Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 8 avril 2021 à 15h10
Respect des principes de la république — Articles additionnels après l'article 27

Gérald Darmanin :

Oui, mais dans votre amendement, le préfet donne simplement un avis.

Trois arguments m’ont fait, à regret, changer d’avis.

Le premier est un argument de fond : il n’existe pas de spécialisation du droit de l’urbanisme par type de bâtiment. Par conséquent, on peut penser que le Conseil constitutionnel aurait censuré une telle disposition. C’est un argument de droit et il n’aurait pas été raisonnable – on peut le regretter – de détricoter le droit de l’urbanisme au travers de ce texte. Il sera néanmoins intéressant d’approfondir cette question.

Le second argument est que l’Association des maires de France n’y était pas favorable. J’ai rencontré ses représentants, que ce soit François Baroin ou André Laignel. J’ai bien travaillé avec eux lors de la préparation de ce texte et nous avons finalement considéré qu’un avis simple du préfet permettrait déjà aux élus de partager leurs difficultés, sans pour autant remettre en cause le pouvoir du maire en matière d’urbanisme. Il est vrai que le maire doit pouvoir répondre devant sa population de ce type de décision. Je n’étais pas totalement convaincu par cet argument, mais ayant été maire moi-même, je ne le trouve pas non plus malavisé.

Troisième argument, on ne sait pas toujours que le bâtiment qui fait l’objet du permis de construire sera destiné à l’exercice d’un culte – sa destination peut changer à un moment ou à un autre. Nous aurions donc pu tromper les Français en prenant la disposition que j’envisageais.

Vous le voyez, j’avais pensé à insérer une disposition qui, comme dans une voiture d’auto-école, permettait de reprendre la main… Avec cet amendement, nous ne cédons donc pas à la tyrannie de l’instant, même si ce qui s’est passé à Strasbourg m’a beaucoup incité à vous proposer une mesure.

Ce qui est certain, c’est que le droit en vigueur ne nous permet pas de garantir à coup sûr l’intérêt général, qu’il soit local ou national. La préfète de Strasbourg a déféré la délibération du conseil municipal, lorsque celle-ci lui a été transmise au titre du contrôle de légalité. Nous verrons bien ce que dira le tribunal administratif, mais je me fais peu d’illusions, sauf à considérer que celui-ci prenne en compte des arguments patriotiques, ce qui peut évidemment arriver dans certaines situations où la question de l’intérêt général est très prégnante.

Je constate d’ailleurs que cet acte fait naître bien des discussions. Mme la maire dit même maintenant qu’il s’agit non pas d’une subvention, mais d’une autorisation éventuelle de subvention…

Cet amendement ne tend pas à prévoir un contrôle a priori. Il vise simplement à ce que la commune ou le département informe au préalable le préfet s’il souhaite garantir un emprunt ou conclure un bail emphytéotique destiné à un édifice cultuel.

Monsieur Savoldelli, j’entends votre position sur le fait que l’État ou les collectivités locales ne doivent pas aider les cultes et je la respecte, mais cela ne date pas d’hier ! D’ailleurs, certains baux emphytéotiques vont arriver à échéance dans quelques années, dans dix ou quinze ans peut-être, et nous devrons nous poser la question de leur prolongation éventuelle.

En tout cas, la procédure que nous proposons ne concerne pas, au fond, les collectivités locales, madame de La Gontrie. Nous ne prévoyons pas de réformer la décision de la collectivité, mais le préfet pourra, le cas échéant, retirer la qualité cultuelle à l’association en question. C’est pour cette raison que je m’interrogeais sur la compréhension de l’article 27 du projet de loi par le sénateur Jean-Pierre Sueur.

Je le répète, il ne s’agit pas d’actionner le droit des collectivités locales, même s’il est évidemment toujours possible de déférer une délibération devant le tribunal administratif – c’est une autre procédure –, il s’agit d’agir sur la qualité de l’association à s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905. Si un maire qui envisage de signer un bail emphytéotique ou de garantir un emprunt doit le signaler au préfet, celui-ci pourra regarder la situation et utiliser les renseignements dont il dispose pour, éventuellement, retirer à l’association sa qualité cultuelle. L’association pourra alors saisir le juge pour contester cette décision.

Cette procédure empêchera une collectivité de signer un bail à vocation cultuelle avec une association n’ayant pas cette vocation. Pour autant, elle n’empêchera pas la collectivité de prendre telle ou telle décision ; c’est la qualité cultuelle de l’association qui se voit éventuellement remise en cause.

Il ne s’agit donc pas d’un contrôle a priori de la légalité d’un acte d’une collectivité locale.

C’est un amendement important qui permet certes de répondre à l’actualité, mais surtout, comme l’ont dit les sénateurs Longuet, Dallier et Boyer, non pas de donner aux collectivités une sorte de blanc-seing, mais de leur offrir un accompagnement clair et précis de la part de l’État. Il s’agit de faire travailler ensemble les élus et le préfet et, si l’une des parties ne fait pas son travail, ce sera sans doute l’État !

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