Il apparaît normal que, face à des avantages comme celui-là, l’exécutif s’attache à faire appliquer la loi de la République et à distinguer ce qui est cultuel et culturel.
Il est évident qu’il y a là un sujet européen et international, du fait de la définition de la laïcité française : dans nos discussions avec nos amis européens et anglo-saxons, ce n’est pas un mince sujet. Néanmoins, nous devons défendre notre modèle.
Bien sûr, cela ne change pas grand-chose que les Témoins de Jéhovah relèvent de la loi de 1905 – en l’occurrence, la question était de savoir s’il s’agissait d’une secte ou d’une religion, et le juge a tranché. En revanche, je le dis très clairement, il faut distinguer les associations qui relèvent de la loi de 1901 de celles qui relèvent de la loi de 1905.
Vous disiez, monsieur le sénateur, que nous sommes en contradiction avec votre propos. Bien au contraire ! Le grand mérite de cette loi, indépendamment de tous les débats que vous avez eus depuis deux semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, est de consacrer la séparation entre ces deux types d’associations. Le législateur a précisément créé l’association loi de 1905 pour les cultes et l’association loi de 1091 pour les autres.
C’est la confusion du cultuel et du culturel qui mène à une déviation très profonde de l’esprit de la loi. Ainsi, une association loi de 1901 qui fait du cultuel – 92 % des associations musulmanes appartiennent à ce type d’association – peut toucher des subventions au nom de ses activités culturelles, comme une activité sportive ou périscolaire, et l’utiliser pour son activité cultuelle.
À M. Sueur qui s’interrogeait sur la distinction réelle de ces types d’association et de ce qui pourrait les obliger à aller de l’un vers l’autre, je réponds que ce projet de loi vise à tout faire pour les associations relevant de la loi de 1905. Surtout, il introduit des contraintes très fortes pour celles qui resteront des associations loi de 1901 – je rappelle que le Conseil d’État refuse que nous rendions obligatoire le passage à la loi de 1905.
Il est ainsi prévu l’existence de deux comptes bancaires, c’est-à-dire de deux états de compte séparés.
Ainsi, lors des contrôles – il devra y en avoir –, si la ville X verse 1 000 euros à l’association Y, qui est à la fois un club culturel d’accompagnement scolaire et un lieu de culte, cette association pourra toucher cette somme pour son activité culturelle, mais ne pourra pas l’utiliser de façon détournée pour son lieu cultuel. Cette mesure ne concerne naturellement pas les territoires qui ne connaissent pas un droit local ; elle ne touche donc pas l’Alsace-Moselle.
Monsieur le sénateur, je vous conjure d’autant plus de tenir à cette distinction que, historiquement, les communistes ont toujours été très favorables aux lois de séparation des Églises et de l’État. S’il n’y a pas de séparation entre les associations qui relèvent des lois de 1901 et celles qui relèvent de la loi de 1905, alors nous confondons le temporel et le spirituel, le culturel et le cultuel et le politique et le religieux. C’est précisément ce que, depuis quasiment plus d’un siècle, nous tentons de distinguer dans ce pays.
Il s’agit bien là de notre problème principal, et s’il y a deux religions qui ont souligné ce point, ce sont bien le protestantisme et le judaïsme. Dans leur quasi-intégralité, les adeptes de ces cultes sont désormais constitués en associations loi de 1905.
S’agissant des catholiques, certains discours sont parfois assez amusants, à l’instar de celui du sénateur Ravier : ils font comme si, dès le début, le monde catholique avait été favorable à la loi de 1905… Il a tout de même fallu quinze ans avant d’appliquer cette loi, puisque le Parlement s’est réuni en urgence en 1906 pour adopter la loi de 1907, précisément pour ne pas appliquer celle de 1905.
Aujourd’hui, tout le monde s’est rallié à la loi de séparation des Églises et de l’État, qui, comme vous l’avez dit, a mis fin au Concordat. Il a toutefois fallu quinze ans pour accepter l’idée d’associations distinctes pour le cultuel. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la République, en 1901, a créé la loi d’association et, en 1905, la loi cultuelle.
Reconnaissons qu’il s’agit bien d’une richesse que nous envient en partie les territoires relevant du Concordat ; d’ailleurs, l’Alsace-Moselle a répliqué, dans son droit local, cette distinction entre le droit associatif et le droit associatif culturel.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, nous voulons non pas les fusionner – ce serait l’inverse de ce que nous nous efforçons de faire –, mais les distinguer. Nous disons aux musulmans de France, comme à tous les cultes : « Tout aux croyants en tant que culte, mais rien aux croyants en tant que force politico-culturelle ».
Tel est l’objet exact de notre texte. Je reconnais qu’il est original dans le concert des nations, mais c’est ce qui fait, je crois, la grandeur de notre pays.