitons généraliser le passage à cette dernière, mais le Conseil d’État nous a rappelé que nous ne pouvions en faire une obligation dans ce texte.

Il peut également s’agir d’un groupement de fait, l’association juridique n’étant pas obligatoire pour célébrer un culte.

Même si je comprends l’esprit qui a présidé à la rédaction de ces amendements, il me semble que définir ce qu’est un culte viendrait très fortement percuter la grande liberté de croyance qui caractérise notre pays. De même que l’arrêt Benjamin rendu par le Conseil d’État précise qu’une réunion publique politique n’a pas besoin d’une formation juridique pour exister, définir ce qu’est un culte viendrait contraindre cette liberté.

La disposition que nous discuterons tout à l’heure, prévoyant que le ministère de l’intérieur valide, tous les cinq ans, la qualité cultuelle d’une association, est dans le même esprit de confusion.

En effet, le ministère de l’intérieur n’est pas là pour vérifier s’il s’agit ou non d’un culte. Il est là pour contrôler si les conditions pour ceux qui ont créé une association juridique correspondant aux critères définis par le législateur pour être un culte, tels que la déduction fiscale ou l’exonération d’impôts, sont bien remplies. Le ministère ne porte pas de jugement sur ce qui est ou ce qui n’est pas un culte.

D’ailleurs, il y a évidemment, au sein du culte, des dérives dont vous savez qu’elles sont à la fois dangereuses et parfois nébuleuses, telles que les dérives sectaires. Or cela ne peut pas, me semble-t-il, être défini par la rédaction de l’article telle qu’elle est proposée.

Définir ce qu’est un culte et un ministre du culte peut être intéressant intellectuellement, mais ne correspond ni à l’esprit de libéralisme de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ni à l’esprit du législateur libéral de 1905. Au contraire, cela viendrait extrêmement contraindre la liberté de croyance et la liberté de culte dans notre pays, pour les cultes passés, les cultes présents, mais aussi, peut-être, pour les cultes à venir. Après tout, vous connaissez sans doute cette citation, on dit que « le christianisme est une secte juive qui a réussi ».

Qui sommes-nous pour juger, d’un point de vue totalement laïque, de la réussite, de la vérité et de la reconnaissance de tel ou tel culte ? Je pense que la République doit se garder d’avoir de telles opinions, même lorsque celles-ci sont fondées sur de bonnes intentions, dont chacun sait que l’enfer est pavé.

J’ai donc compris le souci des parlementaires, mais je pense qu’il serait dangereux pour la République et pour la liberté de croyance d’adopter ces dispositions. Même si cela plonge parfois le ministre de l’intérieur et ses services dans un abîme de perplexité, …

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