L’article 27 fait partie de ceux qui peuvent susciter des discussions, notamment à propos des cultes. Il est très important de comprendre l’intérêt public d’une telle disposition.
Comme l’a très bien dit M. Sueur, quand une association cultuelle se crée, elle indique dans ses statuts qu’elle en est une. Cela lui procure des avantages : exemption d’impôts locaux, de taxe d’aménagement, de droits de mutation, etc. Et, comme nous le verrons bientôt, la loi lui offre encore plus d’avantages, notamment s’agissant des reçus fiscaux, entre autres.
Toutefois, dès lors que les statuts indiquent qu’il s’agit d’une association cultuelle déposée, il n’existe aucun moyen de vérifier la conformité entre l’activité et les statuts ; nous le savons, d’expérience, au ministère de l’intérieur. Certains d’entre vous prétendent que de tels contrôles seraient liberticides ou compliqués.
Or ce n’est pas à des femmes et à des hommes politiques que j’apprendrai que cela s’applique déjà pour les partis politiques ! Il ne suffit pas d’indiquer dans ses statuts que l’on est un parti politique pour bénéficier des avantages relatifs aux reçus fiscaux, le tout sans contrôle sur la comptabilité ou l’activité. Il n’est pas question d’utiliser les moyens des partis politiques pour faire autre chose que ce qui est prévu à l’article 4 de la Constitution. Vous savez bien que de telles pratiques seraient condamnées.
Or il n’y a pas d’équivalent de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour les cultes ; d’ailleurs, ce n’est pas ce que nous proposons.
Les cultes demandent simplement que, à l’instar de ce qui existe pour d’autres associations spécialisées bénéficiant d’avantages particuliers, comme les partis politiques, l’activité réelle soit bien conforme à l’objet indiqué dans les statuts. Or tel n’est pas toujours le cas ; je pourrais vous en donner d’innombrables exemples.
Pour répondre à ceux qui jugent de tels contrôles complexes, je lirai un extrait de la page 37 de l’avis du Conseil d’État, qui est pourtant très sourcilleux sur la liberté de culte et le fonctionnement du monde associatif : « Cette procédure sera moins contraignante pour les associations tout en permettant à l’administration d’atteindre le même objectif en se consacrant à l’examen des cas les plus litigieux. »
En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, en présentant vos amendements, vous n’avez pas évoqué ce qui se passe en pratique. Aujourd’hui, l’association cultuelle demande un rescrit à l’administration.
La qualité cultuelle ne se décrète pas ex nihilo ; il faut faire une intervention auprès du ministère de l’intérieur, qui donne un rescrit administratif. Cela nous permet de vérifier non pas ce qui est ou non une association, ou ce qui relève ou non d’un culte, mais, tout simplement, s’il n’y a pas détournement – c’est sans doute cela que l’on attend de la part des agents publics –, c’est-à-dire si l’activité de l’association cultuelle est bien conforme à l’objet inscrit dans ses statuts.
C’est tellement vrai que l’on peut attaquer une association, souvent devant le juge judiciaire, lorsque son activité n’est pas conforme à ses statuts. Il existe des dispositions spécifiques en ce sens. À cet égard, le régime en vigueur en Alsace-Moselle est bien plus avancé que le droit national.
Cet article ne crée donc pas de complications. Le Conseil d’État lui-même considère qu’il simplifie le système.
Il y a une volonté extrêmement forte de l’État non pas de contrôler ce qui relève du culte, mais de vérifier l’utilisation des avantages donnés à l’association, car il y a beaucoup d’argent public à la clé.
Dans nos territoires, les exemples sont innombrables. Il est malheureusement très courant que des associations utilisent l’activité cultuelle pour faire autre chose que du cultuel, par exemple du scolaire, du sportif ou du culturel, dans les lieux qu’elles exploitent. Si le régime de la loi de 1901 est parfois détourné pour des activités relevant de la loi de 1905, l’inverse existe aussi.
C’est le point d’achoppement de notre discussion. Et cela me permet de répondre à l’interrogation qu’a soulevée un sénateur membre du groupe CRCE.
Pour des raisons que le Conseil d’État nous a expliquées et que nous avons bien voulu accepter, nous n’avons pas pu distinguer l’associatif type 1901 du cultuel type 1905. Il y a donc les « mixtes », qui, tout en étant des associations de type 1901, réclament la reconnaissance de leur qualité cultuelle.
Néanmoins, une telle confusion des genres ne sert ni l’esprit de la laïcité, ni le culte, qui se confond avec le culturel, ni les élus locaux, parfois enclins à croire sur parole ce qui figure dans les statuts sans vérifier qu’il s’agit bien d’associations cultuelles, ni, finalement, ce que nous voulons faire dans le cadre du présent projet de loi.
Certes, les oppositions peuvent s’exprimer, mais elles sont en contradiction avec l’esprit même de ce que nous souhaitons : distinguer réellement ce qui relève du cultuel et qui doit être aidé et ce qui relève du culturel et qui n’a rien de religieux.